Cour de cassation de Belgique Arrêt N S.08.0126.F COMMISSION COMMUNAUTAIRE FRANCAISE, agissant à la diligence et l'intervention du ministre, membre du collège de la Commission communautaire française, chargé du Budget, de la Politique d'aide aux personnes handicapées et du Tourisme, dont le cabinet est établi à Bruxelles, ( ), demanderesse en cassation, représentée par Maître Huguette Geinger, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue des Quatre Bras, 6, où il est fait élection de domicile, contre A. C., défendeur en cassation, représenté par Maître Michel Mahieu, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, avenue Louise, 523, où il est fait élection de domicile. 1
I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 16 juin 2008 par la cour du travail de Bruxelles. Le conseiller Alain Simon a fait rapport. Le procureur général Jean-François Leclercq a conclu. II. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - articles 6, 24 et 25 du décret de la Commission communautaire française du 4 mars 1999 relatif à l'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées ; - articles 29 et 29bis de l'arrêté 99/262/A du collège de la Commission communautaire française du 25 février 2000 relatif aux dispositions individuelles d'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées mises en œuvre par le service bruxellois francophone des personnes handicapées ; - article 5.1 de l'annexe 1 de l'arrêté 99/262/A du collège de la Commission communautaire française du 25 février 2000 relatif aux dispositions individuelles d'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées, mises en œuvre par le service bruxellois francophone des personnes handicapées. Décisions et motifs critiqués L arrêt reçoit l'appel de la demanderesse, le dit non fondé et confirme le jugement entrepris. Ainsi l arrêt dit la demande originaire fondée et condamne la demanderesse à la prise en charge au bénéfice du défendeur, 2
dans le cadre de l'article 29bis de l'arrêté du 25 février 2000, des accessoires suivants : - adaptation repose-tête escamotable électriquement à gauche ; - dossier sur mesure en toile capitonnée ; - accoudoir droit escamotable vers le haut ; - accoudoirs sur mesure ; - tablette plexi sur mesure avec loge pour laptop et supports en inox ; - plaque pour coque/coussin monté sur voiturette ; - repose jambes électrique ; - bac de rangement articulé au dossier ; - système true track. L arrêt condamne la demanderesse aux dépens. L arrêt fonde sa décision sur les motifs suivants : «III. En droit La cour [du travail] observe d'emblée que l'interprétation qu'a faite le premier juge de l'article 29 de l'arrêté du 25 février 2000 est tout a fait juste et correcte. L'interprétation que la [demanderesse] entend quant à elle donner de cette disposition ainsi que de son annexe 1 est non seulement incorrecte mais aussi restrictive. C'est à tort que la [demanderesse] prétend que [le défendeur] solliciterait une intervention complémentaire dans le cadre d'un cas expressément prévu à l'annexe 1 précitée, alors qu'aucun des accessoires personnalisés ou supplémentaires litigieux, non seulement nécessaire mais indispensable à son intégration, n'est prévu à ladite annexe. [Le défendeur] se trouvait dans les conditions pour obtenir l'intervention de l'assurance soins de santé pour l'achat d'une voiturette électronique et de certains accessoires insuffisants pour lui permettre une autonomie suffisant à une intégration réelle dans la vie sociale et professionnelle. 3
Pour atteindre le but de cette intégration réelle, certains accessoires pris en charge par l'assurance soins de santé doivent faire l'objet d'adaptations spécifiques, tandis que d'autres accessoires doivent être acquis. Comme le souligne pertinemment [le défendeur] dans ses conclusions, il n'est nullement question, comme le soutient [la demanderesse], d'exclure la compétence de l'institut national d assurance maladie-invalidité, mais bien de compléter celle-ci en invitant précisément la [demanderesse] à remplir l'une de ses missions essentielles, qui est de favoriser au maximum l'intégration sociale et professionnelle de la personne handicapée en intervenant dans le coût supplémentaire d'une aide individuelle dès lors que celle-ci est justifiée par le handicap de la personne concernée. En l'espèce, c'est à raison que le tribunal du travail a considéré qu'il appartenait à la [demanderesse] de prendre en charge les accessoires litigieux mais en application de l'article 29bis dès lors qu'ils n'étaient pas prévus à l'annexe 1 de l'arrêté du 25 février 2000». Le tribunal du travail, dont les motifs sont approuvés par la cour du travail, avait considéré à ce sujet : «9. Les dispositions légales et réglementaires applicables sont les suivantes : D'une part, les articles 24 et 25 du décret du 4 mars 1999 relatif à l'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées. L'article 24 de ce décret prévoit que, en vue de favoriser l'intégration sociale des personnes handicapées, le collège détermine les conditions d'intervention dans les frais de déplacement, à condition que la personne handicapée soit incapable, par suite de sa déficience, d'utiliser seule un moyen de transport en commun, et dans le coût des aides matérielles, des aides pédagogiques, des aides à la communication, des aménagements mobiliers et immobiliers ou de toute autre aide individuelle, nécessaires à l'intégration de la personne handicapée. L'article 25 précise quant à lui que ces interventions sont uniquement accordées à la personne handicapée pour couvrir les frais qui, en raison de sa déficience, sont indispensables à son intégration et que ces frais doivent 4
constituer des dépenses supplémentaires par rapport à celles encourues par une personne valide dans des circonstances identiques. D'autre part, les articles 29 et 29bis (anciennement 29, alinéas 1 er et 2) de l'arrêté du collège de la Commission communautaire française du 25 février 2000 relatif aux dispositions individuelles d'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées mises en œuvre par le service bruxellois francophone des personnes handicapées. L'article 29 prévoit qu'une intervention peut être accordée aux personnes handicapées dans le coût d'aides individuelles à l'intégration dans les cas et aux conditions prévues à l'annexe qu'il comporte (annexe 1). L'article 29bis énonce pour sa part que, pour les cas non prévus à l'annexe 1 et dans les limites budgétaires, l'équipe pluridisciplinaire est compétente pour déterminer si l'intervention demandée répond aux conditions générales du décret et de l'arrêté, si elle est nécessaire et indispensable à l'intégration sociale et professionnelle. L'article 30 du même arrêté prévoit enfin que l'intervention de [la demanderesse] ne peut être accordée dans l'hypothèse où les frais en cause font l'objet d'une autre indemnisation. 10. En l'espèce, il n'est pas contesté que les accessoires dont [le défendeur] demande la prise en charge ne font pas l'objet d'un remboursement dans le cadre de l'assurance soins de santé. Sa demande est subsidiaire à l'intervention de ce régime. L'article 30 de l'arrêté du 25 février 2000 ne peut donc constituer un motif de refus d'intervention. 11. Il est également acquis qu'aucun des accessoires litigieux n'est visé par l'annexe 1 de l'arrêté du 25 février 2000 et ne pouvait donc être accordé sur la base de l'article 29 de cet arrêté. Le seul accessoire compris dans l'annexe 1, à savoir les accroche-taxi, a été pris en charge par la décision en litige. 12. Le tribunal [du travail] considère par ailleurs que la demande [du défendeur] aurait dû être examinée sous l'angle de l'article 29bis de l'arrêté du 25 février 2000. 5
Le tribunal [du travail] relève à cet égard que rien ne permet de considérer que cette disposition ne trouverait à s'appliquer qu'à des types d'aides non visées à l'annexe 1, par exclusion à des aides visées à cette annexe mais pour lesquelles les conditions d'intervention ne seraient pas remplies. Au contraire, les termes tout à fait généraux pour les cas non prévus paraissent viser tant l'une que l'autre de ces deux hypothèses. Pour le surplus, [la demanderesse] ne démontre nullement que les aides litigieuses seraient des aides visées à l'annexe 1 mais pour lesquelles les conditions d'intervention ne seraient pas remplies». Griefs L'article 24 du décret de la Commission communautaire française du 4 mars 1999 relatif à l'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées prévoit, en son premier alinéa, que, en vue de favoriser l'intégration sociale des personnes handicapées, qui remplissent les conditions énumérées à l'article 6 de ce décret, le collège détermine les conditions d'intervention 1 dans les frais de déplacement à condition que la personne handicapée soit incapable, par suite de sa déficience, d'utiliser seule un moyen de transport en commun et 2 dans le coût des aides matérielles, des aides pédagogiques, des aides à la communication, des aménagements mobiliers et immobiliers ou de toute autre aide individuelle, nécessaires à l'intégration de la personne handicapée. Selon le deuxième alinéa de cette même disposition, le collège fixe les montants maxima d'intervention par type d'aide ainsi que les modalités d'intervention par ses services. L'article 25 dudit décret précise quant à lui que ces interventions sont uniquement accordées à la personne handicapée pour couvrir les frais qui, en raison de sa déficience, sont indispensables à son intégration (premier alinéa) et que ces frais doivent constituer des dépenses supplémentaires par rapport à celles encourues par une personne valide dans des circonstances identiques (second alinéa). 6
En exécution de ces dispositions décrétales sont d'application les articles 29 et 29bis (anciennement, avant la modification législative du 13 juillet 2006, formant l article 29, alinéas 1er et 2) de l'arrêté du collège de la Commission communautaire française du 25 février 2000 relatif aux dispositions individuelles d'intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées mises en œuvre par le service bruxellois francophone des personnes handicapées. L'article 29 précité prévoit que, «dans les limites budgétaires, une intervention peut être accordée aux personnes handicapées dans le coût d'aides individuelles à l'intégration dans les cas et aux conditions prévues à l'annexe 1». L'article 29bis, alinéa 1 e r, précité énonce que, «pour les cas non prévus à l'annexe 1 et dans les limites budgétaires, l'équipe pluridisciplinaire est compétente pour déterminer si l'intervention demandée répond aux conditions générales du décret et de l'arrêté, si elle est nécessaire et indispensable à l'intégration sociale et professionnelle». L'article 5 de l'annexe 1 dudit arrêté du collège de la Commission communautaire française du 25 février 2000 dispose : «5. Aides à la mobilité 5.1. Voiturette Conditions a) La voiturette doit figurer sur la liste des appareils enregistrés susceptibles d'être remboursés par l'assurance obligatoire soins de santé. b) Le demandeur doit produire la preuve du refus de l'assurance obligatoire soins de santé. c) Le refus d'intervention de l'assurance obligatoire soins de santé ne peut être imputé au demandeur. d) L'administration intervient dans le coût d'une voiturette supplémentaire à celle dont dispose déjà la personne handicapée lorsque, pendant le délai de renouvellement de la prestation accordée par l'assurance obligatoire soins de santé, une seconde voiturette est prescrite et justifiée en 7
raison de l'utilisation au domicile d'un élévateur d'escalier avec siège ou si le véhicule automobile n'a pas été adapté, en raison de difficultés de transport ou de manipulation de la voiturette. e) Les délais de renouvellement de l'administration sont identiques à ceux appliqués par l'assurance obligatoire soins de santé. f) Les conditions de remplacement de la voiturette avant la fin du délai de renouvellement sont identiques à ceux appliqués par l'assurance obligatoire soins de santé : - le demandeur doit fournir une prescription motivée d'un médecin spécialiste du handicap du demandeur attestant que l'évolution de la déficience est à l'origine de la demande ; - ou une attestation d'un prestataire agréé par l'institut national d assurance maladieinvalidité déclarant que la voiturette est irréparable et que l'usure ne peut être imputable à un usage impropre ou brutal. g) Les accessoires de voiturette ne sont accordés que s ils ne sont pas codifiés et qu'ils consistent à servir soit en tant qu'éclairage, porte-appareil indispensable à la personne (canne, respirateur,...), fixation-taxi, ou en tant que chauffage pour les mains. Modalités Intervention dans le coût limitée à la valeur de la voiturette fixée par la nomenclature de l'assurance obligatoire soins de santé et selon les montants de remboursement afférents». Il est ainsi accordé à la personne handicapée une aide matérielle à la mobilité, tendant à couvrir une partie des frais liés à l'achat d'une voiturette. Cette aide particulière à la mobilité par le financement partiel de la voiturette électrique est soumise aux conditions énumérées à l'article 5 de l'annexe 1 de l'arrêté du collège susvisé. Par exemple, la voiturette doit figurer sur la liste des appareils enregistrés susceptibles d'être remboursés par l'assurance obligatoire soins de santé [article 5. 1, a)] et les accessoires de voiturette ne sont accordés que s ils ne sont pas codifiés et qu'ils consistent à servir soit en tant qu'éclairage, porte-appareil indispensable à la personne (canne, 8
respirateur,...), fixation-taxi, ou en tant que chauffage pour les mains [article 5. 1, g)] comme le faisait valoir la demanderesse en ses conclusions d'appel. Cette aide particulière à la mobilité par l'intervention partielle dans le coût d'une voiturette constitue dès lors un «cas» (soumis à des conditions particulières) au sens de l'article 29 dudit arrêté du collège. Les accessoires de voiturette ne sont accordés que s'ils tombent sous les conditions mentionnées, notamment, par l'article 5. 1, g). L'article 29bis dudit arrêté du collège est destiné à permettre l'intervention dans les cas où l'intervention n'a pas été envisagée au moment de l'élaboration de l'annexe, parce que l'équipement n'était pas connu de l'administration et qu'il apparaît par la suite que cet équipement nouveau est nécessaire à l'intégration socio -professionnelle de la personne handicapée. En aucun cas, ledit article 29bis n'a pour objet de mettre à mal l'article 29 en permettant une intervention complémentaire dans le cadre des cas prévus à l'annexe 1. Dans le cas d'espèce, la voiturette est visée à l'annexe 1 qui précise également les interventions complémentaires que la demanderesse peut prendre en charge. Il ne peut dès lors nullement être dérogé à ce cas prévu dans l'annexe 1, sur la base de l'article 29bis, comme le précisait la demanderesse en ses conclusions d'appel. Toute intervention par la demanderesse dans l'achat d'accessoires ou dans les frais de la modification ou de l'adaptation de la voiturette électrique de la personne handicapée ne pourra dès lors être envisagée que sous l'angle des dispositions de l'article 5.1 de l'annexe 1 dudit arrêté du collège. L arrêt constate que l'action du défendeur tendait à entendre condamner la demanderesse à la prise en charge de frais afférents à certains accessoires pour la voiturette électrique du défendeur, sans constater que ces accessoires remplissent les conditions de l'article 5. 1, g), de l annexe 1 de l'arrêté du collège du 25 février 2000. L arrêt n'a dès lors pu légalement décider que la demanderesse prétendait à tort que le défendeur sollicitait une intervention complémentaire dans le cadre d'un cas expressément prévu à l'annexe 1 précitée, et que c'est à 9
raison que le premier juge avait considéré qu'il appartenait à la demanderesse de prendre en charge les accessoires litigieux en application de l'article 29bis dès lors qu'ils n'étaient pas prévus à l'annexe 1 de l'arrêté du 25 février 2000. L arrêt viole ainsi les dispositions légales mentionnées au moyen. III. La décision de la Cour L article 29 de l arrêté du collège de la Commission communautaire française du 25 février 2000 relatif aux dispositions individuelles d intégration sociale et professionnelle des personnes handicapées mises en œuvre par le service bruxellois francophone des personnes handicapées dispose que, dans les limites budgétaires, une intervention peut être accordée aux personnes handicapées dans le coût d aides individuelles à l intégration dans les cas et aux conditions prévues à l annexe 1. L article 5.1, g), de cette annexe prévoit que les accessoires de voiturette ne sont accordés que s ils ne sont pas codifiés et qu ils consistent à servir soit en tant qu éclairage, porte-appareil indispensable à la personne (canne, respirateur,...), fixation-taxi ou en tant que chauffage pour les mains. En vertu de l article 29bis, alinéa 1er, du même arrêté, pour les cas non prévus à l annexe 1 et dans les limites budgétaires, l équipe pluridisciplinaire est compétente pour déterminer si l intervention demandée répond aux conditions générales du décret du 4 mars 1999 de l assemblée de la Commission communautaire française et de l arrêté et si elle est nécessaire et indispensable à l intégration sociale et professionnelle. Contrairement à ce que soutient la demanderesse, les cas non prévus à l annexe 1, visés à l article 29bis, alinéa 1er, de l arrêté précité, ne se limitent pas à ceux où l intervention n a pas été envisagée au moment de l élaboration de cette annexe parce que l équipement concerné n était pas connu de l administration mais ils comprennent tous les accessoires de voiturette qui ne sont pas énumérés à l article 5. 1, g), de ladite annexe 1. L arrêt, qui constate que les accessoires litigieux ne sont pas repris à l article 5.1, g), de l annexe 1 de l arrêté du 25 février 2000, ne viole aucune 10
des dispositions légales visées au moyen en appliquant, pour dire la demande fondée, l article 29bis de cet arrêté. Le moyen ne peut être accueilli. Par ces motifs, La Cour Rejette le pourvoi ; Condamne la demanderesse aux dépens. Les dépens taxés à la somme de deux cent cinquante et un euros trente-huit centimes envers la partie demanderesse et à la somme de nonante et un euros soixante-quatre centimes envers la partie défenderesse. Ainsi jugé par la Cour de cassation, troisième chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Paul Mathieu, les conseillers Daniel Plas, Christine Matray, Martine Regout et Alain Simon, et prononcé en audience publique du onze mai deux mille neuf par le président de section Paul Mathieu, en présence du procureur général Jean-François Leclercq, avec l assistance du greffier Jacqueline Pigeolet. J. Pigeolet A. Simon M. Regout C. Matray D. Plas P. Mathieu 11