Corr. Namur, 10 e ch., 22 octobre 2001



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Transcription:

Corr. Namur, 10 e ch., 22 octobre 2001 Siège : M. Scarcez (juge unique) Plaid.: MM es Preumont, Servais, de Pauw et Delforge loco Poncelet R.G., n 1895 (Ministère public [aud. trav.] c. A, B, C et D). Les faits Attendu que les faits de la cause peuvent être résumés comme suit : - en date du 4 décembre 1996, X, époux de la partie civile Y, a été victime d un accident mortel alors qu il travaillait sur un tour horizontal en qualité d ouvrier pour les établissements Z, à, civilement responsable ; - atteint à la tête par la projection d un taquet de serrage éjecté du plateau du tour, X est décédé sur le coup ; - à la suite de cet accident, une enquête, menée par un ingénieur au ministère de l Emploi et du Travail, M. François Cloosen, a été demandée par M me l auditeur du travail ; Au pénal Attendu que les prévenus contestent les préventions retenues à leur charge, telles que libellées à la citation ; Attendu que chacun d eux s estime exempt de toute responsabilité, tant en ce qui concerne l accident survenu le 4 décembre 1996 que les conséquences dommageables de ce dernier ; Attendu qu il y a donc lieu d examiner les préventions ; En ce qui concerne le prévenu A Attendu qu il ressort du dossier, des déclarations des prévenus et des témoins à l audience que c est sur l insistance de la BBL, banquier gagiste de la société 133

BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL ET RESPONSABILITÉ PÉNALE Z, civilement responsable, que le prévenu A a été désigné à la direction de l entreprise, en qualité de directeur indépendant, aux fins de remédier aux difficultés financières et de gestion qu elle rencontrait ; Attendu que l arrivée du prévenu A à la tête de la société a été très mal vécue par T ; Qu entendu comme témoin à l audience, T a même déclaré «En tant que dirigeant, j avais été déchu de mon poste d administrateur délégué et on m avait recommandé de m occuper du commercial et pas d autre chose. Ma déchéance faisait suite à des problèmes dans la société ; l administration relevait de A» ; Attendu qu il ne fait aucun doute que A, B et C, se sont maintenus dans la société et ce dans des fonctions d autorité ; que cela ressort notamment des déclarations de A, lui-même à l audience du 27 novembre 2000 : «X et étaient à mon service au moment de l accident», de celles du prévenu : «Même quand A était là, T continuait à organiser le travail ; il avait des altercations avec M. A» mais également de celles de l inspecteur I. à l audience du 25 septembre 200 : «J ignorais que A était dans l entreprise ; pourtant je contactais toujours le directeur avant de faire une visite ( ) Cela m étonnerait que, vu le suivi de cette entreprise, je sois resté un an sans visiter l entreprise, d autant qu il y avait un dossier ouvert à l auditorat» ; Attendu dès lors que malgré la structure imposée par la BBL, B et C ont continué à exercer la réelle direction de l entreprise ; Attendu qu il ressort enfin des déclarations du prévenu qu il lui était impossible de remplir la mission qui lui était assignée et qu il n a eu d autre recours que de démissionner, B n ayant jamais accepté de s effacer dans le cadre de la gestion de l entreprise ; Attendu en ce qui concerne l imputabilité des infractions reprochées au prévenu qu il convient de relever que si sur papier (et à cet égard l organigramme de la société reprenant X en qualité de victime paraît suspect et avoir en tout état de cause été tracé après l accident litigieux) le prévenu B assurait la gestion journalière de la société en ce compris ce qui concernait la sécurité, il n en était pas ainsi dans la pratique ; Attendu en effet que l attitude de B, ainsi qu exposé ci-dessus, l a empêché de remplir complètement sa mission et plus particulièrement celle relative à la sécurité ; Que ce n est pas parce que le prévenu a participé aux réunions du comité de sécurité et d hygiène dans «le souci de répondre le mieux possible, et dans la mesure 134

ANNEXES du possible, aux exigences de sa fonction» qu il remplissait effectivement les fonctions de responsable de la sécurité que lui impute ; Qu ainsi qu il l a déclaré à l audience, le prévenu a bien tenté, à quelques reprises de remédier à de ponctuels problèmes de sécurité et ce avec les moyens dont il disposait ; qu il a cependant insisté sur le fait qu il n avait reçu aucune plainte en ce qui concerne la sécurité de la machine sur laquelle travaillait la victime au moment de l accident ; qu il était aidé dans cette tâche par ; Attendu que lorsque le témoin T déclare qu on «ne pouvait traverser la partie la plus ancienne de l usine sans s apercevoir des manquements de sécurité», il ne faut pas perdre de vue qu il avait été chargé par Mme l auditeur du travail de procéder à une enquête approfondie dans le cadre du premier accident mortel survenu dans l entreprise ; qu il n aurait pas dû manquer dans le cadre de sa mission d attirer l attention des représentants de sur la situation dangereuse que présentait, à son estime, la vétusté des bâtiments et du matériel ; Qu il ressort du dossier et de l instruction d audience qu il semble n en avoir rien fait, en tout cas en ce qui concerne le prévenu A puisqu à l audience, faut-il le rappeler, le témoin T a déclaré ne pas savoir que A travaillait à la direction de l entreprise ; Que les allégations de A entendu à l audience du 27 novembre 2000, aux termes desquelles B était le responsable de la sécurité qui devait remédier aux carences de l entreprise, carences de toutes natures, ne peuvent s interpréter comme suit : A devait être le seul à même de diriger l entreprise, de veiller à la sécurité des ouvriers et à leur bonne utilisation continuelle des machines mises à leur disposition ; Qu il résulte dès lors de ce qui précède que, dans la réalité, le prévenu A s est trouvé dans la totale impossibilité d exercer les tâches qui lui étaient assignées en raison de la mission confiée ; que bien au contraire, dans la réalité des choses, B et C se sont maintenus dans l exercice des fonctions qui étaient les leurs avant l arrivée de A, et notamment l organisation du travail et la sécurité des ouvriers ; Qu il ressort encore des déclarations faites à l audience que B et C ont continué à donner des instructions aux ouvriers ; que B a d ailleurs déclaré s occuper des devis et de leur suivi après l arrivée de A, ce qui laisse supposer qu il ne pouvait que donner les instructions nécessaires à ce suivi aux ouvriers chargés de la réalisation des commandes ; 135

BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL ET RESPONSABILITÉ PÉNALE Attendu dès lors qu il ne peut être fait grief au prévenu A de n avoir pas évalué les risques pour la sécurité et la santé des travailleurs, y compris le choix des équipements de travail et de déterminer les mesures de protection à prendre et le matériel de protection à utiliser, n ayant pas été mis au courant par les services de l inspection du travail et surtout par la direction de fait qui était exercée ; Attendu encore que le prévenu A ne peut être tenu pour responsable d une mauvaise utilisation d une machine par un ouvrier, tel un manque de serrage ou une vitesse excessive ; que même un expert a déclaré à l audience qu humainement il n était pas possible de vérifier l utilisation de chaque machine par chaque ouvrier ; Que de plus, la victime avait suivi une formation organisée par le For. Em. dans le but d obtenir une qualification en qualité de tourneur, avait été engagée au sein de la société Z en qualité de stagiaire ; qu elle avait ensuite obtenu un contrat à durée déterminée et que donnant entière satisfaction à ses employeurs, elle avait pu signer le contrat à durée indéterminée qui lui était proposé ; Qu ainsi, il est clair que la victime disposait des qualifications nécessaires pour travailler sur la machine sur laquelle elle était occupée au moment de l accident ; Qu en outre, il est également ressorti du dossier que la veille de l accident, la victime avait pu faire appel aux second et troisième prévenus afin d obtenir les indications nécessaires au bon façonnement de la pièce qu il devait usiner et sur la manière optimale d utiliser la machine ; Qu ainsi, il est vain de prétendre que la victime n avait pas disposé de toutes les informations utiles pour utiliser la machine en toute sécurité ; Attendu en conséquence que les préventions 1, 2 et 3 ne sont pas demeurées établies à charge de A telles que libellées à la citation ; Attendu qu en ce qui concerne la quatrième prévention relative à la mort involontaire de X il y a lieu de relever qu il est ressorti des débats que la victime avait mal serré les taquets et imprimé une vitesse excessive au démarrage de la machine ; Que cette mauvaise manipulation de la machine par la victime est la seule cause de l accident ; Qu en effet, il ressort du dossier que la victime avait déjà travaillé à de nombreuses reprises sur le tour litigieux et avait ainsi déjà réalisé des pièces plus lourdes et plus difficiles sans le moindre problème, ce qui tend à démontrer 136

ANNEXES que seuls le mauvais serrage des taquets et la mise en marche de la machine à une vitesse inadaptée sont à la base de l accident ; qu en effet, si tel n était pas le cas, l accident se serait produit bien avant et même la veille de l accident lorsque la victime avait réalisé deux des six pièces faisant l objet de la commande ; Que l on tente vainement d argumenter sur le manque d expérience de la victime au sein de l entreprise (neuf mois seulement) et le fait que la veille encore de l accident elle s était fait aider par les second et troisième prévenus ; Attendu en conséquence que toute intervention du prévenu A aurait été vaine pour empêcher la fausse manœuvre commise par la victime X ; Attendu en conséquence que le témoin T a déclaré que la victime «travaillait très bien, était sérieux et méticuleux sur son travail avait déjà réalisé l usinage de pièces très précises et le travail était de qualité» ; qu à l audience du 27 novembre 2000, il a encore ajouté que «c était un tour, une machine tout ce qu il y a de plus simple et celui qui a fait des études de tourneur sait forcément s en servir» ; Que le prévenu B pour sa part a déclaré à l audience du 25 septembre 2000 : «X était au courant de tout, des dangers de la machine et du reste.» ; Qu ainsi, il apparaît certain que c est la seule maladresse ou l inattention de la victime X lorsqu elle a procédé au resserrage des taquets, qui est à la base de l accident qui a entraîné son décès et que le prévenu A n aurait à aucun moment pu prévoir ce qui aurait pu se passer et agir en manière telle que l accident aurait pu être évité ; En ce qui concerne les prévenus B, C et D Attendu qu il convient tout d abord d observer que l entreprise Z ne disposait pas d un grand nombre de personnel, s agissant d une société familiale dans laquelle une réelle hiérarchie était absente ; c est ainsi que les prévenus B et C, ouvriers et appartenant au personnel d exécution, tout en étant appelés à aider les plus jeunes et peut-être considérés comme des contremaîtres, des chefs d équipe, faisaient exactement le même travail que leurs compagnons de travail ; Que pas plus B que C ne proméritaient un quelconque salaire complémentaire ; qu en outre, pas plus B que C n étaient les employeurs de la victime X et n ont eu le pouvoir de se substituer à cet employeur pour quelque raison que ce soit ; qu ainsi aucun des deux prévenus, n avaient la responsabilité de l outillage sur lequel travaillait la victime au moment de l accident ; 137

BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL ET RESPONSABILITÉ PÉNALE Attendu que les préposés visés par les dispositions pénales des lois sociales sont «ceux qui occupent une position hiérarchique telle qu ils ont le pouvoir de veiller au respect de la loi sociale dans l entreprise et jouent de ce fait, à l égard des autres salariés, le rôle de l employeur» (F. KÉFER, Réponses originales à la délinquance d entreprise, La Charte, 1997, n 199) ; Attendu qu il est reproché aux prévenus B et C d avoir omis de fournir à la victime X une formation adéquate et suffisante à la santé et à la sécurité et de prendre toutes les mesures nécessaires afin qu il dispose des informations adéquates sur les équipements de travail ; Attendu qu ainsi qu il a été dit ci-avant, la victime X avait suivi une formation organisée par le For. Em. dans le but d obtenir une qualification en qualité de tourneur, puis avait été engagée au sein de l entreprise qui occupait tant B que C, en qualité de stagiaire d abord, puis de tourneur sous contrat à durée déterminée, puis à durée indéterminée ; Qu ainsi, il est clair que la victime disposait des qualifications nécessaires pour travailler sur la machine sur laquelle elle était occupée au moment de l accident ; Attendu que pas plus B que C n avaient le pouvoir de donner une formation de tourneur à la victime X que bien au contraire, cette formation a été dispensée par les services du For. Em., habilité à délivrer le brevet de tourneur ; Attendu qu ensuite, la machine sur laquelle travaillait la victime se trouvait dans l atelier depuis de très nombreuses années et n avait posé aucun problème de manipulation, s agissant d un tour conventionnel ; Que la veille de l accident, la victime avait fait appel aux second et troisième prévenus afin d obtenir les indications nécessaires au bon façonnement de la pièce qu il devait usiner et sur la manière optimale d utiliser la machine ; Qu ainsi, il est vain de prétendre que la victime n avait pas disposé de toutes les informations utiles pour utiliser la machine en toute sécurité ; Que le prévenu B pour sa part a déclaré à l audience du 25 septembre 2000 : «En bloquant les taquets, il n y a aucun danger. L attention avait été attirée par moi sur l utilisation de cette machine. X l avait compris. Je lui avais bien expliqué de serrer les taquets. Cela aurait été dangereux de ne pas lui expliquer» ; Attendu donc que tant le prévenu B que le prévenu C sont des agents d exécution transmettant un savoir ouvrier à un jeune formé par le For. Em., capable d enregistrer les informations qui lui sont données ; 138

ANNEXES Attendu que l on a encore reproché d avoir procédé à des aménagements sur la machine litigieuse après l accident ; qu il faut à cet égard relever que tant B que C ne disposaient ni des compétences, ni des pouvoirs pour apporter des modifications si minimes soient-elles ; que les modifications qui ont été apportées ne visent pas à empêcher un nouvel accident mais bien à réduire le risque de projection de taquets ; qu enfin, lorsque ces modifications ont été apportées, le prévenu D avait quitté l entreprise ; Qu en ce qui concerne la prévention relative à la mort involontaire de X, il faut rappeler que l article 18 de la loi sur le contrat de travail en tant qu il énonce une exonération de responsabilité du travailleur en raison des fautes commises au préjudice de collègues ou de tiers, sauf en cas de dol, de faute lourde ou de faute légère habituelle, s oppose, lorsque ces circonstances d exception ne sont pas vérifiées, à ce que telle prévention soit imputée à charge du travailleur salarié pour des actes liés à l exécution de son contrat ; Attendu qu il est patent que les prévenus B, C et D n ont commis aucun dol ni aucune faute lourde ou faute légère habituelle ; que d ailleurs, la réclamation de la partie civile n impute aucune faute aux prévenus, la seule responsabilité dans l accident selon elle devant être recherchée dans le chef de l employeur ; Que pas plus B que C n ont commis de faute en rapport avec le suivi du travail réalisé par la victime X ; Attendu qu en conséquence, il découle de ce qui précède que les préventions retenues à charge des prévenus, telles que libellées à la citation ne sont pas demeurées établies et qu il y a lieu de les en acquitter ; Quant à la réclamation de la partie civile Attendu qu en raison de l acquittement des prévenus, le tribunal est sans compétence pour connaître de la réclamation de la partie civile ; Par ces motifs Le Tribunal, Statuant contradictoirement à l égard de la partie civile, des prévenus de la société en liquidation et de l intervenante volontaire, la s.a. Fortis AG : Donne acte à la s.a. Fortis AG de son intervention volontaire ; Dit les préventions retenues à charge des prévenus ; Acquitte les prévenus et les renvoie des poursuites sans frais, ceux-ci restant à charge de l État ; 139

BIEN-ÊTRE AU TRAVAIL ET RESPONSABILITÉ PÉNALE Met hors cause la société civilement responsable ; Dit sans objet l intervention volontaire de la s.a. Fortis AG ; Se déclare incompétent pour statuer sur la réclamation de la partie civile en raison de l acquittement des prévenus. 140