Numéro du rôle : 5803. Arrêt n 30/2015 du 12 mars 2015 A R R E T



Documents pareils
Numéro du rôle : Arrêt n 151/2012 du 13 décembre 2012 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 48/2009 du 11 mars 2009 A R R E T

Numéros du rôle : 4381, 4425 et Arrêt n 137/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 36/2006 du 1er mars 2006 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 131/2011 du 14 juillet 2011 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 127/2008 du 1er septembre 2008 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 136/2008 du 21 octobre 2008 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 62/2015 du 21 mai 2015 A R R E T

Numéro du rôle : 4767 et Arrêt n 53/2010 du 6 mai 2010 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 34/2015 du 12 mars 2015 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 121/2002 du 3 juillet 2002 A R R E T

copie non corrigée A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 167/2014 du 13 novembre 2014 A R R E T

Numéros du rôle : 4527, 4528 et Arrêt n 57/2009 du 19 mars 2009 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 108/2011 du 16 juin 2011 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 118/2005 du 30 juin 2005 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 21/2011 du 3 février 2011 A R R E T

A R R E T. En cause : la question préjudicielle relative à l article 1907bis du Code civil, posée par la Cour d appel de Bruxelles.

Numéro du rôle : Arrêt n 3/2014 du 16 janvier 2014 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 181/2005 du 7 décembre 2005 A R R E T

Numéros du rôle : 5465 et Arrêt n 95/2014 du 30 juin 2014 A R R E T

Numéro du rôle : Arrêt n 147/2001 du 20 novembre 2001 A R R E T

Décrets, arrêtés, circulaires

Numéro du rôle : Arrêt n 54/99 du 26 mai 1999 A R R E T

Rôle n A - Exercices d imposition 2001 et Intérêts sur un compte courant créditeur et requalification en dividendes

REPUBLIQUE FRANCAISE. Contentieux n A et A

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE BOBIGNY -=-=-=-=-=-=-=-=-=-=- Chambre 1/Section 5 N/ du dossier : 13/ Le quatre février deux mil treize,

comparante par Maître MILLIARD, avocat au barreau de NOUMÉA,

N 25/ 07. du Numéro 2394 du registre.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, dix-neuf mai deux mille onze.

COUR DU TRAVAIL DE LIEGE Section de Liège. ARRÊT Audience publique du 17 décembre 2008 AH/SC

SENTENCE ARBITRALE DU COLLEGE ARBITRAL DE LA COMMISSION DE LITIGES VOYAGES

Les Cahiers du Conseil constitutionnel Cahier n 24

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DENICE

Tribunal de Ière Instance de Bruxelles

Association pour l Expérimentation de Nouvelles Structures d Accueil Pour Exclus (E.N.S.A.P.E.)

Commentaire. Décision n /178 QPC du 29 septembre 2011 M. Michael C. et autre

Service pénal Fiche contrevenant

Règle 63 DIVORCE ET DROIT DE LA FAMILLE

La chambre du conseil de la Cour d'appel du Grand-Duché de Luxembourg a rendu le douze février deux mille quatorze l'arrêt qui suit:

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

PROCEDURES DE DIVORCE

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS. LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, a rendu l arrêt suivant :

Cour de cassation de Belgique

PERMIS DE TRAVAIL A, B, C. Viktor BALLA Juriste, Ce.R.A.I.C. asbl Le 7 Mai 2013

Cadre réservé à l administration : Demande reçue le. Collège communal du :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANçAIS

Note d information: (décembre 2013)

Vous divorcez, vous vous séparez?

BELGIQUE. Mise à jour de la contribution de novembre 2005

Comité sectoriel de la sécurité sociale et de la santé Section sécurité sociale

FICHE D IMPACT PROJET DE TEXTE REGLEMENTAIRE

REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

TABLE DES MATIERES A. DISPOSITIONS LEGALES. 1. A.R. n 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants

Comparaison de l expertise judiciaire au pénal et au civil

Sur le recours du MINISTRE DU BUDGET, DES COMPTES PUBLICS, DE LA FONCTION PUBLIQUE ET DE LA REFORME DE L'ETAT :

Bourses de Mobilité internationale Fonds Jacques Lewin Inès Baron de Castro Fonds Xenophilia Fonds Bourses de Coopération de l ULB.

Audience publique de la Cour de cassation du Grand-Duché de Luxembourg du jeudi, premier décembre deux mille onze.

- JURISPRUDENCE - Assurances Contrat type d assurance R.C. auto Inapplication d une directive européenne Action récursoire

Jurisprudence. COUR D'APPEL Lyon CH mai 2014 n 13/01422 Sommaire : Texte intégral :

Cour de cassation de Belgique

NOTE SUR LES SUBVENTIONS. - Récapitulatif des obligations des associations subventionnées

PROTOCOLE RELATIF À L ARRANGEMENT DE MADRID CONCERNANT L ENREGISTREMENT INTERNATIONAL DES MARQUES

BENELUX ~ A 2004/4/11 COUR DE JUSTICE GERECHTSHOF. ARRET du 24 octobre En cause. Etat belge. contre. De La Fuente

Cour d'appel de Bruxelles - Arrêt du 8 novembre

TRIBUNAL ADMINISTRATIF DE LILLE N Mme Dejana R M. Dzibrail R RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

Madame la Maire, Je vous prie d agréer, Madame la Maire, l expression de ma considération la plus distinguée.

Décrets, arrêtés, circulaires

BULLETIN OFFICIEL DU MINISTÈRE DE LA JUSTICE

Conférence de l Arson club du 16 avril 2008 sur la répétibilité des honoraires de l avocat (loi du 21/4/2007).

Orchestre national de Belgique et Théâtre royal de la monnaie Cycle du personnel

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE TOULOUSE. ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ DU 01 Juillet 2014

avant-propos Goodshot : Business and Euro Photo Alto : Crowds by Frédéric Cirou Corbis : Crime and Justice

CONSEIL NATIONAL DES BARREAUX 22 rue de Londres PARIS. Société JURISYSTEM SAS 51 rue de Seine PARIS

Créer une ASBL : Comment s y prendre?

M. Gosselin (conseiller le plus ancien faisant fonction de président), président REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

Fiche Info ASSOCIATION DE FAIT OU ASBL ASSOCIATION DE FAIT OU ASBL? DOSSIER ASSOCIATION DE FAIT OU ASBL?

I. OUVERTURE D UNE PROCEDURE COLLECTIVE SUR ASSIGNATION DU CREANCIER

Décrets, arrêtés, circulaires

Concurrence - Règles communautaires - Entreprise - Notion - Organismes chargés de la gestion du service public de la sécurité sociale - Exclusion

SCP Célice, Blancpain et Soltner, SCP Nicolaý, de Lanouvelle et Hannotin, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

SCP Thouin-Palat et Boucard, SCP Tiffreau, Corlay et Marlange, avocat(s) REPUBLIQUE FRANCAISE AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

CC, Décision n QPC du 23 novembre 2012

REPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS. LA COUR DES COMPTES a rendu l arrêt suivant :

Loi sur l enseignement privé (version en vigueur jusqu'au 31 décembre 2014)

M. Lacabarats (président), président SCP Lyon-Caen et Thiriez, SCP Masse-Dessen, Thouvenin et Coudray, avocat(s)

Titre I Des fautes de Gestion

B. L ENGAGEMENT DE PRISE EN CHARGE COMME PREUVE DE MOYENS DE SUBSISTANCE SUFFISANTS (Annexe 3bis)

LA NOUVELLE LEGISLATION BELGE RELATIVE AUX PARIS SPORTIFS

Conférence des Cours constitutionnelles européennes XIIème Congrès


COMMISSION DES NORMES COMPTABLES

Nomination et renouvellement de MCF et PR associé à temps plein

La Justice et vous. Les acteurs de la Justice. Les institutions. S informer. Justice pratique. Vous êtes victime. Ministère de la Justice

CONTRAT OBSEQUES ET TUTELLE : UN ARRET* PRECISE LES MODALITES D APPLICATION

Le Manuel de la secrétaire juridique et du parajuriste Julie Tondreau TABLE DES MATIÈRES

Grands principes du droit du divorce

T R I B U N A L D E GRANDE I N S T A N C E D E P A R I S 1. JUGEMENT rendu le 12 Mai ème chambre 2ème section N RG : 12/09334 N MINUTE : 1

Loi sur le Tribunal fédéral des brevets

Transcription:

Numéro du rôle : 5803 Arrêt n 30/2015 du 12 mars 2015 A R R E T En cause : la question préjudicielle relative aux décrets de la Communauté française du 15 décembre 2006, du 13 décembre 2007 et du 17 décembre 2009 contenant le budget général des dépenses de la Communauté française respectivement pour les années budgétaires 2007, 2008 et 2010, posée par la Cour d appel de Liège. La Cour constitutionnelle, composée des présidents J. Spreutels et A. Alen, et des juges E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.-P. Moerman, E. Derycke, T. Merckx-Van Goey, P. Nihoul, F. Daoût, T. Giet et R. Leysen, assistée du greffier P.-Y. Dutilleux, présidée par le président J. Spreutels, après en avoir délibéré, rend l arrêt suivant : * * *

2 I. Objet de la question préjudicielle et procédure Par arrêt du 3 janvier 2014 en cause de l ASBL «Comité Organisateur des Instituts Saint-Luc de Liège» contre la Communauté française, dont l expédition est parvenue au greffe de la Cour le 8 janvier 2014, la Cour d appel de Liège a posé la question préjudicielle suivante : «Les décrets contenant le budget général des dépenses de la Communauté française, notamment les décrets du 15 décembre 2006 pour l année budgétaire 2007, du 13 décembre 2007 pour l année budgétaire 2008 et du 17 décembre 2009 pour l année budgétaire 2010, violent-ils les articles 10, 11 ou 24 de la Constitution en ce qu ils ont pour objet ou pour effet d octroyer des montants différents, globalement et par élève, à titre de subventions de fonctionnement aux Ecoles supérieures d arts organisées par la Communauté française d une part et aux Ecoles supérieures d arts subventionnées par la Communauté française d autre part, alors qu aucune différence objective ou critère objectif de proportionnalité ne sont invoqués ou justifiés?». Des mémoires ont été introduits par : - l ASBL «Comité Organisateur des Instituts Saint-Luc de Liège», assistée et représentée par Me D. Drion et Me X. Drion, avocats au barreau de Liège; - la Communauté française, assistée et représentée par Me M. Kestemont et Me M. Karolinski, avocats au barreau de Bruxelles. L ASBL «Comité Organisateur des Instituts Saint-Luc de Liège» a également introduit un mémoire en réponse. Par ordonnance du 13 janvier 2015, la Cour, après avoir entendu les juges-rapporteurs J.-P. Snappe et L. Lavrysen, a décidé que l affaire était en état, qu aucune audience ne serait tenue, à moins qu une partie n ait demandé, dans le délai de sept jours suivant la réception de la notification de cette ordonnance, à être entendue, et qu en l absence d une telle demande, les débats seraient clos le 4 février 2015 et l affaire mise en délibéré. Aucune demande d audience n ayant été introduite, l affaire a été mise en délibéré le 4 février 2015. Les dispositions de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle relatives à la procédure et à l emploi des langues ont été appliquées. II. Les faits et la procédure antérieure Le pouvoir organisateur de l Ecole supérieure des Arts «Saint-Luc» à Liège a demandé au Tribunal de première instance de Liège de condamner la Communauté française au paiement de la somme de 4 643 016 euros, représentant à son estime la différence entre les subventions de fonctionnement qu il a perçues pour les années budgétaires 2007, 2008 et 2010 et celles qu il aurait dû percevoir s il avait bénéficié des mêmes subventions de fonctionnement que celles accordées par la Communauté française aux Ecoles supérieures des Arts qu elle organise.

3 A titre principal, l argumentation de la partie demanderesse, devenue appelante, devant le juge a quo repose sur la différence de traitement jugée par elle illégale entre le financement des subventions de fonctionnement des Ecoles supérieures des Arts organisées par la Communauté française, d une part, et celui des Ecoles supérieures des Arts qui sont subventionnées par cette dernière, d autre part. A titre subsidiaire, la partie appelante se prévaut de la violation par la Communauté française de l article 1382 du Code civil, la responsabilité de celle-ci en tant que législateur défaillant pouvant être engagée conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation dans ses arrêts des 1er juin et 28 septembre 2006. Après avoir réformé le jugement entrepris, la Cour d appel de Liège a posé à la Cour la question préjudicielle reproduite plus haut. III. En droit Position de la partie appelante - A - A.1. La partie appelante devant le juge a quo soutient que, contrairement aux Ecoles supérieures des Arts subventionnées par la Communauté française, catégorie dont elle relève, le montant accordé au titre de subventions de fonctionnement aux Ecoles supérieures des Arts organisées par la Communauté française est fixé et déterminé par les décrets annuels contenant le budget général des dépenses de la Communauté française. Pour ces écoles, il n existerait aucune limite ou restriction, ce montant étant fixé par le ministre compétent, à la suite d un arrêté de délégation du Gouvernement. L analyse des décrets budgétaires disponibles ne fait apparaître aucune limite au pouvoir d appréciation du ministre compétent, pas plus que les motifs pour lesquels pareille différence de traitement serait justifiée. La partie appelante fait alors un tableau comparatif montrant qu un élève du réseau libre subventionné est financé, en moyenne, à hauteur de 561 euros (565 euros pour l Ecole supérieure des Arts «Saint-Luc») par an, son condisciple du réseau organisé par la Communauté française l étant pour un montant de 1 428 euros. Elle s appuie sur des extraits de questions parlementaires d où il ressortirait qu aucun critère objectif n a jamais pu être avancé par le ministre responsable. Elle rappelle aussi que, dans son avis précédant l avant-projet devenu le décret de la Communauté française du 20 décembre 2001 relatif à la promotion de la santé à l école, le Conseil d Etat a estimé que c était dans le budget général des dépenses que devait figurer la justification du respect du principe d égalité et que, dans son arrêt n 69/96 du 28 novembre 1996, la Cour a rappelé que les universités devaient, quel que soit leur pouvoir organisateur, être traitées de la même manière, à moins qu il existe entre elles des différences objectives permettant de justifier ces différences de traitement. A.2.1. Le Gouvernement de la Communauté française soutient que les mécanismes essentiels relatifs au financement des Ecoles supérieures des Arts en Communauté française sont consacrés par des dispositions transversales qui s appliquent à chaque établissement concerné, indépendamment du réseau d enseignement dont il relève. C est en l espèce le cas du décret du 20 décembre 2001 fixant les règles spécifiques à l Enseignement supérieur artistique organisé en Ecoles supérieures des Arts (organisation, financement, encadrement, statut des personnels, droits et devoirs des étudiants). Dans la troisième partie de ce décret, consacrée à leur financement, figurent les règles relatives à l encadrement des étudiants, calculé en fonction du nombre d étudiants inscrits par domaine des arts concerné, à la fixation du cadre du personnel de ces écoles, au soutien des étudiants, calculé en fonction du nombre d étudiants inscrits et de leurs niveaux économiques, aux subsides sociaux, calculés en fonction du nombre d étudiants inscrits, et aux équipements des écoles répartis sur la base d une enveloppe fermée en fonction de

4 critères déterminés par le décret. En outre, l article 4 du décret du 20 juillet 2005 relatif aux droits complémentaires perçus dans l enseignement supérieur non universitaire instaure le versement aux Ecoles supérieures des Arts, tous réseaux confondus, d une allocation d aide à la démocratisation à l accès à l enseignement supérieur, calculée en fonction du nombre d étudiants inscrits. Enfin, le texte des dispositions spécifiques relatives au subventionnement des Ecoles supérieures des Arts figure dans l article 32, 2, alinéa 7, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l enseignement, dite du Pacte scolaire. A.2.2. Le Gouvernement de la Communauté française considère que la comparaison brute que la partie appelante tire du tableau des subventions et dotations versées par la Communauté française ne peut être suivie. Il rappelle d abord que, dans son arrêt n 23/95 du 2 mars 1995, la Cour a indiqué les différences qui existaient entre les écoles libres subventionnées et celles organisées par la Communauté française. Faisant application de cette jurisprudence, le Gouvernement de la Communauté française considère que cette dernière est obligée de créer des établissements nécessaires au développement de l enseignement, et ceci est d autant plus important que le principe de la gratuité de l enseignement ne s applique pas à l enseignement supérieur des Arts. Les écoles libres peuvent d ailleurs toujours demander aux étudiants qui s inscrivent à leurs cours le minerval de leur choix. Plus concrètement, se référant au tableau des montants octroyés aux Ecoles supérieures des Arts, les montants relatifs aux aides à la démocratisation et aux crédits d équipement le sont sur la base de critères identiques. Ainsi, il existe bien une différence de traitement entre les deux réseaux mais elle ne porte que sur une partie restreinte des crédits attribués, soit moins de dix pour cent, et elle repose sur des spécificités objectives propres au réseau d enseignement concerné. La question préjudicielle appelle donc une réponse négative. A.3. L analyse de la Communauté française, répond la partie appelante devant le juge a quo, n est pas complète. Outre le financement des frais de fonctionnement, le cadre administratif est encore différent en nombre d emplois selon qu il s agisse d une Ecole supérieure des Arts organisée ou subventionnée par la Communauté française. La Communauté française intervient, pour le personnel administratif des Ecoles supérieures des Arts qu elle organise, à concurrence d une somme de 2 989 598 euros pour une population de 32 p.c. de l ensemble des étudiants inscrits, contre une somme de 970 414 euros pour celui des Ecoles supérieures des Arts qu elle subventionne qui accueillent les 68 p.c. de l autre partie de la population étudiante. En ce qui concerne la justification donnée, il n existe aucune Ecole supérieure des Arts organisée par la Communauté française en région liégeoise; ces écoles sont concentrées à Bruxelles et une est implantée à Mons. A l exception de l Institut national supérieur des arts du spectacle et des techniques de diffusion (INSAS), il n existe aucune formation de type court proposée par les Ecoles supérieures des Arts organisées par la Communauté française. Selon la partie requérante, la Communauté française ne remplit nullement l obligation qu elle prétend assurer, celle du développement de l enseignement des arts. Quant à l argument selon lequel les établissements subventionnés pourraient refuser des étudiants, il ne peut être accepté dans la mesure où aucun établissement ne peut refuser les étudiants qui remplissent les conditions prévues par l article 38 du décret du 20 décembre 2001 et où tous doivent organiser des épreuves d admission. Quant à la liberté pour les Ecoles supérieures des Arts de percevoir des frais d inscription complémentaires, elle est toute relative puisque plusieurs mécanismes de limitation ont été prévus et qu en ce qui concerne le minerval, celui-ci est, aux termes de l article 105 du décret du 7 novembre 2013 définissant le paysage de l enseignement supérieur et l organisation académique des études, fixé par décret.

5 - B - B.1. Les décrets budgétaires du 15 décembre 2006, pour l année budgétaire 2007, du 13 décembre 2007, pour l année budgétaire 2008, et du 17 décembre 2009, pour l année budgétaire 2010 fixent les montants alloués au titre de subventions de fonctionnement pour les Ecoles supérieures des Arts organisées et subventionnées par la Communauté française. B.2. Le juge a quo demande à la Cour si les décrets budgétaires précités violent les articles 10, 11 ou 24 de la Constitution en ce qu ils ont pour objet ou pour effet d octroyer des montants différents, globalement et par élève, au titre de subventions de fonctionnement aux Ecoles supérieures des Arts organisées par la Communauté française, d une part, et aux Ecoles supérieures des Arts subventionnées par elle, d autre part, sans qu aucune justification soit donnée notamment quant à la proportionnalité des montants alloués aux Ecoles supérieures des Arts respectivement organisées ou subventionnées par la Communauté française. B.3. Les montants visés par les décrets en cause sont inscrits dans les tableaux annexés à ces décrets, dans la division organique (DO) 57 (Enseignement artistique, programme 4 fonctionnement des établissements d enseignement supérieur), et sont répartis entre deux allocations de base qui constituent deux «activités» distinctes justifiées comme suit, notamment dans les annexes du décret du 17 décembre 2009 précité : «Activité 40 Etablissements de la Communauté - Frais de fonctionnement 41.01 Dotation globale aux 6 établissements d enseignement artistique de la Communauté française à gestion séparée y compris les frais résultant de la formation continuée Base légale, décrétale ou réglementaire : Loi du 29 mai 1959 dite du Pacte scolaire, article 32. Arrêté royal du 29 décembre 1984 relatif à la gestion financière et matérielle des services de l Etat à gestion séparée de l enseignement de l Etat, tel que modifié. Décret du 20 décembre 2001 fixant les règles spécifiques à l enseignement supérieur artistique organisé en écoles supérieures des arts.

6 Ce crédit est destiné à couvrir : Les frais de fonctionnement et d équipement des 3 établissements artistiques de l enseignement artistique supérieur (INSAS et ENSAS à Bruxelles, ESAPVE à Mons) et des 3 conservatoires royaux de musique (Bruxelles, Mons et Liège)» (Doc. parl., Parlement de la Communauté française, 2009-2010, n 54-1, annexe 2, p. 335). «Activité 44 Etablissements d enseignement supérieur libres subventionnés - Subventions de fonctionnement 44.30 Subventions de fonctionnement aux établissements d enseignement supérieur libres subventionnés Base légale, décrétale ou réglementaire : Loi du 29 mai 1959 dite du Pacte scolaire, article 32. Décret du 20 décembre 2001 instaurant les écoles supérieures des arts [lire : fixant les règles spécifiques à l enseignement supérieur artistique organisé en écoles supérieures des arts]. Ce crédit est destiné à couvrir : Les subventions de fonctionnement des 6 établissements d enseignement artistique libres subventionnés (3 écoles supérieures Saint-Luc, ISLAP, IMEP, IAD)» (ibid., p. 336). B.4.1. L article 32, 2, de la loi du 29 mai 1959 modifiant certaines dispositions de la législation de l enseignement (loi dite du Pacte scolaire) auquel les annexes précitées renvoient au titre de «base légale» dispose : «Dans les limites des crédits budgétaires visés à l alinéa suivant, le montant des subventions de fonctionnement par élève régulier est égal à 75 % des dotations forfaitaires fixées à l article 3, 3. [ ] Par dérogation à l alinéa 1er, le montant des subventions de fonctionnement accordé par élève régulier dans les Ecoles supérieures des Arts et dans l enseignement secondaire artistique à horaire réduit est fixé, à partir de l année 2003, au montant accordé pour l année 2002, tel qu il a été établi sur base de l article 21, alinéa 2, du décret du 12 juillet 2001 visant à améliorer les conditions matérielles des établissements de l enseignement fondamental et secondaire, et indexé comme indiqué ci-dessous : a) jusque et y compris l année civile 2011, sur l indice général des prix à la consommation de janvier en base 2004; b) pour l année civile 2012, sur base du rapport 119,03/115,66 (indice général des prix à la consommation de janvier 2011, en base 2004); c) pour l année civile 2013, en appliquant aux montants de l année 2012 une indexation de 0 %;

7 d) à partir de l année civile 2014, en appliquant aux montants de l année précédente le rapport entre l indice général des prix à la consommation de janvier de l année en cours et l indice de janvier de l année précédente». B.4.2. La partie III du décret du 20 décembre 2001 fixant les règles spécifiques à l Enseignement supérieur organisé en Ecoles supérieures des Arts, auquel renvoient les mêmes annexes, consacre les mécanismes essentiels du financement des Ecoles supérieures des Arts indépendamment du réseau d enseignement dont elles relèvent. Il en est ainsi des règles relatives - à l encadrement des étudiants, calculé en fonction du nombre d étudiants inscrits, par domaine des arts concerné (articles 52 à 54); - à la fixation du cadre du personnel des écoles, établi selon le nombre de domaines des arts enseignés et, le cas échéant, selon le nombre d étudiants inscrits (articles 55 à 57); - au soutien des étudiants, calculé en fonction du nombre d étudiants inscrits et de leurs niveaux économiques (articles 57bis à 57quater); - aux subsides sociaux, calculés en fonction du nombre d étudiants inscrits (articles 58 à 60quater); - aux équipements des écoles, répartis sur la base d une enveloppe fermée, en fonction de critères déterminés par le décret, dont le nombre d étudiants dans chaque réseau (article 60quinquies). B.4.3. L arrêté royal du 29 décembre 1984 relatif à la gestion financière et matérielle des services de l Etat à gestion séparée de l enseignement de l Etat, auquel renvoient les mêmes annexes (activité 40), exécute l alinéa 1er de l article 84 de la loi du 31 juillet 1984 (loi de redressement) et «définit les dispositions organiques relatives à la gestion financière et matérielle des établissements d enseignement de l Etat soumis à la loi du 29 mai 1959» (Rapport au Roi de l arrêté royal précité).

8 B.5. Il ressort des annexes budgétaires citées en B.3 que les crédits budgétaires en cause ne visent en aucun cas des subventions facultatives qui requièrent que l habilitation consentie à l exécutif soit renouvelée et justifiée chaque année par le législateur. Ces crédits budgétaires trouvent leur fondement, comme le précisent les documents parlementaires précités, dans des dispositions organiques ou réglementaires qui ne sont pas visées par la question préjudicielle. Les décrets budgétaires en cause ne peuvent dès lors pas être à l origine de la différence de traitement alléguée dans la question préjudicielle. B.6. La question préjudicielle n appelle pas de réponse.

9 Par ces motifs, la Cour dit pour droit : La question préjudicielle n appelle pas de réponse. Ainsi rendu en langue française et en langue néerlandaise, conformément à l article 65 de la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle, le 12 mars 2015. Le greffier, Le président, P.-Y. Dutilleux J. Spreutels