Admissible au Prix Racine L OCCLUSION revue Par Josée Doucet, HD, avec la collaboration du Dr Alain Aubé, dentiste généraliste à Montréal et directeur de C.E.O.M. L occlusion et les maladies occlusales Tous les jours, patient après patient, vous observez des maladies occlusales. La maladie occlusale peut être définie comme étant la conséquence d une malocclusion. Ici vous serez surpris d apprendre que la malocclusion n est pas ce que la plupart des gens pensent. De façon classique, on a considéré qu une occlusion Cl II ou III était mauvaise, ou encore qu un fort chevauchement, même en Cl I ou un articulé croisé (cross-bite) constituait aussi une malocclusion. Cependant, ces conditions sont en réalité des cas de malposition. Pour bien comprendre, il faut bien définir. Il a longtemps été accepté que l occlusion était l état statique (immobile) des dents lorsqu elles étaient fermées ensemble. De ce point de vue, une occlusion de Cl I avait tout simplement «l air mieux» qu une Cl II ou Cl III. Et donc, lorsque notre bon vieux confrère D r Angle a établit sa classification, il fut généralement accepté qu une Cl I était «normale». Nous espérons dans cet article, vous faire réfléchir et vous amener à saisir que cette ancienne façon de voir était trop simpliste et que notre acceptation du fait nous avait, jusqu à ce jour, empêché de voir et de comprendre la réalité. Repartons de la base et voyons ensemble ce qu est l occlusion. De façon plus pratique, c est beaucoup plus que l état statique des dents. C est tout le processus : Du moment où on active la musculature vers un contact entre les dents du haut et du bas, la phase pendant laquelle les dents sont en contact, jusqu au moment de la séparation des dents. L occlusion se définit maintenant ainsi : «L occlusion dentaire est la fonction musculo-squelletique et dentaire précédant le contact des dents ainsi que pendant le contact fonctionnel et parafonctionnel». Il faut maintenant voir ce à quoi cette nouvelle définition nous oblige. Elle nous fait comprendre que l occlusion est une fonction, au lieu d un état. À cause de cela, nous sommes forcés de voir que l occlusion c est comment le système masticateur fonctionne, non pas seulement de quoi les dents ont l air. Ainsi on peut saisir la différence entre une malocclusion et une malposition. Une malocclusion se définit comme étant une occlusion qui ne fonctionne pas bien, et non plus comme étant une occlusion qui n est pas de belle apparence. La classification d Angle nous servira encore, mais de façon plus descriptive que qualitative. Donc, nous ne dirons plus «Ah! C est une Cl I, donc l occlusion est bonne». Il faudra observer et réfléchir un peu plus, car au fait on ne peut s éloigner plus de la réalité. Puisqu on définit une malocclusion comme étant une occlusion qui ne fonctionne pas bien, on doit apprendre à la reconnaître. Une malocclusion est une occlusion qui produit des conséquences négatives sur un ou plusieurs des éléments du système masticateur. Ces conséquences sont des signes et/ou des symptômes qui dénotent une désharmonie fonctionnelle. 50 L EXPLORATEUR
Tableau #1 Maillons du système masticateur Ce tableau indique la chaîne d évènements menant à l excès de tension musculaire qui cause les conséquences dans les différents maillons du système masticateur. Dans une bonne occlusion, il n y a ni signes ni symptômes. Mais quels sont ces signes et ces symptômes? Il y en a une foule. Nous verrons les principaux, et surtout comment les réfléchir, et ensuite les observer. Lorsque le patient jouit d une bonne occlusion, tout son système masticateur est calme. Il n y a pas de tension excessive dans les muscles et donc pas d excès de tension appliquée dans l ensemble du système. Au contraire, il y a malocclusion lorsque des interférences poussent les muscles à se tendre à des moments où ils ne le devraient pas, et ainsi, l excès de pression appliqué par les muscles sur le système masticateur générera des conséquences visibles ou ressenties (signes et symptômes) dans ses différentes parties. (voir tableau #1) Le système masticateur est composé de quatre grandes parties: Les articulations, les muscles, le parodonte et les dents. Dans tout système, s il est soumis à un excédent de tension, il y aura des conséquences. Dans le système masticateur, ce qui applique la tension, ce sont les muscles. Lorsque les muscles appliquent de la charge sur le système masticateur, celui-ci doit être prêt à résister. Deux questions nous viennent à l esprit: Comment et pourquoi les muscles appliquent de la charge et comment le système masticateur peut-il résister, ou dans quelles conditions résistera-t-il ou se dégradera-t-il? Physiologiquement, il y a deux niveaux d ac- L EXPLORATEUR 51
tivité électrique dans les muscles masticateurs. Cette notion est la plus importante à comprendre pour saisir toute la relation occlusion-malocclusion et les conséquences. Il y a un niveau de charge électrique élevé lorsqu au moins une (ou plusieurs) molaire(s) ou prémolaire(s) est(sont) en contact. Il y a un niveau de charge électrique bas lorsqu aucune molaire ou prémolaire n est en contact. Cela se traduit par une activité ou une puissance musculaire intense dès qu une seule ou plusieurs molaires-prémolaires font contact, et par une activité ou puissance musculaire faible lorsqu aucune molaire ou prémolaire ne fait contact. Lorsque les deux condyles d un patient sont pleinement assis dans la partie supéro-antérieure de la fosse glénoïde, la mandibule est assise en relation centrée. De cette position pleinement assise, si on fait fermer la mâchoire, il y aura chez la grande majorité des patients une dent postérieure qui contactera avant les autres et il y aura un glissement vers la position du maximum d intercuspidation des dents. Nous venons de décrire deux phénomènes: 1. Une dent postérieure entre en contact 2. Il se produit une déviation mandibu laire. Nous nous retrouvons donc avec un patient qui a la mâchoire légèrement déviée et des muscles masticateurs (masseter et temporaux) en activité électrique intense. C est le point de départ de toute parafonction (bruxisme, clenching etc.). S il y a du stress chez le patient, le processus est hyperactivé. Il est primordial de comprendre que le stress n est pas l origine du problème, mais un facteur catalysant la réaction. Le patient a donc les muscles hyperactivés et la mandibule légèrement déviée. La table est mise pour l origine des problèmes internes de l ATM (craquements, douleurs etc.). Le patient moyen met de 100 à 150 Kg de pression dans ses mâchoires en serrement maximum. Si on plaçait une telle charge sur les épaules du patient (debout), il voudrait certainement avoir les pieds, les genoux, le bassin, le dos, et les épaules en parfaite position pour supporter le poids. Il ne résisterait que peu de temps dans une position même légèrement déviée. Il en va de même pour le système masticateur. Nous venons de décrire la première cause de conséquences dans le système masticateur: l interférence. L interférence est le (ou les) contact(s) qui oblige(nt) la mandibule à dévier de sa position pleinement assise lors de l occlusion des dents. Il existe une seconde cause de conséquences, et ce sont les contacts postérieurs en latéralité ou en protrusion. Une fois le bruxisme déclenché, si les postérieures continuent de faire contact en latéralité, les muscles demeurent hyperactivés et cela se traduit par un excès de tension sur les dents et le parodonte. Vous verrez alors apparaître des usures, des fêlures, des récessions (en effet la très grande majorité des récessions sont causées par une pression latérale excessive exercée sur l os alvéolaire lors de la parafonction), etc. Nous venons de couvrir les deux éléments primordiaux d une mauvaise fonction maxillomandibulaire, soit la malocclusion. Ces deux éléments sont donc : 1. Les interférences 2. Les contacts postérieurs en latéralité et/ou en protrusion. 52 L EXPLORATEUR
Ces deux éléments provoquent de l hyperactivité musculaire, donc de l hypertension ou de la surcharge sur le système masticateur. Cette surcharge se traduit en conséquence. Voyons maintenant les diagrammes suivants. Pour savoir si un patient a une bonne ou une mauvaise occlusion : 1. Demandez-lui : Avez-vous des maux de tête? Si oui, où? Dans les tempes? Les tempes sont le muscle temporal. Un mal de tête temporal est toujours associé à une malocclusion. Avez-vous des douleurs ou inconforts aux ATM? Avez-vous de la douleur au cou ou aux épaules? Avez-vous de la douleur aux autres muscles? Avez-vous des tensions dans vos muscles de la mâchoire? Avez-vous conscience de serrer ou de grincer des dents? Vos mâchoires craquent-elles? 2. Observez; A. Le visage : La mâchoire carrée? (masséters développés) Les masséters actifs? Pendant que le patient vous écoute parler, voyez-vous ses masséters se gonfler? B. Les ATM : Placez vos index sur les ATM et palpezles pendant deux ou trois mouvements d ouverture maximale et de fermeture. Sentez-vous des craquements ou des crépitements? Votre palpation cause-t-elle des douleurs ou des inconforts à votre patient? C. Les muscles: Si vous êtes à l aise, vous pouvez palper les muscles pour savoir s ils sont douloureux ou inconfortables : ptérygoïdien interne, masséter, temporal, ptérygoïdien externe. D. Le parodonte: La mobilité non associée à une évidente perte osseuse. Les déchaussements. On pense encore à tort que tous les déchaussements viennent du brossage excessif. Détrompez-vous. Plusieurs sont causés par l excès de pression latérale sur la gencive d une dent qui frappe fort en latéralité. E. Les dents : Craquelures (caméras intra-buccales) Fêlures, fissures Usure (attrition) Abfractions Douleurs (sans cause apparente) Hypersensibilité dentinaire. L EXPLORATEUR 53
Les conséquences des forces Fractures, fissures, fêlures Fêlure double dent #36 Récessions généralisées - Malocclusion Abfraction #11-#21 etc. Usure des dents à l'occlusal ou incisif Nous présentons ici une revue rapide des solutions aux problèmes d occlusion. Cependant, il est important que vous compreniez qu aucune solution ne doit être adoptée à la légère. L examen doit être exhaustif. Les notes au dossier doivent être claires. Des photos des signes en bouche sont un réel atout. Tout cela vous aurez compris, dans le but de poser un bon diagnostic. Comprenez que même si la plupart des problèmes d ATM découlent d une malocclusion, d autres facteurs sont aussi à considérer. Le stress excessif, les retards de croissance, les tumeurs sont aussi des facteurs et un examen délicat s impose toujours. L historique du patient est aussi très important, a-t-il reçu un coup à la mâchoire, mastique-t-il beaucoup de gomme? (L examen que nous pratiquons à notre clinique dure 2 heures). Il faut bien diagnostiquer pour pouvoir donner un pronostic juste à notre patient. Voici donc une revue rapide des solutions les plus souvent utilisées : Attrition sévère dent #11 Les solutions La solution pour tous les cas de problèmes découlant de l occlusion d un patient, est le rétablissement d une occlusion conforme aux principes de Dawson (2) et Pankey que nous répétons: 54 L EXPLORATEUR
Dentition équilibrée Bonne occlusion Occlusion non-traumatisante Carie interproximale RC = OC donc pas d interférences Guidance antérieure absolue, donc aucune postérieure ne fait le moindre contact en latéralité ou protrusion. Les façons d obtenir le rétablissement de l occlusion sont: 1. L équilibrage précis de l occlusion par un dentiste formé. 2. Dans les cas où une malposition ne permet pas l équilibrage: orthodontie (avec ou sans chirurgie) d abord, pour le rétablissement des principes suivi ensuite d un équilibrage de l occlusion. 3. Prosthodontie. 4. Plaque occlusale équilibrée qui respecte en toutes lettres, les principes énoncés plus haut. Voici le rôle de l hygiéniste dentaire dans l enseignement et la prévention des maladies occlusales. Il est clair que les hygiénistes passent beaucoup de temps à observer la bouche des patients. L hygiéniste fait le tour de la bouche à chaque fois qu elle reçoit le patient. Elle est en excellente position d observatrice. Elle a donc le pouvoir d aider et de guider le dentiste dans la recherche des signes et symptômes des maladies buccales. Ce travail d équipe est puissant. Nous sommes bien formées pour observer les problèmes microbiens, les caries et maladies parodontales. Maintenant que vous lisez cet article, vous saurez aussi comment observer les signes d une occlusion qui peuvent causer du tort à votre patient. Nous pouvons jouer un rôle exceptionnel en faveur de la prévention. Lorsque ça commence ainsi......ça finit comme cela. L EXPLORATEUR 55
On considère généralement que la gingivite On considère généralement est la maladie que la gingivite est prévalence la maladie au avec monde. la plus haute La malocclusion prévalence suit de près. au monde. La malocclusion suit de près. avec la plus haute Vous avez le pouvoir d éviter le pire à vos patients. Les douleurs chroniques aux ATM et les douleurs myofaciales sont les problèmes dentaires les plus dévastateurs sur le quotidien de vos patients. Les problèmes d usures excessives généralisées sont les problèmes qui rendent le sourire le moins beau et qui coûtent le plus cher à vos patients à restaurer. Mais tous ces problèmes ont débutés un jour. Si vous observez bien, vous verrez à tous les jours des patients qui montrent des signes ou symptômes de malocclusion. Vous les voyez déjà lorsqu ils sont bien installés, et si vous apportez une attention particulière au sujet, vous les verrez aussi tous débutants Vous avez le pouvoir d aider vos patients en empêchant la dégradation de se poursuivre. Informez les judicieusement de ce qui les attends et de ce qui peut être fait. Vous jouez déjà ce rôle envers la carie et les maladies parodontales. Aujourd hui, les gens veulent conserver leurs dents toute leur vie. Donnez leur l occasion de les conserver en bonne santé, et aussi en bon état. Étendez votre champ de compétences, aidez vos patients à avoir une santé non seulement des dents et des gencives, mais de tout leur appareil masticateur. À vous, si vous le voulez bien, le plaisir de leur donner. On considère généralement que la gingivite est la maladie avec la plus haute prévalence au monde. La malocclusion suit de près. Merci au D r Alain Aubé pour l enseignement, la patience et la transmission de sa passion. Merci pour l aide apporté à la rédaction de cet article. Bibliographie (1) Williamson EH, Lundquist DO: Anterior guidance: its effect on electromyographic activity of the temporal and masseter muscles. J. Prosthet Dent 49:816-823, 1983 (2) Dawson PE: Fonctional occlusion, from TMJ to smile design, Mosby edition 2007 (3) Williamson EH, Lundquist DO: Anterior guidance: its effect on electromyographic activity of the temporal and masseter muscles. J. Prosthet Dent 49:816-823, 1983 (4) Dawson PE: Fonctional occlusion, from TMJ to smile design, Mosby edition 2007 Madame Josée Doucet, hygiéniste dentaire et le D r Alain Aubé ont fondé ensemble c.e.o.m: le Centre d Éducation en Occlusion de Montréal qui offre aux dentistes et aux hygiénistes des formations en occlusion. Elle poursuit une pratique en bureau privé à Montréal et occupe le poste de coordonnatrice de soins. D r Alain Aubé a complété une résidence multidisciplinaire avec accents en réhabilitation complète, couronnes et ponts à l université McGill. Il a aussi complé té un programme complet au Dawson Academy et poursuit ses études sur les physiologies et pathologies de l ATM chez D r Mark Piper. Il a effectué un projet de recherche conjointement avec la clinique des migraines de Montréal sur l effet de l équilibrage de l occlusion sur les maux de tête de type céphalées de tension et sur les migraines. Il a publié plusieurs articles et donne des conférences en occlusion dont une ayant eu lieu aux Journées dentaires internationales du Québec 2008. Les résultats de cette recherche ont été présentés a l American Academy of Restorative Dentistry. Il poursuit une pratique privée à Montréal. 56 L EXPLORATEUR