Les biocarburants dans l automobile et l aviation



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Les biocarburants dans l automobile et l aviation Conférence du 10 mars 2011, 9h30-12h30 Intervenants : ACE AVIATION : Carole DUPOIRIEUX, Service technique de l'aviation civile AIRBUS : Yohan ALLOUCHE, Responsable projets de recherche carburants alternatifs et environnement IFP ENERGIES NOUVELLES : Xavier MONTAGNE, Directeur adjoint de la direction scientifique PSA PEUGEOT CITROEN : Pierre MACAUDIERE, Responsable du Département Emissions de Carburants et Dépollution TEREOS : Bernard CHAUD, Directeur des projets biocarburants Animateur : Denis Florin, Partner Energie, BEARING POINT ---------------------------------------------------- 1. Introduction sur les concepts de base des biocarburants Le biofuel est d origine organique. Il permet de générer l énergie à partir de ressources renouvelables, d origines végétales, animales, ou encore à partir de déchets. Le biofuel fournit environ 2% de l énergie mondiale au niveau du transport, mais cela ne correspond pas à un chiffre homogène. Par exemple, au Brésil, la proportion y est élevée, tandis que dans d autres pays émergents, sa présence est minoritaire. Un point important à relever est que les biofuel, en tant que tels, ne sont pas non polluants. C est pris dans sa globalité que cette filière permet des économies de pollution. En évitant de consommer du pétrole, le bilan énergétique et environnemental devient plus satisfaisant. Cependant, aujourd hui, les biocarburants sont tributaires de subventions. Ils ne sont pas économiquement compétitifs face aux hydrocarbures. Il existe deux grandes filières de biocarburants : - le bioéthanol, issu du sucre. Il est utilisable sous forme pure pour les véhicules automobiles, ou peut être mélangé. Les plus grands producteurs de bioéthanol sont les Etats-Unis. - Le biodiesel, fabriqué à partir de corps gras d origine végétale ou animale. Il y a trois générations de biocarburants : - G1 : Il s agit de biocarburants issus directement de produits que l on pourrait consommer comme produits alimentaires (maïs, canne à sucre...) - G2 : Les composants de la biomasse ne sont pas consommables par les êtres humains (tiges, feuilles, bois...). A ce stade, nous en sommes encore à l expérimentation et à la phase de recherche. - G3 : Les sources utilisées sont les algues. Ici, l application industrielle n est pas pour tout de suite. La G3 nécessite de grands efforts de R&D. 1

In fine, la biomasse reste une composante faible du mix énergétique total, à l échelle mondiale. Notre économie est largement basée sur l énergie fossile. D autant plus qu il y a des controverses au biofuel qui ralentissent son acceptation sociale. Ainsi, on reproche aux biocarburants de faire concurrence à l alimentation (humaine et animale), et d avoir un impact global sur l environnement. Selon une étude de l ADEME, classant les différents biocarburants selon leur impact environnemental, la voie la plus pertinente en la manière est le recyclage des graisses animales. D un autre côté, la réglementation pousse à l emploi de biocarburants. Le pack énergétique des 3x20% contient une incentive de faire passer à 10% la proportion de biocarburants dans les carburants de transport. Les deux principaux obstacles actuels sont les capacités de production et la disponibilité. La majeure partie, 75% à l échelle européenne, du biofuel correspond à du biodiesel. L enjeu est d aller au-delà de ces 10%. Cette filière sera forcément marquée par une rupture technologique, afin, par exemple, de pouvoir transformer du bois de manière rentable et sans subvention, par des procédés industriels innovants. L Etat a, dans un premier temps, un rôle primordial à jouer. D ailleurs, cette intervention étatique est une constante dans toutes les énergies vertes. Concernant l environnement, le poids de la réglementation est élevé. Les normes pèsent sur les énergies fossiles en même temps que sur les biocarburants. 2. Les perspectives du biojet 2.1. Présentation 2.1.1. L évolution du la R&D Par Xavier MONTAGNE Il convient d analyser en quoi les biocarburants sont une alternative énergétique dans l aéronautique, et quelles sont les contraintes auxquelles ils doivent faire face. Tout d abord, la croissance du transport aérien est très forte : 4% par an. Elle garde cette forte dynamique, et ce, même après la crise économique de 2008. Les prévisions futures restent sur une même pente. La consommation d énergie inhérente au trafic aérien représente 15% de l énergie consommée globalement par le secteur du transport. Pour le CO2, cela représente 3% du total des émissions. En 2010, la consommation mondiale de jetfuel était de 250 millions de tonnes. Les projections pour 2050 font état d une consommation de l ordre de 600 millions de tonnes. Il est donc vital de réfléchir à la manière d approvisionner les aéronefs en carburant pour pouvoir faire face à la demande. La clé de la réflexion se situe au niveau de la qualité des produits. L aéronautique est caractérisée par un haut niveau de contraintes réglementaires sur la qualité et les processus de certification. Les principales sont : - Le contenu énergétique du carburant. Il est essentiel à prendre en compte, car il va déterminer le rayon d action de l avion. 2

- La volatilité et la tenue à froid. Cela est lié au mode d utilisation. - La stabilité à chaud dans un intervalle de température variant de 50 à 150 degrés. Le carburant doit pouvoir supporter des pics de températures, des fluctuations importantes, et éviter les problèmes d encrassement. - Au niveau de la combustion, le carburant doit brûler de façon conforme, sans émission de polluants, et sans endommager le moteur. - Les capacités de stockage Ces contraintes représentent un poids important. Les alternatives aux énergies fossiles doivent ainsi passer au crible de certifications pour être utilisées dans les avions. Une autre contrainte, essentielle, est la compatibilité avec le parc des aéronefs. En effet, le taux de renouvellement des avions étant faible (un avion a une durée de vie de 30-50 ans), les nouveaux carburants proposés doivent être compatibles avec les moteurs et systèmes mécaniques propres à ces avions. Par exemple, la liquidité est obligatoire. Enfin, une dernière contrainte évidente est la disponibilité du carburant. Il doit être accessible partout dans le monde, les vols intercontinentaux renvoyant à une uniformisation du carburant utilisé. En 2012, l aéronautique sera soumise au système d échange des quotas carbone européens (EU ETS). Il y a donc une pression croissante pour la réduction des émissions de CO2. L engagement ACARE incite lui à une réduction de 50% du CO2, de 80% des gaz NOx, et de 50% du bruit généré. Il concerne tant les avionneurs que les motoristes, les administrations et les universités. Le biocarburant est une solution alternative qui émerge, notamment en mode drop-in, c est-àdire miscible en toute proportion avec un jetfuel traditionnel. Cela revient à dire que le carburant doit être le plus ressemblant possible au jet fuel en ce qui concerne ses propriétés. Les carburants alternatifs Les carburants de synthèse Ctl et Gtl, obtenus à partir du charbon et du gaz, ont une structure utilisable et comparable au jetfuel. Les biocarburants tels que l éthanol, le biodiesel, les huiles végétales hydrogénées. Les alcools lourds, l hydrogène et le gaz naturel sont des alternatives qui n ont pas encore de réalité, car la rupture technologique qu ils imposent est trop importante. Les biocarburants de troisième génération (les algues) sont encore au stade premier de la R&D, et il n est pas encore possible de statuer sur leurs fonctions, à court et moyen terme. Les alternatives impliquant une réduction significative de CO² Les biocarburants offrent un réel potentiel en termes de réduction de CO2. Cela dit, le bilan est plus ou moins favorable selon l origine du produit. Dans tous les cas, le critère de durabilité doit être respecté. L une des raisons d être de cette filière est d amener un minimum de gain d émissions de CO2, et ces gains doivent croître, et être déjà important à court terme. Deux axes sont à souligner : - Les contraintes techniques - Les alternatives envisageables 3

Selon les critères choisis, certains biocarburants ne sont pas éligibles en tant que substitut pour l aéronautique : - L éthanol, bien qu il soit disponible, n a pas un contenu énergétique suffisant. - Le biodiesel est également disponible, mais sa tenue au froid, on instabilité et son contenu énergétique le discriminent. - Les huiles végétales hydrogénées (colza, palmes, algues) ont un contenu énergétique, une tenu au froid, une stabilité, une miscibilité en toute proportion et une ACV satisfaisant. - Le Btl a une structure chimique comparable aux HVO, et est donc également éligible en tant que substitut du jetfuel en caractéristiques et composition. Il faut être vigilant sur le choix des huiles par rapport au bilan énergétique. Aujourd hui, les algues sont vues comme la solution idéale, mais cette filière n est pas prête d être appliqué à l échelle industrielle. La Lufthansa a mis en place un vol expérimental Francfort Hambourg, sur un A320, dont un moteur était alimenté par un mélange d HVO. Le Xtl est certifié depuis 2009. Son ACV est très positive, et son bilan environnemental très intéressant. Enfin, le biodiesel n est pas à exclure totalement. Il peut être compatible avec le jetfuel, ou alors être employé pour des vols à faible altitudes, courtes distances. Pour conclure cette première partie, nous pouvons dire que les biocarburants sont tout à fait envisageables à moyen terme. Il n y a pas d obstacles techniques, mais subsiste le frein est la disponibilité des ressources. Par ailleurs, il y a un long travail de certification et de validation. Il faut bien identifier les filières, leurs potentiels de substitution, et la proportion dans le jetfuel. Cette solution de carburant alternatif doit être examinée dans une démarche globale. Cette première partie ne s est intéressée qu au seul transport aérien, il faut également analyser les tenants et aboutissants du transport automobile. 2.1.2. L évolution de la normalisation Par Carole DUPOIRIEUX Il convient désormais de se pencher sur la possibilité d utilisation de ces biocarburants. Il existe en effet des contraintes spécifiques à l aéronautique. Parmi celles déjà citées, rappelons les obligations de sécurité qui sont indispensables dans le secteur, et ainsi la tenue au froid ou le réallumage possible en vol sont des conditions sine qua non pour le choix des carburants. Au-delà de la sécurité, le contenu énergétique détermine le rayon d action de l avion. Il y a une contrainte physique de contenance de carburant (qui représente déjà, au départ de l aéronef, une proportion colossale de la masse totale). La compatibilité avec le matériel préexistant est bien sûr une barrière à l entrée. Enfin, la distribution du carburant doit être mondialisée, car l on doit pouvoir trouver partout ce même carburant. Les normes jouent donc ici un rôle primordial pour harmoniser le secteur. Quelle est la qualité du carburant actuel? Les normes décrivent un ensemble de propriétés que doivent respecter les carburants. Ils doivent être énergétiquement élevés, de densité élevée, avoir des propriétés thermophysiques élevées, être stables chimiquement et physiquement, avoir un faible pouvoir corrosif, être liquide, et 4

ne pas être contaminable par d autres produits (eau, microbes...). Les taux d aromatiques rentrent également en ligne de compte (densité, pouvoir calorifique, pollution...). Actuellement, les deux principaux systèmes de normalisations sont édités par l ASTM (organisation américaine) qui a mis en place la norme ASTM 1655 pour le Jet A-1. L autre système a été mis en place par le ministère de la défense britannique, et sont utilisés en Europe et dans le Commonwealth. Pour le Jet A-1, c est ici la norme DefStan 91 91 qui est employée. Dans les pays du pacte de Varsovie, ce sont des normes russes qui sont en vigueur. A l échelle mondiale, la checklist AFQRJOS est employée pour le Jet A-1. Il existe d ores et déjà plusieurs procédés pour fabriquer du carburant drop-in (entièrement substituable et miscible au carburant existant). On peut par voie thermochimique (procédé Fischer Tropsch) transformer du charbon, du gaz et de la biomasse pour obtenir un carburant. Une fois obtenu, ce dernier est indépendant de la matière d origine. Les carburants alternatifs sont sensé être drop-in. Alors, pourquoi ne pas se contenter de la conformité aux normes existantes? En fait, ils ont des propriétés intrinsèques, des aromatiques, qui peuvent engendrer une dilatation des joints des moteurs et provoquer des fuites. Nous devons alors réaliser des tests complémentaires pour approuver ces nouveaux carburants. On comprend alors qu on ne peut pas simplement calquer les normes préexistantes sur ces produits intrinsèquement différents. Le carburant produit à base de charbon par SASOL en Afrique du Sud est approuvé depuis 99 par la norme DefStan, à hauteur de 50%, puis à 100% depuis 2008. L ASTM a mis au point un protocole d approbation générique, l ASTM 7566 pour les carburants à hauteur de 50% de tenue Fischer-Tropsch. D ici 2013, cela passera à 100% FT. En fait, ce ne sont pas les carburants qui sont certifiés en tant que tel, mais les avions et les moteurs. Comment procéder pour l application de la norme 7566 sur carburant alternatif. ASTM a fait en sorte que cette norme soit équivalente à norme actuelle, afin d éviter des difficultés de recertification. Le processus de normalisation en tant que tel échappe légèrement à la France. Il est conseillé Il existe 4 enjeux majeurs : 1. Disposer de moyens de productions adéquates Actuellement, il y a beaucoup de projets en cours (Gtl, Btl...), mais pas de projets à proprement parler sur la production industrielle. Il est nécessaire d identifier les filières prometteuses, les technologies disponibles, et de se fixer des objectifs de production et d incorporation. 2. Connaître les effets de ces carburants aéronautiques à long terme sur les moteurs Les propriétés sont très différentes selon les carburants. Cela génère par exemple un impact sur la maintenance à long terme du matériel. Il faut alors s assurer du suivi des effets de la mise en place des nouveaux produits tout au long de la chaîne d alimentation des avions. 3. Définir un haut niveau de traçabilité L objectif est de savoir quel pourcentage de carburant alternatif a été utilité tout au long de l utilisation de l avion. Aujourd hui, le système en place aux Etats-Unis ne permet pas de suivre la provenance du carbone. 5

4. Connaître le vrai bilan environnemental des carburants Il s agit de savoir quelles sont les conséquences au niveau énergétique et environnemental de l utilisation des nouveaux produits. Par exemple, quelles sont les émissions de GES relatives? Les effets indirects sont parfois très difficiles à quantifier. Planter de l oléagineux en déforestant est un impact indirect considérable. La réglementation 2012 (inclusion de l aviation dans l EU ETS) nous pousse à bien connaître le bilan global 2.1.3. Le point de vue d un industriel Par Yohan ALLOUCHE La problématique aéronautique est peu représentée. Il y a dans ce secteur, en absolu, une faible consommation d énergie par rapport aux autres acteurs de transport. L aéronautique représente 5% de la consommation global du pétrole. La sécurité est bien évidemment primordiale. D après les prédictions de consommation de fuel, en alliance avec les prédictions de croissance de ce mode de transport, la consommation va tripler d ici 30 ans. Surgit donc fatalement une problématique d approvisionnement et de production de pétrole. Comment alors alimenter les avions? Airbus choisit ses moteurs, pour l assemblage, en fonction de leur utilisation et de leurs performances. Historiquement, il y a eu beaucoup de progrès dans l optimisation énergétique des avions. Une réduction de 70% des émissions de CO2 a ainsi été permise grâce à l amélioration de l efficacité. Aujourd hui, les objectifs restent très ambitieux (cf. ACARE), afin de garder une croissance durable du secteur de l aviation. Airbus est responsable de l amélioration technologique de ses produits. Atteindre la neutralité carbone passe par une optimisation de l utilisation de l énergie. A titre d exemple, il s agit d optimiser les trajectoires et d éviter les dépenses superflues. La fiscalité est aussi primordiale en tant que facteur à prendre en compte. Les avions sont caractérisés par leur durée de vie (50 ans), et par leur besoin d un carburant liquide. L alternative au pétrole doit donc respecter ces spécificités, pour répondre aux exigences non seulement de l avion, mais aussi à toutes les infrastructures extérieures (circuit de distribution, aéroport...). Tout cela doit inclure des critères de durabilité. La société civile fait beaucoup de pression sur le secteur de l aéronautique. Nous devons ainsi nous allier avec l ensemble des acteurs. Des solutions existent déjà (procédé Fischer Tropsch), mais ils ne donnent pas encore pleinement confiance en termes de capacités environnementales et de durabilité. L éthanol ne convient pas. A court terme et moyen terme, la seule solution en termes de carburants alternatifs semble être les carburants issus du procédé Fischer-Tropsch et l hydrotraitement. A long terme, nous pouvons penser à l hydrogène, qui est potentiellement un extraordinaire carburant, mais imposerait un énorme changement des infrastructures. Les solutions sont à étudier, mais cette ressource ne sera opérationnelle que sur le très long terme. Airbus fait partie du SAFUG (Sustainable Aviation Fuel Users Group), qui organise des réunions sur ce genre de thématiques. L effort doit être reconnu par tous, et inclure les critères sociaux, économiques et éthiques. 6

Airbus a fait un premier essai en vol, en février 2008, avec un A380 utilisant un moteur alimenté à 50% au Gtl. Ces essais sont très utiles pour la démarche de certification, et permettent de démontrer que les carburants alternatifs sont une réalité. Questions Marie-France Wittmann, ARVAL Quel est le point de vue de l aviation militaire sur le sujet? Yohan Allouche : historiquement, le secteur militaire est le principal instigateur dans la recherche. Il y a là un objectif stratégique vital : acquérir l autonomie énergétique. La plupart des carburants utilisés dans la branche militaire sont les mêmes que dans le civil. Le civil profite de la dynamique générée par l US Air Force, qui est contrainte aux mêmes problématiques d approvisionnement, de production et de respects de critères environnementaux. Travailler en collaboration revêt un intérêt pour chaque communauté, ne serait-ce que pour la certification. Eric Boschwitz, IBM Quelle est la traçabilité des carburants? Est-il possible de les marquer chimiquement? Xavier Montagne : On peut penser à un système de marquage comme ce qui existe dans le domaine des transports routiers (utilisation d un colorant). Ou alors, un détecteur de qualité permettant d analyser le carburant en service. Il est donc possible de marquer le carburant. En termes de traçabilité, le plus important est la recherche des impuretés. Vincent Feuillette, ENEA Consulting Quelle est la viabilité économique des carburants alternatifs, à moyen et long terme? Quel est l impact sur coût du transport aérien? Yohan Allouche : cette question est un point critique du sujet. En même temps, c est la raison d être de ces biocarburants : l efficacité économique à termes. Nous avons besoin de modèles pour pouvoir mesurer les performances, et cela va demander du temps. Actuellement, il y a peu de moyen de production, et donc il est difficile et imprécis de se prononcer sur le sujet. La décentralisation de la production va également avoir une grande influence sur la question économique. Grégoire Aladjidi, DEMETER PARTNERS Quels sont les additifs qui pourraient être substitués? Xavier Montagne : Dans le Jetfuel, tous les additifs sont parfaitement identifiés. Les additifs biosourcés doivent passer au crible de la normalisation. Leur production impose une recherche plus poussée en R&D sur les microorganismes. Yohan Allouche : la principale réflexion porte principalement sur le remplacement des aromatiques par des sources biologiques. Jean-Philippe Desmartins, ODDO SECURITIES Comment envisager le bilan environnemental dans l absolu? Xavier Montagne : sur l ACV, nous pouvons obtenir des gains de 80% sur le CO2, en global. Il faut alors positionner cette filière par rapport à une autre. Deux parties composent l ACV : la partie du puits au réservoir, et la partie du réservoir à l utilisation. Les méthodologies sont très connues, et présentent des bilans très positifs, de l ordre de 50 à 80% de gains. 7

3. Les perspectives des carburants verts 3.1. Présentation des intervenants 3.1.1. La perspective d un producteur Par Bernard CHAUD Il faut, dans un premier temps, lever certains malentendus. Tout d abord, le besoin de soutien de la sphère publique est nécessaire dans tous les pays du monde. Au Brésil, sans le soutien de l Etat, la filière du bioéthanol n aurait pas pu connaître l essor qu elle a connu. L intervention étatique dans ce pays pris plusieurs formes : incorporation obligatoire de 25% d éthanol dans le carburant, la taxation est plus faible sur l éthanol que sur le pétrole, et le prix de l essence est supérieur à celui du marché international. Le levier de la fiscalité par giga joule doit être plus faible que celui de l essence pour augmenter la compétitivité des carburants alternatifs. Ensuite, sur les bilans environnementaux, les Etats-Unis et l Europe encouragent uniquement les biocarburants répondant à des critères de durabilité et respectant la législation. Le bilan énergétique, quant à lui, suit les cours du gaz, et donc est relativement stable. Enfin, sur le débat de la concurrence avec l alimentaire, on peut objecter que la production a toujours été en phase avec la demande, depuis 1960, sans pour autant augmenter les surfaces agricoles. C est l augmentation des rendements qui en est la cause, et non la déforestation. La production mondiale de pétrole est actuellement de 4,2 milliards de tonnes par an, contre 2,7 milliards de tonnes pour la production agricole (grains, sucres...). Il ya donc une différence d ordre de grandeur. Pour faire jeu égal avec la manne pétrolière, sans pour autant faire concurrence à l alimentaire, nous devrions multiplier par 5 la production agricole. Les prix du pétrole connaissent une augmentation continue, de l ordre de 1 à 2 dollars par baril et par an. A contrario, le prix du blé lui connaît une baisse continue. Le blé est donc, économiquement, plus compétitif que le pétrole. C est justement cette augmentation des prix du pétrole qui donne toujours plus de sens au secteur des biocarburants. Tous les dix ans, la quantité de blé que l on peut acheter par rapport à un baril de pétrole double. Nous en sommes aujourd hui à 15-16 boisseaux de blé pour un baril de pétrole. L augmentation des rendements est donc très importante à prendre en compte sur la question des biocarburants. Au cours du 20ème siècle, ils ont été multipliés par huit. Autre constat : les protéines végétales sont de plus en plus importantes. La France, quant à elle, est déficitaire : ses grandes cultures céréalières sont trop riches en énergie, mais insuffisamment riches en protéines. La révolution des biotechnologies est bien sûr totalement liée à l essor des biocarburants. La bioraffinerie existe pour plusieurs produits (huiles, sucre...), et elle ne génère pas de déchets. La bioraffinerie s étend même ç d autres sphères : production d énergie, d électricité, utilisation dans la chimie... 8

3.1.2. La perspective d un constructeur Par Pierre MACAUDIERE Les biocarburants imposent un changement partiel du secteur. Le monde des transports est en plein évolution, en écho à l augmentation du besoin de mobilité au niveau global (marchandises, personnes...). Le secteur de l automobile représente une part majeure de la consommation de pétrole (60% des acteurs du transport), et donc, une part conséquente des émissions de CO2. Il va de soi que les responsabilités des constructeurs automobiles L augmentation du parc de véhicule incombe à l Asie, qui connaît une très forte croissance, de l ordre de 20 à 25 millions de véhicules par an. Le contrôle du marché est donc une nécessité globale. Aujourd hui, en moyenne, les émissions de CO2 sont aux alentours de 150g, et nous devons atteindre les 95g d ici à 2020. Au passage, les économies générées permettent de compenser l augmentation du parc. Ainsi, un levier d action pour lutter contre le changement climatique, au sein de l industrie automobile, et l amélioration de l efficacité énergétique. Pour ce faire, développer des moteurs compatibles avec les carburants alternatifs est un enjeu de taille. Ici, le principal gain ne se fait pas dans la partie du réservoir à l utilisation, mais dans la partie du puits au réservoir. Les caractéristiques de combustion des carburants alternatifs sont quasiment les même que celles du pétrole. Il est ainsi nécessaire de moins consommer et de mettre sur le marché des véhicules émettant moins de gaz à effets de serre, afin de se mettre au diapason des normes, de plus en plus draconiennes au niveau de la pollution locale. Nous avons trois axes d intervention : - Sur les véhicules et leur motorisation (optimisation physique des véhicules) - Sur l électrification (moteurs électriques, hybrides...) - Sur l adaptation des moteurs aux carburants alternatifs Parmi les actions possibles, nous pouvons par exemple penser au downsizing, qui consiste en une baisse de la taille du moteur ou en une réduction du nombre de cylindres (passer de 2 à 4), ce qui permettrait un gain de consommation. De même, d autres améliorations physiques des véhicules, telles que la réduction de la masse des véhicules, l utilisation de pneumatique basse consommation, l aérodynamique, la climatisation Nous pouvons valoriser une demande de dépollution par une diminution de consommation. Au cours des 20 dernières années, pour le diesel, nous avons augmenté les émissions de CO2 pour diminuer les NOx. Le rôle des biocarburants Le vrai intérêt est de gagner sur le bilan total CO2, ainsi que de limiter notre dépendance aux énergies fossiles. La position de PSA Peugeot Citroën est de maximiser la réduction de CO2 en restant dans des limites acceptables. Actuellement, les véhicules sont compatibles depuis 10 ans au B10. Tous 9

les véhicules PSA Peugeot Citroën produits après les 1er janvier 2000 sont compatibles avec des essences contenant 10% d Ethanol (E10). Les biocarburants n ont de sens que si l on prend les gains apportés en CO2 tout en prenant en compte la culture des plantes. Questions Marie-France Wittmann, ARVAL Qu entendez-vous par réduction des NOx? Pierre Macaudière : Le moteur diesel génère des émissions de NOx. Nous cherchons ainsi à diminuer les NOx à la source, en baissant le rendement plutôt que par des systèmes complexes de dépollution. Grégoire Aladjidi, DEMETER PARTNERS Quel retour d expérience avez-vous de la voie du génie génétique? Bernard Chaud : Le génie génétique travaille sur les microorganismes et est particulièrement important dans le domaine des médicaments. En matière de rendements agricoles, cela n aboutit pas forcément à des OGM. Sur les biocarburants de 2ème génération, le génie génétique peut apporter une réponse sur les problèmes de quantité et de disponibilité, et ainsi aider à équilibrer le marché. Les biocarburants obtenus par fermentation de sucre impliquent de savoir récolter proprement et économiquement la biomasse. Par la suite, nous hydrolysons la matière avec des enzymes fabriqués par des microorganismes génétiquement modifiés. 10