TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG JUGEMENT du 8 Juin 2009



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Au dernier état des ses écrits déposés au greffe le 4 mars 2009, elle demande au Tribunal de : - dire n'y avoir lieu à sursis à statuer, - la recevoir en ses demandes, - déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes en nullité de l'ordonnance rendue par la Président du Tribunal de Grande Instance de STRASBOURG en date du 9 novembre 2006, - déclarer irrecevables et subsidiairement mal fondées les demandes en nullité de forme soulevées par les défenderesses du fait de l'absence de remise préalable de la requête et de l'ordonnance à une personne habilitée, de description détaillée des objets argués de contrefaçon ou de remise du procès verbal de saisie à l'issue des opérations, - déclarer mal fondées les demandes en nullité de fond du procès verbal de saisiecontrefaçon, - dire que les défenderesses ont commis des actes de contrefaçon du brevet français n 94 08735 dont elle est licenciée exclusive et des actes de concurrence déloyale, - faire défense aux défenderesses de poursuivre ces actes sous peine d'astreinte de 5,000, par infraction constatée à compter de la signification du jugement, - ordonner la confiscation de tous réactifs de transfection constitué principalement de polyéthylène imine (PEI) et en particulier de tous produits dénommés "OmniPORTER " dans leur conditionnement ou non, qui seront en possession des sociétés défenderesses à la date du jugement, - condamner solidairement les défenderesses à lui payer à titre de dommages-intérêts, 100.000 pour les faits de contrefaçon et 50.000 pour ceux de concurrence déloyale, sauf à parfaire à dire d'expert, - autoriser la publication du jugement en entier ou par extrait, dans 3 journaux périodiques à son choix aux frais exclusifs et solidaires des défenderesses pour un montant de 5.000 HT par publication, - ordonner l'exécution provisoire du jugement, - condamner solidairement les défenderesses aux frais et dépens dont distraction au bénéfice de Maître ROTH-PIGNON ainsi qu'à lui payer 30.000 application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Elle expose principalement que : -société spécialisée dans la recherche, le développement et la commercialisation de réactifs pour le transfert intercellulaire de biomolécules, elle est titulaire d'une licence exclusive sur le brevet français n 94 08735 déposé à l'institut National de la Propriété Industrielle le 13 juillet 1994 au nom de Rhône Poulenc Rober S.A. (devenue Aventis Pharma) et du Centre National de Recherche Scientifique (CNRS) accordé le 14 août 1996 et ayant pour titre "Composition contenant des acides nucléiques, préparation et utilisation ",

- le contrat concédant cette licence du 12 avril 2001, inscrit au Registre National des Brevets le 16 janvier 2002 sous le numéro 125281, modifié par avenant du 10 janvier 2006, lui confère un droit exclusif d'exploitation du brevet français dans tous les domaines à l'exclusion de la thérapie génique humaine, en vue du développement, de l'utilisation, de la fabrication et de la commercialisation des produits dans le domaine, - ce brevet comporte 30 revendications dont la première définit le polymère cationique PEI comme un moyen de mise en oeuvre de la composition et de l'utilisation de ce polymère à fin de transfection telles que protégées par le brevet et se rapportant à un élément essentiel de celle- ci, - ayant appris que la société française MP BIOMEDICALS (anciennement QBIOGENE) offrait à la vente et à la livraison, en toute connaissance de cause, notamment par le biais de son site Internet, un réactif dénommé "OmniPORTER " pour la transfection de gênes reproduisant les caractéristiques du polymère cationique visé dans les revendications 1 à 4 et 30 du brevet français n* 94 08735 qui constituent un élément essentiel de l'invention, elle a fait procéder le 31 août 2006 à un constat d'huissier par Maître L, Huissier de Justice à PARIS, puis à une saisie- contrefaçon le 17 novembre 2006, - par ordonnance du 6 novembre 2007, le Président du Tribunal de céans a fait défense aux défenderesses, à titre provisoire et sous astreinte, de poursuivre la vente de l'omniporter en retenant que l'action au fond avait été engagée à bref délai et qu'elle présentait un caractère sérieux. Elle fait principalement valoir que : - le titulaire du brevet ayant retiré, dès le 4 avril 2007, la France comme pays désigné par le brevet européen qu'il a déposé, il n'y a pas Heu à sursis à statuer, - sa demande est recevable dès lors que : * l'article L.615-2 du Code de Propriété Intellectuelle est supplétif, que la licence d'exclusivité la dispensait de mettre la société CENTELION en demeure avant d'agir en contrefaçon de brevet et qu'en tout état de cause cette société a confirmé son intention de ne pas engager d'action en contrefaçon, *elle bénéficie bien d'une exclusivité d'exploitation du brevet pour le transfert des gênes, y compris si le polymère cationique est vendu afin de permettre aux clients d'effectuer des essais dans le domaine de la thérapie génique humaine, en tout état de cause le produit "OmniPORTER " n'est pas destiné à être injecté à l'homme de sorte qu'il entre bien dans le domaine d'application de la licence, - l'exception de nullité de l'ordonnance ayant autorisé la saisie- contrefaçon est irrecevable car elle aurait dû être soulevée devant le juge de l'ordonnance, - le procès verbal de saisie-contrefaçon est valable : * les exceptions de nullité de forme sont irrecevables faute d'avoir été soulevées avant toute défense au fond,

* la requête et l'ordonnance ont été remises préalablement à la responsable des ressources humaines qui, occupant un pouvoir de direction, avait qualité pour représenter la société et les défenderesses ne démontrent pas le grief qu'une telle remise leur aurait causé, * l'huissier n'a procédé à aucun interrogatoire tendancieux, * la description détaillée des objets saisis était impossible s'agissant de produits chimiques, * l'huissier n'a pas dépassé le cadre de sa mission, * le procès verbal de saisie a été régulièrement signifié aux défenderesses le 21 novembre 2006, soit quatre jours après les opérations de saisie, - la réalité des faits de contrefaçon n'est pas sérieusement contestable au vu du constat de Maître L, du procès verbal de saisie- contrefaçon, des déclarations des personnes interrogées et du résultat de l'analyse pratiquée par le laboratoire indépendant NMRtec, - l'élément moral résulte de la qualité des défenderesses d'anciens distributeurs du JetPEI ; en outre, en cas de contrefaçon par importation, la bonne foi ne peut pas être invoquée, - le préjudice subi est important et les chiffres avancés par les défenderesses ne sont pas fiables, - en copiant la plaquette publicitaire du JetPEI, en démarchant la clientèle de POLYPLUS TRANSFECTION, en pratiquant des prix inférieurs et en se plaçant dans son sillage les défenderesses ont commis des actes de concurrence déloyale distincts de la contrefaçon, - les demandes reconventionnelles sont irrecevables faute de présenter un lien suffisant avec les demandes principales ; elles sont aussi mal fondées, la rupture du contrat de distribution qui les liait n'ayant aucun caractère abusif. La S.A.S. MP BIOMEDICALS FRANCE et la société de droit canadien QBIOGENE Inc. (dernières conclusions déposées au greffe le 2 avril 2009), après avoir sollicité au besoin l'audition des témoins K, B, O, D et R, concluent : - à l'irrecevabilité des demandes, - à la nullité de l'ordonnance du 9 novembre 2006 ayant autorisé la saisiecontrefaçon, - à la nullité du procès verbal de saisie-contrefaçon du 17 novembre 2006, - au débouté des demandes au titre de la contrefaçon et de la concurrence déloyale, - à la condamnation de la demanderesse aux frais et dépens ainsi qu'à leur payer à chacune 10.000 application de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

Elles font principalement valoir que : - lors de la délivrance de l'assignation le Tribunal se devait de surseoir à statuer par application de l'article L.614-13 du Code de Propriété Intellectuelle, - l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon est nulle faute pour la demanderesse d'avoir indiqué sa forme sociale ni précisé les revendications qui seraient contrefaites, - le procès verbal de saisie-contrefaçon, dont la validité ressort du contrôle du seul Juge du fond, est nul dès lors que : * la requête et l'ordonnance n'ont pas été remises préalablement à une personne ayant un pouvoir de contrôle sur l'objet saisi ou à une personne habilitée ce que n'était pas Madame B, directrice du personnel, * l'huissier a procédé à un interrogatoire prohibé par la loi en interpellant des salariés n'ayant aucune compétence technique particulière ni autorité pour répondre, * l huissier n'a procédé à aucune description du produit OmniPORTER, * l'huissier a dépassé le cadre de sa mission en permettant à la demanderesse d'accéder à des renseignements confidentiels tels que les marges intra groupes, le plan marketing et la liste des clients ; il a en outre saisi davantage de produits que ne l'y autorisait l'ordonnance présidentielle, * l'huissier n'a laissé aucun exemplaire de son procès verbal à l'issue de ses opérations et ne l'a signifié que le 21 novembre 2006, - POLYPLUS n'a pas qualité pour agir car : * elle n'a pas mis préalablement CENTELION en demeure, * rien ne démontre que le produit OmniPORTER serait utilisé à d'autres fins que dans la thérapie génique humaine, domaine d'utilisation du brevet qui est formellement interdit à la demanderesse, - l'élément matériel de la contrefaçon n'est pas établi étant relevé que les échantillons analysés n'ont pas été remis au laboratoire par l'huissier mais par la demanderesse elle-même ; l'omniporter ne contient pas d'acide nucléique, - elles ont agi de bonne foi, aucun des contrats de distribution les ayant antérieurement liés à la demanderesse ne faisant état de l'existence d'un brevet, - aucun acte de concurrence déloyale distinct des actes de contrefaçon ne saurait leur être reproché, - le préjudice invoqué ne correspond pas à la réalité, les ventes d'omniporter en 2006 s'étant élevées à 4.044,34 dont 2.485,29 représentant l'achat fait par Maître W lors des opérations de saisie ; l'expertise sollicitée est inutile, le Tribunal disposant de tous les éléments nécessaires pour évaluer le préjudice allégué.

Elles se portent demanderesses reconventionnelles en paiement des sommes de : - 10.000 à titre de dommages-intérêts provisionnels pour procédure abusive en exposant que POLYPLUS a mis en place un stratagème complexe pour se débarrasser d'un distributeur devenu son concurrent, - 150.000 à titre de dommages-intérêts provisionnels pour rupture abusive du contrat de distribution du 27 mars 2003 selon courrier du 10 août 2005 après débauchage de son ancien responsable commercial pour les U.S.A. L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 mai 2009. II) MOTIFS DE LA DÉCISION. 2-1) sur le sursis à statuer, La société CENTELION, titulaire du brevet et demanderesse d'un brevet européen n* 95925026.7 du 7 juillet 1995 ayant retiré la désignation de la France de sa demande, il n'y a pas lieu de surseoir à statuer par application de l'article L.614-15 du Code de Propriété Intellectuelle. 2-2) sur la recevabilité de l'action, 2-2-1) sur l'inobservation de l'article L.615-2 du Code de Propriété Intellectuelle, Cet article de loi permet au bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation, sauf stipulation contraire du contrat de licence, d'exercer l'action en contrefaçon si, après mise en demeure, le propriétaire du brevet n'exerce pas cette action. Il est constant que le CNRS, co-propriétaire du brevet, a été régulièrement mis en demeure par la société POLYPLUS selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 octobre 2006 et il ressort des pièces du dossier que : - l'avenant n L0I023.01 au contrat de licence de brevet n L01023 n'a mis à la charge du licencié voulant agir en contrefaçon que l'obligation de mettre en demeure le CNRS, - la société CENTELION, autre co-propriétaire du brevet qui avait été avisée par POLYPLUS, selon lettre recommandée avec accusé de réception en date du 5 octobre 2006, de l'intention de celle-ci d'agir en contrefaçon de brevet contre la société MP BIOMEDICALS, a confirmé, par courrier du 4 septembre 2007, qu'elle avait la volonté de ne pas s'opposer à une telle action démontrant ainsi, sans ambiguïté aucune, qu'elle n'a jamais eu l'intention de mettre elle-même en oeuvre l'action en contrefaçon. Il s'ensuit que les dispositions de l'article L.615-2 du Code de Propriété Intellectuelle n'ont pas été méconnues.

2-2-2) sur le champ d'application de la licence. Les défenderesses ne produisent aucun document démontrant que le produit OmniPORTER qu'elles commercialisent pourrait n'être utilisé que dans le domaine de la thérapie génique humaine alors qu'il ressort de la notice de ce produit qu'il est exclusivement destiné à des fuis de recherche et qu'il ne peut être utilisé pour des applications en diagnostique ou thérapeutiques. Il apparaît ainsi que la demanderesse en contrefaçon est demeurée dans le champ d'application de la licence exclusive dont elle bénéficie. Il s'ensuit que son action est recevable. 2-3) sur l'exception de nullité de l'ordonnance ayant autorisé la saisie-contrefaçon, La nullité de l'ordonnance ayant autorisée la saisie-contrefaçon ne peut être prononcée que par la Cour d'appel dans le cadre du recours exercé contre cette décision et non devant le Tribunal statuant au fond sur l'action en contrefaçon. Cette exception est donc irrecevable. 2-4) sur les exceptions de nullité des opérations de saisie-contrefaçon L'article 771 du Code de Procédure Civile dans sa rédaction issue du décret du 28 décembre 2005 applicable aux procédures en cours à compter du 1" mars 2006 dispose que : "lorsque la demande est présentée postérieurement à sa désignation, le Juge de la Mise en État est, jusqu 'à son dessaisissement, seul compétent, à l'exclusion de toute autre formation du tribunal pour : 1. Statuer sur les exceptions de procédures et sur les incidents mettant fin à l'instance ; les parties ne sont plus recevables à soulever ces exceptions et incidents ultérieurement à moins qu ils ne surviennent ou soient révélés postérieurement au dessaisissement du juge... L'exception de nullité des opérations préalables de saisie-contrefaçon n'étant pas visées par ces dispositions réglementaires, le Tribunal statuant au fond est compétent pour en connaître. 2-4-1) sur les nullités pour vice de forme. Conformément au droit commun, les nullités pour vice de forme doivent être soulevées "in limine litis " avant toute défense au fond ou fin de non recevoir (articles 74 et 112 du Code de Procédure Civile). Tel est le cas de celles tirées du défaut : - de remise préalable de la requête et de l'ordonnance à une personne habilitée, - de description détaillée des objets argués de contrefaçon, - de remise du procès verbal de saisie à l'issue des opérations.

Les défenderesses ayant, dans leurs premiers écrits visés au greffe le 21 juin 2007, opposé la fin de non recevoir tirée du défaut de qualité à agir de la demanderesse dans un chapitre II (improprement intitulé "Exceptions de procédure"), paragraphe B, avant de soulever ces exceptions par les mêmes conclusions dans le paragraphe C, elles sont dès lors irrecevables de ces chefs, le "classement" qu'elles ont opéré dans leurs derniers écrits par l'inversion des paragraphes B et C toujours contenus dans le même chapitre II improprement dénommé, n'étant pas de nature à faire échec aux dispositions des articles 74 et 112 du Code de Procédure Civile sus-rappelées. 2-4-2) sur les nullités pour vice de fond. En revanche, constituent des nullités pour vice de fond pouvant être soulevées à tout moment et sans qu'il soit besoin de justifier d'un grief (article 118 du Code de Procédure Civile) : - le non respect par l'huissier saisissant de son devoir de loyauté et de probité, - le dépassement par l'huissier de sa mission. La saisie-contrefaçon prévue par l'article L. 615-5 étant une procédure exceptionnelle permettant à la partie lésée, avant tout procès contradictoire, de pénétrer chez autrui sans son assentiment afin d'y procéder à des investigations, des constatations, voire des saisies réelles tendant à apporter la preuve de la contrefaçon alléguée sans que le saisi ait la faculté de s'opposer au déroulement des opérations, les dispositions légales en la matière et les autorisations données par le Président dans l'ordonnance rendue à la requête de la partie prétendument lésée doivent être interprétées strictement et leur méconnaissance sanctionnée par la nullité de la saisie. En l'espèce, Maître W n'a trouvé sur les lieux de ses opérations aucune information sur la composition du produit OmniPORTER (paragraphe 6.2 de son procès-verbal). Dès lors, il ne pouvait pas interpeller les salariés présents sur la composition chimique de ce produit, ce d'autant plus qu'il savait que Valérie R, Directeur Financier, Téo C, Responsable Logistique, François K, Responsable Communication, Valérie D, Acheteur des produits aux U.S.A. et au CANADA et Jean-Georges O, Agent Logistique, n'avaient pas les compétences techniques requises pour se prononcer sur cette question. N'ayant pas eu de réponse à sa question relative à la composition chimique du produit argué de contrefaçon et n'ayant, de ce fait, procédé à aucune description des produits saisis réellement, il ne pouvait pas davantage questionner et consigner les déclarations de Madame D et de Monsieur O (paragraphe 7.2.1) de manière à leur faire dire que l'omniporter "a été créé pour remplacer le produit JetPEl devenu indisponible" et leur faire reconnaître "qu'il s'agit du même produit et qu'il est vendu comme tel" afin de laisser présumer, au seul vu de leurs déclarations ainsi consignées alors qu'aucune analyse chimique n'avait encore démontré que l'omniporter mettait en oeuvre Tune ou l'autre des revendications brevetées, qu'il s'agissait en fait d'un produit parfaitement identique au JetPEI, d'une simple copie de celui-ci, et tenter ainsi d'obtenir des "aveux" de contrefaçon de la part de personnes au service de la société MP BIOMEDICALS justifiant, à posteriori, la saisie réelle des produits qu'il venait d'effectuer.

En procédant de la sorte alors que l'ordonnance du Président de ce Tribunal en date du 9 novembre 2006, ne l'avait autorisé qu'à rechercher et constater l'offre à la livraison, la livraison et la vente de "réactifs de transfection, et en particulier d'un produit nommé OmniPORTER, qui reproduisent les caractéristiques essentielles du polymère calionique décrit dans les revendications du brevet d'invention français n " 94 08735, et ce dans les locaux de la société MP BIOMEDICALS... ainsi que dans tout autre lieu dans le ressort du Tribunal de céans dans lesquels les opérations de saisie révéleraient que des actes constitutifs de contrefaçon sont commis ", l'huissier instrumentaire a excédé le cadre de sa mission. Il convient en conséquence de prononcer la nullité du procès-verbal qu'il a dressé de ses opérations le 17 novembre 2006. 2-5) sur la preuve de la contrefaçon de brevet. Le procès-verbal de saisie-contrefaçon étant nul, aucune conséquence juridique ne peut être tirée de l'expertise des produits saisis, réalisée le 5 mai 2007 par ie laboratoire NMRtec à la requête de la partie demanderesse. L'ordonnance rendue en la forme des référés le 6 novembre 2007 par le Président de ce Tribunal n'a pas autorité de chose jugée sur la réalité des faits de contrefaçon et le procèsverbal de constat dressé le 31 août 2006 par Maître L, Huissier de Justice à PARIS, ne démontre pas que l'omniporter serait fabriqué par la mise en oeuvre d'une ou de plusieurs revendications brevetées. La S.A.S. POLYPLUS TRANSFECTION étant dès lors défaillante dans l'administration de la preuve de la contrefaçon du brevet français n" 94 08735, elle sera déboutée des demandes formées de ce chef. 2-6) sur l'action en concurrence déloyale Cette action exclusivement fondée sur des constatations qui auraient été faites par l'huissier instrumentaire dans le cadre de son procès-verbal de saisie-contrefaçon qui a été déclaré nul et de nul effet, sera également rejetée comme insuffisamment fondée étant en outre relevé, d'une part, que la demanderesse ne justifie d'aucun droit de "propriété" sur la clientèle prétendument détournée et, d'autre part, que s'agissant d'un produit pharmaceutique destiné à une clientèle très spécialisée, la présentation qui en est faite par le conditionnement ou la plaquette commerciale apparaît sans influence significative sur le choix opéré par l'acheteur. 2-7) sur les demandes reconventionnelles, La S.A.S. MP BIOMEDICALS FRANCE et la société de droit canadien QBIOGENE Inc qui ne justifient par aucune pièce que la S.A.S. POLYPLUS TRANSFECTION aurait débauché un de ses anciens salariés et auraient mis en place "un stratagème complexe" pour se débarrasser d'un concurrent, ne démontrent pas que cette dernière aurait excédé la mesure du droit dont dispose tout plaideur de saisir la Justice du litige qui l'oppose à une ou plusieurs autres parties étant rappelé qu'elles ont stoppé le lancement de leur produit OmniPORTER en exécution d'une décision de Justice contre laquelle elles n'ont formé aucun recours.

Elles seront en conséquence déboutées de leur demande reconventionnelle en paiement de la somme de 10.000 à titre de dommages-intérêts en réparation de leur préjudice commercial. La seconde action reconventionnellement engagée par elles et fondée sur la rupture abusive du contrat de distribution des 26 et 27 mars 2003 est, quant à elle, irrecevable par application de l'article 70 du Code de Procédure Civile faute de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant s'agissant d'une action en responsabilité contractuelle formée contre un partenaire commercial relative à la distribution d'un produit JetPEÏ alors que, dans le cadre de la présente instance, la Société POLYPLUS TRANSFECTION a engagé une action en responsabilité délictuelle contre un concurrent accusé de se rendre coupable d'actes de contrefaçon et de concurrence déloyale par la vente d'un produit OmniPORTER. 2-8) sur les dépens et les frais irrépétibles, La S. A.S. POLYPLUS TRANSFECTION succombant au principal et les sociétés MP BIOMEDICALS FRANCE S.A.S. et QBIOGENE Inc succombant en leurs demandes reconventionnelles, il convient de faire masse des frais et dépens ne comprenant pas ceux de la procédure de saisie-contrefaçon annulée, de dire que chaque partie les supportera pour moitié et de rejeter les demandes réciproques fondées sur l'article 700 du Code de Procédure Civile. PAR CES MOTIFS Le TRIBUNAL, statuant contradictoirement et en premier ressort, par jugement déposé au greffe, Dit n'y avoir lieu de surseoir à statuer ou de procéder à une enquête. Déclare la S.A.S. POLYPLUS TRANSFECTION recevable en ses actions. Déclare la S.A.S. MP BIOMEDICALS FRANCE et la société de droit canadien QBIOGENE Inc irrecevables en leurs exceptions : - de nullité de l'ordonnance présidentielle rendue sur requête le 9 novembre 2006, - de nullité pour vices de forme du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 17 novembre 2006 par Maître Gérard W, Huissier de Justice à STRASBOURG. Prononce la nullité pour vices de fond du procès-verbal de saisie-contrefaçon dressé le 17 novembre 2006 par Maître Gérard W, Huissier de Justice à STRASBOURG. Déboute S.A.S. POLYPLUS TRANSFECTION de son action en contrefaçon du brevet français n 94 08735. Déboute S.A.S. POLYPLUS TRANSFECTION de son action en concurrence déloyale.

Déclare la S.A.S. MP BIOMEDICALS FRANCE et la société de droit canadien QBIOGENE Inc irrecevables en leur demande reconventionnelle de dommages-intérêts pour rupture abusive du contrat de distribution des 26 et 27 mars 2003. Déboute la S.A.S. MP BIOMEDICALS FRANCE et la société de droit canadien QBIOGENE Inc de leur demande de dommages-intérêts pour procédure abusive. Fait masse des frais et dépens des demandes principales et reconventionnelles ne comprenant pas ceux de la procédure de saisie-contrefaçon annulée et dit qu'ils seront supportés pour une moitié par la S.A.S. POLYPLUS TRANSFECTION et pour l'autre moitié "in solidum" par la S.A.S. MP BIOMEDICALS FRANCE et la société de droit canadien QBIOGENE Inc. Dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du Code de Procédure Civile. Rappelle que les dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ne sont pas applicables en Alsace-Moselle. Ordonne la restitution à la S.A.S. POLYPLUS TRANSFECTION des objets saisis en exécution de l'ordonnance sur requête du 9 novembre 2006 (N I-Civ-227/06) déposés au greffe du Tribunal de ce siège. Rejette toutes autres conclusions plus amples ou contraires.