«Certains veulent sauver le secret bancaire. Il faut avant tout sauver l Etat de droit»



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Transcription:

Le Temps; 30.01.2010 - Economie - p. 22 L'interview de la semaine Paolo Bernasconi, ancien procureur du Tessin, avocat et notaire à Lugano «Certains veulent sauver le secret bancaire. Il faut avant tout sauver l Etat de droit» Propos recueillis par François Pilet Le Temps: Vous avez loué la décision du Tribunal administratif fédéral (TAF) bloquant la livraison de données aux Etats-Unis, disant que la cour avait «réinventé l eau chaude» en rappelant les bases de l Etat de droit. Cette décision met pourtant la Suisse dans une situation difficile. N est-ce pas une réaction à courte vue que de s en féliciter? Paolo Bernasconi: Il faut bien séparer le politique du juridique. Ce n est pas au tribunal de résoudre le problème. Il est là pour dire le droit, pas pour faire de la politique. Les juges l ont fait, vite et bien, en l espace de deux mois par un jugement très fouillé. Il est vrai que cette décision nous ramène à la case départ. Ce n est pas la faute du tribunal mais du gouvernement qui a fait une interprétation juridique erronée avec l accord d août. C est ce que je résume par la formule: le Droit a ses raisons que l Etat ne connaît pas. Le droit n est pas vierge de tout reproche dans cette affaire puisqu une grande banque comme UBS a su en abuser pendant des années avec le blanc-seing apparent des autorités comme du régulateur Depuis des années, les milieux bancaires ont estimé qu il suffisait de respecter les lois suisses. Cette approche se révèle aujourd hui très dangereuse. Auparavant régnait une situation de tolérance globale, non seulement de la part des autorités suisses mais aussi étrangères. L OCDE mène sa guerre contre les places financières offshore depuis des années mais personne n y a vraiment cru avant que le G20 ne déclare la guerre le 2 avril 2009. Le grand tournant a été l affaire UBS avec le risque pour le banquier d être arrêté. Ou plutôt le risque pour le client d être dénoncé. C est les deux. Et il n y a pas que l affaire américaine. Les juges de São Paulo au Brésil avaient lancé une «Opération Suisse» il y a trois ans. L Allemagne et l Italie lancent des procédures depuis des années contre des intermédiaires et des banques suisses. Qu a fait la Suisse pendant toutes ces années pour limiter ces risques? Il est intéressant de noter que la convention de diligence des banques a été adoptée en janvier 1977 suite à l affaire de Chiasso qui impliquait Credit Suisse. Déjà à ce moment, la Suisse s était dit qu il fallait faire quelque chose. Cette convention a montré toutes ses failles au fil des années. Il a fallu codifier ces normes dans le Code pénal parce qu elles n étaient pas appliquées, par exemple avec l obligation d identifier le bénéficiaire économique. L article 8 de la convention prévoit l interdiction de contribuer activement à des agissements au détriment des autorités étrangères. C était embryonnaire, personne n y croyait. Le texte a été concrétisé de manière très étroite en condamnant l assistance active par des déclarations mensongères. Les banquiers offshore d UBS ont-ils violé ces règles?

Ce n est toujours pas établi jusqu à aujourd hui. En parallèle de tout cela, la notion de compliance s est élargie au sein des banques. Les grands établissements internationaux s interdisent dorénavant eux-mêmes de contribuer à la fraude en contrôlant la conduite fiscale de leurs clients. C est un tournant historique. Les banques suisses, qui se soumettent à ces règles sur les risques juridiques, doivent-elles aussi maîtriser les risques fiscaux? C est ce que je pense. En tant que consultant pour plusieurs banques, je leur recommande d appliquer ces règles sur le contrôle des risques fiscaux, qui sont aussi juridiques, réputationnels. Cette nouvelle approche s appelle «tax compliance». Comment s adapter à cette nouvelle donne? Il faut donner un temps de transition et l autorité en l occurrence la Finma doit donner un délai clair. Elle a déjà fait comprendre dans plusieurs décisions qu elle attendait que les banques se soumettent à cette compliance étendue. Cela se rapproche du projet Rubik présenté par les banquiers. Est-il raisonnable d imaginer que les banques puissent connaître les législations fiscales de tous les pays du monde pour être sûr que leurs clients s y conforment? L idée derrière le projet Rubik est intéressante parce qu elle tente de résoudre le problème sur un plan économique plutôt que légal. C est une idée nouvelle, et la Suisse s est montrée proactive en la formulant. Mais il y a des difficultés techniques d application colossales. Il faudrait effectivement connaître le système fiscal de tous les clients. C est encore imaginable pour les systèmes européens et anglo-saxons, mais pour le reste du monde cela devient problématique. Plutôt que de miser sur une autoréglementation strictement économique, mieux vaudrait donc adapter la loi? Absolument. Certains disent aujourd hui qu il faut sauver le secret bancaire. Je dis qu il faut avant tout sauver l Etat de droit. C est un des piliers de la valeur ajoutée de notre pays. Nos partenaires doivent savoir qu ils peuvent se reposer sur la solidité de notre système juridique. Beaucoup de clients nous ont consultés suite aux différentes amnisties fiscales européennes, ou suite au récent pèlerinage fiscal des contribuables américains désemparés. Ces gens disent tous: «Ma banque pourrait faire un jour ce qu UBS a fait aux Etats-Unis.» C est un refrain constant qui représente une perte de valeur colossale. Il faut donc à tout prix rester dans les rails du droit. Sous la pression du G20, la Suisse a signé dans la précipitation toute une série de nouvelles conventions fiscales. Il est absolument nécessaire aujourd hui d établir une base légale claire pour réglementer l application de ces conventions. Une commission fédérale d experts avait préparé un avant-projet en 2004 qui a finalement été abandonné. J étais intervenu il y a deux ans pour en souligner l urgence. L administration fiscale m avait répondu que ce n était pas prioritaire. Nous aurions eu une telle loi aujourd hui, la situation aurait été bien plus claire. On a attendu la guerre avant de se dire qu on aurait besoin de munitions. Le Conseil fédéral a déposé un projet d ordonnance sur cette question. Vous proposez d en faire une loi. Quelle est l idée derrière tout cela? Cherche-t-on après coup à réduire la portée des conventions fiscales défavorables que la Suisse a été contrainte de signer? C est une question à poser au Conseil fédéral qui a déposé ce projet d ordonnance.

Pourquoi maintenant? L Association des banques étrangères en Suisse et l Association suisse des banquiers ont aussi demandé un texte en ce sens. Je partage cette initiative puisqu elle vise à protéger les droits des personnes impliquées dans des entraides administratives. Il n est pas question de toucher à des accords signés et ratifiés. Mais ces conventions ne règlent pas tout. Il y a encore un espace de droit interne qui doit être réglementé au niveau des procédures. Dans le cas HSBC par exemple, la France est actuellement libre d utiliser des données volées en Suisse. C est pourquoi il faut une base légale pour bloquer des demandes qui se baseraient sur des informations obtenues illégalement. Votre proposition va plus loin, elle prévoit que la Suisse refuse de donner l entraide si les données ont été obtenues de manière illégale dans un autre pays. Qui va décider ce qui est légal ou pas à l étranger? L administration suisse? Il est très fréquent que les tribunaux suisses se prononcent sur des législations étrangères. Nos juges sont tout à fait en mesure d examiner de manière très fouillée le droit étranger. Et si un employé vole des documents de son employeur, la situation reste assez simple quel que soit le droit applicable. Et savoir si les services secrets allemands ont le droit de payer des informations? La question a fait débat en Allemagne. Un tribunal suisse pourrait-il se prononcer dans un cas pareil? Il le faut. Le Tribunal fédéral a une jurisprudence très vaste en matière d entraide pénale pour établir si les droits fondamentaux des personnes concernées sont respectés dans leur pays. Vous proposez aussi d introduire l exigence de l identification des personnes concernées par une demande. N est-ce pas une manière de revenir sur ces conventions dont certaines sont bien moins précises sur ce point? On ne peut pas revenir sur les conventions existantes. Une loi de cette nature serait applicable pour toutes les demandes provenant des conventions avec tous les pays, il ne s agirait pas de modifier le contenu. Mais une loi doit dire de quelle manière la Suisse peut y répondre. Et s il y a un conflit entre les deux? Le parlement ne va pas adopter une loi qui limite la portée d accords internationaux. Un tel texte est pourtant nécessaire parce qu aucune convention ne précise quels sont les droits des personnes concernées dans la procédure suisse, comme le droit de recours ou celui de prendre connaissance du dossier. C est fondamental. Dans le système frère de l entraide pénale, il y a une loi fédérale très articulée et précise. Nous avons même une loi fédérale spécifique pour l entraide pénale avec les Etats-Unis. C est tout à fait normal. Mais je répète, il n est pas question d insérer dans le droit national une norme qui mettrait en échec une convention de double imposition. Quelques pays jouent ce petit jeu-là, ce ne doit pas être le cas de la Suisse. +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++

«Le TAF n'a encore rien dit sur des cas importants» La justice ne s'est pas prononcée sur la totalité de l'accord d'août Le Temps: Vous représentez une cinquantaine de clients UBS dont certains sont concernés par la décision du TAF du 21 janvier. Quel est le profil de ces gens? Paolo Bernasconi: Il faut rappeler qu il s agit en grande partie de gens qui n habitent plus aux Etats-Unis, voire qui n y ont jamais vécu. Il est faux de les décrire globalement comme des fraudeurs. Quel est leur état d esprit aujourd hui? Ceux qui habitent aux Etats-Unis sont terrorisés. Le système pénal y est très dur. Ce n est pas l Italie où l on peut échapper à une peine ferme de mille façons. Toutes ces personnes ont été énormément désécurisées par l attitude d UBS et du gouvernement suisse. La remise de presque 300 noms en urgence et sans les avertir a été un message accablant. Tous parlent de trahison, après avoir été rassurés pendant des années. Certains regardent désormais tous les Suisses moi y compris! avec un regard méfiant! Cette incertitude continue. Si l Administration fédérale des contributions leur donnait demain une confirmation écrite que leur nom ne sera pas transmis suite à la décision du TAF, ils n y croiront toujours pas! La méfiance est totale. Cette lettre va-t-elle leur arriver? Le TAF a ordonné à l AFC d informer les 26 clients touchés. Mais ce n est pas fini! Le TAF travaille actuellement sur des recours dans d autres cas. Les jeux ne sont pas faits pour les 250 cas présentés comme relevant de la fraude. J ai été effaré de voir cette formule utilisée par le Conseil fédéral mercredi qui disait que la transmission avait été bloquée pour 4200 cas mais autorisée pour 250 autres. Le TAF ne s est pas encore prononcé sur ces derniers cas. Et il est à prévoir que ces transmissions seront bloquées aussi! Selon l accord d août, la fraude serait constituée par le simple fait de posséder une société offshore et de détenir plus d un million de francs. Mais pour utiliser une formule chère au professeur Xavier Oberson et qui rappelle l état actuel du droit, soustraire 100 francs au fisc en utilisant une fausse signature relève de la fraude. A l opposé, ne pas déclarer 100 millions grâce à un offshore mais sans faire de faux, c est de l évasion! Les critères utilisés dans l accord ne tiennent donc pas la route, et nous l avons fait valoir dans nos recours. C est vraiment à se demander qui a établi ces critères. De plus, combien de comptes suisses sont-ils au nom de sociétés de siège offshore? Cent mille? Un demi-million? Un million? Il y en a partout. Même portant sur 250 cas, ce deuxième jugement du TAF est donc tout aussi important pour la place financière suisse notamment pour ses rapports avec l Union européenne? Tout à fait. Il ne faut pas oublier l échéance de 2013 sur la révision de l imposition à la source pour les pays européens et aussi, en 2012, la renégociation de l accord d intermédiaire qualifié entre les banques suisses et les Etats-Unis. Propos recueillis par F. P.

Rasez les offshore qu on voie la mer Né en 1943 à Lugano, Paolo Bernasconi est nommé procureur général du canton du Tessin à l âge de 26 ans. En 1969, il conclut dans son premier rapport d activité que les sociétés offshore sont le premier obstacle à la lutte contre la criminalité économique. Dans toute la «naïveté de son jeune âge», comme il le dit aujourd hui, Paolo Bernasconi proposait alors d abolir ces paravents. Il dirige le Parquet tessinois jusqu en 1986 puis s installe comme avocat et notaire au sein du cabinet Bernasconi Martinelli Alippi & Partners à Lugano. Il est par ailleurs professeur à l Université de Zurich, au Centre d études bancaires de Lugano, à l Université de Saint-Gall et à l Université de la Suisse italienne. F.P. +++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++++