Bassins de production et de consommation des cultures vivrières en Afrique de l Ouest et du Centre



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Transcription:

Bassins de production et de consommation des cultures vivrières en Afrique de l Ouest et du Centre Rapport provisoire Nicolas Bricas, Cirad, UMR Moisa Marie-Cécile Thirion, AFD Bernardin Zoungrana, Cilss, Centre Agrhymet Novembre 29 1

SOMMAIRE 1 PRESENTATION DE L ETUDE 3 1.1 Contexte 3 1.2 Périmètre de l étude 3 1.3 Principales composantes 4 1.4 Equipe de réalisation de l'étude 5 2 LA PRODUCTION VIVRIERE ET SON EVOLUTION 5 2.1 Les bassins de production et leurs grandes caractéristiques 5 2.1.1 Céréales : mil, sorgho, maïs et riz 5 2.1.2 Tubercules : Manioc et igname 8 2.1.3 Oléagineux et légumineuses : Arachide et niébé 1 2.1.4 Ce qu il faut retenir 11 2.2 Les évolutions récentes des productions vivrières 12 2.2.1 Evolution des niveaux de production 12 2.2.2 Un début d intensification pour les céréales? 15 2.2.3 Une hausse des rendements en tubercules tardive 19 2.2.4 Une production oléagineuse tirée par la hausse des rendements et des surfaces 21 2.2.5 Une production du niébé en hausse avec l extension des surfaces 23 2.2.6 Ce qu il faut retenir 25 3 LA CONSOMMATION ALIMENTAIRE RURALE ET URBAINE 25 3.1 Les disponibilités alimentaires nationales 25 3.1.1 Les principaux produits consommés 25 3.1.2 Deux grands régimes amylacés 26 3.1.3 Le vivrier ne se limite pas aux produits amylacés 27 3.2 La répartition de la consommation entre zones rurales et urbaines 28 3.2.1 Méthodologie 28 3.2.2 Une production tirée par la demande urbaine 28 3.2.3 Une importance globalement limitée des importations alimentaires 31 3.2.4 Des marchés urbains plus importants que les marchés agricoles à l'exportation 32 3.2.5 Ce qu il faut retenir 33 4 PERSPECTIVES D EVOLUTION DE LA CONSOMMATION ET DE LA PRODUCTION 33 4.1 Scénarios d évolution de la consommation nationale 33 4.1.1 Projection de la consommation à régime constant 33 4.1.2 Projection de la consommation à régime garantissant plus de sécurité alimentaire 33 4.1.3 Evolution de l'importance du marché urbain 34 4.2 Scénarios d évolution de la production 34 4.2.1 Modalités retenues pour les scénarios 34 4.2.2 Scénario 1 : Maintien des croissances tendancielles observées depuis 196 et depuis 198 35 4.2.3 Scénario 2 : Stagnation de la production (moyenne 25/7) 38 4.2.4 Scénario 3 : Stagnation des surfaces cultivées et rendements élevés généralisés 39 4.2.5 Scénario 4 : Stagnation des rendements 4 4.2.6 Ce qu il faut retenir 41 5 CONCLUSION 41 Annexe 1 : Méthodologie, limites et difficultés de l exercice 43 Annexe 2 : Données de consommations nationales 45 Annexe 3 : Cartographie des bassins de consommation et de production 49 2

1 Présentation de l étude 1.1 Contexte La hausse de prix agricoles mondiaux en 28 a souligné la fragilité de la sécurité alimentaire dans bon nombre de pays en développement, tout particulièrement celle des populations pauvres dans les pays d Afrique sub-saharienne. Or toutes les enquêtes montrent que la pauvreté se concentre principalement en zone rurale et que l objectif du millénaire de réduire de moitié d ici 215 la population qui souffre de la faim ne sera pas atteint dans la plupart des pays Africains. Des progrès significatifs ont été réalisés dans la définition et la mesure de la pauvreté, dans l analyse de ses causes, et dans l impact des politiques sur sa prévalence. Il est aujourd hui clair que les interventions dans l agriculture sont en Afrique les leviers les plus efficaces pour diminuer la pauvreté comme en témoigne le rapport de la Banque Mondiale sur l agriculture (WDR8). Les cultures vivrières pluviales peuvent jouer un rôle particulier dans la lutte contre la pauvreté au travers de deux axes : i) améliorer la sécurité alimentaire régionale, particulièrement en assurant l approvisionnement des villes avec des produits locaux ; ii) accroître les revenus des agriculteurs en créant des emplois dans les zones rurales et en améliorant la compétitivité des filières vivrières Reste que ce secteur est largement sous-étudié aussi bien au niveau de la production que de la consommation. L objectif de ce travail est d identifier les bassins de production et de consommation en Afrique de l Ouest et du Centre et d analyser les évolutions récentes et leurs interactions. 1.2 Périmètre de l étude En raison des contraintes de données, le travail a été ciblé sur les pays d Afrique de l Ouest, le Tchad et le Cameroun. Population 29 En M hab CILSS UEMOA CEDEAO Afrique centrale Bénin 8,9 x x Burkina 15,7 x x x Cameroun 19,5 x Côte d Ivoire 21,1 x x Gambie 1,7 x x Ghana 23,8 x Guinée 1 x Guinée Bissau 1,6 x x Liberia 3,9 x Mali 13 x x x Mauritanie 3,3 x x x Niger 15,3 x x x Nigeria 154,7 x Sénégal 12,5 x x x Sierra Leone 5,7 x Tchad 11,2 x x Togo 6,6 x x TOTAL 328,8 De même, la diversité des produits étudiés a été fortement limitée par la disponibilité en données. Les principaux produits suivis ont été : - Céréales : mil, sorgho, maïs, riz 3

- Tubercules : manioc, igname - Légumineuses : Niébé et arachide Les produits animaux et les fruits et légumes, sources de revenus et représentant des apports nutritionnels intéressants, de même que certaines cultures céréalières, oléagineuses ou légumineuses (ex : fonio en Guinée, huile de palme, huile de coco) n ont pu être étudiés dans cette première étape. 1.3 Principales composantes L étude a deux composantes principales : Analyse des productions vivrières Cette analyse s est appuyée sur deux types de données : - Les données nationales issues des bases de données de la FAO. Elles ont permis de dégager des tendances aux niveaux national et régional pour les principales cultures vivrières : céréales, racines et tubercules, productions oléagineuses et niébé. Elles ont aussi été utilisées pour analyser les tendances et les facteurs d évolution des productions dans certains pays côtiers pour lesquelles les données n ont pas été communiquées par les services nationaux. - Les données collectées auprès des services de statistiques des pays aux niveaux national et de sousentités administratives ( n-1). Ces données ont ensuite été compilées et vérifiées par Agrhymet. Elles ont été utilisées pour l identification des bassins de production, l analyse de l évolution des productions et de leurs caractéristiques dans les zones sahéliennes (pays suivis traditionnellement par le CILSS). Ces données ont permis de : - faire une cartographie des bassins de production actuels ; - identifier les grandes tendances d évolution des productions vivrières de la région ; - caractériser les facteurs d évolution de ces productions ; - établir des scénarios sur les perspectives d évolution de la production. Le travail s est largement appuyé sur les compétences et ressources du centre Agrhymet de Niamey. Analyse des consommations Une première étape s est focalisée sur la reconstitution des niveaux de consommation des produits alimentaires de base (céréales, racines et tubercules, huiles, produits animaux) au niveau national, en milieu rural, dans les capitales, et quand c était possible dans les grandes villes. Ont aussi été identifiés les parts de l alimentation basées sur des produits importés. Pour cela, ont été mobilisées les données des enquêtes budget-consommation, d'autres données d'enquêtes lorsqu'elles étaient disponibles et les bilans de disponibilités alimentaires de la FAO. Une seconde étape a visé à projeter la consommation dans les années à venir sur la seule base des projections démographiques et en particulier de l'urbanisation. La base de données Africapolis a été utilisée pour cela ainsi que les données des Nations Unies. Une projection sur la base des changements alimentaires liés aux changements de niveaux de vie, selon plusieurs hypothèses de croissance, a été envisagée. Elle supposait de disposer de données d'élasticité-revenu pour les différents produits et les différents pays. Ces données existent pour chacun des pays africains dans la base de données USDA-ERS mais se sont avérées inutilisables compte tenu des différences obtenues avec les élasticités calculées dans certains pays sur la base des enquêtes budget-consommation. Ces analyses ont permis de : - évaluer la part de la demande rurale et urbaine dans le marché domestique - établir un scénario d évolution de la demande 4

1.4 Equipe de réalisation de l'étude L'étude a été réalisée sous la coordination de Nicolas Bricas (Cirad, UMR Moisa), Marie-Cécile Thirion (AFD) et Bernardin Zoungrana (Cilss, Centre Agrhymet). Ils ont bénéficié du concours de Benoit Daviron (Cirad, UMR Moisa), Tristan Le Cotty (Cirad, UMR Cired), Philippe Morant (Cirad & Cilss, Centre Agrhymet) et Géraud Terrisse (étudiant AgroCampus Ouest en stage au Cirad). 2 La production vivrière et son évolution 2.1 Les bassins de production et leurs grandes caractéristiques 2.1.1 Céréales : mil, sorgho, maïs et riz Mil La région Afrique comprend 3 grands bassins de production du mil : 1) Le Nord-Ouest Nigeria s'étendant jusqu'à Nord Cameroun et Sud Niger 2) La Sénégambie 3) Un bassin moins marqué couvrant le Burkina et le Nord Est du Mali Certaines zones de ces bassins se caractérisent par des rendements supérieurs à la moyenne : - Dans le Bassin 1 : le Nord Nigeria et le Nord-Cameroun - Dans le Bassin 3 : l Ouest et l Est du Burkina, l Est et le Sud du Mali En revanche, le bassin 2 (Sénégambie) conserve des rendements relativement moyens. 5

Sorgho La production de sorgho se trouve essentiellement dans 3 grands bassins : 1) Le Nord Ouest du Nigeria avec une extension jusqu'au Nord du Cameroun, au Sud du Niger et au Sud Ouest du Tchad 2) Le Burkina Faso 3) La Sénégambie qui est moins marquée que les deux premiers Ces bassins recoupent partiellement les grands bassins de production du mil avec un petit décalage vers le sud. L hétérogénéité des rendements de sorgho semble encore plus marquée que pour le mil. Quelques bassins semblent obtenir des rendements supérieurs à 1,2 t/ha : - Au sein du bassin 1 : le Nord Est du Nigeria et le Nord Cameroun - Au sein du bassin 2 : le Sud Ouest du Burkina et le Sud de la Sierra Leone Deux autres zones se détachent mais avec des performances moindres : l Est et le Sud Est du Sénégal (Bassin 3), le Fouta Djallon et l Est du Burkina (Bassin 2). 6

Maïs Le maïs est relativement bien répandu dans tout le sud et le centre de la zone étudiée avec une limite claire au Nord liée à la faible pluviométrie et une faible production vers l ouest. On peut distinguer 2 grands bassins : 1) Le Golfe de Guinée qui correspondant à la région d introduction de la culture au XVIème siècle 2) Un petit bassin dans le Fouta Djallon Les rendements sont un peu plus homogènes dans la région pour le maïs que pour les autres productions céréalières. Cependant quelques zones se détachent avec des rendements plus élevés : - Dans le bassin 1 : le Sud Est du Nigeria, le Bénin et le Nord Cameroun ; - Dans le bassin 2 : la Côte d Ivoire, le Sud Mali et l Ouest du Burkina - Le Sénégal oriental 7

Riz Le riz est cultivé presque partout dans la région en irrigué les long des fleuves et des barrages dans la zone sahélienne et en pluvial dans presque toutes les zones de savane et côtière. Cette diversité des modes de culture rend difficile l identification de bassins de production et interdit l analyse comparée des rendements. 2.1.2 Tubercules : Manioc et igname Manioc La production de manioc tend à s'étendre, de façon similaire au maïs, à toute la région de l'étude sauf le nord Sahel. On peut distinguer une zone privilégiée : 1) Le Golfe de Guinée, zone d introduction de la culture Les rendements sont relativement homogènes avec cependant des rendements plus importants dans la zone d'introduction originelle au XVIème siècle (Bassin 1). 8

Igname La production d igname se pratique tout au long du Golfe de Guinée, depuis le Liberia et l Est de la Guinée jusqu au Cameroun. On observe une certaine concentration de la production : 1) Nigeria 2) Côte d'ivoire. On commence à voir de l'igname au Mali et au Burkina, hors de ses zones d'origine. Cela souligne une remontée vers le Nord de la production. Ce phénomène étant relativement récent, les «trous» observés dans des pays comme le Niger s expliquent par une non-prise en compte de cette production par les statistiques nationales. Les rendements sont relativement homogènes avec trois zones qui se distinguent : - Le Centre et Sud-Ouest du Nigeria (Bassin 1) - Le Centre du Ghana 9

On observe naturellement de forts recoupements entre les bassins de production du manioc et de l igname. 2.1.3 Oléagineux et légumineuses : Arachide et niébé Arachide L arachide est cultivée partout sauf au Sud du Ghana. On peut distinguer deux grands bassins : 1) Le bassin arachidier sénégalais 2) Le Nord Nigeria et le Nord Cameroun où l'importance de cette culture est équivalente à celle du bassin sénégalais L augmentation de la production s est faite essentiellement par une augmentation des surfaces au Mali et au Tchad, même si on observe une légère augmentation des rendements. Au Sénégal, la baisse des productions reflète une baisse non seulement des surfaces cultivées mais aussi des rendements. Quelques zones présentent des rendements supérieurs à 1t/ha : - Une zone allant du Cameroun au nord Bénin via le centre Nigeria (pour partie constituée du Bassin 2) - Une zone comprenant la Guinée et la haute Casamance - Un bassin couvrant le Mali, la Côte d'ivoire et l Ouest du Burkina - Un bassin au Nord Ghana 1

Niébé Le niébé est cultivé partout dans la région étudiée sauf dans les zones humides. On peut distinguer trois grands bassins : 1) Le Nord-Ouest du Nigeria avec une extension sur le Nord Cameroun et le Sud Niger 2) Le Burkina Faso 3) Le bassin de Sénégambie On observe une certaine homogénéité des rendements par zone climatique avec des rendements supérieurs à 1 t/ha au Nord Bénin, Nord Nigeria et Cameroun. 2.1.4 Ce qu il faut retenir Quelques zones ressortent pour leur efficacité (rendements élevés) : Pour les céréales : Nigéria, Nord Cameroun, Côte d Ivoire, Bénin, Sud Mali Pour les tubercules : Golfe de Guinée, Centre Ghana Pour le niébé : Nord Bénin, Nord Nigéria et Cameroun Pour l arachide : Cameroun, Nigéria, Nord Bénin, Mali, Burkina Faso et Côte d Ivoire, Nord Ghana et Guinée, haute Casamance. 11

2.2 Les évolutions récentes des productions vivrières 2.2.1 Evolution des niveaux de production Le triplement de la production céréalière en 25 ans On constate une croissance des volumes de céréales produits dans la région avec une forte augmentation depuis le début des années 8. Le triplement de la production céréalière entre 1982 et 27 permet à la zone de rattraper son retard par rapport à l évolution de la production céréalière mondiale et de répondre à la croissance démographique de la région où la population a doublé en 2 ans (3% de croissance par an). Cette progression est tirée par une hausse de la production de toutes les céréales observable dès le milieu des années 8. Ainsi, entre le début des années 8 et 25/7, la production de maïs a été multipliée par plus de cinq, celles de riz, sorgho, mil et fonio par environ 2,5. La production de fonio entame sa progression avec dix ans de retard (milieu années 9) par rapport aux autres céréales. Production de céréales dans la région 16 14 12 tonnes 1 8 6 Fonio Maïs Mils Riz, Paddy Sorgho 4 2 1961 1964 1967 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2 23 26 12

La hausse rapide de la production de maïs semble largement liée au développement de la culture de coton dans la région. 4 35 Production de fonio 16 Productions de maïs et de cotton dans la région 35 3 14 3 25 maïs 12 1 8 6 4 2 1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 1993 1995 1997 1999 21 23 25 27 Maïs Région Production (tonnes) Graines de cotton Région Production (tonnes) 25 2 15 1 5 cotton tonnes 2 15 1 5 1961 1964 1967 Une hausse plus tardive mais tout aussi dynamique des tubercules 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2 23 26 La hausse de la production des tubercules et racines dans la région débute dès les années 8 avec un bond à la fin des années 8 (au moins 5 ans après le décollage des productions céréalières dans la zone). La production est ainsi triplée en 2 ans. Cette hausse de la production est générale pour l ensemble des produits étudiés (manioc, igname et pomme de terre) et semble particulièrement tirée par l igname (multiplication de la production par plus de 4 en 2 ans) et la pomme de terre (x 1). Cependant, la fiabilité des données sur les tubercules et racines étant souvent sujette à caution, cette forte hausse doit être regardée avec précaution et il serait hasardeux de tenter une interprétation sans vérifications sur le terrain de certains comportements atypiques comme le quadruplement de la production de pommes de terre en 1999. Production de tubercules Production de pommes de terre 14 14 tonnes 12 1 8 6 4 2 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 21 25 Manioc Ignames Pommes de terre 12 1 8 6 4 2 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 21 25 13

Des productions oléagineuses à la traine alors que la demande explose La production d oléagineux dans la région, à l inverse des autres productions vivrières de base, reste loin derrière l évolution de la production mondiale. Elle a été multipliée par 2,4 entre 1982 et 27 dépassant de peu le doublement de la population dans le même temps. Or une part importante de cette production est vouée à l exportation. La production oléagineuse de la région est assurée essentiellement par l huile de palme (provenant des pays côtiers) dont la production a réellement décollé au début des années 8 grâce à la plantation de nouveaux hybrides et au marquage du foncier par les plantations de palmiers. Cependant, cette hausse reste faible (production multipliée par 1,5 en 2 ans). La production d arachide qui a subit une baisse notable dans les années 8 et 9 assure désormais 25% de la production oléagineuse de la zone. Malgré les difficultés rencontrées par plusieurs filières arachidières, notamment la sénégalaise, la production a été multipliée par 2,5 en 2 ans. Une nouvelle production commence à peser dans la production régionale depuis la fin des années 8 : l huile de graines de coton, en relation bien entendu avec l accroissement de la production de coton dans la zone des savanes. On observe aussi l émergence rapide de productions telles que le soja (production multipliée par plus de 7 en 2 ans) ou encore le sésame (x 3,5) mais ces productions restent encore de petits volumes même si elles ouvrent de nouveaux marchés. La percée des légumineuses? La production de niébé n est référencée dans la base de données de la FAO que pour le Burkina Faso, la Cameroun, Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Nigéria et Sénégal. Dans ces pays, la production a plus que triplé au cours des 2 dernières années. Productions régionales de niébé et d'arachide 5 8 45 7 4 6 35 Tonnes (niébé) 3 25 2 5 4 3 Tonnes (arachides) 15 2 1 5 1961 1963 1965 1967 1969 1971 1973 1975 1977 Niébé (sec) 1979 1981 1983 1985 1987 1989 1991 Arachides non décortiquées 1993 1995 1997 1999 21 23 25 27 1 14

2.2.2 Un début d intensification pour les céréales? Au niveau régional, on observe globalement deux phases dans la croissance de la production de céréales de la région : une période 198-93 avec une croissance tirée essentiellement par l accroissement des surfaces et stagnation des rendements ; une période après 1993 avec une croissance s appuyant essentiellement sur une hausse des rendements et une croissance plus modérée des surfaces. Ce phénomène est spécialement marqué pour le maïs pour lequel les terres emblavées ont fait un bond suite à la dévaluation du Franc CFA en 1994 pour ensuite stagner, la reprise de la production s appuyant par la suite sur une hausse rapide des rendements. A cela plusieurs explications : l introduction de variétés plus performantes et mieux adaptées à la sècheresse ou encore l intensification des systèmes coton-vivrier. En revanche, le mil, le sorgho et le fonio semblent suivre un schéma très différent avec une hausse rapide des surfaces depuis le milieu des années 9 (fin des années 9 pour la fonio) sans augmentation importante des rendements. Ces cultures n ayant pas bénéficié de l introduction ou de la diffusion de variétés nouvelles comme pour le maïs, les hausses de rendements sont imputables essentiellement aux aménagements des terres (anti-érosif, cultures de bas-fonds). Le riz combine pour sa part une hausse relativement faible mais constante des surfaces mises en culture dans la région avec, dès la fin des années 8, une stagnation des rendements. On peut avancer comme explications la lourdeur du développement des aménagements hydro-agricoles et la concurrence des importations. L introduction et la diffusion à partir de 2 des riz Nerica par l ADRAO, la politique incitative au Nigéria et la mise en valeur des bas-fonds ont permis une certaine relance de la production. Surfaces emblavées en céréales dans la région Rendements des céréales dans la région 18 2 16 14 12 18 16 14 hectares 1 8 6 4 2 1961 1964 1967 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2 23 26 Mils Sorgho Maïs Fonio Riz, Paddy Cependant, ces tendances régionales recouvrent des réalités locales très diverses. 12 1 8 6 4 2 Mils Sorgho Maïs Fonio Riz, Paddy 15

Une production de mil tirée par les surfaces au niveau régional mais pas partout. Si on se limite à l analyse des évolutions depuis 199 au niveau national, on peut dégager quatre groupes de pays où les facteurs de production du mil présentent des comportements similaires : - Les pays où le mil recul (baisse des surfaces et des rendements) : Mauritanie, Sénégal - Les pays où la hausse de la production est essentiellement tirée par une hausse des surfaces : Guinée, Gambie - Les pays où la hausse de la production repose essentiellement sur une hausse des rendements : Cameroun, Côte d Ivoire, Guinée Bissau, Nigéria, Togo, Sierra Leone, Bénin, Ghana et Burkina Faso - Les pays où la hausse des productions est une combinaison de hausse des surfaces et des rendements : Tchad, Mali, Niger. Si on regarde plus finement au niveau des régions des pays sahéliens 1, on observe là aussi de fortes différences avec les zones où l extension des surfaces a tiré la production - Région de Kayes - Région de Tillabéri - Gambie et basse Casamance Dans d'autres zones, c est au contraire l augmentation des rendements qui est moteur : - Zone du Nord du Tchad - Est Burkina (Fada et centre-est), hausse certainement lié à la dynamique coton - Comoé, hausse là aussi certainement liée au coton - Est du Sénégal 1 L analyse de l évolution des rendements et des surfaces au niveau administratif n-1 n a pu être menée que sur la zone sahélienne faute d informations pour les autres pays sur la période 199-1994. 16

Mil Des situations aussi très contrastées pour le sorgho que pour le mil Au niveau national, comme pour le mil, les situations sont diverses avec quatre groupes de pays ayant des caractéristiques de comportement des facteurs de production similaires : - Les pays où le sorgho est en recul ou stagne : Mauritanie, Mali, Bénin, Ghana - Les pays où la production est tirée par une hausse des rendements : Cameroun, Niger, Togo, Sierra Leone - Les pays où la hausse est liée à une extension des surfaces : Guinée, Sénégal, Côte d Ivoire, Nigéria, Tchad, Guinée Bissau - Enfin les pays qui combinent des hausses de rendements et de surfaces : Burkina, Gambie Au niveau des régions sahéliennes, les zones où l augmentation des surfaces cultivées tire la production sont : - Tillabéri - Nord du bassin arachidier sénégalais Dans d'autres zones, l augmentation des rendements constitue la dynamique de la production : - Sud Niger - Ouest du Mali (Kayes) - Sud Tchad 17

Sorgho Une production du maïs qui se développe y compris vers le Nord Les productions nationales de maïs présentent toutes des évolutions des facteurs de production à l exception du Ghana où les surfaces emblavées et les rendements stagnent. Pour les autres pays, on distingue trois groupes : - Les pays où la production est tirée par une hausse des rendements : Côte d Ivoire et Nigéria - Les pays où la hausse est liée à une extension des surfaces : Gambie, Tchad, Sierra Leone, Burkina Faso, Mauritanie et, avec une légère hausse des rendements, Bénin, Cameroun, Mali et Niger - Les pays qui combinent des hausses de rendements et de surfaces : Togo, Sénégal, Guinée Bissau et Guinée Dans les régions sahéliennes, on observe une augmentation des surfaces cultivées plus rapide que les rendements dans les zones : - Fleuve Sénégal - Tillabéri Dans d'autres zones, l augmentation des rendements est plus rapide que celle des surfaces : - Sud Tchad A l'ouest du Mali, on constate une augmentation, à la fois des surfaces et des rendements. 18

Maïs Un bilan plus mitigé pour le riz Au niveau des pays, on observe que depuis dix ans, les facteurs de production stagnent en Guinée Bissau, au Libéria, au Ghana et en Gambie. Les rendements sont en progression en Côte d Ivoire et au Togo, mais aussi en Mauritanie, au Sénégal et au Niger où le riz est essentiellement irrigué. La hausse des surfaces s accompagne d une baisse des rendements au Nigéria, Sierra Leone, Tchad, Cameroun, Burkina Faso. Cela est pour partie lié à l extension des surfaces en riz pluvial dans les pays côtiers mais aussi à une baisse des rendements sur les périmètres. La production est tirée par les surfaces et les rendements en Guinée, au Bénin et au Mali. Reste que les facteurs de ces évolutions sont difficilement analysables compte tenu du fait que les statistiques ne distinguent pas le riz pluvial et le riz irrigué. Si on descend au niveau des régions dans la zone sahélienne, on observe que les baisses de la production au Sénégal, en Guinée Bissau et dans les zones de Tillabéri et Dosso sont dues essentiellement à la baisse des surfaces. A l'inverse, l augmentation de la production se fait par une hausse des surfaces et des rendements au Sud-Est du Tchad 2.2.3 Une hausse des rendements en tubercules tardive En ce qui concerne les tubercules, même comportement en deux phases que pour les céréales mais avec un décalage dans le temps. L accroissement des surfaces de racines et tubercules est plus marquée mais plus tardif que l accroissement des surfaces emblavées en céréales (entre 1993 et 23 environ) et la période de gains de rendement est moins marquée et également plus tardive que pour les céréales (à partir de 23 environ). 19

Pour les principaux tubercules (manioc, igname et pomme de terre), la hausse des rendements n est perceptible qu au cours des cinq dernières années en lien avec le développement des circuits de commercialisation, notamment vers les zones de savane et le Sahel pour la diversification de l alimentation des urbains. Surfaces cultivées en tubercules Rendements des productions de tubercules 7 6 14 12 ha 5 4 3 2 1 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 21 25 Manioc Ignames Pommes de terre hg/ha 1 8 6 4 2 1961 1965 1969 1973 1977 1981 1985 1989 1993 1997 21 Manioc Ignames Pommes de terre L igname et le manioc semblent répondre aux mêmes incitations avec une hausse rapide des surfaces dès la fin des années 8 accompagnée d une progression lente des rendements. Cette faible évolution des rendements est liée, pour le manioc, à une culture sur les sols appauvris (ex : développement des cycles défriche-riz-arachide-manioc-jachère en Guinée). En revanche, la production de pommes de terre se caractérise par une envolée plus tardive mais forte portée essentiellement par une hausse des surfaces. Cette croissance est largement tirée par le développement des cultures maraîchères. On peut aussi mentionner le formidable développement de la filière pomme de terre en Guinée dans le Fouta Djalon même si les principaux pays producteur de la région sont le Nigeria puis le Cameroun et le Mali. 25 2

Une remontée du manioc vers le Nord 7 6 5 Production de manioc La production de manioc ne semble pas réellement décoller en Gambie et au Burkina Faso. Elle est tirée par la hausse des rendements au Niger, au Tchad et en Côte d Ivoire. tonnes 4 3 2 1 1961 1964 1967 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2 23 Burkina Faso Mali Sénégal Sierra Leone Niger Tchad Libéria Togo Guinée Bénin Côte divoire Cameroun Ghana Nigéria 26 Hausse qui est associée à une hausse des surfaces au Bénin, en Guinée, au Mali et au Sénégal. En revanche, seule la hausse des surfaces soutient la production au Ghana, Cameroun, Guinée Bissau, Liberia, Nigeria, Togo et Sierra Leone. Une extension de la production d igname par les surfaces La production d igname peine plus que celle du manioc à remonter sur le Nord. La production reste très faible en Mauritanie, Libéria, Guinée, Mali et Burkina. Cependant, dans ces trois derniers pays, on observe une hausse des rendements. Dans les autres pays, ce sont les surfaces qui tirent la production (Côte d Ivoire, Bénin, Ghana, Nigéria) avec une hausse des rendements notable uniquement au Cameroun et au Togo. 2.2.4 Une production oléagineuse tirée par la hausse des rendements et des surfaces Tonnes 5 45 4 35 3 25 2 15 1 5 1961 1964 Production d'igname 1967 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2 23 26 Libéria Mali Burkina Faso Guinée Tchad Cameroun Togo Bénin Ghana Côte divoire Nigéria Des rendements en hausse pour les graines oléagineuses depuis dix ans Les productions d oléagineux suivent des évolutions en partie analogues à celles des céréales mais avec un décalage de quelques années. 21

Les productions Surfaces cultivées en oléagineux oléagineuses sous Arachides non décortiquées forme de noix 7 Graines de cotton possèdent les meilleurs 6 Graines de melon rendements mais ces 5 derniers stagnent. La Graines oléagineuses, nda hausse de la production 4 Noix de coco de noix de palme Noix de Karité 3 depuis le début des Noix de palme années 8 repose 2 Ricin essentiellement sur une 1 augmentation des Sésame surfaces. Soja Les productions de graines oléagineuses bénéficient en revanche d une hausse concomitante des surfaces et des rendements. Cette hausse des rendements forte à la fin des années 7/début des années 8 tend à stagner depuis plus de 2 ans pour le coton alors que les rendements de l arachide et ceux du soja ont connu une forte progression depuis la fin des années 9. 1961 1964 1967 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2 23 26 Rendements des cultures oléagineuses Rendements des cultures oléagineuses 6 14 5 12 1 Hg/ha 4 3 2 1 1961 1964 1967 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 1994 1997 2 23 26 Noix de coco Noix de Karité Noix de palme Hg/ha 8 6 4 2 1961 1964 1967 Arachides non décortiquées Graines de melon Sésame 197 1973 1976 1979 1982 1985 1988 1991 Graines de cotton Ricin Soja 1994 1997 2 23 26 22

La production d arachide dynamisée par les surfaces emblavées L augmentation de la production au Sud Mauritanie, Mali, Burkina, Tchad, Ghana, Gambie, Libéria et Sierra Leone est tirée plutôt par les surfaces même si on observe une légère augmentation des rendements. Les rendements semblent en revanche être moteur au Cameroun et en Guinée Bissau et, couplés à des hausses de surfaces, au Bénin, en Guinée, au Niger et au Nigeria. Le Sénégal connaît une baisse des productions, des surfaces et des rendements. D autres pays ont une production qui stagne : Togo, Mauritanie et Côte d Ivoire. Arachide 2.2.5 Une production du niébé en hausse avec l extension des surfaces Ha 5 45 4 35 3 25 2 15 1 5 1961 1965 1969 1973 Production de Niébé Production (tonnes) 1977 1981 1985 1989 1993 1997 21 25 Surface Cultivée (Ha) 12 1 8 6 4 2 Tonnes La production de niébé s est fortement développée dans les pays du Sahel, au Cameroun et au Nigeria. Elle tend à stagner en Mauritanie et au Sénégal. La hausse de la production est essentiellement portée par une croissance des surfaces cultivées avec des rendements stables sauf au Mali et au Niger où les rendements sont en hausse. 23

Niébé Dans les autres régions d Afrique sub-saharienne Comme en Afrique de l Ouest, l'augmentation de la production de céréales en Afrique du centre et de l Est est imputable à une augmentation des surfaces emblavées. En Afrique centrale, les évolutions des différentes céréales sont moins marquées qu en Afrique de l Ouest avec les rendements en mil en baisse et ceux en sorgho et maïs en augmentation depuis le milieu des années 9. Ceux du riz restent stables sur longue période. En Afrique de l'est, seul les rendements en riz ont significativement augmenté depuis 2. Les rendements en maïs stagnent depuis la fin des années 7. Pour les autres céréales, on note une progression régulière depuis les années 6. En Afrique australe, les rendements en maïs et en sorgho sont plus fluctuants d'une année à l'autre, mais sont sur une tendance nettement haussière. Seuls les rendements en mil stagnent, voire diminuent légèrement. L'augmentation de la production de racines et tubercules est aussi liée à l'augmentation des surfaces mais les rendements en manioc, igname et pomme de terre (en Afrique australe surtout) sont aussi en progression. Seuls les rendements en patate douce stagnent voire baissent. La production des oléagineux est largement le fait de l'augmentation des surfaces en Afrique de l'ouest où celle-ci est spectaculaire depuis le milieu des années 8. Les rendements stagnent depuis les années 9, sauf en Afrique du sud où, bien que très variables d'une année à l'autre, ils sont sur une tendance haussière. 24

2.2.6 Ce qu il faut retenir Au niveau de la région, on observe donc : - Un triplement de la production céréalière en 25 ans ; - Une production de maïs multipliée par 5, croissance qui paraît liée en grande partie à la production cotonnière ; - Une dynamique propre aux autres productions vivrières qui n apparaît pas forcément liée à des cultures d exportation ; - Le triplement de la production de racines et tubercules les 2 dernières années ; - De nouvelles cultures qui semblent percer : niébé, soja, sésame ; - Un infléchissement de la croissance observé au cours des dernières années qui semble être amorcé depuis 26 mais devra être vérifié dans la durée. L analyse des dynamiques nationale permet d établir une typologie des pays étudiés en fonction du comportement des facteurs de production : Pour les céréales : - Pays où la production tend à stagner : Ghana, Mauritanie (sauf riz) - Pays où la hausse production s appuie essentiellement sur une extension des surfaces cultivées : Gambie, Sénégal (sauf pour le riz), Mali, Burkina Faso (sauf pour le mil), Tchad, Guinée, Cameroun (sauf pour le mil et le sorgho) - Pays où l accroissement de la production est tirée par la hausse des rendements : Le Togo, le Nigeria, la Côte d Ivoire, la Guinée Bissau, la Sierra Leone (sauf pour le riz), le Bénin (sauf pour le maïs) et le Niger (sauf pour le maïs). Pour les tubercules : - Pays où la hausse de la production passe par une extension des surfaces cultivées : i) un premier groupe de pays où seule la hausse des surfaces cultivées intervient : Nigeria, Sierra Leone, Libéria, Ghana, Guinée Bissau ; ii) un deuxième groupe de pays où la hausse des surfaces cultivées s accompagne d une légère hausse des rendements : Cameroun, Togo et Benin. - Pays où la hausse de la production se fait essentiellement via une amélioration des rendements : pays sahéliens (Sénégal, Mali, Burkina Faso, Niger et Tchad), Guinée et Côte d Ivoire. Pour l arachide et le niébé : - Pays où la production stagne : Mauritanie, Sénégal, Côte d Ivoire, Togo et Guinée Bissau - Pays où la hausse de la production se fait avec une hausse des rendements : Guinée, Mali, Niger, Nigeria et Benin - Les autres pays où l augmentation de la production s appuie sur une extension des surfaces cultivées 3 La consommation alimentaire rurale et urbaine 3.1 Les disponibilités alimentaires nationales 3.1.1 Les principaux produits consommés Les disponibilités présentées ci-après sont des proxys de la consommation calculés à partir des statistiques nationales de production, d'échanges (imports exports) et d'estimations des utilisations non alimentaires. Elles indiquent donc les quantités disponibles pour l'alimentation des différents produits et fournissent un indicateur de la ration alimentaire en rapportant ces quantités à la population. 25

Pour se rendre compte de l'importance relative des différents produits vivriers dans la région, on peut constater les volumes disponibles et les apports caloriques dans la ration moyenne au niveau de la région : Produits vivriers Disponibilité en millions de tonnes Moy 23-7 Disponibilité en Kcal/pers/j Mil 8,6 255 Sorgho 8,6 27 Maïs 6,4 213 Riz (local + importé) 8,1 323 Manioc 25 245 Igname 15 16 Plantain 6 59 Huiles végétales (locales et importées 268 En raisonnant pour la région étudiée, on constate donc que les céréales apportent plus de 1 Kcal/pers/jour, alors que les racines, tubercules et plantains en apportent près de 5 Kcal. Les huiles végétales représentent une part significative de l'apport calorique, même si elles n'ont pas été intégrées dans la présente analyse. 3.1.2 Deux grands régimes amylacés On peut distinguer deux grands types de régimes amylacés dans la région étudiée : Pays à dominance céréalière : Burkina Faso, Gambie, Guinée Bissau, Mali, Mauritanie, Niger, Sénégal, Sierra Leone et Tchad. Ces pays se différencient entre ceux à dominance sorgho-mil (Burkina, Gambie, Mali, Niger, Tchad), celui à dominance blé (Mauritanie) et ceux à dominance riz (Guinée Bissau, Sénégal, Sierra Leone). Pays à dominance tubercules : Côte d Ivoire, Ghana, Bénin, Nigéria, Libéria, Togo et Guinée. Dans la plupart de ces pays, le manioc domine la consommation avec en deuxième niveau l igname (sauf la Côte d Ivoire où l igname est préférée au manioc). Le plantain est consommé en quantité uniquement au Cameroun, en Guinée, au Ghana et en Côte d Ivoire. 26

Consommation nationale 4, 35, 3, kg/hab/an 25, 2, 15, Total Céréales Total Tubercules, féculents & plantain Total légumineuses Total Huile 1, 5,, Bénin Burkina Cameroun Côte d'ivoire Gambie Ghana Guinée Guinée Bissau Liberia Mali Mauritanie Niger Nigeria Senegal Sierra-Leone Tchad Togo Sources : FAO Cette distinction par pays ne doit pas cacher une répartition plus progressive de ces deux régimes du nord au sud de la zone étudiée. Au nord, dominent des régimes exclusivement céréaliers. En descendant vers le sud, ces régimes se diversifient avec une consommation croissante de racines, tubercules et plantains. 3.1.3 Le vivrier ne se limite pas aux produits amylacés Les produits vivriers ont été conçus initialement comme des produits satisfaisant les besoins de base de l'alimentation et particulièrement l'essentiel des apports caloriques. Ils étaient initialement largement autoconsommés, les agriculteurs assurant leurs revenus par les cultures d'exportation, dites encore cultures de rente. Ce sont donc les produits fournissant une part significative de la ration énergétique qui ont fait l'objet d'attention de la part des politiques, et par là même des statistiques. Une telle conception doit changer. En effet, la plupart de ces produits vivriers sont devenus des produits de rente, en particulier pour les marchés urbains. Les revenus issus de la vente des produits vivriers permettent aux agriculteurs, mais aussi à tous les opérateurs qui se sont multipliés au travers des filières de transformation, commercialisation et distribution de ces produits, d'accéder désormais à l'alimentation. Les produits vivriers de rente sont ainsi devenus des produits stratégiques pour la sécurité alimentaire et la lutte contre la pauvreté. Si l'on raisonne en termes de revenus générés par ces productions, l'analyse ne devrait pas s'arrêter aux grands produits de base mais intégrer des produits de moindre importance alimentaire au niveau régional mais de grande importance économique au niveau local. Un certain nombre de produits ont été identifiés qui jouent un rôle économique suffisamment significatif pour justifier une plus grande attention des politiques : - fonio, riz pluvial - niébé, sésame, - en zone de savane : manioc, igname et pomme de terre, - huile de palme et huile de coco - oignons, tomates, feuilles sauce, - bissap, néré, pastèque, - volaille, etc. 27

3.2 La répartition de la consommation entre zones rurales et urbaines 3.2.1 Méthodologie Les niveaux de consommation alimentaire selon les zones de résidence, facteur important de différenciation des régimes alimentaires, ont été estimés en distinguant trois types de résidence : - Urbains des villes primatiales (> 75 hab en 27) - Autres urbains - Ruraux Cette estimation (cf. annexe 1) a été faite en s'appuyant sur différentes sources de données et en particulier les enquêtes alimentaires (enquêtes budget-consommation, enquêtes fréquences, enquêtes par pesées) disponibles. Très rares sont les cas où une enquête nationale récente permet de calculer directement les niveaux de consommation selon les milieux. Nous avons donc, le plus souvent, dû extrapoler les consommations des villes secondaires et des ruraux par déduction des consommations des urbains et des disponibilités nationales. Dans tous les cas, les estimations ont fait l'objet d'une double vérification : - La somme des consommations des capitales (Cvp), des villes secondaires (Cvs) et des zones rurales (Czr) est égale aux disponibilités (DA) telle que calculées par la FAO : DA = (Cvp x Pvp) + (Cvs x Pvs) + (Czr x Pzr) avec Pvp = population des villes principales (capitales), Pvs = population des villes secondaires et Pzr = population des zones rurales. - La somme des consommations d amylacés converties en calories est compatible avec les bilans alimentaires. Les résultats de ces estimations pour chacun des pays et pour chacun des principaux produits sont fournis en annexe 2. Dans tous les cas, on constate que le riz et le blé sont plus consommés en ville qu'en milieu rural, même si on observe, sur le terrain, une progression de ces produits sur les marchés ruraux. Mais les citadins sont loins d'être nourris exclusivement d'importations. 3.2.2 Une production tirée par la demande urbaine L étude Africapolis a montré le développement considérable des villes dans cette région, notamment les villes moyennes. Source : Africapolis 28

Il y a quelques années, une équipe Club du Sahel-CILSS-BAD avait établi une carte des tensions de marché, autrement dit d'un indicateur d'accessibilité au marché urbain de tout point de la carte ouest-africaine. Cet indicateur est calculé à partir de la distance kilométrique et de l'état de la route. Son établissement en 199 à partir des données réelles et sa projection en 22 en fonction d'hypothèses de développement des infrastructures et des projections démographiques montre la connexion croissante de toutes les zones rurales aux marchés urbains Cartes de tensions de marché 199 (source Waltps) Cartes de tensions de marché 22 (source Waltps) 29

Une autre façon d'appréhender le rôle du marché urbain dans la production est d'estimer la part que représente ce marché dans les disponibilités des principaux produits. Les résultats de ce calcul pour les seuls céréales montrent qu environ 2% du mil et du sorgho sont absorbés par les villes, ces pourcentages pouvant monter jusqu à 3 ou 4% dans certains pays. La consommation urbaine du maïs et du riz est encore plus impressionante puisqu elle absorbe plus de 4% du maïs et 6% du riz, ces pourcentages pouvant monter jusqu à 9% dans certains pays. Part de la consommation urbaine de céréales dans les disponibilités alimentaires nationales Mil Sorgho Maïs Blé Riz Autres Total décortiq céréales céréales Bénin 26% 19% 39% 72% 92% 45% Burkina 7% 9% 28% 91% 67% 15% 19% Cameroun 32% 29% 48% 91% 97% 57% Côte d'ivoire 24% 29% 18% 89% 67% 56% Gambie 24% 23% 51% 83% 69% 47% Ghana 41% 3% 33% 73% 73% 48% Guinée 7% 69% 35% 15% 34% Guinée Bissau 4% 4% 2% 86% 4% 34% Liberia 17% 1% 77% 81% Mali 21% 21% 1% 7% 69% 33% Mauritanie 13% 49% 33% 4% Niger 5% 2% 9% 51% 69% 12% Nigeria 26% 27% 57% 83% 64% 44% Senegal 22% 15% 19% 78% 56% 47% Sierra-Leone 26% 1% 42% 66% 44% 45% Tchad 5% 14% 19% 95% 88% 4% 24% Togo 24% 11% 38% 82% 8% 45% Total Afrique W. 18% 22% 42% 8% 63% 27% 4% Pour les racines et tubercules, la part du disponible qui est absorbée par les villes est encore plus impressionnante puisqu elle descend rarement en dessous de 4%. Part de la consommation urbaine de RT&P dans les disponibilités alimentaires nationales Manioc Ignames Plantains Pommes de terre RTP Bénin 45% 41% 43% Burkina 15% 15% Cameroun 4% 4% 83% 98% 55% Côte d'ivoire 34% 31% 35% 1% 33% Gambie 96% 94% 95% Ghana 5% 62% 68% 57% Guinée 3% 8% 8% 23% Guinée Bissau 33% 16% 25% Liberia 46% 62% 59% 48% Mali % Mauritanie 96% 96% Niger 34% 34% Nigeria 47% 5% 67% 62% 5% Senegal 4% 1% 53% Sierra-Leone 19% 49% 21% Tchad 51% 44% 66% 49% Togo 52% 39% 47% Total Afrique W 46% 48% 59% 73% 48% Globalement, pour l'ensemble de la région, ce sont donc 4% des céréales et presque la moitié des racines, tubercules et plantains qui sont consommés par les villes. Mis à part le blé et une partie du riz qui sont 3

importés, tous les autres amylacés sont produits localement. On est donc loin d'une vision que véhiculent parfois les médias de villes extraverties et entièrement nourries d'importations. Afin de mieux situer la place des amylacés dans les marchés alimentaires urbains, une analyse sur la structure de ce marché de quelques villes ouest-africaine a été réalisée : Valeur et structure du marché alimentaire de quelques capitales oust-africaines (données IHPC 28 en milliards de FCFA) Dakar Bamako Ouaga Abidjan Cotonou Riz importé 68 1 38 1 12 Blé 37 1 4 32 13 Céréales locales 7 12 38 62 39 83 5 185 19 (25%) (31%) (45%) (3%) Rac. tuber & 8 4 2 48 13 plant Huiles 42 11 9 4 15 Produits animaux 57 (34%) 128 27% 56 28% 3 16% 226 36% 49 29% Budget prod. 471 197 184 619 169 aliment. Restauration 75 11 54 313 58 Budget aliment. Total 546 28 238 932 227 De ces analyses dans quelques villes africaines, on peut tirer les enseignements suivants : - A titre indicatif, le marché alimentaire urbain d une capitale représente en moyenne entre 15 et 2 milliards de FCFA par million d habitant. - Les amylacés représentent environ le tiers du marché, à peu près autant que les produits animaux. Un tel constat ne doit pas faire oublier que les produits vivriers sont encore majoritairement consommés par les ruraux. Ces produits sont en grande partie autoconsommés et représentent donc à la fois un enjeu de sécurité alimentaire mais aussi un enjeu économique, puisque leur coût détermine celui de la main d'œuvre agricole. Les marchés ruraux, d'origine souvent très ancienne, constituent donc eux aussi, à côté des marchés urbains, un débouché pour les producteurs. 3.2.3 Une importance globalement limitée des importations alimentaires Des enquêtes détaillées de dépenses alimentaires des ménages dans les capitales des pays de l'uemoa montrent que, tous produits alimentaires confondus, ceux-ci sont très majoritairement issus de la production locale. Si on ajoute les importations provenant de pays voisins, (qui deviennent importantes pour certains pays comme le Niger ou la Guinée Bissau), la part du marché alimentaire urbain couverte par la production africaine est d'environ 8%, même dans des pays considérés comme extravertis comme le Sénégal ou la Côte d'ivoire. 31

Origine des produits alimentaires des marchés urbains Local Importé région Importé extra région Indéterminé Total Cotonou 66% 8% 18% 8% 1% Bissau 52% 24% 23% 1% 1% Ouaga 61% 11% 26% 1% 1% Abidjan 72% 2% 21% 5% 1% Bamako 93% 1% 5% 1% 1% Niamey 44% 38% 15% 4% 1% Dakar 77% 2% 2% 1% 1% Lomé 69% 1% 2% 1% 1% Sources : nos calculs sur la base des données IHPC 29 La place des importations alimentaires dans la ration se repère essentiellement au niveau des céréales. Ainsi, en Mauritanie, au Sénégal et en Côte d Ivoire, plus de la moitié des céréales consommées sont importées. En Guinée, Guinée Bissau, Sierra Leone, Gambie, c est plus de 4%. Les pays les moins dépendants (moins de 1%) sont le Burkina Faso, Mali, Tchad et Niger. 3.2.4 Des marchés urbains plus importants que les marchés agricoles à l'exportation Pour quelques pays pour lesquels on dispose d'estimations fiables du volume économique du marché alimentaire urbain, on peut les comparer à la valeur économique des exportations agricoles. Marchés alimentaires urbains/marchés agricoles à l exportation (en millions de $) Marché alimentaire Marché à l exportation des produits domestiques et matières premières régionaux de la capitale agricoles Bénin 283 176 Burkina 297 26 Guinée Bissau 95 1 Côte d Ivoire 13 634 Mali 419 259 Niger 283 1 Sénégal 74 34 Togo 347 41 Sources : nos calculs à partir de IHPC, 29 pour l'estimation du marché domestique et Cnuced, 29 pour les marchés à l'export En valeur, les marchés urbains dépassent donc nettement les marchés agricoles à l exportation mais ils ne fournissent pas de devises. 32

3.2.5 Ce qu il faut retenir L'estimation des consommations selon les milieux rural ou urbain apporte une information sur le rôle important que jouent les marchés urbains dans la dynamique agricole. Ceux-ci ont émergé rapidement, compte tenu de la vitesse d'urbanisation accélérée que la région a connue et représentent aujourd'hui plus du tiers de la destination de la production d'amylacés (céréales et Racines, tubercules et plantain). Les villes sont nourries environ aux quatre cinquièmes par des produits africains, locaux et issus du commerce régional. Ce débouché est désormais plus important que les marchés à l'exportation pour les producteurs. La distinction des consommations alimentaires selon les milieux ouvre une perspective intéressante pour le suivi de la sécurité alimentaire. Alors que jusqu'à présent on estimait le caractère excédentaire ou déficitaire d'une région en comparant sa production par habitant avec la norme de consommation nationale, on peut disposer désormais d'une estimation plus fine de cette consommation qui tient compte de la proportion de citadins et de ruraux dans chacune des régions. 4 Perspectives d évolution de la consommation et de la production 4.1 Scénarios d évolution de la consommation nationale 4.1.1 Projection de la consommation à régime constant Le scénario retenu pour l'estimation de la demande en 225 et 25 fait l hypothèse d une extension du régime alimentaire actuel des villes primatiales à l ensemble de la population urbaine. Il tient ainsi compte d un effet de poursuite de la tendance à l'urbanisation du régime alimentaire. Les projections de demande sont faites sur la base des projections démographiques, à la fois en terme d'effectif total et de répartition entre ruraux et urbains. Disponibilités nécessaires en amylacés aux horizons 225 et 25 en million de tonnes (dont villes) 21 225 25 Mil, sorgho, maïs 3 (8) 43 (22) 66 (42) Riz 1 (6) 14 (8) 21 (14) Manioc 31 (15) 44 (26) 99 (64) Igname 2 (9) 27 (16) 38 (27) Ces calculs montrent qu'il faut multiplier les disponibilités en amylacés par 1,4 d ici 225 et par 2,2 d ici 25 pour rester au niveau de disponibilité actuel par habitant. 4.1.2 Projection de la consommation à régime garantissant plus de sécurité alimentaire On considère le niveau actuel de disponibilités insuffisant pour garantir une sécurité alimentaire à la très grande majorité de la population. La disponibilité calorique moyenne actuelle est d'environ 25 Kcal/pers/j pour l'ensemble de la région. Mais tous les habitants ne consomment pas cette quantité et un grand nombre ont une consommation insuffisante (<2 Kcal/pers/j) pour assurer la couverture de leurs besoins nutritionnels. 33