IX. LE MONDE ROMAIN : LE HAUT-EMPIRE (27 av. J.-C. 192 apr. J.-C.)



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Transcription:

François LAFRENIÈRE GRÈCE ET ROME (332-3 00 -S F) IX. LE MONDE ROMAIN : LE HAUT-EMPIRE (27 av. J.-C. 192 apr. J.-C.) L Empire L apogée. Le terme Empire a une portée chronologique (le nom d une période de l histoire), il a une portée politique (le nom d un régime) et une portée géographique qui désigne le territoire de l Empire. A. Le régime politique : le principat 1. L avènement d Auguste (Octave) 27 av. J.-C. 14 apr. J.-C. La mort de César et la crise de la fin de la République La mort de César, sous les coups de conjurés craignant une dérive monarchique du pouvoir du dictateur perpétuel et une aventure orientale sans limites, aux ides de mars 44 av. J.-C., met fin à près d un siècle d aventures personnelles menées afin de réformer la République, malade de ses institutions inadaptées à son empire en formation. De ces essais de réformes, civils ou militaires, des programmes sociaux des Gracques aux réflexions d un Cicéron sur l instauration nécessaire d une autorité forte, des aventures de ces imperatores (généraux vainqueurs) bâtissant leur «fortune» sur les conquêtes extérieures et les liens avec les soldats de leurs armées (Sylla en Orient, Pompée en Espagne et en Orient, César dans tout l empire), on peut retenir l essoufflement de la Rome républicaine, de ses institutions et plus particulièrement de ses élites politiques, chevaliers, sénateurs de toute obédience, animateurs des populares ou des optimates. Tous ceux qui se sont succédés ont échoué dans la recherche d une solution politique d envergure et le cadavre de César, abandonné par des conjurés bien vite enfuis, n est que le témoin d un destin brisé et non d une tentative avortée de réforme. 1 Portrait d Auguste (Octave) (63 av. J.-C. 14 apr. J.-C.) Octave n était que le petit neveu de Jules César, mais le dictateur en fit son fils adoptif et son héritier en 45. Le jeune homme appartenait à une double ascendance : du côté paternel, la gens Octavia, des ancêtres chevaliers très riches ; son père C. Octavius, sénateur et prétorien, mourut prématurément en 59. Du côté maternel, la famille sénatoriale des Atii, incarnait la gloire éclatante de la gens Julia. Dès l âge de 15 ans, en 48, Octave devint pontife et entama une brillante carrière grâce à César. En 45, il accéda au patriciat et prit le nom de son père adoptif : son avenir semblait tout tracé, 1 KAPLAN, éd. Le monde romain, Paris, Bréal, 1995, p. 117. 2015-12-14

2 malgré les événements des Ides de mars. Il apprit la nouvelle à Apollonia, en Grèce, où il avait rejoint les troupes destinées à la compagne contre les Parthes. Sa réaction fut prudente, mais déterminée : retourner en Italie et s y faire reconnaître par les troupes comme l héritier et le fils du «divin César», attendre que la situation soit plus calme pour rejoindre Rome (mai 44). Les «res gestae» de 44 à 31 av. J.-C., un testament rédigé par l empereur, à l âge de 76 ans. 1. «À l âge de 19 ans, j ai rendu la liberté à la République». Évocation de la lutte avec Marc Antoine pour la succession politique de César (Cicéron, Philippiques). Début 43, le Sénat le nomma propréteur auprès de consuls Hirtius et Pansa, pour lutter contre Marc Antoine 2. La bataille de Modène (avril 43) se termina à son avantage : fuite d Antoine en Gaule auprès du gouverneur Lépide. Mort des deux consuls. 2. «Le peuple me nomma triumvir pour organiser la République». Un «coup de force» : inéligible au consulat en raison de son âge (20 ans), il se fit élire, contre l avis du Sénat, par les Comices en août 43. Un «coup d éclat» : la constitution d un triumvirat entre Octave, Antoine et Lépide en novembre 43. Imperium légal de 5 ans, avec droit de nomination à toutes les magistratures et partage de provinces. 3. «Ceux qui avaient tué mon père, je les ai bannis je les ai battus deux fois en bataille rangée». Allusion aux proscriptions de 43, dont Cicéron fut victime, et aux batailles de Philippes en Macédoine en 42, où Octave et Antoine triomphèrent de l opposition républicaine d Orient (mort Brutus et Cassius, les meurtrier de César). 4. Le combat des chefs. Le pacte de Brindes entre Octave et Antoine (40) aboutit à un partage de l empire entre les deux imperatores, sans Lépide : l Orient à Antoine, l Occident à Octave. La victoire finale d Octave se déroula en deux étapes : Actium, le 2 septembre 31 : une guerre psychologique. La propagande octavienne dénonça le mariage oriental entre Antoine et Cléopâtre, à laquelle il aurait fait don des provinces romaine d Orient, un projet de récupération monarchique à son profit et la menace du transfert de Rome à Alexandrie. Le Sénat déclara la guerre à l Égypte. Une bataille navale célèbre fut remportée à Actium par Octave dans le golfe d Ambracie, au sud de l Épire (Grèce). Alexandrie en 30. Les dernières passes d armes se concluent par les suicides d Antoine et Cléopâtre. Ce fut le triomphe de l Occident policé et civilisé sur l Orient barbare. À son retour à Rome en 29, Octave est maître du monde. Il ne lui reste qu à l organiser. 3 2 MARC ANTOINE (82-30), issu de la grande famille des Antonii qui fut décimée par les proscriptions mariennes. Nobilis, légat de César en Gaule et consul en 44. Il possédait un talent oratoire certain, mais était sans culture et débauché. Sa mémoire fut vite oblitérée après sa mort comme le mentionne des inscriptions. 3 Texte tiré et adapté de O. WATTEL, Petit Atlas de l Antiquité romaine, p. 52-54.

3 Auguste va garder le pouvoir pendant quarante et un ans. Il va achever la conquête de la péninsule ibérique et contribuer au contrôle de l espace danubien, réorganiser les provinces, établir une administration efficace, remodeler le paysage de la Rome monumentale, restaurer la religion romaine traditionnelle, créer le culte impérial Auguste habite un plais assez modeste sur la Palatin. Le vieil empereur meurt à 76 ans entre les bras de sa seconde épouse, Livie. Les caractéristiques du Principat On appelle communément «Empire» le régime monarchique instauré par Auguste en 27 av. J.-C. et qui perdure jusqu à la fin de l histoire de Rome. Toutefois, les historiens modernes préfèrent le terme principat pour désigner la monarchie relativement libérale des deux premiers siècles de notre ère, et celui de dominat, au Bas-Empire, pour qualifier un pouvoir monarchique absolu (dominus et deus). À partir de 28-27, Auguste prétend restaurer les institutions et les valeurs morales de la République. Il reprend le terme de princeps, déjà utilisé pour désigner celui qui doit être le premier des citoyens à la tête de l état. Mais il en détourne le sens au profit d un pouvoir personnel sur le modèle des royaumes hellénistiques dont les bases ont été mises en place par César dont il est le fils adoptif. Les Romains ne sont pas dupes, mais ils sont reconnaissants à Auguste d avoir mis fin à de longues années de guerre civile et rétabli la paix intérieure. Destin de Rome «Tu regere imperio pupulos, Romane, memento pacique imponere morem Pacere subiectis et debellare superbos». «Ne l oublie pas, Romain, c est à toi qu il appartient de gouverner les peuples par ton imperium, de leur imposer la pratique de la paix, d épargner tes sujets et de vaincre les orgueilleux». - ANCHISE VIRGILE, Énéide, VI, 851-853. Avènement d Auguste, fin des guerres civiles et retour de la paix «omnem potentiam ad unum conferri pacis interfuit». «tout le pouvoir fut remis à un seul homme dans l intérêt de la paix». TACITE, Histoires, I, 1,1. Parce qu il était «discordantis patriae remedium», «le remède aux discordes de la patrie». TACITE, Annales, I, 9.

4 À cette date, la République, avec son équilibre entre les différents pouvoirs, a cessé d exister depuis déjà plus de 20 ans. Et si la République n état pas vraiment démocratique, qu en sera-til de l Empire? C est ce que nous allons tenter de comprendre. Rappelons-nous d abord qu à Rome rien n a jamais été ni ne sera jamais démocratique au sens égalitaire où nous l entendons habituellement : ni la République, ni l Empire. Pourtant, l empire, pour les citoyens et habitants du monde romain, sera plus «progressiste» que la République. Sous l Empire, le pouvoir exercé par de très hautes familles sera un peu mieux, un peu moins mal contrôlé que sous la République. N importe qui ne pourra désormais faire n importe quoi du moment que cela l arrange ; comme de rançonner les provinciaux qu il administre. Il faudra rendre des comptes à quelqu un, c est-à-dire à l Empereur, qui n est pas nécessairement distrait ou arrangeant. Aussi, la législation tiendra progressivement un plus grand compte de la dignité des êtres humains. Le petit peuple sera plutôt mieux traité. Un jour viendra même où tout le monde sera citoyen romain (Mais pas tout de suite! Il faut attendre le règne de l empereur Caracalla et un édit de 212 apr. J.-C.). L ordre règnera plus sérieusement sur terre et sur mer. 4 L Empire n est pourtant pas un âge d or de l humanité, même si la propagande impériale veut le laisser entendre. La structure de la société restera sensiblement la même et il sera toujours meilleur d être riche que d être pauvre. Toutefois, le simple fait d être riche ne donnera pas automatiquement tous les droits. Les empereurs romains n ont pas été tous des monstres ou des idiots. Il s en faut de beaucoup. Plusieurs anecdotes à leur sujet sont fausses ou mal comprises. Les sources antiques à ce sujet témoignent souvent de partis pris. 5 > PPT Sculpture de la Fortune et la destinée de Rome. > Capsule vidéo en ligne : L Auguste de Prima Porta (20 av. J.-C.). 4 L. JERPHAGNON. Histoire de la Rome antique : Les armes et les mots. Paris, Hachette, Littératures, 2002, p. 200-201. 5 L. JERPHAGNON, Idem. 5 L. JERPHAGNON, Idem.

5 2. Les caractéristiques du régime politique a) Les anciennes institutions républicaines : le Sénat, les comices et les magistratures Le principat prend place dans le cadre d institutions républicaines qui sont conservées, mais dont le poids respectif et le fonctionnement sont modifiés pour tenir compte de l administration qui prend en charge un vaste empire. 6. Presque tous les organes de la constitution républicaine restent en place la façade républicaine et conservée Octave est simplement Princeps i.e. premier des citoyens. Le Sénat Ce conseil aristocratique conserve ses fonctions délibératives et ses avis (sénatusconsultes) acquièrent force de loi. Toutefois, son destin est lié à l empereur, princeps senatus par excellence, qui convoque en séances, fixe l ordre du jour, prend la parole en premier et contrôle sa composition et la carrière de ses membres. Le rôle éminent joué, au moment de l avènement de chaque nouvel empereur, par le vote d une loi d investiture, confirme sa première place mais n évite guère les affrontements plus ou moins violents avec certains princes. Les comices Les comices, assemblées populaires, expression d une démocratie élective et législative, sous la République, sont grandement affectées par le nouvel ordre des choses. Leurs réunions sont attestées tout au long de la période, en tout cas au moins lors de la procédure de légitimation de chaque nouveau prince, mais sans que nos sources ne nous permettent d être plus attentifs à leur rôle précis. Le pouvoir impérial a un contrôle exclusif sur les élections des magistrats. De fait, l enregistrement par acclamation semble la règle pour toute activité législative. Les magistratures Les magistratures, quant à elles, demeurent dans le cadre d un cursus honorum sénatorial dont le contenu est modifié dans la perspective des besoins spécifiques de la gestion d un vaste empire. La naissance d une administration impériale, à Rome et 6 KAPLAN, éd., 1995, p.126-127.

6 dans les provinces, diminue l importance des magistratures traditionnelles au profit d un ensemble de fonctions qu elles permettent de revêtir : la questure, la préture et le consulat ouvrent aux nombreuses charges questoriennes, prétoriennes et consulaires. b) Concentration des pouvoirs entre les mains d un seul homme. La cour impériale Depuis Auguste, le centre du pouvoir est à Rome, sur la colline du Palatin. Il y a plusieurs demeures juxtaposées qui forment les palais impériaux : la Domus Augustana, la Domus Tiberiana, la Domus Flavia. Ce sont les résidences privées des empereurs en même temps que le siège de la chancellerie à savoir les bureaux. La cour impériale est aussi aux trois premiers siècles de l empire une cour itinérante avec des villégiatures en Campanie, de même que pour les campagnes militaires. La famille impériale voyage beaucoup. L autorité de l empereur (ses pouvoirs) L autorité de l empereur se situe dans des pouvoirs concentrés et étendus depuis Auguste. i. Princeps Il est Princeps, le premier citoyen de l ordre sénatorial. Il est primus inter pares ou princeps senatus. C est l autorité politique de l empereur. ii. Auctoritas/Augustus «Je n ai jamais eu plus de pouvoir que mes collègues, mais je l ai emporté sur tous en autorité». (Res Gestae, 34) L auctoritas était la dignité conférée par des décrets de 27 : le cognomen, surnom d Auguste (Augustus), l octroi d insignes du triomphe (laurier et couronne civique), l attribution d un bouclier d or sur lequel était gravé les quatre vertus cardinales du Princeps (mérite, clémence, justice, piété). Le Sénat a ainsi fait d Auguste un personnage sacré (augustus). C est l autorité religieuse de l empereur. iii. L imperium C est l ancien pouvoir des consuls de la République, mais il est pour l empereur infinitum et maius. Son pouvoir est supérieur à celui de tous les magistrats, cela depuis Auguste. L empereur est donc le chef des armées, déléguant ses pouvoirs à des legati : légats de légion ou légats de provinces Le titre d imperator le désigne comme le seul bénéficiaire de la

7 victoire. Il reçoit des salutations impériales et bénéficie seul des triomphes. C est l autorité militaire de l empereur. iv. La puissance tribunicienne C est la tribunicia potestas. Auguste a repris la totalité des pouvoirs des anciens tribuns de la plèbe étendus à l échelle de l empire. Il bénéficie de la sacro-sainteté qui lui permet de jouir d une aura extraordinaire. L empereur est le protecteur de tous les citoyens, intervenant n importe où et dans n importe quel domaine. La puissance tribunicienne est attribuée à vie, mais renouvelée tous les ans. C est l autorité civile de l empereur. v. Le grand pontificat L empereur est le grand prêtre de la religion romaine. Il en devient un personnage considérable : dans l Antiquité romaine, on ne dissocie pas facilement le religieux du militaire et du civil. L empereur dirige donc le collège des 15 flamines. Ils sont placés en tête des processions. Il contrôle le calendrier des fêtes. Il choisit les vestales (prêtresses de Vesta) parmi les filles de patriciens, il surveille la discipline religieuse des prêtres et le culte des morts. L empereur a le droit d auspices et d augure. L empereur est appelé Pontifex Maximus en 12 av. J.-C. (Grand Pontife) et Pater Patriae (Père de la Patrie) en 2 av. J.-C. vi. Le censeur L empereur est le préfet des mœurs. En résumé, les pouvoirs sont les suivants : Princeps (pol.), Augustus (rel.), Imperator (imperium milit.), puissance tribunicienne (autorité civile, prot. des citoyens), Pontifex Maximus et Pater Patriae (rel.), censeur (préfet des mœurs). Voir la titulature impériale. Exemple du PPT. Voir la tria nomina. Exemple du PPT. Théoriquement, les magistratures et le Sénat continuent de jouer leur rôle, même restreint. Création de nouveaux organes administratifs qui relèvent de lui seul Il crée progressivement une administration parallèle qui relève de l empereur seul : conseil privé du prince constitué d amici, de légats qui gouvernent les provinces en son nom, de

8 préfets qui sont des hauts fonctionnaires de la ville (du prétoire, des vigiles, de l annone), de l Égypte (propriété personnelle de l empereur). Sous l empire, le pouvoir du Princeps ne cessera de grandir au détriment des institutions républicaines. i. Les organes administratifs Le conseil du prince est un organe assez informel sous Auguste, avec les amici, les proches, que l on sollicite pour donner un conseil. À partir de Claude, il va se structurer progressivement. Hadrien, au IIe s., va y introduire des juristes et des fonctionnaires, de véritables techniciens. Les bureaux de la chancellerie Les bureaux de chancellerie, correspondent un peu à des ministères, dans nos états modernes. Ils sont en communication directe avec le palais. Ab epistulis : bureau de correspondance entre l empereur et les gouverneurs ou fonctionnaires ; A libellis : requêtes de particuliers ; A cognitionnibus : bureau des enquêtes ; A rationibus : questions financières. A leur tête, des chevaliers avec le titre de procurateur. ii. Les grandes préfectures de la ville de Rome La préfecture de la Ville (Urbs). Elle remplace l empereur à Rome lorsqu il quitte l Italie. Il est chargé de la répression des atteintes à l ordre public. Il a à sa disposition les cohortes urbaines au nombre de 5 de 1000 hommes chacune. C est la police de jour. La préfecture de l annone. Il est chargé de l approvisionnement de Rome en céréales et denrées de premières nécessités. Ce poste permet en fait d assurer le calme de la plèbe. Le préfet est chargé de diriger les réquisitions dans les provinces qui versent tribut. Il assure la conservation et la gestion des stocks dans les greniers publics (horrea). Il lutte contre l accaparement le contrôle des prix. Il s agit donc d un pouvoir de répression et le police. Les besoins de Rome en gros correspondent à 400 000 tonnes de céréales par an. Il y aura 290 entrepôts dans la ville au milieu du IVe s. L empereur est responsable des distributions en

9 céréales. Il y a environ 200 000 bénéficiaires sur une population d un million. Ces distributions sont mensuelles et durent plusieurs jours. La préfecture des vigiles. Son rôle est d assurer la police nocturne dans Rome, la lutte contre les incendies et la police de circulation. Il a à sa disposition sept cohortes de 2 000 hommes. La préfecture du prétoire. Il commande la garde personnelle de l empereur : le prétoire. Ils sont 1000 hommes. iii. L administration de l Italie et des provinces L administration de l Italie. Auguste a divisé l Italie en 11 régions, qui ne sont pas des provinces, n ont pas d administrations centrales ni de gouverneurs. Une grande autonomie est laissée aux cités italiennes (administration municipale). Ainsi, la justice est municipale. L empereur peut s ingérer dans leurs affaires. Les cohortes prétoriennes ont pour charge aussi la surveillance de l Italie depuis Rome. La situation de l Italie évolue sur le plan administratif sous les Flaviens et les Antonins puis sous les Sévères. L administration des provinces. Il faut préciser la distinction entre provinces sénatoriales et provinces impériales. Il y a des proconsuls pour les provinces sénatoriales. Il y a des légats pour les provinces impériales. Sous les Antonins, au IIe s., on voit un nouveau terme pour définir le gouverneur : praesides. 30 provinces. 3. La succession des dynasties * * * La question de la succession impériale n a jamais été facilement résolue. Dans la théorie, le pouvoir n est pas héréditaire et le successeur dépend du Sénat. Dans la pratique, chaque empereur souhaite pouvoir désigner son successeur et le Sénat ne peut guère s opposer à sa volonté. Cette succession d un homme à un autre s accompagne souvent d intrigues politiques, voire de l intervention de l armée, surtout lorsque l empereur n a pas de descendant. Du Haut-Empire au Bas-Empire (d Auguste à Constantin), ce sont 54 empereurs qui vont se succéder sur le trône. Nous ferons ici une présentation de 3 dynasties distinctes.

Objectifs : Savoir dater et caractériser ces trois (3) dynasties. 10

11 LES JULIO-CLAUDIENS Auguste (27 av. J.-C. 14 apr. J.-C.) Tibère (14-37 Caligula (37-41) Claude (41-54) Néron (54-68) Les Julio-Claudiens forment une dynastie, inaugurée par Auguste et s achevant avec Néron, qui marque la fin définitive de la République. Elle jette les bases du régime impérial où les empereurs qui se succèdent complètent l œuvre d Auguste. L armée et les provinces sont réorganisées, l appareil administratif perfectionné, la politique étrangère marquée par de nouvelles conquêtes et le culte impérial mis en place. À la mort d Auguste en 14 apr. J.-C., Tibère, bon administrateur et diplomate habile, lui succède. Après le règne fou de Caligula, Claude se consacre à la réforme administrative et financière de l État, ainsi qu à la romanisation des provinces. Son successeur, Néron, sera tristement célèbre pour ses excès et pour son rôle supposé dans l incendie de Rome. LES FLAVIENS Vespasien (69-79) Titus (79-81) Domitien (81-96) La mort de Néron par suicide est suivie d une période d anarchie militaire qui voit se succéder sur le trône impérial Galba, Othon et Vitellius, trois empereurs issus de l armée et appuyés par leurs troupes. Vespasien finit par s emparer du pouvoir et à le stabiliser pendant 10 ans. Il conquiert la Judée et réorganise l administration de l Empire. Après le court règne de Titus, Domitien consolide les conquêtes romaines en Bretagne et en Germanie. LES ANTONINS : LE SIÈCLE D OR DE ROME Nerva (96-98) Trajan (98-117) Hadrien (117-138) Antonin le Pieux (138-161) Marc Aurèle (161-180)

12 Lucius Verus (161-166) Commode (180-192) «Avec l avènement de Trajan, premier souverain d origine non-italienne, s ouvre une nouvelle période de l histoire des empereurs romains. Au cours du IIe siècle, l empire n est plus tant un groupement de provinces dépendantes de l Italie et évolue vers une sorte de confédération. Le mode de succession est un trait caractéristique des empereurs du IIe s. siècle. Nerva, Trajan, Hadrien et Antonin le Pieux, qui n ont pas de fils susceptibles de leur succéder, adoptent leurs héritiers. Cela leur permet de choisir des hommes qui ont prouvé leur aptitude à gouverner et ne sont pas nécessairement de proches parents. Ce qui compte, c est que ces empereurs par adoption ont donné à Rome un gouvernement stable pendant plus de quatre-vingt ans». 7 Les victoires de Trajan confèrent à l Empire romain son extension maximale, mais son successeur, Hadrien, renonce à cette politique d expansion. L Empire d Antonin le Pieux est une longue période de paix, alors que Marc Aurèle affronte des révoltes en Afrique, en Espagne et en Bretagne. L arrivée de Commode coïncide avec le début d une grave crise politique. 4. Caractéristiques de la politique intérieure Les deux premiers siècles de l Empire sont marqués à l intérieur par mille intrigues de cour qui font de cette période un véritable roman de mœurs. La réalité monarchique s affirme. 5. Caractéristiques de la politique extérieure Unification, organisation et pacification de l Empire. La Pax romana. Paix, sécurité et prospérité. Au moment où Auguste instaure le Principat, l essentiel de l empire est constitué (mis à part la Bretagne, Germanie et Dacie). Urbanisation et romanisation des provinces grâce à l armée, à la politique souple de Rome et aux œuvres de bienfaisance (dons, évergétisme). 7 Chr. SCARRE, Les empereurs romains, p. 85.

13 Ère de prospérité matérielle et de grandeur culturelle et intellectuelle en Italie et dans les provinces à cause de la multiplication des échanges commerciaux, du réseau routier, de l exploitation des provinces (impôts). Rome devient une ville de marbre avec le siècle d Auguste! Sanctuaires, théâtres, forums, fontaines publiques, aqueducs. Bilan : remarquable équilibre dans tout, mais précaire. Cette précarité est attribuable à plusieurs facteurs : revenus insuffisants de l état, pressions aux frontières (barbares), révolution dans les croyances, problèmes de succession, aristocratie favorisée, pauvres opprimés. Sources : BORDET, M. Précis d histoire romaine, Paris, A. Colin, U. Histoire ancienne, 1991. CHRISTOL M. et D. NONY, Rome et son empire : des origines aux invasions barbares, Paris, Hachette, Histoire université, 1990. JERPHAGNON, L. Histoire de la Rome antique : Les armes et les mots. Paris, Hachette, Littératures, 2002. KAPLAN, M., dir. Histoire ancienne tome 2: Le monde romain, Paris, Boréal, Grand amphi, 1995. LE GLAY, M. et al. Histoire romaine, Paris, PUF, Premier cycle, 1991. MARTIN, J.-P. et al. Histoire romaine, Paris, P.UF., 2010. ROBERT, J.-N., Rome, Paris, Les Belles Lettres, 1999. SCARRE, Chr., Les empereurs romains : L histoire règne par règne des souverains de la Rome Impériale, Paris, Thames and Hudson, 2012. WATTEL, O., Petit Atlas de l Antiquité romaine, Paris, A. Colin, 1998.