146 EXCURSIONS AUX ALPES. les surfaces environnantes s'abaissent par l'effet de l'évaporation et de la fonte, et il arrive par là peu à peu au niveau du reste de la surface, où il finit par former un cône en relief. Ce cône graveleux s'élève de plus en plus,, jusqu'à ce que les petits cailloux- se détachent de ses flancs trop roides. Le soleil alors parvient ciment de glace (lui les unit; eu peu de temps à fondre le la glace arrive ajour, et il n'en laut pas davantage pour opérer en peu de temps la disparition de tout le cône.» Les tables de glacier sont aussi fort nombreuses. La grande moraine en est flanquée sur ses deux versans. La plupart n'ont guère (lue deux ou trois pieds de haut ; mais il y en a aussi qui atteignent une hauteur de sept à huit pieds. Elles frappent particulièrement lorsque la colonne de glace qui les porte est très-grèle. En nous promenant sur le glacier, nous essayànes quelquefois de les renverser; mais il fallait, pour que nous en vinssions à bout, que le point d'appui du bloc fùt réduit à une très-petite surface. Il faut de plus (lue l'heure de la journée soit avancée et la température élevée, sans quoi le bloc demeure gelé à la colonne. La surlace de la glace sur laquelle reposent les tables, est unie et transparente commue sous la moraine, et les grains de gravier, au lieu d'ètre enfoncés, sont tous à fleur de glace. Une découverte des plus intéressantes nous était réservée pour la fin de la journée. Déjà l'année pré- cédente j'avais rencontré à la surface (le quelques creux du glacier de Zermatt, de petits insectes qui
PODURELLES DU GLACIER. 1117 avaient N'i1'eineiit pique nia curiosité 11 ). J'en avais niêine recueilli quelques exemplaires (lui, n'a- vaient échappé au moment où j'allais les faire voir à 31. Nicolet. M. Agassiz, qui ne les avait pas vus, supposait que ce devait être quelque insecte jeté par les vents sur le Comme je glacier. ne partageais pas cette opinion, je fis tout mon possible pour eu retrouver sur les glaciers que nous visitàmes plus tard; niais toutes nies recherches furent inutiles, et je nie vis obligé d'ajourner la discus- sion à [Ille autre année. Cependant j'avais eu soin d'appeler sur cet objet l'attention de mes coin- pagions (le voyage (le cette année. Ce fut en ap- prochant de l'extrémité du glacier, au nionwnt où nous y songions le moins, que M. Pourtalès en re- marqua quelques-uns en soulevant par hasard une pierre qui se trouvait sur son chemin. «Accourez vite, nie cria Agassiz, je crois que voilà vos petites puces (lit Mont-Rose.» Je vous laisse à penser quelle fut nia joie lorsque je reconnus les mêmes insectes que j'avais tant regrettés l'année précédente, et qui maintenant allaient nie fournir l'occasion (le convaincre Agassiz que je ne m'étais pas trompé en soutenant qu'ils, devaient être indigènes sur le glacier et qu'ils ne s'y trouvaient pas par hasard. En soulevant encore d'autres pierres, nous en trouvâmes partout nue quantité innombrable, quelquefois plusieurs milliers sur l'espace d'un pied carré. Nous en recueillimes un certain nombre, (1) Voyez p. 108.
ili3 EXCURSIONS AUX ALPES. (lue nous emportâmes à l'hospice pour les examiner au microscope. Plus tard nous les retrouvâmes sur toute l'étendue du glacier, de même sur le glacier supérieur (le l'aar, sur celui de Grindelwald et jusque dans le névé, tuais toujours de prél'èrcuce sous les pierres ou au bord (les crevasses et (les bai- gnoires. Nos guides eux-mémes, quoique très-fa- miliarisés avec tous les accidens (les glaciers, n'eu avaient jamais vu, et ne pouvaient revenir (le leur étonnement, lorsque nous leur en ºuontrânºes partout. Mais ce qui nous frappa le plus, ce fut de voir ces petits animaux s'introduire dans la glace en apparence la plus compacte, et y circuler avec une grande agilité. Ce fait mérite certainement d'é- tre pris en considération, parce qu'il est nue confirmation de cette vérité déwuulrée par M. Agassiz, savoir que la glace des glaciers, sa compacité et sa transparence, quelles que soient est toujours tra- versée par un réseau de petites fissures qui échap- pent ordinairenientà l'ail inattentif; el, parce qu'il nous fournit la preuve manifeste que les glaciers ne sont nullement incompatibles avec le développe- ment (le la vie organique, ni à leur surface ni jus- qua un certain point dans leur intérieur. Ces petits insectes ont à-peu-près la taille (le la puce commune, et sautent connue celle-ci lorsqu'on les tracasse. C'est pourquoi nouslesdésignâmes sous le nom de puce du glacier, quoique, zoologique- ment parlant, ce rapprochement soit inexact; car lorsqu'on les examine à la loupe ou au microscope, on s'aperçoit bien vite qu'ils n'ont rien (le commun dans leur organisation avec les parasites si iucom-
2. ;; Ou 33 V JO Fiý. l*deýoria >S1acialisNic. -Fiý5. Pniloýlirýýro9enlaF'lur.
PODURELLES DU GLACIER. 149 modes de l'espèce humaine. Ce qui les distingue surtout de la puce, c'est qu'ils sautent au moyen d'un appareil élastique situé à l'extrémité du corps, et non pas au moyen de leurs pattes. Il fut con- venu sur place que l'on donnerait provisoirement à cet insecte le nonº de Desoria salions. M. Il. 1V'i- colet a reconnu plus tard que l'espèce forme réelle- meut, avec plusieurs autres espèces terrestres, un genre particulier distinct des vrais Podures, auquel il a conservé le none de Desoria, par lequel mes compagnons de voyage avaient voulu rappeler ma trouvaille du Mont, Rose. Il décrit l'espèce sous le nom (le Desoria ylacirrlis. La fig. 1 de la planche :> représente ce petit animal tel qu'il se voit au mi- croscope, sous un faible grossissement. Le petit irait iº côté indique la grandeur naturelle ('). (1) Je suis aujourd'hui d'autant plus fier de cette dé- couverte, qu'elle a été le motif qui a engagé Al. Il. Nicolet à faire une élude détaillée de toute la famille des l'odu- l'elles. La science a ainsi été dotée d'une excellente monographie, qui a paru dans les Méritoires de lit Société helrélique des sciences naturelles, tome 6. L'auteur ne s'est pas borné à décrire les différentes espèces de celte singulière famille, il eu a aussi étudié l'organisation intinte, les iuétautorphuses et jusqu'au développeutent du poil annuel dans l'u uf. Voici comment Al. Nicolet formule les caractères de la famille :«Les l'odurelles sont (le très-petits insectes Itéxapodes et aptères, de l'ordre des 1'hysauoules de Latreille ()il des Nonomorphes de de Lapone. Leur corps, tamlot linéaire et cylindrique, lanlbl ovoïde ou :; lobuleux, porte eu-dessous (le sa partie antérieure six pattes cylindracées, composées chacune (le cinq articles, dont le dernier onguiculé n'est visible qu'au microscope, et vers