La Faculté de Droit Virtuelle est la plate-forme pédagogique de la Faculté de Droit de Lyon www.facdedroit-lyon3.com Fiche à jour au 11 octobre 2010 FIICHE PEDAGOGIIQUE VIIRTUELLE Diplôme : Licence, 5 ème semestre MATIERE : Droit des Sociétés Web-tuteur : Olivier ROLLUX CAS PRATIIQUE N 2 Date de création du document : année universitaire 2008/09 Consultez les autres fiches sur le site de la FDV : www.facdedroit-lyon3.com
Enoncé PIERRE, PAUL et JACQUES sont associés d une SARL dont l objet est la vente d espaces publicitaires. Le capital social est ainsi réparti : PIERRE : 40% PAUL : 40% JACQUES : 20% La gérance de la société est assurée par PIERRE. Cette société a été constituée en 2004. Depuis quelques mois, le climat se dégrade entre les associés. JACQUES déplore avoir effectué, au fil du temps, des avances en compte courant d associé pour un montant total de 100.000 euros, alors que la société ne distribue que parcimonieusement des dividendes. Il regrette d avoir voté, lors de la dernière assemblée, le remboursement à terme des comptes courants d associés, savoir le 31 décembre 2009. Il se sent isolé et mis à l écart, estimant que la gestion de la société est confisquée par PIERRE. Il vient d ailleurs d apprendre que la société a cédé, par l intermédiaire de PIERRE, son gérant, différents éléments d actif, à savoir des participations détenues dans deux sociétés filiales. Il s en inquiète car les dividendes distribués par ces filiales génèrent des produits financiers non négligeables. Après avoir pris conseil auprès d un ami étudiant en droit, il souhaite contre attaquer de la manière suivante : - en demandant sans délai le remboursement de ses avances en compte courant d associé, - en obtenant des informations sur les modalités de la cession par la société des titres de participation, - en demandant la désignation d un administrateur provisoire afin de faire échec à la politique de gestion de PIERRE. 2 Eléments de correction Sur le remboursement du compte courant d associé L apport en compte courant d associé est un prêt fait par l associé à la société. Il est à distinguer de l apport en numéraire, ce dernier étant rémunéré par des parts sociales. L apport en compte courant d associé étant un mécanisme purement conventionnel, il se singularise par la souplesse et la facilité de fonctionnement. La Cour de cassation est d ailleurs très attachée à sa
nature conventionnelle, en retenant que «l'associé peut, sauf disposition conventionnelle contraire, demander, à tout moment, le remboursement du solde créditeur de son compte courant» (Com. 3 novembre 2004, Dr. Sociétés 02/2005, n 24, note Trébulle). Le principe reste le remboursement à tout moment, sauf disposition conventionnelle contraire. Une telle disposition peut revêtir un caractère statutaire ou extra-statutaire (convention de blocage passée entre l associé et la société). En l espèce, aucun de ces deux cas n est rencontré. La question est donc de savoir si le blocage décidé en assemblée générale peut être assimilé à une «disposition conventionnelle». La Cour de cassation a répondu par l affirmative dans un arrêt du 14 février 2006 (Dr. Sociétés 05/2006, p.28, n 77, note Monet) : «l associé titulaire d un compte d associé peut accepter d assortir la créance qu il détient ainsi sur la société des limites qu il juge opportune, ( ), qu en votant une résolution, adoptée à l unanimité, aux termes de laquelle «l assemblée générale des associés convient, jusqu à nouvelle décision contraire, que les comptes courants d associés ne seront pas rémunérés et que le solde de ces comptes courant après affectation du résultat sera maintenu dans la société tant que la trésorerie de celle-ci n en permettra pas le remboursement», la société [associée] X n a fait que limiter l exercice d un droit dont elle était titulaire.» Dès lors, la décision de l assemblée générale de la SARL décidant du remboursement à terme des comptes courants d associés est licite et opposable à JACQUES. Il ne pourra obtenir le remboursement de son compte courant avant le terme convenu. 3 Sur la cession d éléments d actif Une telle décision, sauf clause statutaire limitative de pouvoirs des dirigeants, relève de la compétence exclusive des dirigeants sociaux. PIERRE est, en l espèce, habile à réaliser cette cession. JACQUES dispose néanmoins de différents outils lui permettant d obtenir des informations et renseignements sur cette opération. La procédure des questions écrites L article L.223-36 du Code de commerce prévoit que «tout associé non gérant peut, deux fois par exercice, poser par écrit des questions au gérant sur tout fait de nature à compromettre la continuité de l exploitation. La réponse du gérant est communiquée au commissaire aux comptes». L article R.223-29 du même Code énonce que «le gérant répond par écrit dans le délai d un mois aux questions qui lui sont posées en application de l article L.223-36. Dans le même délai, il
transmet copie de la question et de sa réponse au commissaire aux comptes.» Ce dispositif est en réalité efficace lorsque la société comprend un commissaire aux comptes. Or en SARL, cet organe n est obligatoire que sous certaines conditions. On peut raisonnablement penser que tel n est pas le cas en l espèce. 4 L expertise préventive L article 145 du Nouveau Code de procédure civile prévoit que «S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé». Cette action, tirée du droit commun, doit permettre à JACQUES d obtenir des informations, par la voie judiciaire, sur la cession litigieuse. Cela étant, pour le cas où JACQUES pourrait valablement demander une expertise de gestion, l application actuelle de la jurisprudence divergente des juges du fond aurait pour effet de lui fermer le recours à l expertise préventive (T. com. Paris, 27 juin 2002, Bull. Joly 2002, p.942, note Couret) ou non (Nancy, 30 août 2005, Dr. Sociétés 2006, n 6, note Monet) L expertise de gestion L article L.223-37 du Code de commerce prévoit que «Un ou plusieurs associés représentant au moins le dixième du capital social peuvent, soit individuellement, soit en se groupant sous quelque forme que ce soit, demander en justice la désignation d'un ou plusieurs experts chargés de présenter un rapport sur une ou plusieurs opérations de gestion». On peut d emblée souligner que la condition de détention de capital est remplie, JACQUES détenant 20% du capital de la SARL. Néanmoins, la nomination d un expert de gestion est subordonnée à une condition de fond : l expertise doit porter sur une opération de gestion. L opération réalisée par PIERRE peut-elle être qualifiée d opération de gestion? La jurisprudence, pour définir la notion, s est fondée sur un critère organique : la décision doit émaner d un dirigeant social (Com. 12 janvier 1993, JCP, E, 1993, II, 415, note Viandier). Dès lors, l acte litigieux étant réalisé par PIERRE, gérant, le critère est rempli. Si le tribunal fait droit à la demande de JACQUES, il déterminera le périmètre de la mission confiée à l expert, ce dernier devant, conformément à la loi, rendre un rapport.
5 Sur la demande de nomination d un administrateur provisoire L administration provisoire est une construction jurisprudentielle et ayant pour objet et pour effet de pallier à une situation de crise. Les conditions de la nomination d un administrateur provisoire sont strictement définies par la jurisprudence car cette mesure doit rester exceptionnelle : 1 ère condition : la paralysie des organes sociaux 2 ème condition : la société est menacée d un péril imminent. Ces conditions ont été récemment rappelées par la Cour de cassation : «la désignation d un administrateur provisoire est une mesure exceptionnelle, qui suppose rapportée la preuve de circonstances rendant impossible le fonctionnement normal de la société, et menaçant celle-ci d un péril imminent.» (Com., 6 février 2007, RTDCom. 2007, p.573, obs. Champaud et Danet ; également en ce sens, Com., 18 mai 2010, Revue des sociétés 2010, p. 303, note Lienhard). En l espèce, aucune des conditions n est remplie, la demande de JACQUES est manifestement irrecevable.