Colloque international sur la drogue au volant. Rapport sommaire. Montréal, Canada. Juillet 2011



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Transcription:

Colloque international sur la drogue au volant Rapport sommaire Montréal, Canada Juillet 2011

Ont collaboré à la rédaction du rapport : Douglas J. Beirness, Ph.D., Analyste et conseiller principal, Recherche et politiques Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies Deborah Cumming, M.Serv.Soc., conseillère, Priorités nationales Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies Brendan Hughes, analyste scientifique principal, Législation nationale sur la banque de données ELDD Observatoire européen des drogues et des toxicomanies Dr. Terry Zobeck, directeur associé, Recherche et analyse de données Office of National Drug Control Policy (ONDCP) Paul Griffiths, Ph.D., directeur scientifique Observatoire européen des drogues et des toxicomanies P a g e 2 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Table des matières Résumé... 4 Contexte... 5 Nature et ampleur du problème de la drogue au volant... 8 Options politiques et législatives... 12 Détection, dissuasion et répression... 15 Prévention... 17 Prochaines étapes... 19 P a g e 3 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Résumé Contrairement à l alcool au volant, la conduite sous l effet des drogues n attire que depuis peu l attention des défenseurs de la sécurité routière, des décideurs, des législateurs et des autorités policières. Si les effets de l alcool sur la conduite ont fait l objet d études approfondies, la recherche sur la drogue au volant, elle, est beaucoup plus complexe, le terme «drogue» faisant référence à une myriade de substances consommées selon de nombreux modes par divers groupes de la population. L information sur la drogue au volant varie aussi considérablement en portée et en uniformité selon les pays. Les comparaisons sont difficiles en raison des différentes méthodes de recherche et d établissement de rapports employées. Il faudrait par conséquent que les pays se conforment le plus possible aux normes internationales de recherche. Les approches juridiques et stratégiques sont aussi grandement variables selon les pays. Et même à l intérieur d un pays, les approches multiples ou hybrides sont fréquentes et brouillent parfois la ligne entre sécurité routière et contrôle des drogues, le résultat étant une application difficile des lois sur la drogue au volant. Les tests de reconnaissance des drogues performés par des policiers qualifiés s inspirent de ceux utilisés pour détecter l alcool au volant. Pendant ce temps, l industrie travaille à la mise au point d appareils de dépistage sur place fiables, et la recherche se poursuit pour déterminer à partir de quelle concentration de drogue dans le sang la conduite est affectée et le risque d accident augmente. La polyconsommation ainsi que le mauvais usage et l abus de médicaments restent aussi problématiques. La prévention de la drogue au volant n en est encore qu à ses débuts. Les différents messages doivent cibler différents sous-groupes de la population, selon l âge et le type de substances consommées. Les messages de prévention doivent tenir compte du large éventail de substances, de populations et de contextes juridiques. La drogue au volant étant un problème très complexe, les pays doivent collaborer à plusieurs niveaux. P a g e 4 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Contexte Après trois décennies de progrès où l ampleur du problème de l alcool au volant a diminué, les défenseurs de la sécurité routière, les décideurs, les législateurs et les autorités policières s inquiètent de plus en plus de la consommation de drogues chez les conducteurs. Même si on considère depuis longtemps l abus de drogues comme un grave problème social, les conséquences de la conduite sous l effet de substances psychoactives autres que l alcool passent souvent inaperçues et n ont que depuis peu retenu l attention au-delà d un groupe restreint d experts s intéressant particulièrement à la sécurité routière. À bien des égards, l absence relative d intérêt public envers la drogue au volant découle en partie de notre compréhension limitée du problème. En effet, la recherche sur la nature, l ampleur et les conséquences de l usage de drogues par les conducteurs accuse un retard considérable par rapport à celle sur l alcool. Cette situation est due en grande partie au fait que la question de la drogue au volant est beaucoup plus complexe que celle de l alcool au volant. Le terme «drogues» englobe une foule de substances, se limitant habituellement à celles dont les effets psychoactifs pourraient altérer la capacité de conduire un véhicule en toute sécurité. Les conventions des Nations Unies sur les stupéfiants recensent plus de 240 substances, dont une multitude de substances illicites (p. ex. le cannabis), de médicaments sur ordonnance (p. ex. les analgésiques narcotiques et les benzodiazépines) et de médicaments en vente libre (p. ex. les antihistaminiques). De nombreux produits chimiques, n ayant jamais été prévus pour la consommation humaine, sont parfois inhalés dans la seule intention de produire un état euphorique (p. ex. essence, toluène). Ce qui complique encore les choses, c est que ces substances, qui peuvent toutes affaiblir la capacité de conduire, peuvent se consommer simultanément ou avec de l alcool. De plus, s il est possible de mesurer avec facilité et fiabilité la concentration d alcool dans le corps au moyen d une technique non invasive (alcootest), il en va autrement pour déceler la présence et la quantité d autres types de drogues. Il faut alors recourir à des échantillons de sang, d urine ou de salive et, encore là, ces tests n indiquent pas nécessairement un affaiblissement des facultés. C est pourquoi nous disposons d un nombre limité de données et de renseignements fiables avec lesquels orienter les politiques, les lois, la répression et les programmes de prévention. Cependant, l information actuellement disponible montre qu il est urgent d instaurer des politiques et des programmes permettant une prise en charge efficace du problème. De nombreux pays ont entrepris de s attaquer à la question, souvent au moyen d actions inspirées des mesures prises avec succès contre l alcool au volant et influencées parfois par les politiques de contrôle des drogues. En dépit de la similitude apparente entre l alcool au volant et la drogue au volant, ces problèmes n en demeurent pas moins distincts. Rien ne prouve en effet que les mesures qui ont réussi à faire diminuer P a g e 5 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

l alcool au volant arrivent au même résultat avec l usage de drogues chez les conducteurs. Nous pouvons et devons faire beaucoup plus. Compte tenu du nombre de substances et de populations concernées, la tâche peut sembler colossale. Des avantages appréciables pourraient être obtenus d une coopération internationale accrue où on mettrait en commun les expériences de collecte et d utilisation de données, on chercherait des mécanismes avec lesquels comparer la situation des divers pays et on échangerait de l information sur l évaluation et les contremesures qui fonctionnent. Colloque international sur la drogue au volant En mars 2011, la Commission des stupéfiants des Nations Unies a adopté la résolution 54/2, qui reconnaît l importance de s attaquer, avec une approche coordonnée de recherche et de collaboration, aux conséquences qu a la conduite sous l emprise de la drogue sur la santé et la sécurité publique. La résolution, commanditée par les États-Unis et appuyée par le Canada, soulignait la nature internationale du problème et la nécessité de collaborer à la recherche de solutions. C est pourquoi le Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, en partenariat avec le Office of National Drug Control Policy des États-Unis, le National Institute on Drug Abuse des États- Unis, l Observatoire européen des drogues et des toxicomanies et Sécurité publique Canada, a organisé un colloque international à Montréal (Canada) en juillet 2011. Plus d une centaine de délégués provenant de 14 pays se sont réunis pour échanger de l information, analyser les données disponibles et promouvoir la coopération internationale dans la lutte contre les nombreux enjeux entourant la drogue au volant. Le colloque avait les objectifs suivants : montrer l utilité de la collecte et de l analyse de données sur la drogue au volant dans l élaboration de politiques et de programmes et identifier d autres activités de collecte de données qu il faudra peut-être faire; échanger de l information sur les politiques et les lois contre la drogue au volant; décrire les diverses méthodes de répression et discuter des contremesures qui fonctionnent et de celles qui ne fonctionnent pas; échanger de l information sur les programmes de prévention, notamment sur leur conception, leurs publics cibles et leur mise en œuvre; déterminer les mesures nécessaires en vue d accroître la coopération internationale sur la collecte et l utilisation de données sur la drogue au volant et l application de contremesures efficaces. P a g e 6 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Le thème du colloque s articulait autour de quatre grandes questions : Que savons-nous sur la nature et l ampleur du problème de la drogue au volant? Quelles sont les options stratégiques et législatives à notre disposition? Quels sont les différents mécanismes de détection, de dissuasion et de répression? Quelles mesures pouvons-nous prendre pour réussir à prévenir la conduite après la prise de drogues? Pour répondre à ces questions, quatre panels composés d experts internationaux ont fait des survols étoffés et variés de la situation dans leur région ou pays respectif. Par la suite, les délégués étaient invités à assister à des séances en petits groupes pour y discuter de l un des quatre sujets suivants : prévention, législation et politiques, répression ainsi que recherche en surveillance et questions techniques. La composition des groupes a été déterminée par les affiliations organisationnelles et professionnelles des délégués. Les délibérations ont porté sur les données internationales, les principales lacunes dans les données (et les pistes de solutions), les enseignements tirés en matière de politiques et les futures priorités. P a g e 7 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Nature et ampleur du problème de la drogue au volant Le problème de la drogue au volant ne date pas d hier, mais en l absence d information historique, il est impossible de dire si l ampleur du problème a augmenté ou si on y est plus sensibilisé parce qu on en sait de plus en plus sur le sujet. La conduite avec facultés affaiblies a été vue pendant de nombreuses années comme un problème presque exclusivement lié à l alcool. En effet, l alcool est et continue d être la substance psychoactive la plus consommée faisant augmenter la morbidité et la mortalité chez les usagers de la route. Les professionnels de la sécurité routière, tout en reconnaissant que d autres substances altérant les facultés pouvaient aussi être impliquées, comprenaient mal le rôle de ces substances et le jugeaient souvent moins important. L étude des drogues était assurément plus difficile, et les données épidémiologiques sur la prévalence étaient pratiquement inexistantes. Cela dit, depuis quelques années, l usage de drogues par les conducteurs est de plus en plus reconnu et étudié. Les données de nombreux pays ont montré qu il n était pas rare de détecter des substances psychoactives autres que l alcool chez des conducteurs se présentant à l hôpital ou transportés à la morgue à la suite d un accident de la route. Les quelques données dont on dispose ont soulevé des questions sur un problème sur lequel on en savait peu : S agit-il de nouvelles substances? Ou bien est-ce tout simplement que nous ne tentions pas de les détecter auparavant? Quelles substances sont testées pour en détecter la présence? Qui est soumis aux tests? Quelles sont les méthodes employées pour détecter les drogues? De quelles quantités de drogues parle-t-on? Il était évident qu il nous restait beaucoup de choses à apprendre. Il est essentiel de déterminer la nature et l ampleur du problème pour savoir quelle est la meilleure façon de le régler. Examiner l usage de drogues des conducteurs sur le plan épidémiologique Pour mieux cerner l ampleur du problème de la drogue au volant, un groupe d experts des États-Unis, du Canada, de l Europe et de l Australie a présenté une foule de renseignements sur la situation dans leur pays. Diverses approches épidémiologiques sont utilisées pour étudier la nature et l ampleur de l usage de drogues des conducteurs, y compris des sondages en population générale, des enquêtes routières et des données d autorités policières, d hôpitaux et de coroners. Les méthodes et normes retenues pour recueillir les données varient parfois considérablement dans un même pays, ce qui complique la comparabilité. Chaque approche jette un éclairage différent sur le problème, ce qui donne une image complexe du comportement et de ses méfaits. P a g e 8 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Selon des sondages d autodéclaration en population générale, prendre le volant après avoir pris de la drogue n est pas rare, en particulier chez les jeunes. En fait, des données canadiennes montrent que, chez les 16 à 19 ans, conduire dans les deux heures suivant la consommation de cannabis est légèrement plus fréquent que conduire après avoir bu. On se sert depuis plusieurs années des enquêtes routières pour évaluer la prévalence de la consommation d alcool des conducteurs. De récentes enquêtes réalisées en Amérique du Nord, en Amérique du Sud et en Europe faisaient aussi appel à des tests de dépistage pour une gamme de substances psychoactives pour mesurer l ampleur de la consommation chez les conducteurs. De nombreuses méthodes sont employées, au bord de la route, pour recueillir de l information sur l usage de drogues des conducteurs. Ainsi, plusieurs enquêtes européennes interceptaient des conducteurs tout au long de la journée et tous les jours de la semaine, alors que d autres ciblaient ceux qui prenaient la route en fin de soirée la fin de semaine, ce qui correspond aux moments où l on sait que l alcool au volant est habituellement le plus fréquent. Quand la loi le permet, certains pays profitent du pouvoir qu ont les policiers d arrêter les conducteurs et de leur faire passer des tests sans cause ni soupçon pour prélever des échantillons et ainsi détecter la présence d alcool ou de drogues. Les données d hôpitaux et de coroners/médecins légistes aident à cerner l ampleur de l usage de drogues chez les conducteurs impliqués dans des accidents graves ou mortels. Même si un dépistage n est pas fait (ou ne peut être fait) sur tous les conducteurs, les données montrent un grave problème. Dans certains cas, l usage de substances psychoactives des conducteurs gravement ou mortellement blessés rivalise avec celui d alcool. Cela dit, avec l alcool, la recherche a permis d établir une concentration révélant dans quelle mesure les facultés d un conducteur sont affaiblies; aucune norme de ce genre n existe pour les autres substances. Voilà pourquoi la détection d une substance chez un conducteur blessé n indique pas forcément que les facultés de ce conducteur étaient affaiblies au moment de l accident ou que les effets de la substance ont contribué à l accident. D autres recherches doivent être faites afin d établir le lien de cause à effet entre la prise de drogues d un conducteur et d un accident. Des études en cours en Amérique du Nord et en Europe cherchent à quantifier le risque d avoir ou de causer un accident suite à la consommation de drogues. Ce risque se mesure par des méthodes «castémoins» : la première permet de comparer la prévalence d usage de drogues des conducteurs sur la route (c.-à-d. les témoins) à celle d un groupe comparable de conducteurs impliqués dans un accident (c.-à-d. les cas), et la seconde, elle, permet de comparer l ampleur de l usage de drogues des conducteurs qui ont causé un accident à celle d un groupe comparable de conducteurs impliqués dans un accident, mais sans l avoir causé. Les résultats obtenus d études de ce genre fournissent des renseignements précieux nous aidant à mieux comprendre le rôle que jouent les substances psychoactives dans les blessures et les décès sur les routes. P a g e 9 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

La nécessité d avoir des données uniformes et comparables De l information sur la nature et l ampleur de l usage de drogues des conducteurs est essentielle à l élaboration de politiques et de programmes luttant efficacement contre le problème. De nombreux pays procèdent activement à des recherches afin de comprendre non seulement l ampleur du problème, mais aussi ses caractéristiques. Les données s accumulent, quoique souvent dans des études à petite échelle impossible à compiler ou à comparer parce qu elles utilisent des normes de données différentes. La recherche dans ce domaine pose des défis, compte tenu des caractéristiques uniques du comportement de drogue au volant et de la conception des systèmes de recherche et de collecte de données qui fourniront l information nécessaire. Des directives internationales sur les normes en recherche 1 rédigées en 2006 sont un bon point de départ, mais les besoins en information sont immenses, cela saute aux yeux, et aucun pays ne peut rassembler seul toute l information requise. D où la nécessité de se doter de systèmes qui produiront de l information rigoureuse et comparable sur la nature, l ampleur et les conséquences de la drogue au volant, information à laquelle auront accès les pays pour les aider à instaurer des contremesures efficaces. Lors des discussions en groupe, les participants ont mentionné que, pour pouvoir faire des analyses de données comparables, il fallait créer des mesures et des outils de mesure uniformes entre les pays. Certaines de ces mesures sont mises au point à l échelle internationale, mais il reste d importantes lacunes dans les pratiques méthodologiques et les indicateurs de résultats. L échange de données de surveillance et de suivi pose aussi des défis dans les pays. Il serait plus facile de faire des comparaisons internationales si on disposait d ententes de partage de données énonçant des pratiques normalisées d établissement de rapport. La recherche sur la drogue au volant n en est qu à ses débuts par rapport à celle sur l alcool au volant. S il y a beaucoup d enseignements à tirer du travail fait sur l alcool au volant, il faut aussi tenir compte des différences considérables présentées par les panelistes du colloque. Voilà pourquoi, quand on documente un nouveau domaine de recherche ou de politique comme la drogue au volant, il est important d avoir une vue d ensemble de tous les aspects de la situation à l étude. Par exemple, plusieurs facteurs influent sur la drogue au volant, notamment des aspects environnementaux, des variances pharmacologiques et biologiques, l immense diversité entre les conducteurs sous l effet de la drogue et les diverses motivations à la base des comportements de ces conducteurs tous ces facteurs exigent le recours à une gamme de méthodes de recherche. En effet, si une étude se penche sur l évaluation psychologique des conducteurs, les autres examineront des éléments comme leurs croyances, leur état mental et leurs facteurs de risque et de protection. 1 Walsh, J.M., A.G. Verstraete, M.A. Huestis et J. Mørland. Guidelines for research on drugged driving, Addiction, vol. 103, 2008, p. 1258 1268. doi : 10.1111/j.1360-0443.2008.02277.x P a g e 10 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Acquérir des connaissances sur la drogue au volant par l intégration des résultats de nombreuses études à l aide de démarches et de méthodes différentes nous aidera à mieux comprendre la question. Il faut toutefois dire que l intégration des résultats ne se limite pas à simplement additionner les résultats ou à les énumérer l un à la suite de l autre; il s agit en fait d essayer de leur trouver un sens, de façon à pouvoir brosser un tableau plus complet de la situation. Ce n est qu avec des méthodes de recherche et des protocoles d établissement de rapports communs que ce processus ira plus vite, comme l a déjà testé le projet de recherche DRUID (Driving Under the Influence of Drugs, Alcohol and Medicines, ou Conduite sous l influence des drogues, de l alcool et des médicaments) de l Union européenne. P a g e 11 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Options politiques et législatives Une connaissance lacunaire et incomplète de la nature et de l ampleur de la drogue au volant ne devrait en rien justifier l inaction. Il existe assez de renseignements sur les problèmes associés à la drogue au volant pour appliquer des mesures correctrices dès maintenant de façon à enrayer ce comportement néfaste et à empêcher son escalade. Pendant cette séance du colloque, des experts internationaux ont pu analyser les avantages et les limites des principales approches de lutte contre la conduite sous l effet de la drogue dans leur pays ou secteur de compétences, à savoir les lois sur la conduite avec facultés affaiblies, les lois per se et les lois sur la tolérance zéro. Les lois sur la conduite avec facultés affaiblies portent sur la capacité réduite d une personne à conduire un véhicule suite à la prise d une substance psychoactive. De telles lois existent depuis longtemps, mais il était souvent difficile de les appliquer et de porter des accusations en l absence d une mesure standard de ce qui constitue «l ivresse». Avec l instauration de techniques normalisées (p. ex. tests de mesure des facultés affaiblies), la situation s est améliorée; il faut toutefois que les policiers soient formés à l administration et à l interprétation de ces techniques. Les lois per se contre l alcool au volant ont vu le jour en Finlande il y a plus de 50 ans et sont depuis devenues la norme internationale en matière d infractions de conduite en état d ébriété. Ces lois énoncent que les conducteurs commettent une infraction si la concentration d alcool dans leur sang (ou leur haleine) dépasse un certain niveau. Ce niveau illégal d alcoolémie varie selon les pays, mais ces lois se fondent sur le lien bien établi entre taux d alcoolémie, niveau d affaiblissement des facultés et risque d accident. Les lois per se créent ainsi un «raccourci» juridique, c.-à-d. qu elles réduisent ou éliminent le besoin de prouver que les facultés d un conducteur étaient affaiblies. Le succès remporté par les lois per se dans la lutte contre l alcool au volant a amené quelques pays à se doter de limites pour certaines drogues. Les décideurs se questionnent toutefois sur l acceptabilité du message ainsi véhiculé, soit que conduire après avoir consommé même une petite quantité de substances illicites est permis et ne sera pas sanctionné. Les lois sur la tolérance zéro sont une forme spéciale de lois per se en vertu desquelles la limite légale est fixée à zéro. Globalement, conduire avec n importe quelle quantité mesurable d une certaine substance dans le sang (et, dans certains cas, l urine) constitue une infraction. L alcool au volant établit un précédent de lois sur la tolérance zéro. De nombreux pays reconnaissent le risque élevé que posent les nouveaux conducteurs et les jeunes conducteurs, peu importe le niveau d alcoolémie, et leur imposent une limite automatique de zéro. Comme on P a g e 12 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

ne dispose d aucune étude fixant un niveau de drogue dans le sang à partir duquel le niveau d affaiblissement des capacités ou de risque devient inacceptable, de nombreux pays appliquent une limite zéro pour des substances précises. Cette formule est peut-être un moyen expéditif et admissible sur le plan politique de s attaquer à l usage de substances illicites, mais est problématique pour les médicaments sur ordonnance. La situation risque donc de déboucher sur un modèle hybride de législation, où les lois sur la tolérance zéro (ou autres lois per se) s appliquent à certaines substances et des lois sur la conduire avec facultés affaiblies, aux autres substances. Malheureusement, il arrive que certaines substances ne se rangent pas dans une seule catégorie. Ainsi, le cannabis est généralement considéré comme une substance illicite, mais un nombre croissant de pays autorisent son usage dans le traitement de certaines maladies précises. On peut aussi faire une utilisation illicite (p. ex. opioïdes) ou inappropriée (p. ex. doses plus fortes que celles prescrites, en combinaison avec l alcool) de médicaments sur ordonnance, ce qui cause un affaiblissement des capacités. Les tentatives visant à faire la distinction entre les divers types de substances devront tenir compte des circonstances et des habitudes de consommation ainsi que des substances impliquées. Les lois sur la drogue au volant : une question de sécurité routière ou de contrôle des drogues? L intention et les buts des activités législatives de lutte contre la drogue au volant doivent être clairs. La conduite sous l influence de la drogue, tout comme celle sous l influence de l alcool, s est révélée être un problème de sécurité routière. Une prise en charge efficace du comportement est donc nécessaire pour réduire le nombre de décès et de blessures et alléger le fardeau des systèmes de santé. Diminuer le niveau global de consommation de drogues serait certainement une façon de s attaquer au problème. Les tensions sont toutefois palpables entre les politiques de sécurité routière et celles de contrôle des drogues, ces dernières mettant l accent sur la sanction de tous les utilisateurs de drogues illicites, même s ils ne menacent en rien la sécurité routière. Dans la création de nouvelles lois ou la révisions des anciennes, il est essentiel que les décideurs déterminent s ils devraient traiter le problème de la drogue au volant comme une question relevant de la sécurité routière ou du contrôle des drogues. Poursuivre les consommateurs de drogues qui conduisent a des implications sociales foncièrement différentes de celles associées à poursuivre les conducteurs aux facultés affaiblies par les drogues. La question de savoir si la conduite sous l effet de la drogue relève de la sécurité routière ou du contrôle des drogues a été l un des thèmes dominants des discussions qui ont suivi les présentations du colloque. Compte tenu de la diversité des mécanismes législatifs employés dans et entre les pays, la ligne entre les deux se brouille parfois. Il faudrait, dans la mesure du possible, assurer la complémentarité des lois. Certaines données constatent déjà ce phénomène en Europe. Ainsi, en Finlande et à Chypre, si on découvre des substances illicites dans le sang d un conducteur, même si ses facultés ne sont pas affaiblies, il est possible de le poursuivre pour une infraction criminelle liée à P a g e 13 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

l usage de drogues. En comparaison, en Belgique et au Royaume-Uni, il est spécifiquement interdit aux autorités policières de se servir des preuves montrant qu un conducteur a pris de la drogue pour porter des accusations autres que celle de conduite sous l effet de la drogue. Le groupe a soulevé d autres points clés, dont les obstacles et incitatifs juridiques aux politiques de sécurité routière. Ces obstacles sont notamment des cadres juridiques divergents et la répartition des pouvoirs/de la gouvernance au sein des pays et des États. Certains pays peuvent mesurer de façon aléatoire la consommation de drogues des conducteurs, alors que d autres ne peuvent le faire que chez certains sous-groupes de la population. Pour cerner les incitatifs ou «catalyseurs» à l amélioration de la sécurité routière, de nombreux intervenants doivent participer à l élaboration de politiques et de lois, et l échange régulier d information stratégique et concrète doit être encouragé à l échelle internationale. Sur le plan des politiques de haut niveau, il convient de trouver un équilibre entre les besoins thérapeutiques, la mobilité sociale et la sécurité publique. En Europe, on considère la mobilité sociale comme un élément clé de l engagement civil et de la croissance économique. Il faudra porter une attention spéciale aux situations où des médicaments sur ordonnance soulagent des troubles de santé au point où la conduite s améliore par rapport à la conduite quand les troubles ne sont pas traités. La qualité de vie passe parfois par le recours aux médicaments, et il sera essentiel d impliquer les professionnels de la santé dans ce processus mûrement réfléchi, peut-être par l instauration de mesures incitatives visant l éducation de certains sous-groupes de patients, comme les aînés et les jeunes. P a g e 14 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Détection, dissuasion et répression Les méthodes de répression d un pays témoignent généralement du type et de la nature de ses lois sur la drogue au volant. On note donc la diversité des approches de répression, dont plusieurs ont été expliquées par les experts internationaux dans leurs présentations. La séance visait à mettre en évidence le travail fait dans plusieurs pays, pour que les autres puissent mieux évaluer leurs façons de faire et adapter les nouvelles approches et ainsi améliorer leurs efforts. En vertu des lois sur la conduite avec facultés affaiblies, les policiers doivent recueillir des preuves et documenter dans quelle mesure les facultés d un conducteur sont affaiblies. Pour faire condamner les contrevenants, les preuves comportementales doivent s allier aux preuves d une consommation récente de drogues. Plusieurs pays se sont dotés de techniques normalisées d évaluation comportementale de l affaiblissement, dont les plus importantes sont le test normalisé de sobriété administré sur place et le Programme d évaluation et de classification des drogues (PECD), tous deux largement utilisés en Amérique du Nord. (Des variations de ces procédures servent aussi de tests de mesure des facultés affaiblies dans d autres pays du monde.) Recourir à une même série de tests administrés de façon uniforme par l ensemble des policiers permet d obtenir des données analogues pour les divers cas. Le PECD va plus loin et évalue un groupe standard d indicateurs cliniques de la consommation pour démontrer que l affaiblissement observé correspond à une catégorie particulière de drogues. Les lois per se et sur la tolérance zéro exigent que soit testé un échantillon de liquide corporel pour y détecter la présence de drogue et en quelle quantité. La procédure qui détermine le type d échantillon et la façon de le prélever varie en fonction du secteur de compétence. Quand on parle de test toxicologique, la norme d excellence est l analyse sanguine. Par contre, c est habituellement un médecin qui doit prélever l échantillon de sang sur un suspect processus qui nécessite parfois un mandat et beaucoup de temps. De plus, le délai écoulé peut affecter la capacité à relier le niveau de drogues détecté au moment de l infraction. Les échantillons d urine, eux, sont faciles à recueillir sans l aide d un médecin, mais comme ils n indiquent pas forcément une consommation récente, leur usage n est généralement pas recommandé pour les tests. Depuis quelques années, on se sert de plus en plus de la salive dans les tests de dépistage. Il est beaucoup moins invasif de recueillir des échantillons de salive que de sang, et les policiers peuvent le faire sur la route ou au poste. Certains pays se servent de dispositifs de contrôle routier pour dépister certaines drogues dans la salive. Ces dispositifs ont toutefois des limites, et il faut continuer à veiller à ce qu ils répondent à des normes élevées de spécificité et de sensibilité. P a g e 15 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Dans de nombreux pays, les policiers ont grandement recours aux points de contrôle pour dépister les conducteurs aux facultés affaiblies par l alcool ou les drogues. Ces points de contrôle ont deux objectifs, soit identifier les conducteurs aux facultés affaiblies par l alcool ou les drogues et avoir un effet dissuasif en augmentant le risque d être pris. Selon les lois et précédents juridiques, la procédure à suivre pour collecter des preuves de l usage d alcool ou de drogues est variable. Dans certains pays, un policier doit au moins soupçonner que le conducteur a pris de l alcool ou des drogues avant de pouvoir procéder à un dépistage ou à des tests. Certains pays européens et l Australie autorisent les policiers à exiger un échantillon d haleine ou de salive de façon aléatoire, c.-à-d. sans cause ni soupçon, ce qui simplifie le processus de détection et les futures exigences en matière de preuve. L État de Victoria (Australie) est le premier à soumettre les conducteurs à un dépistage aléatoire des drogues à grande échelle semblable au dépistage aléatoire (alcootest) de l alcool. Les conducteurs sont donc obligés en tout temps de fournir un échantillon de salive qui sera analysé immédiatement, sur le bord de la route, pour y détecter la présence de cannabis, d amphétamines et de MDMA (ecstasy). Si le résultat est positif, il sera confirmé par une seconde analyse effectuée avec un autre appareil. Les spécialistes savent que les appareils testant la salive au point de prélèvement sont imparfaits; cela dit, leur but est de créer un effet dissuasif général en augmentant le risque perçu d être pris par les policiers en cas de conduite sous l effet des drogues. Les répercussions de cette méthode n ont pas encore fait l objet d une évaluation. Les enjeux liés à la détection et à la répression Les participants à cette discussion ont de nouveau souligné l importance de mieux comprendre la complexité du problème de la drogue au volant. Ils ont relevé certains enjeux précis entourant la compréhension des diverses lois dans les pays, non seulement par les agents de première ligne, mais aussi au sein du système judiciaire. Les participants constatent qu il faut mieux préparer les experts qui doivent témoigner en cour et mieux informer les juges sur les données toxicologiques et la façon de les interpréter. Néanmoins, pour les participants, il est évident que la seule répression ne permettra pas de résoudre la question. La prévention et l éducation intersectorielles sont indispensables et doivent mobiliser de nombreux intervenants. La polyconsommation s avère plus prévalente qu anticipé et met à rude épreuve les pratiques en vigueur et les appareils actuels de dépistage. En outre, la création de nouvelles drogues et leur chaîne d approvisionnement ont toujours une longueur d avance. Les médicaments sur ordonnance représentent un défi intéressant de par leur légalité et leur vaste éventail. Nous savons que de nombreux médicaments peuvent affecter la capacité de conduire, mais nous ignorons encore dans quelle mesure. Même si des études expérimentales sont en cours en Europe sur le sujet, des recherches supplémentaires doivent être effectuées. P a g e 16 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Prévention Même si les lois et la répression sont deux mécanismes d envergure pour lutter contre la drogue au volant, pour faire des progrès importants dans la résolution du problème, il faut apporter des changements en profondeur aux attitudes dans la société et des changements durables des comportements. Pour ce faire, le public doit être bien informé des problématiques et des options disponibles, les groupes professionnels doivent être prêts à intervenir et à agir, les nouveaux conducteurs doivent comprendre les risques encourus et la population doit participer à un dialogue qui fera de la conduite sous l effet de drogues ou de médicaments un comportement socialement inacceptable. Depuis les trois dernières décennies, un nombre incalculable de campagnes faisant chacune appel à divers messages, techniques, médias et approches ont alerté le public aux dangers de la conduite en état d ébriété. Ces campagnes ont sans l ombre d un doute grandement contribué à changer les connaissances, les attitudes et les comportements du public et, en définitive, à diminuer le nombre de décès et de blessures attribuables à l alcool au volant. Cela dit, jusqu à présent, seules quelques campagnes de prévention ont porté spécifiquement sur la conduite après l usage de drogues. En toute honnêteté, ce n est que depuis peu que la drogue au volant suscite des préoccupations sur le plan politique. De plus, la problématique est vaste et englobe une série de comportements et de groupes démographiques apparemment sans lien entre eux. Par exemple, il y a les jeunes qui conduisent après avoir fumé du cannabis ou pris de l ecstasy, les adultes dans la quarantaine qui prennent de la cocaïne ou un verre tout en étant sous tranquillisants et les personnes âgées qui prennent plusieurs médicaments sur ordonnance pour traiter différents troubles de santé. Un message unique ne suffit pas; des messages ciblés et spécifiques doivent viser chaque groupe. Et pourtant, l approche privilégiée est fréquemment une simple campagne médiatique de masse très générale, souvent à un coût élevé. La conduite sous l influence de médicaments psychoactifs prescrits légalement est un domaine où, clairement, des mesures pourraient être prises immédiatement pour donner aux patients l information dont ils ont besoin pour faire des choix éclairés. La France a instauré un système où des étiquettes apposées sur l emballage des médicaments sur ordonnance indiquent leur risque d effets néfastes sur la conduite. Dans le cadre d un projet paneuropéen sur la drogue au volant, on a passé en revue la documentation scientifique d une foule de médicaments afin de pouvoir les classer en quatre catégories : aucune influence, influence mineure, influence modérée et influence majeure. Un pictogramme coloré sur l emballage représente le niveau de risque pour la conduite, et de l information supplémentaire est fournie dans la notice intérieure. Ce système d étiquetage permet de renseigner les patients, en plus de les inciter à discuter avec leur médecin des dangers associés à certains médicaments et de permettre la prescription de médicaments influant moins sur la capacité de conduire. P a g e 17 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Aux États-Unis, une équipe transdisciplinaire d experts a créé un protocole grâce auquel on peut déterminer le risque d affaiblissement des facultés et d accident que posent les drogues et médicaments. Ce protocole permet un dépistage plus formel et systématique des drogues et se compose d une analyse toxicologique et pharmacologique, d un examen épidémiologique et d une évaluation comportementale. Le protocole fournit aux médecins, pharmaciens et autres professionnels de la santé des renseignements précis et valides sur les effets des drogues et médicaments sur la capacité de conduire; avec ces renseignements, ces intervenants peuvent ensuite informer les patients des risques encourus. Mécanismes de prévention proposés Plusieurs séances du colloque ont abordé la question de la prévention et de l éducation. Les participants ont donc résumé les éléments qui, d après eux, devraient être pris en compte dans la prévention de la drogue au volant. De nombreux participants considéraient la création d une initiative à plusieurs volets et phases comme un principe fondamental. À ce sujet, les thèmes suivants sont ressortis : profiter des leçons tirées depuis trente ans dans la prévention de l alcool au volant, tout en adoptant une approche distincte pour la drogue au volant; se pencher sur l usage de substances légales et illégales avant de prendre le volant; faire la différence entre sensibilisation et éducation (la première montre la problématique comme une préoccupation sociale, ce qui est nécessaire, alors que la seconde est plus ciblée et informative); axer les stratégies de prévention sur la sécurité publique, et non forcément sur le contrôle des drogues; concentrer les recherches sur la collecte de données sur les tendances concernant certains groupes d âge et certaines perceptions; cibler les stratégies sur des sous-groupes précis, dont le grand public, les patients, les professionnels de la santé, les parents et les jeunes. Il est ressorti que les stratégies nationales sont efficaces quand elles sont reproduites correctement avec les exigences nécessaires, utilisent des mesures d observance, reposent sur des données probantes et tiennent compte de la diversité. Un exemple de stratégie récente mentionné est la Stratégie de sécurité routière 2015 du Canada, qui privilégie une démarche globale pour aborder plusieurs enjeux abordés pendant le colloque. P a g e 18 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Prochaines étapes Étant donné les restrictions financières actuelles et le climat politique changeant, la plupart des partenaires du colloque sont dans l incertitude quant au renouvellement des stratégies nationales antidrogue et aux priorités de financement. Il résulte qu on ignore ce qu il adviendra de la question de la drogue au volant. Tel que mentionné tout au long du colloque, il reste qu à l échelle nationale, le débat se poursuit : la drogue au volant relève-t-elle de la sécurité publique ou du contrôle des drogues? Avant de déterminer comment et où aller de l avant, il faudra trouver la réponse à cette question. Dans les mois à venir, les prévisions financières et les priorités stratégiques devraient se préciser. Du côté de l Union européenne, les résultats finaux du projet DRUID sont attendus, tout comme les répercussions qu ils pourraient avoir en Europe et ailleurs. On en est aussi aux prochaines étapes dans le renouvellement de la stratégie européenne antidrogue. Quant au Canada, on attend d en savoir plus sur la nouvelle version de la Stratégie nationale antidrogue et sur l ajout possible d un volet sur la drogue au volant. En dépit de ces grandes préoccupations systémiques, les occasions d aller de l avant à l échelle internationale avec l élaboration d une stratégie exhaustive sur la drogue au volant sont nombreuses. Comme le colloque cherchait à tirer parti de la résolution 54/2 adoptée en 2011 par la Commission des stupéfiants des Nations Unies reconnaissant l importance de s attaquer, avec une approche coordonnée de recherche, aux conséquences qu a la conduite sous l emprise de la drogue sur la santé et la sécurité publique, les partenaires du colloque sont à préparer une séance d information s adressant aux États membres qui aura lieu lors de la réunion de la Commission de mars 2012. L Observatoire européen des drogues et des toxicomanies (OEDT) et ses partenaires formeront aussi en 2012 un groupe de travail scientifique chargé d analyser les normes de recherche et les priorités techniques afin de guider de futures collaborations. Maintenant que les résultats finaux du projet DRUID sont connus, les partenaires du colloque vont réviser de concert le rapport Insight 2008 de l OEDT, de façon à rendre compte de la situation actuelle de la drogue au volant et de l étendue des données internationales sur le sujet. P a g e 19 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Les partenaires du colloque feront aussi des présentations et participeront à diverses réunions et activités internationales et y parleront des résultats du colloque. Voici quelques-unes de ces activités passées et à venir : Présentation du Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies (CCLAT) à la Commission interaméricaine de lutte contre l abus des drogues (CICAD) (27 et 28 septembre 2011) Sommet de la Maison-Blanche sur la drogue au volant (14 octobre 2011) Conférence nationale Questions de substance du CCLAT (6 novembre 2011) Séance d information de la Commission des stupéfiants des Nations Unies (mars 2012) Conférence internationale du Conseil international sur l alcool, les drogues et la sécurité routière (août 2013) Annexe A Liste des intervenants et ordre du jour Disponible en ligne à http://www.cclat.ca/fra/priorities/impaireddriving/montreal_symposium/pages/default.aspx P a g e 20 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012

Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies 75, rue Albert, bureau 500 Ottawa (Ontario) K1P 5E7 Canada Tél. : 613-235-4048 Téléc. : 613-235-8101 info@ccsa.ca ISBN 978-1-926705-90-3 P a g e 21 Centre canadien de lutte contre l alcoolisme et les toxicomanies, 2012