GARONNE 2050 1. DÉFINITION DE LA VARIABLE VARIABLE : consommation d énergie Cette variable s intéresse à la consommation d énergie, un focus sur la consommation d électricité étant effectué. Elle peut être fortement influencée selon les territoires considérés notamment par (i) les variations climatiques (des régions soumises à des hivers plus rigoureux auront une consommation en chauffage plus élevée), (ii) les modes de consommations (généralisation voire multiplication des appareils électroménagers et informatiques dans les ménages entrainant l augmentation des consommations énergétiques, ce en dépit d améliorations de performances énergétiques d autres machines), (iii) les secteurs économiques développés sur le territoire (une région industrialisée aura des besoins en énergie plus élevé), etc. Le niveau de consommation d énergie est fortement lié à la variable de production d énergie et au mix énergétique du pays. Cependant, de par le système énergétique centralisé, la production d énergie d un territoire ne dépend pas directement de la consommation de ce même territoire. En ce sens, cette variable ne sera pas déclinée territorialement. En outre, différents usages de l énergie dans les bâtiments (climatisation, chauffage, électricité ) et secteurs (tertiaire, habitat ) consommateurs sont considérés dans cette fiche. 2. INDICATEURS PERTINENTS - consommation d énergie finale par secteur - potentiel d économie d énergie par secteur 3. RÉTROSPECTIVE (les 40 dernières années) (comment, pourquoi et par l action de qui la variable a évoluée) A) La consommation énergétique Sur la période 1973-2009, l industrie et la sidérurgie ont fortement baissé leur consommation énergétique (passage de 36 à 23% de la consommation) pour deux raisons principales : l amélioration de l efficacité énergétique des procédés et la désindustrialisation des activités productives en France. Le résidentiel tertiaire est quant à lui resté relativement stable (42-43% de la consommation nationale).
Figure 1 : Consommation d'énergie finale par secteur (source : CGDD chiffres clés de l énergie 2010) En revanche, la part du transport, à 97 % dépendant du pétrole, a augmenté (de 19 à 31%), avec une certaine stabilisation depuis 2000. Ceci peut s expliquer par une mobilité urbaine plus contrainte, même si la mobilité longue distance semble continuer à progresser. En effet, il apparait que le progrès continu sur la consommation des véhicules a été obéré par l accroissement de la mobilité (et des kilomètres parcourus). Figure 2 : Consommation d'énergie primaire dans le secteur résidentiel et tertiaire (source : CGDD chiffres clés de l énergie 2010) La structure en énergie primaire de la consommation des bâtiments a fortement évolué notamment suite aux chocs pétroliers des années 70. Le pétrole (et le charbon) a fortement diminué pour chauffer les bâtiments au profit du gaz et de l électricité. On notera que l utilisation d énergies renouvelables, réseaux de chaleur, géothermie et bois énergie, est restée stable sur la période ceci avec une incertitude sur le bois énergie (près de la moitié des énergies renouvelables produites en France - 9 Mtep sur 20), qui est mal comptabilisé car transite peu par les circuits commerciaux. Les bâtiments En termes d usage, la consommation énergétique des bâtiments est surtout liée au chauffage ou aux besoins de chaleur en général (chauffage, eau chaude, cuisson). En 30 ans (voir Figure 3), la consommation unitaire de l habitat pour le chauffage n a baissé que de 10%, la cuisson est restée stable. L autre poste est l électricité spécifique dont la demande a fortement augmenté avec la généralisation de l équipement des ménages en appareil électroménagers puis plus récemment les équipements informatique (et leur périphériques), les écrans plats, les appareils en veille ou rechargés sur le secteur. La climatisation peut aujourd hui être majoritairement associée à de l électricité spécifique (les climatiseurs sont électriques). 2/8
D autres voies de climatisation sont aujourd hui émergentes : le refroidissement de bâtiments en zone littorale avec de l eau fraîche pompée en profondeur marine, la végétalisation de toitures ou la «climatisation solaire», permettant une climatisation avec une moindre consommation électrique Figure 3 : Évolution des consommations unitaires des résidences principales en kwh/m2 à climat normal, bois inclus, base 100 en 1976 Source : «Les besoins énergétiques des bâtiments» MH Laurent, N. Recrosio, Futuribles N 327, février 2007 Le transport En France, 82% du transport intérieur de voyageurs est effectué en voiture en 2008, mais cette proportion tend à diminuer depuis 1995, parallèlement à l augmentation de la part des transports en commun ferroviaires. En revanche, le transport de marchandises par route continue de progresser. En 2008, il représente 83% du trafic mesuré en tonnes-km, tandis que la part du fret non-routier (ferroviaire + fluvial) s élève à 12%. L objectif de la loi Grenelle est d augmenter cette part de 25% en 2012 par rapport à 2006. Figure 4 : Consommation d'énergie des transports et PIB en France 3/8
La baisse récente de la consommation énergétique du transport est attribuée : - à la baisse régulière de la consommation unitaire des voitures (moyenne des voitures vendues : 176 g CO2 en 1995 à 149 g CO2 en 2006) - au prix des carburants qui conduit les ménages modestes (d autant qu ils habitent en périurbain) à limiter les déplacements non nécessaires - au respect des limitations de vitesse (radars automatiques) et la baisse des vitesses réglementaires en ville (zones 30 km/h), - au report sur les TGV pour certains trajets. Ceci le parc français ne progresse plus que par la multi-motorisation des ménages et de nombreuses tendances conduisent à une moindre augmentation voire à une stabilisation de la mobilité - le vieillissement de la population - le taux de motorisation des ménages est élevé (plus de 80%) - certains déplacements (contraints) sont et seront replacés par un accès virtuel (banque et administration, loisirs comme la video à la demande, télétravail ) B) La consommation électrique La consommation électrique représente entre 18 et 23% de la consommation finale d énergie et a augmenté de 44% depuis 1990 (SOeS, 2010). Figure 5 : Consommation finale d électricité par secteur corrigée du climat (France métropolitaine en TWh) Source : INSEE (graphique Futuribles), données SOeS La consommation électrique nationale augmente de 1,8% par an depuis 1990. Entre 1973 (année du premier choc pétrolier) et 2009, la consommation intérieure d électricité s est développée deux fois plus vite que l ensemble de la consommation d énergie et a été presque triplée au cours de la période pour atteindre son maximum de 494 TWh en 2008. La mise en place du programme électro-nucléaire, à partir de 1974, a permis une substitution massive de l énergie nucléaire aux combustibles fossiles pour la production d électricité. La montée en puissance de la production nucléaire (de 15 TWh en 1973 à 410 TWh en 2009) s est donc accompagnée d une réduction de la production thermique classique, celle-ci n atteignant que 62 TWh en 2009, soit 52 % de son niveau de 1973. Le programme électro-nucléaire a aussi eu pour conséquence une particularité française : plus du quart des logements français sont chauffés à l électricité, le parc français de chauffage électrique représente la moitié du parc européen. En conséquence le chauffage électrique représente un tiers de la consommation 4/8
électrique des ménages. En 2006, plus de deux logements construits avant 1975 sur trois sont chauffés aux énergies combustibles alors que 45 % des logements récents sont chauffés à l électricité. La baisse enregistrée en 2009 est liée à la crise économique (consommation repartie à la hausse en 2010), avec notamment des diminutions marquées de la sidérurgie et de l industrie. La consommation des secteurs résidentiels et tertiaires, soit les deux tiers de la consommation finale d électricité, continue en revanche en leur progression, ce même en période de crise. C) Les perspectives de consommation Bâtiments Les réglementations thermiques (la première date de 1975, suite aux chocs pétroliers des années 70) de plus en plus contraignantes au fil du temps ont permis de contenir les besoins de chauffage des bâtiments en imposant des normes d isolation minimales. Le projet de loi de relatif à la mise en œuvre du Grenelle de l environnement dit PLG1 fixe deux dates pour les logements neufs : - 2012 : généralisation des logements neufs BBC (Bâtiment Basse Consommation), à 50 kwhep/m 2 en énergie primaire 1, - 2020 : pour toutes les constructions neuves, la consommation d'énergie primaire doit être inférieure à la quantité d'énergie renouvelable produite dans ces constructions et notamment le bois-énergie (BEPOS, bâtiment à énergie positive). Or le secteur des bâtiments se caractérise par une très forte inertie. Le parc de logement évolue par la construction neuve (1% par an) et la moitié des logements du parc date d il y a plus de 50 ans. Or, très peu de logements sont détruits (20 à 30000 destructions par an), ce qui place l accroissement à moins de 0,2% par an. Les études basées 2 sur l évolution démographique tendancielle de la population française (70 millions en France métropolitaine soit environ 9 millions de plus qu aujourd hui) et la poursuite des phénomènes de décohabitations (de plus en plus de ménages d une seule personne), aboutissent à un parc 2050 de 35 millions de logements (contre plus de 26 millions aujourd hui). Cela signifie que les trois quart du parc de logement de 2050 est déjà construit. Compte tenu des réglementations thermiques à venir, la consommation du parc de logement neuf devrait être particulièrement faible. L enjeu pour un objectif comme celui de la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre à l horizon 2050 est clairement d améliorer la performance thermique du parc existant. L objectif retenu par le plan d action national en faveur des énergies renouvelables (issu du groupe 1 du Grenelle) est de réduire de 38% d ici à 2020 les consommations carbonées (chauffage, eau chaude) du parc existant en énergie primaire. Ceci grâce à la rénovation complète de 400 000 logements chaque année à compter de 2013 (par exemple les 800 000 logements sociaux dont la consommation d énergie est supérieure à 230 kwep/m 2 par an doivent ramener leur consommation à moins de 150kWep/m 2 par an avant 2020. L objectif 2050, dans la ligne du facteur 4, étant de réduire 1 L expression de l objectif en énergie primaire prend en compte l énergie de conversion nécessaire par exemple à la production d électricité. Le besoin en énergie des logements est plus classiquement exprimé en énergie utile ou finale. Ceci étant, l expression de l objectif réglementaire pour la construction neuve en énergie primaire a pour conséquence de pénaliser fortement le chauffage électrique direct (l énergie de production de l électricité est prise en compte) dans le neuf au profit de technologies électriques comme les pompes à chaleur. 2 Cahier du CLIP «Habitat facteur 4», N 20, novembre 2010 5/8
de 70 à 80% la consommation actuelle du parc de logement, soit atteindre un niveau moyen de 50 à 80 kwep/m 2 par an. Ce qui revient à généraliser le label BBC rénovation à l horizon 2050 et à réduire d un facteur 2 à 2,5 les besoins en énergie utile pour le chauffage du parc. Mobilité L UE s est donné comme objectif que la moyenne des ventes des véhicules neufs ne devrait pas excéder 120 g CO2/km (environ 4litres/100 km) en 2012 et 90 g CO2 (environ 3litres/100km) en 2020. Cependant, l objectif antérieur de 140 gco2 en 2008, issu d un accord volontaire avec les constructeurs, n ayant pas été atteint, celui de 2012 a peu de chances de l être. Une autre tendance récente est l accroissement de la part des agrocarburants, avec une part passant de moins de 1% des carburants consommés en 2005 à environ 5% (2,5Mtep) en 2008. De plus, malgré les débats sur les effets indirects des agrocarburants, la France conserve son objectif d incorporation d agrocarburants de 7 % à l horizon 2010, pour atteindre 10 % en 2020. 4. INCERTITUDES ET SIGNAUX FAIBLES (incertitudes majeures pour l avenir et «signaux faibles» de changement) Incertitudes sur les choix politiques adoptés Le domaine de l énergie est l objet de nombreuses prévisions dont le résultat est très dépendant de la date de l exercice et de la conjoncture. Par ailleurs les prévisions sont de plusieurs natures : - tendanciel (poursuite des tendances passées) - de référence comme «baseline DGTREN» qui prend en compte l objectif national de réduction de 20% de la consommation énergétique à 2020 par rapport à un scénario tendanciel - normatif : scénario volontariste de type «facteur 4». Ainsi, à l horizon 2030, la consommation électrique peut déjà varier presque du simple au double selon la nature du scénario prévisionnel : Prévision de consommation électrique France suivant 3 scénarios Horizon : 2020 2030 Tendanciel DGEMP 2004 635 715 DGEMP «Facteur 4» 2005 520 590 Négawatt 2006 435 420 Incertitudes pour l habitat tertiaire - le renouvellement des équipements de chauffage (chaudières) de l habitat : il peut être de deux fois sur une période de 40 ans mais dépend des performances thermiques intrinsèques du logement. Des performances de bon niveau permettent de profiter pleinement d une pompe à chaleur sans appoint d un autre mode de chauffage ou de ne pas surconsommer du bois ou du biométhane dont les ressources locales sont limitées. 6/8
- la rénovation de l habitat 3, la plupart du temps réalisée par les particuliers eux-mêmes (donc avec des risques de malfaçons comme les ponts thermiques ou des technologies mal adaptées au bâti concerné) devrait être multiplié par près de 4 pour diviser par 2 la consommation unitaire des logements existants. Le marché de la rénovation énergétique reste à créer. - le changement climatique : une économie de chauffage est très probable mais avec un risque important de voir les besoins de climatisation augmenter en été. - les besoins en électricité spécifique : la multiplication des équipements multimédias peut entrainer une augmentation, qui peut aussi se stabiliser par des mesures réglementaires : veilles à 1 watt, ordinateurs à faible consommation 4 Incertitudes pour la mobilité - poursuite de la stabilisation de la demande de mobilité automobile voire baisse avec les «téléactivités»? - parc de voitures particulières 2050 à 3l/100 km (90 g/co2)? - quelle part de véhicules thermiques, de véhicules électriques, de report modal? 5. PROSPECTIVE (les 40 prochaines années) Les hypothèses développées sont inspirées d une part de l étude du Conseil d Analyse stratégique en 2007 5 (hypothèse tendancielle et hypothèse intermédiaire (facteur 2)) et d autre part de l étude Négawatt de 2006 6 (hypothèse volontariste de type facteur 4). Hypothèse 1 2030-2050 : Augmentation tendancielle La consommation énergétique nationale passe de 150 (chiffre 2006) à 200 Mtep par an en 2050. Dans le bâtiment, la règlementation thermique dans le neuf évolue comme aujourd hui (-15% par an). En termes de rénovation, seul un quart du potentiel «technique» possible est réalisé (-1 TWh/an), ce qui est en ligne avec les comportements actuels d amélioration du parc de logement. La demande d électricité spécifique augmente plus lentement qu aujourd hui (+ 1,4% par an au lieu des 3% par an actuels) grâce au progrès des équipements. La consommation unitaire des véhicules progresse (-50% à 2050 soit à peu près un parc à 3l/100 km) et compense l accroissement de la mobilité (+40% pour le trafic passager entre 2005 et 2025, +40% pour le trafic de fret entre 2005 et 2025 et poursuite de l augmentation sur 2025-2050). Hypothèse 2 2030-2050 : sobriété par la technologie (facteur 2) La demande finale en énergie reste au niveau de 2006 : 150 Mtep. En plus des normes sur les bâtiments neufs, 75% du parc ancien est réhabilité thermiquement, grâce à une rénovation volontariste du parc ancien. Pour le transport, outre la baisse tendancielle de la consommation, des gains supplémentaires sont obtenus par une part importante de véhicules hybrides rechargeables ou électriques (+ biocarburants) mais surtout le trafic de passagers se stabilise à partir de 2025 (+40% pour le trafic passager entre 2005 et 3 Conclusion du «ville post carbone» : http://ville-post-carbone.typepad.com/files/rapport-variable-ateliervillepostcarbone.pdf 4 Selon un bulletin de l ADIT Japon, Microsoft Japon a mis au point un programme réduisant de 30% la consommation des PC en baissant l intensité lumineuse, le temps de mise en veille suite au tsumani et aux conséquences électriques (BE Japon N 570, 3 mai 2011) 5 «Perspectives énergétiques de la France 2020 2050», Centre d Analyse Stratégique, septembre 2007 6 http://www.negawatt.org/telechargement/scenario%20nw2006%20synthese%20v1.0.2.pdf 7/8
2025), il augmente comme dans l hypothèse 1 pour le trafic de fret mais n augmente plus que de 20% de 2025 à 2050. Hypothèse 3 2030-2050 : sobriété par la technologie et les comportements (facteur 4) Dans le scénario Négawatt, la consommation 2050 est réduite de 63% par rapport à la consommation de 2005 (soit moins de 100 Mtep). Ce scénario cherche à atteindre la division par 4 des émissions de gaz à effet de serre en France tout en sortant du nucléaire. Ceci est obtenu non seulement en utilisant les meilleures technologies disponibles mais aussi en changeant les comportements pour rechercher la plus grande sobriété par service rendu. Pour le bâtiment cela signifie que non seulement un grand programme de rénovation du parc existant permet d en réhabiliter thermiquement 90% à l horizon 2050 pour atteindre les normes BBC mais, en plus, la tendance à l augmentation de la taille des logements s inverse et tend à réduire la surface moyenne des logements neufs de 1 % par an (passage de 117 m2 à 75 en 2050). Cependant, la tendance à la «décohabitation des familles» conduit à une surface moyenne disponible par personne 45 m²/pers pour le scénario négawatt (contre 49 pour le tendanciel et 38 en 2005). Pour la mobilité, l énergie consommée est divisée par 2,5 par rapport à la consommation de 2005 alors que la mobilité (mesurée en passagers X kilomètres) augmente de 15% dans ce scénario grâce au doublement de la part du rail et du bus dans les déplacements. La sobriété est beaucoup obtenue par le covoiturage (de 1,3 personne par voiture en moyenne à 1,75), par la substitution de petits trajets motorisés par la marche à pied et le vélo et par le recours aux transports collectifs. A noter aussi que dans ce scénario, toutes les sources d économie d énergie sont utilisées : baisse de l intensité lumineuse des vitrines la nuit, alimentation de saison. RÉDACTEUR : Lamblin Véronique MISE À JOUR : 23 mai 2011 8/8