Prise de position du HCR au sujet de l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition



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Transcription:

Prise de position du HCR au sujet de l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition Bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein www.unhcr.ch / www.unhcr.org 1

Introduction Le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés soumet la présente prise de position en sa qualité d organisation à laquelle l Assemblée générale des Nations Unies a confié la tâche de veiller à la protection internationale des réfugiés et des autres personnes relevant de sa compétence ainsi que de soutenir les gouvernements dans la recherche de solutions durables pour les réfugiés 1. Comme indiqué dans son Statut, le HCR exécute son mandat de protection internationale, notamment, «en poursuivant la conclusion et la ratification de conventions internationales pour la protection des réfugiés, en surveillant leur application et en y proposant des modifications» 2. Cette tâche de surveillance est réaffirmée à l article 35 de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés (Convention de Genève) 3. Cet article dispose que «les États contractants s engagent à coopérer avec le Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés [ ] et en particulier à faciliter sa tâche de surveillance de l application des dispositions de cette Convention». Le même engagement est également inscrit à l article II du Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés («Protocole de 1967») 4. L interprétation des dispositions de la Convention de Genève et du Protocole de 1967 faite par le HCR est généralement reconnue faisant foi. Fort plus de 50 ans d expérience dans la surveillance et l application des instruments internationaux relatifs aux réfugiés, le HCR donne aux États des indications juridiques et d interprétation dans le cadre de décisions relatives au droit des réfugiés. 2. Le HCR est reconnaissant d avoir été invité à faire ici part de ses observations au sujet de l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition, dans l exercice de ses compétences. Le HCR espère que cette prise de position, qui fait référence dans une large mesure à plusieurs prises de position antérieures du HCR 5, aidera le Conseil fédéral et l Assemblée fédérale suisses dans leur examen préalable de l avant-projet du point de vue du droit international public et que les réflexions et observations du HCR seront considérées avec toute l attention nécessaire. 1 2 3 4 5 Cf. Statut de l office du Haut Commissaire des nations Unies pour les réfugiés, Résolution 428 (V) de l Assemblée générale des Nations Unies, Annexe, UN Doc A/1775, article 1, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/3ae6b3628.html. Idem, paragraphe 8(a). Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, en vigueur depuis le 21 avril 1954, ratifiée par la Suisse le 21 janvier 1955, RS 0.142.30, disponible à : http://www.admin.ch/ch/f/rs/i1/0.142.30.fr.pdf. Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés, en vigueur depuis le 4 octobre 1967, ratifié par la Suisse le 20 mai 1968, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/3ae6b3ae4.html. Notamment : Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié au regard de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/3ae6b3314.html ; Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Note d orientation sur l extradition et la protection internationale des réfugiés, avril 2008, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/481ec7d92.html; Processus d asile (procédures d asile juste et efficaces) disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/3b36f2dfa.html ; Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, UNHCR Note on Diplomatic Assurances and International Refugee Protection, 10 août 2006, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/44dc81164.html. 2

Remarques générales 3. Selon le rapport explicatif, l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition a pour but d améliorer la coordination des procédures d asile et d extradition lorsqu elles se déroulent parallèlement. Les solutions envisagées devaient répondre aux exigences suivantes : «exclure autant que possible des décisions contradictoires en matière d asile et d extradition, porter le moins possible atteinte au droit procédural, éviter une trop longue détention aux fins d extradition et enfin ne pas exiger des autorités des décisions dans des domaines qui ne relèvent pas de leur compétence» 6. Le modèle proposé ouvrirait l accès au Tribunal fédéral en tant que nouvelle instance, dans le domaine de l asile, pour un petit nombre de cas de demandes d extradition émanant du pays d origine. Les procédures d asile et d extradition seraient ainsi réunies au niveau du Tribunal fédéral. A. La procédure d extradition et la procédure d asile 4. L extradition est une procédure formelle dans laquelle une personne est remise par un État aux autorités d un autre État, aux fins de poursuites pénales ou d exécution d une peine. Le HCR reconnaît les efforts légitimes déployés par les États pour veiller à ce que les auteurs d infractions en fuite soient attraits devant un tribunal. L extradition constitue dans ce contexte une mesure importante. 5. Il existe plusieurs points de contact entre extradition et asile. L État requis est en tous les cas lié par ses engagements de non-refoulement pris dans le cadre du droit international des réfugiés et du droit international public, lesquels excluent de remettre une personne à l État requérant. Cette obligation prime sur toute obligation d extrader. Comme cela est rappelé dans le rapport explicatif, elle constitue une barrière posée par le droit international et le droit constitutionnel qui empêchent une extradition qui, à défaut, serait licite. 6. Même s il existe des liens entre elles, l extradition et la détermination du statut de réfugié sont des procédures distinctes, qui poursuivent des buts différents et sont soumises à des critères juridiques différents. L extradition est un instrument d entraide judiciaire mutuelle entre États dans des affaires de droit pénal, basé sur des conventions d extradition applicables et du droit interne ainsi que sur des dispositions relatives à l extradition contenues dans d autres conventions de droit international public où l intérêt à la poursuite pénale occupe le premier plan 7. L objectif primordial de la procédure d asile est en revanche clairement de protéger les personnes contre la persécution. La reconnaissance de la qualité de réfugié a un caractère déclaratoire, elle 6 7 Cf. Rapport explicatif concernant l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition de juin 2009, p. 7. ATF l A.80/2004 du 8 juillet 2004 et ATF 1A.288/2004 du 28 février 2005. 3

est dénuée d effet constitutif. Un requérant d asile ne peut donc pas être transféré dans son pays d origine ou dans un pays de séjour antérieur pendant l examen de sa demande d asile. Ceci vaut indépendamment du type de transfert, y compris et surtout si le requérant d asile fait l objet d une demande d extradition. L Office fédéral de justice et police (DFJP) le souligne lui-même dans son rapport explicatif sur le contre-projet 8. 7. Les autorités compétentes dans chacun de ces domaines doivent disposer de connaissances, de compétences et d aptitudes spécifiques. Les buts sont toutefois différents. Si la détermination du bien-fondé de la crainte de persécution de la personne recherchée faisait partie intégrante de la procédure d extradition, cela pourrait réduire de manière significative les chances des requérants d asile de voir leur demande d asile acceptée. En cas de rejet de celle-ci, les voies de recours à disposition pourraient également être restreintes. Le HCR est ainsi d avis que la décision sur la demande d asile et celle sur la demande d extradition devraient être prises séparément, chacune dans la procédure correspondante. Cependant, en ce qui concerne les réfugiés et les requérants d asile, il existe des considérations particulières à prendre en compte. B. Reconnus en tant que réfugiés 8. Si un pays d origine demande l extradition d un réfugié reconnu comme tel, au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, dans l État requis, le HCR considère que la détermination de la qualité de réfugié effectuée par l autorité compétente en matière d asile devrait, comme exposé plus haut, lier les organes et institutions chargés de traiter de la demande d extradition 9. Dans ces cas, les autorités de l État requis compétentes en matière d asile ont jugé que la crainte de persécution émise par la personne recherchée à l égard de l État requérant était fondée 10. Cela implique aussi que l applicabilité de l interdiction d extrader a déjà été reconnue pour le réfugié en question, sur la base de l article 33(1) de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés ou, le cas échéant, du droit international coutumier. Ceci vaut tant pour les réfugiés reconnus comme tels par la Suisse que pour les réfugiés reconnus comme tels par d autres États. 9. Le fait qu une personne recherchée a été reconnue comme réfugiée par un autre État et que cette personne bénéficie du statut de réfugié dans cet État est un élément important que les autorités de l État requis, chargées de l extradition, doivent prendre en compte dans le cadre de l examen de la conformité de l extradition de cette personne au principe de non-refoulement. 8 Rapport explicatif concernant l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition, p. 5. 9 C est notamment le cas pour les décisions des autorités suisses compétentes en matière d asile, cf. l arrêt du Tribunal fédéral du 14 décembre 2005, ATF 1A.267/2005/gij, cons.3.3 ainsi que la décision de la Commission française des recours des réfugiés. Cf. Conseil d État, Ass. 25 mars 1988, Bereciartua-Echarri, disponible à : http://www.unhcr.org/cgibin/texis/vtx/refworld/rwmain?docid=3ae6b7264. 10 Cf. ég. paragraphe 13. 4

La détermination de la qualité de réfugié d une personne au sens de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés opérée par un État a un effet extraterritorial, à tout le moins à l égard des autres États parties à la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Le statut de réfugié constaté par un État partie ne devrait être remis en cause par un autre État partie que dans des cas exceptionnels, c est-à-dire lorsqu il s avère que la personne ne satisfait manifestement pas aux conditions de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. C est notamment le cas si l autorité compétente prend connaissance de faits suggérant que les informations initiales ont été données dans l intention de tromper ou que la personne concernée correspond à une disposition d exclusion de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés 11. 10. La détermination de la qualité de réfugié d une personne effectuée par le HCR en vertu de son mandat international de protection 12 devrait également être acceptée par l État requis. Une décision de reconnaissance du HCR signifie que la personne a besoin d une protection internationale, conformément aux normes prescrites par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, et qu elle y a droit. Eu égard au mandat international de protection du HCR et en particulier à la fonction de surveillance prévue à l article 35 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés et à l article 1 du Protocole de 1967, ainsi qu au paragraphe 8(a) de son Statut de 1950, ces décisions devraient être dûment prises en compte dans la procédure d extradition 13. 11. Selon les circonstances particulières du cas, il peut cependant s avérer nécessaire pour les autorités chargées de l extradition d examiner si la personne recherchée tombe sous l une des exceptions au principe de nonrefoulement prévues à l article 33(2) de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Si cet examen est effectué dans le cadre de la procédure d extradition, les autorités compétentes doivent apprécier la situation de la personne recherchée sur la base des critères matériels de l article 33(2), tout en respectant les garanties formelles et les mécanismes de protection prescrits pour l application de cette disposition 14. 11 Cf. Comité exécutif du HCR, Conclusion No. 12 (XXIX 1978) sur l effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié, paragraphe (g), disponible à http://www.unhcr.org/refworld/docid/3ae68c462c.html ; UNHCR, Note sur l effet extraterritorial de la détermination du statut de réfugié en vertu de la Convention de 1951 et du Protocole de 1967 relatifs au statut des réfugiés, EC/SCP/9, 24 août 1978, disponible à http://www.unhcr.fr/4b30a59c2c.html. 12 Conformément à son mandat de protection internationale, le HCR peut effectuer une détermination de la qualité de réfugié si des motifs de protection le justifient. Cette compétence du HCR découle du Statut de l office de 1950, supra note 1. 13 G.S. Goodwin-Gill et J. McAdam, The Refugee in International Law, 3 ème édition, Oxford University Press (2007), p. 553, indique : «[ ] cette définition du terme réfugié permet une certaine marge d appréciation, de sorte qu en pratique, les décisions du HCR au sujet d individus ou de groupes particuliers peuvent être contestées. Toutefois [ ] les États qui les contestent doivent partir du principe que le HCR a rendu ses décisions de bonne foi et le refus de les accepter doit reposer sur des motifs suffisants.» Cf. ég. V. Türk, Das Flüchtlingshochkommissariat der Vereinten Nationen (UNHCR). 14 En ce qui concerne les conditions formelles de l application de l article 33(2) de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, cf. paragraphe 15. 5

12. Il convient ici d évoquer le rôle des garanties diplomatiques. La confiance dans les garanties diplomatiques est une pratique qui a cours depuis longtemps dans les relations d extradition entre États, où elles ont pour fonction de permettre à l État requis de procéder à l extradition sans violer ses obligations découlant de conventions relatives aux droits de l homme, du droit national y compris du droit constitutionnel et/ou des dispositions du droit de l extradition auxquels il est lié, qui, à défaut, excluraient l extradition de la personne concernée 15. Elles s utilisent habituellement dans tous les cas où la personne risque la peine de mort mais des garanties sont également requises lorsque l État requis a des doutes sur l équité de la procédure judiciaire dans l État requérant ou s il craint que l extradition puisse exposer la personne concernée au risque de torture ou d autres formes de mauvais traitements. 13. De l avis du HCR, les garanties diplomatiques ne devraient toutefois pas être prises en compte lorsqu un réfugié jouissant de la protection fondée sur l article 33(1) de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés est directement ou indirectement renvoyé vers le pays d origine 16. Cette règle devrait aussi s appliquer aux personnes dont le statut a été reconnu par d autres États ou par le HCR. La raison réside dans le fait que le pays de refuge a, dans le cas particulier, déjà procédé à une détermination et a reconnu le bien-fondé des craintes du réfugié d être persécuté dans son pays d origine. Si le droit à la protection a déjà été constaté par le pays refuge, il serait fondamentalement contraire à la protection accordée par la Convention de Genève relative au statut des réfugiés que l État requis demande précisément au responsable de la persécution l assurance que le réfugié sera bien traité après son retour 17. C. Requérants d asile 14. Face à une demande d extradition visant un réfugié, l État requis a non seulement l obligation d offrir une protection contre le refoulement au sens du droit international des réfugiés et du droit international public dans le domaine des droits de l homme mais aussi de garantir qu une demande de reconnaissance du statut de réfugié déposée auprès de ses autorités soit 15 Les conventions d extradition (qu elles soient bi ou multilatérales) ainsi que la législation nationale sur l extradition, prévoient en règle générale des motifs de refus, c.-à-d. des conditions auxquelles l État requis peut ou doit refuser d extrader une personne. Ceux-ci comprennent : l exception relative aux actes politiques, la clause de discrimination (ou de non-refoulement), la non-extradition pour des motifs liés à la conception qu a l État requis de la justice et de l équité ; la non-extradition de nationaux ; les motifs d exclusion de l extradition sur la base de dispositions internationales/régionales de droit des réfugiés et/ou des droits de l homme qui ont été intégrées au droit national. Pour plus de détails, cf. S. Kapferer, The Interface between Extradition and Asylum, UNHCR, Legal and Protection Policy Research Series, PPLA/2003/05, novembre 2003, chiffres marginaux 69-112. 16 Cf. UNHCR, Manickavasagam Suresh (Appellant) and the Minister of Citizenship and Immigration, the Attorney General of Canada (Respondents). Factum of the Intervenor, United Nations High Commissioner for Refugees, paragraphe 51, disponible à : http://www.unhcr.org/cgibin/texis/vtx/refworld/rwmain?docid=3e71bbe24 ; UNHCR, Note on Diplomatic Assurances and International Refugee Protection, note 5. 17 Cf. UNHCR, Suresh Factum, supra note 16, paragraphe 52. 6

traitée conformément aux normes et critères de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés. Il en découle que la question du statut de réfugié doit d abord être clarifiée avant que l État requis n examine si les conditions légales d une extradition sont remplies. Il s ensuit que, dans les cas où la remise de requérants d asile à leurs pays d origine est envisagée, les procédures d asile doivent se dérouler devant cette autorité centrale en matière d asile et faire l objet d une décision entrée en force avant qu il ne puisse être statué sur la demande d extradition. Si une décision a déjà été rendue dans la procédure d extradition, elle ne doit pas entrer en force tant qu une décision définitive n a pas été rendue sur la demande d asile. Ceci correspond à la pratique actuelle du Tribunal fédéral. 15. Pour garantir que l examen du besoin de protection d une personne soit conforme aux critères de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, la demande d asile devrait être examinée par l autorité de l État requis compétente pour juger des demandes de reconnaissance de la qualité de réfugié. Le HCR considère à cet égard que les déterminations relatives aux demandes d asile devraient être effectuées par une autorité unique, centrale et spécialisée en la matière, sur la base d un examen complet, matériel et juridique du cas particulier 18. Une pratique étatique idéale dans ce contexte intègre en outre l évaluation de besoins complémentaires dans une procédure unique 19. Ceci s applique à toutes les situations, y compris celles dans lesquelles les autorités de ce pays ont déposé une demande d extradition pour un requérant d asile. 16. Dans une telle procédure d asile, toutes les informations disponibles dans le pays d origine ou, s agissant d une personne apatride, dans le pays de séjour habituel antérieur, doivent être prises en compte, y compris celles afférentes à la demande d extradition et toutes les informations y relatives pouvant être pertinentes pour la demande d asile de la personne concernée. Concernant la demande d extradition, il est nécessaire d examiner si elle relève d une poursuite pénale légitime ou d une persécution pertinente au regard du droit d asile. Les personnes qui fuient des poursuites pénales ou l exécution d une peine ne sont généralement pas des réfugiés. La distinction entre réfugié et fugitif peut néanmoins parfois s avérer difficile 20. Dans certains cas, les demandes d extradition sont déposées dans l intention de persécuter. La plus grande prudence est de mise, car l extradition peut entraîner directement ou indirectement le renvoi du réfugié dans un pays dans lequel il ou elle serait exposé(e) à un risque de persécution ou d un autre dommage irréversible. 17. Une personne qui s est rendue coupable d une violation de la loi peut être soumise à une peine si excessive qu elle équivaut, au regard de la définition, à une persécution. En outre, la poursuite pénale peut déjà, en soi, pour une des raisons citées dans la définition, être constitutive de 18 Cf. Comité exécutif, Conclusion No. 8 (XXVIII 1977) sur la détermination du statut de réfugié, chiffre marginal (e) (iii); cf. ég. HCR, Procédures d asile, supra note 5, ch. m. 50 (i) et (j). 19 Cf. HCR, Procédures d asile, supra note 5, paragraphes 48 et 50 (e) et (i). 20 Cf. HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, supra note 5, paragraphes 56-60. 7

persécution. Il peut par ailleurs exister des cas dans lesquels une personne redoute une poursuite pénale ou une peine en raison d une infraction commise et craint, en plus, «avec raison» d être persécutée. Sa crainte peut se fonder sur des motifs liés à la procédure pénale à son encontre (p.ex. torture en détention préventive) ou à d autres raisons 21. Dans ces circonstances, le requérant d asile peut remplir les critères d inclusion de l article 1 A(2) de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, dès lors que la persécution qu il craint est liée à un des motifs de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés 22. 18. Il est dans ce contexte également nécessaire d examiner l applicabilité de critères d exclusion. L exclusion consiste à refuser la protection internationale des réfugiés aux personnes qui, sans cela, rempliraient les critères de la définition du réfugié énoncés à l article 1 A(2) de la Convention de Genève, lorsqu il existe des raisons sérieuses de penser qu elles ont commis certains crimes graves ou actes ignobles. Les agissements coupables entraînant une exclusion de la protection internationale des réfugiés sont exhaustivement énumérés à l article 1 F de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés 23. 21 Si des garanties diplomatiques ont été données, elles peuvent être prises en considération dans la procédure. Dans un tel cas, il conviendrait d examiner si les garanties sont appropriées pour empêcher toute persécution et si elles sont fiables. Il y aurait également lieu de tenir compte du fait que les garanties diplomatiques ne sont d ordinaire pas juridiquement contraignantes. Pour satisfaire au critère d adéquation, les garanties diplomatiques doivent exclure de manière effective, dans le cas particulier, toute forme possible de persécution. Dans cet examen, il faudrait garder à l'esprit que, dans le contexte du droit international des réfugiés, le terme «persécution» inclut les violations graves des droits humains telles que l homicide ou la séquestration arbitraire, la torture ou les autres traitements cruels, inhumains ou dégradants, mais ne s y limite pas. La persécution peut notamment inclure des mesures discriminatoires susceptibles de constituer, prises individuellement ou cumulées, une persécution. Même des restrictions des droits sociaux et économiques d une personne peuvent constituer une persécution, si elles privent la personne concernée de sa capacité à réaliser un revenu assurant son entretien. Cf. notamment : UNHCR Note on diplomatic assurances, supra note 5 ; UNHCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, supra note 5, paragraphes 51 64. 22 Conformément à la «condition de connexité» avec un motif de la Convention, une personne ne remplit les critères d inclusion que si elle craint avec raison d être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de son appartenance à un certain groupe social ou de ses opinions politiques. Pour plus de précisions sur les critères d inclusion de la définition de réfugié de la Convention de Genève, cf. HCR, Guide des procédures et critères à appliquer pour déterminer le statut de réfugié, supra note 5, p. 7. 23 Cf., HCR, Principes directeurs sur la protection internationale No. 5 : Application des clauses d exclusion: article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, 4 septembre 2003, HCR/GIP/03/05, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/3f5857684.html. 8

Observations sur les modifications contenues dans l avant-projet D. Le Tribunal fédéral comme dernière instance 19. L avant-projet prévoit de modifier la loi du 17 juin 2005 sur le Tribunal fédéral (LTF) comme suit : Article 83, lettre d, chiffre 1 : Le recours est irrecevable contre: d. les décisions en matière d asile qui ont été rendues: 1. par le Tribunal administratif fédéral, sauf celles qui concernent des personnes visées par une demande d extradition déposée par l Etat dont ces personnes cherchent à se protéger, Article 107 alinéa 3 3 Si le Tribunal fédéral considère qu un recours en matière d entraide pénale internationale est irrecevable, il rend une décision de non-entrée en matière dans les quinze jours qui suivent la fin d un éventuel échange d écritures. Il n est pas lié par ce délai lorsque la procédure d extradition concerne une personne dont la demande d asile n a pas encore fait l objet d une décision finale entrée en force. 20. Le droit actuel exclut le recours en matière de droit public au Tribunal fédéral contre les décisions relevant du domaine de l asile. L accès devrait désormais être ouvert pour un nombre limité de cas. La modification permettrait de déposer un recours devant le Tribunal fédéral contre les décisions du Tribunal administratif fédéral en matière d asile concernant des personnes faisant l objet d une demande d extradition face à laquelle ces personnes cherchent à être protégées. 21. Comme exposé aux paragraphes 7 ss, le HCR considère qu il y a lieu de prévoir des procédures d asile et d extradition distinctes, en particulier en raison de la différence des biens juridiques concernés. Cette distinction est également mise en avant par le Département fédéral de justice et police (DFJP) dans son message sur le contre-projet 24. L orientation différente des procédures pourrait expliquer les décisions contradictoires sur la question de l asile et celle de l extradition, alors qu il s agit apparemment et pour quelques points de recoupement, de la même question. Dans les cas dans lesquels le transfert de requérants d asile vers leurs pays d origine est envisagé, la procédure d asile devrait être menée par une autorité d asile centrale disposant d une expertise spécifique dans le domaine, laquelle devrait rendre une décision ayant force exécutoire. En principe, la demande d asile devrait avoir fait l objet d une décision définitive avant toute décision sur la demande 24 Rapport explicatif concernant l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition, p. 6. 9

d extradition. Même s il était judicieux de mener les procédures d asile et d extradition en parallèle, l exécution d une décision d extradition devrait en tous les cas être suspendue jusqu à la décision relative au statut de réfugié de la personne concernée, pour des motifs d efficacité et parce que la procédure d extradition pourrait entraîner l accès à des informations ayant une influence sur la légitimité du requérant d asile à prétendre à la protection. 22. Le HCR craint que qu une réunion des procédures d asile et d extradition au niveau du Tribunal fédéral n entraîne une mise à égalité des biens juridiques de ces deux procédures, à savoir l intérêt à la poursuite pénale et celui de la protection contre la persécution de la personne demandant l asile. Le HCR considère qu un tel effet serait préoccupant, puisque dans la pesée des intérêts, la protection de la personne contre la persécution doit clairement avoir la priorité, afin de pouvoir exclure le risque de violation du principe de non-refoulement. Le HCR est donc clairement favorable à deux procédures parallèles, un principe qui n a pas été suivi dans l avant projet, avec la réunion de ces procédures au niveau du Tribunal fédéral. 23. Le HCR relève par ailleurs que les décisions rendues dans la procédure d asile ne conduisent pas impérativement à une décision quant à la qualité de réfugié. Des décisions de non-entrée en matière peuvent par exemple signifier qu un autre État est compétent en vertu de la Convention de Dublin, sans que l autorité ne se prononce sur le statut de réfugié. L importance accordée au risque de refoulement indirect dans la procédure d extradition n apparaît pas clairement. Même si le Tribunal fédéral est la dernière instance compétente dans ce type de cas, la manière de régler ces cas n a pas été clarifiée. Là aussi, des décisions contradictoires pourraient être rendues. 24. Comme expliqué plus haut, en cas de reconnaissance par un autre État ou par le HCR, toute demande d extradition doit être rejetée. Cette règle devrait être respectée en procédure d extradition, même dans l éventualité où la personne concernée ne se verrait pas accorder l asile en Suisse. Des décisions apparemment contradictoires rendues dans les procédures d asile et d extradition seraient dans de tels cas inévitables, même si le Tribunal fédéral fait office d instance supplémentaire. L avant-projet proposé ne permet donc pas de résoudre la problématique de deux décisions contradictoires. Au contraire, il en crée d autres. 25. Le HCR note également que le Tribunal fédéral ne dispose d aucune expertise en matière d asile, dans la mesure où, comme l indique le DFJP luimême, «depuis que [le Tribunal fédéral] existe, il n est jamais entré dans ses attributions de connaître des recours en la matière. Récemment encore, le Parlement a refusé de lui conférer toute compétence dans le domaine de l asile. 25» Le très faible nombre de cas par année générerait par conséquent, proportionnellement, une charge de travail relativement importante pour le 25 Rapport explicatif concernant l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition, p. 10. 10

Tribunal fédéral, car il s agirait pour lui d une nouvelle matière, bien qu il se soit déjà penché sur la question du non-refoulement 26. Il convient en outre de relever dans ce contexte les coûts et les frais administratifs qu engendrerait une modification de loi. À cela s ajoute l insécurité juridique qui apparaîtrait s agissant de demandes d asile semblables mais dont le requérant ne ferait pas l objet d une demande d extradition. La pratique du Tribunal fédéral pourrait ainsi s écarter de celle du Tribunal administratif fédéral, qui statue sur la grande majorité des demandes d asile. E. Échange de données entre instances des différentes procédures et États 26. Modifications prévues de la loi du 26 juin 1998 sur l asile Article 41a (nouveau) Lorsque le requérant fait l objet d une demande d extradition au sens de la loi du 20 mars 1981 sur l entraide pénale internationale, l office prend en considération le dossier relatif à la procédure d extradition pour statuer sur le recours en matière d asile. Article 108a (nouveau) Lorsque le requérant fait l objet d une demande d extradition au sens de la loi du 20 mars 1981 sur l entraide pénale internationale, les autorités de recours prennent en considération le dossier relatif à la procédure d extradition pour statuer sur le recours en matière d asile. 27. Modifications prévues de la loi du 20 mars 1981 sur l entraide pénale internationale Article 55a Lorsque la personne poursuivie a déposé une demande d asile au sens de la loi du 26 juin 1998 sur l asile, l office fédéral et les autorités de recours prennent en considération le dossier relatif à la procédure d asile pour statuer sur la demande d extradition. 28. Les autorités chargées de l asile et de l extradition, ainsi que les instances de recours, doivent pouvoir statuer en toute connaissance de cause, raison pour laquelle elles ont accès au dossier. Cette obligation de prendre en considération le dossier de l autre autorité a pour but, selon le rapport explicatif, d éviter des décisions contradictoires rendues en raison de déficits d information. 29. Bien que les procédures d extradition et d asile soient fondamentalement distinctes, elles ne doivent pas pour autant être menées de manière isolée. L examen visant à déterminer si la personne recherchée 26 Il y a lieu de s attendre à environ dix cas de recours par an dans le domaine de l asile. Seuls trois cas par an environ posent de sérieux problèmes. Cf. Rapport explicatif concernant l avant-projet de loi fédérale sur la coordination entre la procédure d asile et la procédure d extradition, pp. 2 et 10. 11

est ou non légitimée à bénéficier du statut de réfugié a des répercussions considérables sur l étendue des obligations de droit international public de l État requis à l égard de la personne recherchée et ainsi sur la décision relative à la demande d extradition. De même, les informations afférentes à la demande d extradition peuvent avoir une incidence sur la demande d asile. Comme expliqué plus haut, les informations pertinentes pour l extradition doivent par exemple être prises en compte dans la procédure d asile, notamment pour vérifier s il y a lieu d appliquer les clauses d exclusion. Afin de rendre une décision correcte tant dans la procédure d asile que dans la procédure d extradition, les autorités compétentes doivent mettre en balance tous les éléments pertinents. Le HCR est donc par principe favorable à l échange des dossiers nécessaires à la décision entre les instances chargées de la procédure. 30. Dans leur relation d échange relative à la procédure pouvant aboutir à l extradition d un réfugié, les États doivent s assurer que les informations relatives à la demande d asile d une personne soient traitées de manière confidentielle. Dans de tels cas, l intérêt légitime de l État requis à la poursuite pénale d auteurs d infraction peut justifier la divulgation de certaines données personnelles. L État requis doit cependant prendre en considération les éventuels risques pouvant résulter de la transmission d informations sur la personne recherchée par la prise de contact avec les autorités de l État requérant, en particulier lorsque celui-ci est l État d origine du réfugié 27. Il convient d y prêter une attention particulière lorsqu il est prévu de demander des garanties diplomatiques dans la procédure d extradition. F. Le principe de célérité 31. Modifications prévues de la loi du 26 juin 1998 sur l asile Article 37 alinéa 4 (nouveau) 4 L office statue avec une diligence particulière lorsque le requérant est détenu aux fins d extradition. Article 109 alinéa 5 (nouveau) 5 Le Tribunal administratif fédéral statue avec une diligence particulière lorsque le requérant est détenu aux fins d extradition. 32. Le principe de célérité a pour but de garantir que la décision sur une demande d asile soit prise avec le moins de retard possible, lorsque le requérant est également détenu aux fins d extradition. Le traitement prioritaire 27 Le HCR reconnaît que l échange de données entre États est dans certains cas indispensable et que les contacts avec les autorités du pays de provenance peuvent être justifiés dans des cas exceptionnels. Néanmoins, le fait qu une demande d asile a été déposée devrait être soumis au secret. Cf., UNHCR, Addressing Security Concerns without Undermining Refugee Protection UNHCR s Perspective, novembre 2001, paragraphe 11, disponible à http://www.unhcr.org/cgibin/texis/vtx/refworld/rwmain?docid=3c0b880e0. Cf. ég. HCR, Principes directeurs sur la protection internationale : Application des clauses d exclusion: article 1F de la Convention de 1951 relative au statut des réfugiés, supra note 23. 12

de ces cas vise à éviter une durée de détention excessive en procédure d extradition. 33. Le HCR se félicite de la proposition d inscrire le principe de célérité dans la loi telle qu elle figure à l article 37 alinéa 4 et à l article 109 alinéa 5 de l avant-projet de modification de la loi sur l asile, en particulier en ce qui concerne la détention liée à une demande d extradition. Les éventuels retards dans le déroulement de la procédure administrative entre les instances ne doivent pas avoir d effets préjudiciables pour la personne concernée. C est d autant plus vrai qu il s agit d une restriction absolue d un bien juridique, in casu, de la liberté de mouvement, et qu un traitement prioritaire de la demande d asile est également dans l intérêt du réfugié. 34. Le HCR soutien les efforts déployés par les États pour préserver leurs intérêts de sécurité mais souhaite souligner à ce sujet que la détention doit toujours considérée comme l ultima ratio et que toutes les alternatives, telles que notamment les mesures de surveillance, doivent auparavant avoir été entièrement épuisées 28. G. Le rôle du HCR dans la procédure d extradition 35. Si la personne dont il est demandé l extradition est un/e réfugié/e ou un/e demandeur/se d asile, le HCR a simultanément la compétence et un intérêt à protéger, et l office devrait être à même de prendre les mesures nécessaires pour protéger la personne concernée. Selon les circonstances, cela peut prendre la forme d interventions auprès des autorités de l État requis, au niveau diplomatique ou dans le cadre de la procédure d extradition, soit directement, soit par l intermédiaire d avocats ou d autres personnes agissant au nom d une personne jouissant de la compétence élargie de l office. Le HCR peut également prendre des mesures appropriées si la législation de l État requis, applicable à l extradition, ne prévoit aucun rôle formel pour l office. Le mandat du HCR d agir au nom de personnes relevant de sa compétence élargie et faisant l objet d une demande d extradition découle du Statut de l office de 1950 et de sa fonction de surveillance fondée sur l article 35 de la Convention de Genève relative au statut des réfugiés, de l article 1 du Protocole de 1967 et du paragraphe 8 a du Statut du HCR. Conformément à ces dispositions, les États sont également tenus de transmettre au HCR des informations relatives à de tels cas 29. Les réfugiés ou demandeurs d asile qui font l objet d une demande d extradition devraient en outre être autorisés et avoir la possibilité de prendre contact avec le HCR ou avec des organisations non-gouvernementales idoines et de s assurer les services d avocats en tant que conseils juridiques 30. Le HCR suggère ainsi 28 Haut Commissariat des Nations Unies pour les réfugiés, Principes directeurs du HCR sur les critères et les normes applicables quant à la détention des demandeurs d asile, 26 janvier 1999, disponible à : http://www.unhcr.org/refworld/docid/3c2b3f844.html. 29 Cf. V. Türk, UNHCR s supervisory responsibility, in 14.1 Revue québécoise de droit international (2001), pp. 135 158. 30 Cf. UNHCR, Procédures d asile, supra note 5, paragraphe 50(g). 13

que le HCR soit consulté dans tous les cas où une demande d extradition visant un requérant est pendante. Conclusions 36. Les procédures d extradition et d asile sont centrées sur deux biens juridiques différents qui doivent être traités dans des procédures distinctes. Avant toute décision sur une demande d extradition, une décision définitive devrait avoir été rendue sur la demande d asile. Le HCR craint qu en cas de réunion des procédures au niveau du Tribunal fédéral, ces deux biens juridiques, à savoir la protection de la personne contre la persécution, laquelle doit clairement avoir la priorité, et l intérêt des États à la poursuite pénale, soient mis sur un même pied d égalité. Une réunion des deux procédures au niveau du Tribunal fédéral semble donc problématique. 37. L un des buts de l avant-projet est d éviter les décisions contradictoires. Le HCR constate que l orientation différente des procédures ainsi que le fait que les biens juridiques sont différents pourraient expliquer les décisions apparemment contradictoires rendues jusqu à présent en matière d asile et d extradition, notamment dans des cas Dublin. L un des objectifs déterminants de l avant-projet ne semble ainsi pas atteint. 38. Le HCR indique par ailleurs que la modification de la loi pourrait entraîner une importante charge de travail supplémentaire pour le Tribunal fédéral, qui devrait traiter une nouvelle matière. Il convient également de mentionner les coûts et les frais administratifs y relatifs. À cela s ajoute l insécurité juridique relatives aux demandes d asile similaires mais dont le requérant ne ferait pas l objet d une demande d extradition. Eu égard au très faible nombre de cas par an susceptibles de poser problème, la modification de loi proposée ne semble pas proportionnée. 39. Selon la pratique actuelle du Tribunal fédéral, la procédure d asile fait obstacle à une procédure d extradition pendante dans la mesure où une personne qui dépose une demande d asile parallèlement à une procédure d extradition ne peut être remise à l État persécuteur tant que la demande d asile n a pas été définitivement rejetée. Si une personne a la qualité de réfugié, une procédure d extradition ne peut être exécutée que si l asile a été révoqué au préalable. Le HCR considère que la modification proposée relative à l instauration du Tribunal fédéral en tant que nouvelle instance n est pas nécessaire et que le statu quo peut être maintenu. 40. Le HCR est, sur le principe, favorable à l échange des dossiers nécessaires à la décision entre les instances chargées des différentes procédures. En cas d échange de données entre l autorité chargée de l extradition et l État d origine, par exemple, il y a lieu de tenir compte des mêmes risques justifiant une protection que dans le cadre de la procédure d asile concernant le même État. 14

41. Dans la perspective du raccourcissement de la durée de détention, le HCR se félicite de l inscription du principe de célérité dans la loi sur l asile. 42. Conformément à sa compétence, le HCR souhaite ici encourager la Suisse à communiquer à l office, dans le cadre de procédures d extradition visant des réfugiés ou des requérants d asile, les informations relatives à de tels cas. Les réfugiés ou requérants d asile qui font l objet d une demande d extradition devraient en outre avoir la possibilité de prendre contact avec le HCR. Bureau du HCR pour la Suisse et le Liechtenstein 15