LES CONTRATS DE PARTENARIAT ET LES MARCHES PUBLICS AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT DU HAUT DEBIT



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Transcription:

D&P France Ginestié, Paley Vincent & Associés Avocats à la Cour LES CONTRATS DE PARTENARIAT ET LES MARCHES PUBLICS AU SERVICE DU DEVELOPPEMENT DU HAUT DEBIT Jean-Jacques THIEBAULT Président Directeur Général STRATEGIC SCOUT Isabelle GAVANON Avocat Associé GINESTIE, PALEY VINCENT & ASSOCIES Les auteurs de cet article se tiennent à la disposition de tout interlocuteur public ou privé qui souhaiterait dialoguer sur les thèmes développés. Il leur suffit de contacter Jean-Jacques THIEBAULT (GSM : 06 07 67 44 10, mèl : jean-jacques.thiebault@strategic-scout.com). Il est également possible de formuler des commentaires et de dialoguer avec les auteurs sur le "blog" de STRATEGIC SCOUT à l'adresse suivante : http://ssa.over-blog.com 12 novembre 2004

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 2 Le présent article vise à conduire une réflexion économique et juridique sur les solutions que les collectivités territoriales peuvent envisager pour le développement du haut débit en dehors des délégations de service public. Il s agit en particulier des contrats de partenariat (appelés aussi «partenariats public-privé») et des marchés publics de travaux et de services. En effet, si les délégations de service public constituent actuellement l instrument privilégié d établissement et d exploitation des infrastructures et réseaux de télécommunications autorisés par l article L.1425-1 du code général des collectivités territoriales, toutes les collectivités ne peuvent ou ne souhaitent nécessairement y recourir pour les raisons suivantes : Leur réticence à s engager sur une longue période dans un domaine associé à des risques technologiques, juridiques et concurrentiels qu elles ont du mal à maîtriser ; Les engagements financiers substantiels en matière d investissements pour la collectivité maître d ouvrage, lors de la construction du réseau ; les financements d autres collectivités publiques ou de l Union Européenne laissent en général une contribution financière substantielle à la charge du maître d ouvrage ; La complexité et la durée des procédures de délégations de service public, notamment pour des collectivités de petite taille ; Les interrogations sur la stratégie des «opérateurs d opérateurs territoriaux» qui répondent actuellement aux délégations de service public et dont il est encore difficile d apprécier la pérennité sur une longue période (15 ans en général) ; Les incertitudes sur les plans d affaires de ces opérateurs et les conséquences, en cas de non réalisation des objectifs (déploiement, revenus, équilibre économique, notamment) sur les relations entre délégant et délégataire. Il paraît en conséquence utile d examiner dans quelle mesure et dans quelles circonstances les autres outils à la disposition des collectivités que constituent les contrats de partenariat et les marchés publics peuvent apporter des solutions complétant les dispositifs de délégations de service public. Nous distinguerons notamment deux types de leviers à la disposition des collectivités : Ceux dans le cadre de l article L.1425-1 : les contrats de partenariat et les marchés publics de travaux ou de services Ceux indépendants de l article L.1425-1 : les marchés publics de services de télécommunications NB : il est important de ne pas confondre les marchés de services de télécommunications qui visent à satisfaire les besoins de la collectivité en services de téléphonie, de liaisons louées, d accès Internet, etc. et les marchés de services pour l exploitation d un réseau établi par une collectivité publique.

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 3 1. INTERVENTIONS DANS LE CADRE DE L ARTICLE L.1425 1 1.1. LES CONTRATS DE PARTENARIAT Les contrats de partenariat, dénomination officielle des «Partenariats Public Privé», peuvent répondre aux attentes de certaines collectivités qui souhaitent conduire une action en faveur du haut débit lorsque les délégations de service public ne leur apparaissent pas opportunes ou viables. Le principe est que, après avoir satisfait aux conditions d'évaluation préalable (impossibilité de définir les moyens techniques ou d établir le montage financier ou juridique du projet, analyse comparative du contrat de partenariat et d autres options de réalisation du projet) prévues par l ordonnance du 17 juin 2004 et du décret du 27 octobre 2004, la collectivité confie à un tiers une mission globale relative à l'établissement et l'exploitation technique et commerciale d'un réseau de communications électroniques satisfaisant à l'article L.1425-1 du CGCT, moyennant une rémunération versée par la collectivité pour la durée du contrat, assortie éventuellement d'objectifs de performance. Le contrat de partenariat prévoit pour toute sa durée la rémunération du cocontractant en tenant compte des coûts d investissement, d exploitation et de financement ainsi que les motifs et modalités de ses variations et les modalités de paiement annuel. La différence fondamentale entre PPP et DSP : le portage du risque sur les revenus Le contrat de partenariat apparaît comme une alternative à la délégation de service public, instrument de mise en œuvre de l article L.1425-1 du CGCT notamment lorsque l équilibre économique du projet apparaîtrait comme particulièrement difficile à atteindre. C est le cas des zones à faible densité où l obligation faite au délégataire de retirer une rémunération «substantiellement liée aux résultats de l'exploitation du service» aurait peu de chances d être remplie. De ce fait, si la délégation de service public ne comprend pas une péréquation entre zones denses et non denses, il est improbable qu une délégation puisse être conclue avec une société privée qui cherche à satisfaire les exigences de ses actionnaires en matière de rentabilité des capitaux investis. En conséquence, dans la mesure où la rémunération versée par la collectivité à son cocontractant privé dans le cadre d un contrat de partenariat n est pas substantiellement liée aux résultats de l exploitation du service mais aux coûts d investissement et d exploitation de celui-ci, le risque de non réalisation des objectifs de chiffre d affaires n est pas du ressort du partenaire privé, comme c est le cas dans la DSP, mais de celui de la collectivité. Toutefois, le partenaire privé conserve des risques substantiels, tels que : les écarts entre les coûts prévus et les coûts réalisés sur la période du contrat

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 4 les pénalités éventuellement prévues en cas de non réalisation des objectifs de performance. Rien n empêche que le contrat de partenariat comporte des objectifs de performance commerciale si la collectivité décide de confier au partenaire privé non seulement la construction et l exploitation technique du réseau mais également la commercialisation du réseau. Dans ce cas, le partenaire pourrait se voir infliger des pénalités en cas de non respect de ces objectifs. Une modalité adaptée pour une action des grandes collectivités dans les zones non couvertes de leur territoire Comme indiqué plus haut, le contrat de partenariat apparaît particulièrement adapté pour le développement du haut débit dans les zones à faible densité où le déséquilibre entre les coûts et revenus prévisionnels ne permettrait pas d envisager une solution de type délégation de service public. Or, la relative complexité de la procédure (tant la phase d'évaluation préalable que le processus de consultation) pourrait dissuader les petites collectivités locales de recourir à ce schéma contractuel. De ce fait, pour en faire bénéficier les territoires non desservis en haut débit, des formules de regroupement pourraient être utilisées au niveau d un territoire plus important (agglomérations, départements ou régions) ; par exemple, s il apparaît qu un certain nombre de zones d un département resteront inéligibles à l ADSL d une manière durable, le conseil général ou un syndicat mixte réunissant les collectivités concernées pourrait lancer une procédure de contrat de partenariat afin d y déployer des réseaux de desserte appropriés. Un aspect intéressant du contrat de partenariat est sa neutralité technologique puisque la collectivité n est pas en mesure de définir d avance les moyens techniques du projet, ceux-ci sont déterminés à l issue d un «dialogue compétitif» avec les candidats qui est très proche de celui prévu par le code des marchés publics. L application du contrat de partenariat aux infrastructures et réseaux reste encore à approfondir lors d analyses de situations factuelles spécifiques. 1.2. MARCHES PUBLICS ET FOURNITURE DE SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS AUX UTILISATEURS FINALS L article L.1425-1 du CGCT prévoit que les collectivités territoriales «peuvent fournir des services de télécommunications aux utilisateurs finals après avoir constaté une insuffisance des initiatives privées propres à satisfaire les besoins des utilisateurs finals». Cette disposition a été conçue pour pallier les insuffisances éventuelles dans la couverture haut débit qui n auraient pas été traitées par les opérateurs privés.

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 5 Une disposition en apparence limitée à 4% de la population France Télécom prévoyant de porter la couverture ADSL à 96% de la population française à la fin de 2005, elle ne devrait en principe concerner qu au plus les 4% restants, en supposant que les réseaux des délégations de service public ne viennent pas réduire ce pourcentage. Toutefois, le caractère résiduel de l insuffisance des initiatives privées repose sur l hypothèse implicite que les besoins des utilisateurs finals se limiteront durablement aux débits autorisés par l ADSL qui est actuellement la technologie dominante en matière d accès haut débit ; or, si la prochaine mise en œuvre de l ADSL 2+ permet d envisager une forte augmentation des débits, celle-ci est limitée en portée à une distance d environ 2.000 mètres du répartiteur, selon le schéma ci-après récemment publié par l Autorité de régulation des télécommunications. Débit (MBit/s) 24 22 20 18 16 14 12 ADSL 2+ 10 8 6 4 ADSL 2 400 600 800 1 000 1 200 1 400 1 600 1 800 2 000 2 200 2 400 2 600 2 800 3 000 Distance au répartiteur (m) Source : http://www.art-telecom.fr mais dont le champ d application peut croître en fonction de l augmentation des besoins Nous pouvons en déduire que si les besoins croissent à 10 Mbps et plus par utilisateur, il apparaîtra une insuffisance de l initiative privée pour les utilisateurs finals situés au-delà de 2.000 mètres du répartiteur de France Télécom : ce qui risque de représenter une proportion d utilisateurs finals nettement plus élevée que les 4% indiqués ci-dessus et qui pourrait se chiffrer dans de nombreuses zones à plus de 30% de la population.

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 6 Quoi qu il en soit, l article L.1425-1 du CGCT prévoit que l insuffisance des initiatives privées en matière d offre de services de télécommunications est : «constatée par un appel d offres déclaré infructueux ayant visé à satisfaire les besoins concernés des utilisateurs finals en services de télécommunications». Dans la mesure où le schéma contractuel retenu est celui du marché public, la forme à donner à l appel d offres qui permettra de constater l insuffisance d initiative privée répond naturellement à celle des appels d offres des marchés publics. Les besoins à satisfaire sont ceux tenant à la nature de service public local de télécommunications et à la mission d aménagement du territoire : ils peuvent inclure non seulement les besoins propres de la collectivité mais également les besoins des administrés. A cet égard, une acception large de l expression «besoins de la personne publique» a été maintenue. La circulaire du 7 janvier 2004 portant manuel d application du code des marchés prévoit : «Par besoins de la personne publique, on entend non seulement les besoins liés à son fonctionnement propre (exemple des achats de fournitures de bureaux, d ordinateurs pour ses agents, des prestations d assurance pour ses locaux, etc.) mais également tout le champ des besoins liés à son activité d intérêt général et qui la conduisent à fournir des prestations à des tiers (transport scolaire par exemple).» Vers une régie externalisée au moyen des marchés publics Une fois passé le cap de ce constat d insuffisance des initiatives privées, la collectivité se trouve en situation de fournir des services de télécommunications aux utilisateurs finals. Pour pouvoir le faire, elle devrait établir une activité d opérateur de télécommunications par exemple sous forme de régie mais sans disposer nécessairement de toutes les compétences appropriées. Elle serait dès lors conduite à externaliser cette activité vers des tiers qui en disposeraient. L établissement du réseau pourrait être confié par un marché de travaux à une entreprise spécialisée, éventuellement dans le cadre de la procédure de dialogue compétitif prévue dans le code des marchés publics, si la collectivité n est pas en mesure de définir les moyens techniques pouvant répondre à ses besoins. L exploitation du réseau pourrait se faire dans le cadre d un marché de services tant en ce qui concerne la maintenance et l exploitation du réseau que pour la commercialisation des services auprès des utilisateurs finals concernés par le constat d insuffisance. En tout état de cause, la collectivité resterait responsable de cette activité à l égard des tiers et notamment de la facturation des services de télécommunications aux clients finals. La collectivité pourrait également intervenir en qualité de fournisseur de services «de gros» et confier la distribution à des acteurs économiques indépendants, en particulier des fournisseurs d accès à Internet (FAI) qui agiraient en leur nom et pour leur compte. Ces FAI établiraient ainsi un lien contractuel direct avec les utilisateurs finaux.

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 7 2. INTERVENTIONS INDEPENDANTES DE L ARTICLE L.1425 1 : LES MARCHES DE SERVICES DE TELECOMMUNICATIONS L utilisation des marchés de services de télécommunications au service du développement du haut débit est une voie qu il faut considérer avec une certaine prudence mais qui ne peut être exclue dans la mesure où ces marchés peuvent avoir un effet de levier sur les investissements des opérateurs, notamment en termes d extension de la couverture du haut débit. La principale tentation est d utiliser ces marchés publics non pas pour satisfaire les besoins de la personne publique mais ceux de tiers. Les incertitudes sur les marchés de services fondés sur la compétence d aménagement du territoire des collectivités En s appuyant sur une notion extensive des besoins de la personne publique au nom de l intérêt général (par exemple en s'appuyant sur la circulaire du 7 janvier 2004 portant manuel d application du Code des marchés publics citée plus haut cf. point 1.2. supra) et notamment de leur compétence d aménagement du territoire, certaines collectivités en sont arrivées à passer des marchés de services de télécommunications qui vont bien au-delà de la satisfaction des besoins liés à leur fonctionnement propre et qui visent à rendre le haut débit accessible à l ensemble des usagers. En conséquence de ces marchés et de leur rémunération, les opérateurs retenus s engagent à rendre disponibles leurs offres haut débit sur les territoires objet du marché, donc à étendre leurs réseaux et à permettre ainsi aux utilisateurs finals d acheter les services attendus par ceux-ci. Ce montage contractuel ne fait pas toujours l unanimité : certains redoutent une «instrumentalisation» de la commande publique et notamment qu elle ne devienne un moyen de verser des subventions au titre d opérations déguisées en marchés publics. Il conviendra de s assurer que l équilibre financier est vraiment celui du marché public et qu ainsi l acteur privé n assume pas le risque financier du projet mais reçoit un paiement de la collectivités au titre des prestations effectuées. A l appui de cette interprétation, l article 1425 1 du CCT peut être cité, en ce qu il fait clairement référence à une solution alternative de délégation de service public ou d un marché public, dans les termes suivants : «IV. - Quand les conditions économiques ne permettent pas la rentabilité de l'établissement de réseaux de télécommunications ouverts au public ou d'une activité d'opérateur de télécommunications, les collectivités territoriales et leurs groupements peuvent mettre leurs infrastructures ou réseaux de télécommunications à disposition des opérateurs à un prix inférieur au coût de revient, selon des modalités transparentes et non discriminatoires, ou compenser des obligations de service public par des subventions accordées dans le cadre d'une délégation de service public ou d'un marché public.»

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 8 Le groupement de commandes : un instrument d agrégation de la demande sous-utilisé en France Il existe une voie peu utilisée en France alors qu elle ne pose aucun souci juridique, celle du groupement de commandes. L article 8 du code des marchés publics dispose en effet non seulement que des groupements de commande peuvent être constitués par des personnes publiques (collectivités territoriales, établissements publics locaux, services de l Etat) mais que des personnes privées peuvent y participer à condition de respecter les règles du code des marchés publics. Le principal intérêt du groupement de commandes est de permettre une agrégation de la demande publique, voire publique-privée, sur un territoire donné afin d une part d acheter au meilleur coût mais aussi pour déclencher les investissements des opérateurs qui ne se produiraient pas face à une demande dispersée. En effet, un opérateur est prêt à considérer un investissement d extension de son réseau dans la mesure où les recettes attendues permettent d équilibrer le plan d affaires de l opération compte tenu des coûts d investissement et d exploitation et de ses attentes en matière de rentabilité. Des craintes ont été formulées selon lesquelles les groupements de commandes ne conduisent à une restriction de la concurrence sur les marchés de services, en particulier qu'ils bénéficient essentiellement à l'opérateur historique : cette remarque ne nous semble pas fondée ne serait ce qu'en considérant l'exemple du principal groupement de commandes existant : celui du SIPPEREC en banlieue parisienne dont la majeure partie a été attribuée à des opérateurs alternatifs. Tout dépend en fait de la manière dont les appels d'offres et en particulier les lots ont été conçus. Ce schéma contractuel ne conduit donc pas nécessairement à bloquer le développement d offres alternatives. De plus, les marchés de services de télécommunications et particulièrement les groupements de commande sont des moyens complémentaires aux DSP "opérateur d'opérateurs" dans la mesure où les titulaires de ces marchés peuvent devenir clients du délégataire de service public et contribuer ainsi à la rentabilisation du réseau exploité par celui-ci. Rappelons enfin que le groupement de commandes est depuis plusieurs années un moyen privilégié d intervention du gouvernement britannique dans le domaine du haut débit. Celui-ci estime que l agrégation régionale de la demande publique de services de télécommunications est le meilleur moyen de stimuler la concurrence et de déclencher les investissements des opérateurs sans que les autorités publiques aient à intervenir dans la construction de réseaux de télécommunications, si ce n'est de manière marginale, voir : http://europa.eu.int/information_society/eeurope/2005/doc/all_about/broadband/bb_regional/peter_craine.ppt

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 9 Une modalité proche du groupement de commandes sont les marchés de services de télécommunications de certaines «Plaques Régionales» interconnectées à RENATER (réseau national pour les télécommunications, l'enseignement et la recherche). Ces marchés régionaux qui existent pour certains de longue date, incluent un nombre croissant d utilisateurs (collectivités, universités, établissements de santé, lycées, collèges, etc.) et font ainsi office "d'agrégateur" de la demande publique (avec un budget moyen de l'ordre de 3 millions d'euros par an et par région). Mais ils sont parfois contestés dans la mesure où ils pourraient constituer une «concurrence» aux réseaux établis conformément à l article L.1425-1 du CGCT, notamment dans le cadre de délégations de service public. En effet, pour équilibrer leurs comptes, les délégataires de service public espèrent que les flux des établissements de recherche et d'enseignement passeront par leurs réseaux. Or, rien ne garantit que les titulaires des marchés régionaux utiliseront les nouveaux réseaux créés par les délégations de service public, leur décision dépendant du rapport prix-performance des différentes solutions techniques à leur disposition pour raccorder les utilisateurs du réseau régional. Un des motifs de contestation serait que les régions iraient au-delà de leurs prérogatives en incluant dans les Plaques Régionales des établissements relevant normalement de compétences départementales ou municipales. Par ailleurs, les modalités de financement de ces marchés qui reposent largement sur une prise en charge d'une large partie des coûts par les Conseils Régionaux dans le cadre de syndicats mixtes ou de GIP (Groupement d'intérêt Public), iraient à l'encontre des principes de transparence et non discrimination posés par les directives européennes du "paquet télécoms". Il semble donc indispensable que les collectivités en charge de ces marchés «historiques» vérifient s ils restent compatibles avec le nouveau cadre réglementaire et au besoin les fassent évoluer pour les mettre en conformité, par exemple au travers de la constitution de groupements de commandes, dans la mesure où ceux-ci peuvent être constitués librement entre toutes personnes publiques d'une région donnée et ce quel que soit leur statut.

Contrats de Partenariat et Marchés Publics au service du Haut Débit Page 10 3. CONCLUSION Le présent article ne prétend pas aborder toute la question des meilleures modalités d intervention des collectivités territoriales dans le domaine des communications électroniques. Toutefois, il nous semble que la palette de moyens est plus riche qu il n y paraît : la délégation de service public n est pas un passage obligé systématique même si elle peut présenter dans certaines circonstances de réels avantages. Devant un secteur en évolution technique et concurrentielle, il est essentiel que les solutions juridiques ne constituent pas des contraintes qui empêchent toute évolution. Il faut garder un grand pragmatisme et ne pas tenter d imposer des solutions toute faites à des situations factuelles différentes. Nous proposons ci-après une grille de moyens (non exhaustifs) à la disposition des collectivités en fonction des différentes situations qu elles peuvent rencontrer dans leurs politiques de développement du haut débit. Régie Modalités d'intervention Délégation de service public Contrat de partenariat Marchés publics Concession Affermage Marché de travaux Types de collectivités Grandes villes, agglomérations Conseils régionaux et généraux, agglomérations Conseils régionaux et généraux, agglomérations Conseils régionaux et généraux, agglomérations Toutes Marché de services : exploitation Petites communes Marché de services de télécommunications en groupement de commandes Toutes Types de zones Types de réseaux Type d'opération Zones denses Zones denses et non denses Zones denses ou non denses Zones non denses Zones denses ou non denses Zones non denses Zones denses ou non denses collecte et/ou de desserte collecte collecte desserte collecte et/ou de desserte desserte Non applicable Opérateur d'opérateurs Opérateur d'opérateurs Opérateur d'opérateurs Opérateur de services aux clients finals Tout type Opérateur de services aux clients finals Besoins propres des collectivités Principaux textes applicables L.1412-1 et s. du CGCT et L.1425-1 CGCT L.1411-1 et s. du CGCT et L.1425-1 CGCT L.1425-1 du CGCT Ordonnance du 17/6/04 et L.1425-1 du CGCT CMP et L.1425-1 CGCT CMP et L.1425-1 CGCT CMP Cette présentation schématique ne permet pas de faire l économie d une analyse au cas par cas.