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Transcription:

UN ENFANT POUR SOI, POUR LUI OU POUR LES AUTRES - - Professeur Marie Odile RETHORÉ Membre de l Académie Nationale de Médecine Directeur médical de l Institut Jérôme Lejeune Jamais, sans doute, le désir d enfant n a été autant exprimé et revendiqué : L enfant quand je veux, même après l âge normal de la maternité comme cette femme indienne de 70 ans qui, après avoir eu deux filles et des petits enfants, a voulu avoir avec son mari un garçon pour qu il puisse hériter des terres. Elle a eu recours à une fécondation in vitro (FIV) et a eu, par césarienne, des jumeaux, un garçon et une fille. Le couple a dépensé tout ce qu il possédait, a hypothéqué des terres et a vendu des buffles pour payer la FIV. L enfant comme je veux, par tous les moyens y compris les plus sophistiqués et les plus onéreux ce qui a fait dire au Professeur Bernard Debré «Bientôt,, il y aura des ventes d enfants comme il y a des ventes de chevaux à Deauville. Quelle honte!». L enfant avec qui je veux, y compris avec une personne de même sexe qui a subi des interventions chirurgicales pour avoir une apparence «autre» C est ainsi que l on a publié l observation d une femme transsexuelle devenue, après de multiples interventions chirurgicales et une fécondation in vitro, «l homme enceint» d une femme née sans utérus mais avec des ovaires Dans une école, un petit garçon est très fier de dire à ses copains «Moi, j ai été dans le ventre de mon papa». L Assistance Médicale à la Procréation(AMP) n a cessé de progresser depuis ses débuts faisant de la Fécondation In Vitro(FIV) non plus une procédure exceptionnelle et risquée, mais une pratique médicale courante dont les résultats représentent, déjà, une proportion non négligeable de naissances et, ceci, devrait augmenter au fil des années. Une récente enquête de l INED et de l INSERM montre que, en France, sur les 800.000 enfants qui naissent chaque année, 5 à 6 % d entre eux sont conçus après un traitement médical, dont 1/3 après fécondation in vitro. Le taux de succès des techniques d AMP est de 15 à 20 %. La même étude rappelle que l on compte 200.000 avortements, par an, en France qui sont effectués dans les mêmes services hospitaliers - alors que 90% des femmes en âge de procréer mais ne désirant pas d enfants dans l immédiat, utilisent un moyen de contraception. En Angleterre, 1% des naissances résultent d une fécondation in vitro ou d une insémination artificielle. Selon les auteurs anglais, dans les prochaines années, 1 couple sur 3 pourrait rencontrer des difficultés pour avoir un enfant contre 1 sur 7, actuellement «Du fait des avancées techniques» disent-ils «les couples infertiles 1

pourront avoir autant d enfants que les couples fertiles et, de ce fait, les facteurs génétiques responsables de l infertilité seront beaucoup plus présents dans les générations à venir». Il n est pas inutile de rappeler l historique de l aide à la procréation. L insémination artificielle humaine (IA) date de 1791 ; l insémination avec sperme d un donneur (IAD) date de 1884. L insémination se développe rapidement pendant la première moitié du 19 siècle puis tombe en disgrâce. Le renouveau est du à la découverte de la congélation du sperme. La première banque de sperme est crée en 1953 aux Etats Unis, les premiers centres français apparaissent en 1973. Les banques se multiplient et prennent le nom de CECOS (Centre d Etudes et de Conservation des Œufs et du Sperme). Sous l impulsion du Professeur DAVID, les CECOS élaborent les règles éthiques qui serviront de base aux futures lois de bioéthiques. Parallèlement, la recherche concernant la stérilité féminine d origine tubaire, trompes imperméables ou absentes, se développe et donne naissance à la fécondation in vitro et transfert d embryon (FIVETTE). D autres techniques apparaissent rapidement : transfert direct d ovocytes et de sperme dans les trompes (GIFT) puis, injection directe d un spermatozoïde dans un ovocyte (ICSI) en 1993.Suivent, le don d ovocytes et, très récemment, le don d embryons provenant de couples ayant eu recours à une FIV et acceptant ce «don d embryon surnuméraire» appelé, par certains, «l adoption in utero». Encore plus récemment, la gestation pour autrui(gpa), encore appelée «mère porteuse». Actuellement, ce n est plus l aspect technique qui domine mais les problématiques concernant les indications de ces différentes possibilités ainsi que la nature des demandes qui sont très différentes de celles des années 70. L AMP a été étendue, au delà de la stérilité, aux couples dans lesquels il existe un risque de transmission d une maladie grave, génétique ou virale. Les couples dans lesquels l homme est transsexuel peuvent faire appel à un don de sperme. De nouvelles demandes émanent de couples homosexuels, de femmes seules Trop souvent, dans l esprit du public, l AMP est considérée comme une méthode infaillible de procréation à un âge avancé en raison de quelques exemples très médiatisés. Quand bien même le report de la procréation à la quatrième, voire à la cinquième décade de la vie, pourrait apparaître avantageuse en terme d économie ou de mode de vie, il faut dire, haut et fort, que cette décision de report accroît inévitablement les risques d infertilité liés à une réserve ovarienne réduite, à la prévalence du surpoids, à la fréquence augmentée des infections, sans compter le risque majoré de fausses couches, d anomalies fœtales (en particulier chromosomiques) et de complications obstétricales. Le message à transmettre aux couples modernes, résolus à retarder l accueil du premier enfant, est que la période de fertilité optimale est relativement courte et qu il est prudent de ne pas remettre la procréation à trop tard! Dans ce domaine techniquement très riche, la première question à se poser, tant l enjeu est important, est, me semble t il : De qui proviennent les gamètes qui fabriquent l enfant? Aujourd hui, un enfant peut dire «papa» ou «maman» à cinq personnes : les deux parents génétiques qui ont donné les gamètes, spermatozoïde et ovocyte ; le couple 2

qui accueille l enfant et qui l élève. Dans ce couple, l un et l autre ou l un ou l autre peuvent être différents des deux premiers en cas de don de gamète. Enfin, la femme qui l a porté dans son utérus durant neuf mois On doit, maintenant, en ajouter un sixième puisque l on peut transférer le noyau d un ovocyte d une femme dans l ovocyte énucléé d une autre femme pour éviter à l enfant une maladie mitochondriale La fécondation in vitro est proposée lorsque les spermatozoïdes ne peuvent pas rencontrer l ovocyte. Elle est proposée en cas d obturation tubaire, d endométriose ou lorsque l homme ne fabrique que très peu de spermatozoïdes (oligospermie). Elle est, également proposée lorsque l un des conjoints est porteur d une anomalie génétique (génique ou chromosomique). Elle comporte 4 étapes : -une stimulation ovarienne -une ponction du follicule permettant le recueil de l ovocyte -la fécondation in vitro de l ovocyte -le transfert de l embryon dans l utérus de la femme. En 2003, 4.247 enfants sont nés, en France, par cette technique, le sperme venant du conjoint de la mère. Pour 179 enfants, le sperme venait d un donneur étranger au couple. Pour la femme, l étape la plus lourde est la stimulation ovarienne. Elle impose, en effet, des injections hormonales répétées et régulières, une surveillance échographique et des prélèvements sanguins très fréquents. Le transfert de l embryon a lieu le deuxième ou le troisième jour qui suit la fécondation. Tout récemment, des chercheurs français et italiens ont identifié un marqueur biologique permettant de savoir quel embryon a le plus de chance de s implanter dans l utérus. Il s agit d un biomarqueur immunologique. La tolérance immunitaire serait donc au centre des phénomènes de la reproduction. Lors de la présentation de leurs travaux, les auteurs ont avoué qu ils «n imaginaient pas que le dialogue entre l embryon et l utérus était si précoce et si intense avant même le contact avec la muqueuse utérine». Actuellement, on ne transfert que deux ou trois embryons pour réduire le nombre de grossesses multiples. En effet, tout le monde s accorde pour dire qu il faut diminuer le nombre des grossesses multiples issues de ces techniques. En Angleterre, 40% des bébés nés après PMA sont des jumeaux. Ces grossesses sont à risque aussi bien pour la mère que pour les enfants : elles multiplient par 10 le risque d un accouchement avant 33 semaines si il y a deux enfants, par 50 si il y en a trois. En France, 7 % des grands prématurés sont issus de PMA. Leur mortalité et leur morbidité sont sévères : 50% des enfants polyhandicapés sont issus de grossesses gémellaires alors que les jumeaux et les triplés ne représentent que 2,4 % des naissances. Une vaste enquête concernant 2.900 enfants nés vivants entre 22 et 32 semaines de grossesse confirme ces chiffres. Les auteurs de cette étude invitent à réfléchir «aux limites à partir desquelles les médecins franchissent le seuil de l obstination déraisonnable tant dans l acharnement thérapeutique que dans l acharnement procréatique». Les embryons non transférés peuvent être congelés ce qui donne, au couple, de nouvelles chances de grossesse avec un traitement beaucoup plus simple pour préparer 3

l endomètre de la femme à recevoir l embryon mais ces embryons, congelés et décongelés, sont très fragiles ce qui diminue d environ 50% les chances de développement normal. Les embryons dits «surnuméraires» posent de graves problèmes moraux. S ils ne sont pas implantés dans le cadre du «projet parental» qui a motivé la FIV ils peuvent, en accord avec les géniteurs, être donnés à des couples stériles, ils peuvent être détruits ou donnés à la science pour des recherches Mais que faire si les géniteurs sont perdus de vue? Si ils sont donnés à un couple inconnu, comment faire savoir aux enfants qu ils ont des frères et sœurs inconnus mais qu ils peuvent rencontrer un jour et vouloir fonder un foyer avec eux? Quant aux embryons non implantés en raison de leur mauvaise adéquation immunitaire avec l utérus qui leur est proposé, ils vont être détruits alors qu ils peuvent être parfaitement normaux et qu ils auraient été, peut être, sélectionnés pour un autre utérus La fécondation assistée, est proposée, essentiellement, en cas d impuissance masculine ou lorsque l homme ne fabrique que très peu de spermatozoïdes. L insémination peut se faire, directement sur le col de l utérus (IIC) ou à l intérieur de l utérus (IIU). Dans les deux cas, il faut une stimulation ovarienne et l insémination doit se faire dans un centre agréé. Il peut s agir du sperme du conjoint ou de celui d un donneur. En 2003, 4.295 enfants sont nés par cette technique. L insémination peut se faire, également, avec du sperme qui a été congelé avant que l homme n ait subi une chimiothérapie, une radiothérapie ou une intervention chirurgicale. Ceci permet à un homme jeune, gravement malade de pour voir espérer être père. C est, peut être, une des meilleures façons de l aider à lutter contre sa maladie. La micro injection d un spermatozoïde dans l ovocyte (ICSI) est proposée dans le cas d hypofertilité masculine sévère. Les spermatozoïdes, prélevés par ponction testiculaire, sont injectés avec une micropipette dans l ovocyte. Il n en faut qu un seul! On peut tenter l insémination avec un spermatozoïde qui n est pas mature (spermatide) ou avec un spermatozoïde qui a terminé sa maturation in vitro ou dans le testicule d un animal comme cela s est fait avec un rat! Dans ces cas extrêmes, le taux de réussite est très bas Cette technique correspond à 40% des AMP. Elle a fait fortement diminuer les inséminations avec un donneur étranger au couple. La crainte concerne l enfant qui risque d être stérile ou porteur d une malformation si l hypofertilité de son père est d origine génétique. Il faut tout de même signaler que son coût est de 10 à 30% supérieur à une FIV. Si, dans les années 80, la France était un des pays pionniers en matière de PMA, ses résultats sont, aujourd hui, parmi les plus mauvais d Europe. Ceci vient, sans doute, du fait que, chez nous, la prise en charge médicale de l infertilité, même temporaire, est devenue un droit pour certains couples. Ils veulent essayer à tout prix même si le pronostic est mauvais. Certains font six, huit voire dix tentatives. La moyenne nationale de réussite ne dépasse pas 25%. Une enquête toute récente a montré que le taux d échecs augmentait avec l âge du père, passant de 10 à 15 % pour les hommes de moins de 30 ans à 35% pour ceux de 4

plus de 40 ans. Déjà, en 2.000, les anglais avaient montré que la fécondité de l homme diminuait, chaque année, de 2 % et ceci, dès l âge de 24 ans. Le don d ovocytes apparu en France en1984 est encadré par une loi dont les principes fondamentaux sont le volontariat, la gratuité, l anonymat et la confidentialité du don. Les donneuses sont peu nombreuses J ai entendu, à l Académie, des appels insistants émanant de chefs de service démunis! Près de la moitié des femmes «donneuses» le font en faveur d une parente ou d une amie (76%). Les dons occasionnels, au cours d une intervention chirurgicale ou d une FIV sont exceptionnels car, dans ces cas, le partage des ovocytes prélevés après stimulation ovarienne diminue les chances de grossesse pour le couple demandeur. La donneuse doit avoir procréé ; elle doit avoir moins de 37 ans et être en bonne santé. Son conjoint doit donner son consentement qui peut être révoqué à tout moment. Les frais occasionnés ne sont pas pris en charge. Le délai moyen d attente varie de six à soixante mois «venir avec sa donneuse n est pas obligatoire mais cela aide On ne peut pas donner ce que l on n a pas!» dit l Agence de Biomédecine.Certains pays donnent des dédommagements et, alors, beaucoup d étudiantes se présentent pour arrondir leur fin de mois! Le couple receveur doit être, pour l instant, hétérosexuel et en âge de procréer ; la limite d âge pour la femme se situe entre 40 et 43 ans en raison des risques maternels et fœtaux liés à l âge mais, aussi, des droits de l enfant à naître dans le sens où il lui serait «imposé» une mère âgée. Le couple doit être marié ou capable de prouver une vie commune depuis plus de deux ans. Il doit signer un consentement au don rendant la filiation incontestable. Ce consentement est révocable à tout moment par l un ou l autre membre du couple mais il doit être confirmé au moins un mois après le consentement initial. L intervention est prise en charge, au titre du traitement de l infertilité. La fécondation se fait in vitro. Les embryons «frais» sont transférés lors d un cycle synchronisé de la femme donneuse et de la femme receveuse. Le pourcentage de grossesses obtenues est, actuellement de 43,4% ; il n était que de 18,7 % lorsque l on exigeait que les embryons soient congelés avant leur implantation afin d éviter la transmission de virus ou de bactéries. Cette possibilité est offerte aux femmes souffrant d une insuffisance ovarienne (64,7%), d une ménopause précoce (20 %) idiopathique ou liée à une thérapeutique médicale ou chirurgicale. Elle est également, proposée aux femmes atteintes du syndrome de Turner ou d une autre anomalie chromosomique, en particulier la mutation responsable du syndrome de l X fragile. La congélation d ovocytes est encore au stade expérimental et on ne peut pas la proposer aux femmes en bonne santé qui veulent prolonger leurs années de fécondité. Elle est proposée aux femmes qui doivent subir un traitement médical ou chirurgical qui les rendront stériles. Au Canada, 167 grossesses résultant d ovules congelés, décongelés, fécondés in vitro ont donné naissance à 202 bébés ; l incidence des anomalies est de 1,4% pour les enfants uniques, de 5 % pour les jumeaux 5

Les études concernant le devenir des enfants normaux, issus de PMA, sont très hétérogènes. Certains de ces enfants se rebiffent à l âge adulte, comme en témoigne le livre d Arthur KERMALVEZEN «Né de spermatozoïde inconnu». Ce psychologue demande de pouvoir connaître ses origines génétiques «Ce qui me révolte, c est que je veux devenir père de famille et que je vais devoir transmettre cet anonymat». Beaucoup de pays ont levé l anonymat mais cela décourage les «donneurs». La Belgique et l Islande ont instauré le système de double guichet : le «donneur» choisit de se faire connaître ou non ; les parents peuvent choisir un «donneur» anonyme ou non. Pour certains psychologues, «Identifier le «donneur», c est introduire un tiers dans le couple parental ce qui peut mettre en péril l équilibre du couple parental». Alors que les femmes s inquiètent de leur capacité d avoir un enfant et, ceci, souvent longtemps avant le mariage, les hommes imaginent rarement avoir un problème de cet ordre lorsque la séquence sexuelle est normale. De ce fait, l homme infertile vit cela comme une honte, un secret. Il se sent responsable et n ose exprimer sa souffrance. Il est déconcerté quand il faut aller consulter la gynécologue de sa femme. Il n arrive pas bien à se situer dans les techniques de prélèvements, les diverses consultations, les dates des rapports qu il doit avoir avec sa femme Plutôt que de lui conseiller de ne pas y penser, de lui dire que le jour où il pensera le moins le bébé se fera tout seul, il faut mieux l inciter à se faire aider car il est normal de «craquer» dans ces situations. Environ 15 % des couples consultent pour difficultés à procréer. Dans la moitié des cas seul, l homme, est responsable de cette infertilité qui touche près de 10 % de la population masculine. La loi de 2004, interdit le transfert d un embryon congelé conçu du vivant de son père alors que sa mère, devenue veuve, le réclame. La raison évoquée est «qu il n est pas bon de faire naître un orphelin». La loi impose à la mère soit de demander sa destruction, soit de le «donner» à un autre couple cet enfant sera, alors, orphelin de père et de mère! Que se passerait- il si le père était mort après le transfert de l embryon et, non, avant? Avorterait on la veuve? En fait, on propose le plus souvent à la mère de le donner à la science pour la recherche en évoquant des espérances thérapeutiques pour des enfants malades comme si les parents étaient propriétaires de leurs enfants et avaient droit de vie et de mort sur eux! Constituées, au départ, pour répondre à la demande des couples stériles, les banques de sperme sont de plus en plus sollicitées par des «couples» de lesbiennes ou par des femmes célibataires. L absence de législation dans ce domaine, contrairement à la France, fait de la Belgique, entre autres pays, un royaume des «possibles» en matière de procréation «hors liens sexuel» comme le dit le docteur HOUMONT de l Université de Liège. Les femmes homosexuelles sont conscientes des difficultés qu un tel contexte peut engendrer chez l enfant mais, ce désir d enfant, elles sont deux à l avoir tandis qu une femme célibataire est seule à désirer cet enfant, pour elle seule et quelque fois pour réparer une blessure du passé Comment un enfant peut-il construire ses repères dans une structure sans différenciation sexuelle, sans pôles représentatifs de la transmission de la vie et de la succession des générations? Comment peut-il construire sa subjectivité sans s affronter à l autre? Comment va-t-il fonder son identité sexuelle sans confrontation avec les données quotidiennes de la virilité, tant physique que psychologique? 6

L impact réel des fécondations «hors liens sexuels» ne sera vraisemblablement reconnu que dans quelques années mais, c est dès maintenant, qu il faut se poser la question. Vers quel type de société nous dirigeons-nous si nous acceptons de dépasser touts les limites Comme le disait, il y a quelques années, Axel KAHN «Jusqu où ne pas aller trop loin?». Benoit XVI lui répond dans sa dernière encyclique «SPE SALVI» «La science peut contribuer à l humanisation du monde. Elle peut, aussi, détruire l homme et le monde si elle n est pas orientée par des forces qui se trouvent en dehors d elle». La vulgarisation de l AMP ouvre, nous l avons vu, de larges brèches dans le respect que l on doit à l embryon humain et à tout ce qui entoure le don de la vie : fabrication et l utilisation d embryons à des fins de recherche ; développement de diagnostic préimplantatoire ; pratique eugénique ; porte d accès au clonage humain ; ouverture d un marché de spermatozoïdes et d ovocytes C est une révolution de l éthique, un bouleversement des normes sociales. Il est possible que les techniques s améliorent au point de ne plus entraîner la mort d un seul embryon Il n en demeure pas moins que ces techniques réalisent «la dissociation des gestes qui sont destinés à la fécondité humaine par l acte conjugal» comme le rappelle «l Instruction sur le respect de la vie humaine naissante et la dignité de la procréation». TESTART, l un des «pères» d Amandine ne s y est pas trompé : «La grande révolution» dit-il «fut l extraction de l ovule hors du corps de la femme et sa mise à disposition in vitro». Dans les années 70, les femmes avaient clamé que leur corps leur appartenait au nom de leur liberté libérée de tout lien avec la morale commune. C est, pourtant, l existence de ce référent moral supérieur qui fonde la distinction du Bien et du Mal, de juste et de l injuste par delà toute convention ou discussion entre les hommes. Si l Eglise doit condamner tout ce qui porte atteinte à la vie humain, il ne faut pas, pour autant, la cantonner dans un rôle purement défensif Les médias s en chargent, la présentant comme rejetant les avancées de la science auxquelles Elle n entendrait rien! Evidemment, l Eglise est aux avant-postes pour parler de cette morale commune mais comme le rappelle le Cardinal RATZINGER «Le fait que certaines de ces vérités soient, aussi, enseignées par l Eglise ne réduit, en rien, la légitimité civile ni la «laïcité». En effet, la «laïcité» désigne en premier lieu l attitude de ce qui respecte les vérités procédant de la connaissance naturelle sur l homme, même si ces vérités sont enseignées, aussi, par une religion particulière car la vérité est une». En janvier 2007, Benoit XVI, dans une lettre adressée aux participants d un congrès de bioéthique à Cuba, disait «Il vous faut promouvoir une authentique culture de la vie qui, en reconnaissant le bien que la recherche peut donner à la société, a toujours présent à l esprit le devoir d être guidé par un critère éthique, critère qui ne peut être autre que le service de l être humain à chaque étape de son existence dans une attitude d accueil et de respect de la par de tous». - - 7