la Chine, énergie et politique en avant pour le "socialisme de marché"
La Chine est aujourd'hui une grande puissance asiatique. Dans 20 ans elle sera, peut-être, grande puissance mondiale. Depuis les réformes économiques voulues par Deng Xiao Ping, en I977, elle se développe à des taux de croissance supérieurs à 10 % par an depuis 1992. Mais l'indispensable croissance équivalente en énergie ne suit pas. Faut-il produire plus? Faut-il importer et donc devenir dépendant? (d'après "le Dessous des Cartes" janv. 1999)
la Croissance chinoise En Chine comme ailleurs, la croissance économique appelle une augmentation de la demande en énergie.
les Demandes d'énergie Cette demande en énergie se concentre surtout dans les zones les plus dynamiques, le Guangdong et le Fujian.
Croissance de consommation et de production Depuis 1980, la consommation d'énergie en Chine a augmenté de plus de 5 % par an, et la production d'énergie devrait augmenter d'au moins 4 % par an pour tenir le rythme de sa croissance actuelle.
Proportion de la demande mondiale en énergie Les besoins en énergie de la Chine représentent aujourd'hui 10 % de la demande mondiale ; ce chiffre sera de 20 % en 2010.
la Tradition charbonnière... La Chine dispose de deux ressources principales : le charbon et les hydrocarbures. Le charbon fournit actuellement les 3/4 de l'énergie chinoise ; mais la production se situent à 3000 km des principales zones de consommation.
et la pollution Par ailleurs, le charbon est source de pollution, laquelle touche les pays voisins, dont le Japon. Et comme la Chine a besoin des investissements japonais, elle ne peut pas se permettre de rester sourde aux récriminations nippones en la matière.
la Production pétrolière... La Chine est le 7 e producteur mondial de pétrole, et 80 % de sa production proviennent de champs situés dans le nord du pays. Or depuis plusieurs années, la Chine est à la recherche de nouveaux champs de pétrole et de gaz, en particulier dans l'ouest, au Xinjiang, autour du désert du Taklamakan et du bassin du Tarim.
...et ses difficultés Mais l'incertitude règne sur l'ampleur réelle de ces gisements. Et par ailleurs, leur exploitation se ferait dans des conditions difficiles, avec un oléoduc qui devrait traverser le désert du Taklamakan, où les températures vont de moins 40 à plus 50.
...et ses difficultés Enfin, la Chine aurait besoin de capitaux étrangers pour financer l'exploitation de ces nappes, et il n'est pas sûr que les compagnies étrangères souhaitent investir, ni que la Chine ait envie d'accroître ainsi sa dépendance vis à vis de l'étranger.
les Gisements en Mer de Chine... La Chine prend aussi un autre pari pétrolier, sur des gisements en Mer de Chine. Mais ils ont l'inconvénient de se trouver dans une région où la Chine est en litige avec ses voisins sur des questions de souveraineté territoriale, autour des îles Senkaku, Spratley et Natuna par exemple.
et leurs coûts diplomatiques Ceci représente un coût diplomatique, au moment où la Chine cherche à améliorer ses relations avec les pays de la région pour affirmer sa position de puissance régionale, alors même que la production prévue de ces nouveaux champs à l'ouest et au sud-est du pays ne suffirait pas à couvrir les futurs besoins de la Chine.
le Refus d'importation... La solution consisterait à importer. Mais les Chinois veulent l'éviter, car cela signifierait une dépendance par rapport à l'étranger. C'est tout ce qu'ils s'appliquent à rejeter depuis 40 ans.
...et la politique d'indépendance Pour l'empire du Milieu et son régime, il est inconcevable de soumettre la croissance et le développement du pays à des puissances étrangères.
la Politique d'achat de nappes étrangères Alors pour résoudre l'équation énergétique, Pékin a choisi une stratégie coûteuse mais sûre : au lieu d'acheter du pétrole ou du gaz, les Chinois achètent tout ou partie des nappes d'hydrocarbures! C'est ce qu'ils ont fait au Pérou et au Vénézuéla.
le Pétrole des États parias Mais aussi au Soudan et en Irak. Et la Chine négocie l'exploitation de champs off-shore en Iran. Or ces trois pays sont des États parias à l'échelle internationale. Et c'est en fait la Chine qui profite de cet isolement imposé par les occidentaux à ces pays, en tissant avec eux un réseau autour d'un net sentiment anti-occidental.
les Constructions d'oléoducs Ailleurs, la Chine négocie l'acquisition de concessions au Turkménistan, et prévoit de construire un oléoduc ralliant la Chine et le Japon. Elle a aussi signé un accord pour construire un oléoduc entre la Sibérie et les côtes chinoises, puis coréennes et japonaises.
la Chine et le Kazakhstan Au Kazakhstan, la stratégie énergétique chinoise est lourde d'enjeux. La Chine a pris le contrôle de 60 % de la 2 e compagnie pétrolière kazakhe.
le Désenclavement kazakh Et elle possède 60 % du champ d'ouzène. Pour emporter ces marchés, la Chine a fait des offres financières plus élevées que ses concurrents, et s'est engagée à construire deux oléoducs qui désenclaveront le pays, l'un vers la Chine et l'autre vers l'iran et le Turkménistan.
Jeux chinois Les Chinois mènent donc deux parties d'échecs. L'une avec les Américains qui voient d'un mauvais œil la Chine tirer profit du blocage qu'ils ont imposé sur l'iran. L'autre avec les Russes qui n'apprécient pas que Pékin aide le Kazakhstan à élargir sa marge de manœuvre vis à vis de Moscou, mais qui souhaitent vendre du gaz sibérien à Pékin.
les Velléités indépendantistes des Ouigours Or de l'autre côté de la frontière kazakhe, on est, côté chinois, au Xinjiang, l'ancien Turkestan oriental, conquis au 18 e siècle. Pékin espère, par ses projets énergétiques en Asie centrale, relier le Xinjiang au réseau chinois et y développer l'économie et l'emploi, ceci pour lier l'intérêt de la province à celui de la Chine.
les Velléités indépendantistes des Ouigours Car au Xinjiang, l'autorité de Pékin est contestée par le mouvement indépendantiste des Ouigours, qui sont soutenus par les États d'asie centrale. Par ses investissements et ses projets, Pékin cherche à casser ces solidarités politiques autour des Ouigours.
Si la Chine prend tant de risques diplomatiques et politiques, c'est parce que l'enjeu énergétique est essentiel. Mais il ne s'agit pas là que de gaz et de pétrole. Il s'agit aussi du contrôle qu'exerce Pékin sur son immédiate périphérie, c'est à dire de l'intégration du Xinjiang à la Chine.
Mais un autre problème, c'est la question de la rentabilité de la production. Environ 40 % du charbon est produit par des entreprises d'état en Chine. Elles sont lourdes, déficitaires et obsolètes. Pékin considère que 800 000 ouvriers du pétrole sont en excédent. Donc il faut rationaliser ces entreprises d'état : Pékin a licencié plus de 150 000 ouvriers des mines pendant les six premiers mois de 1997. Cela déplait à une base industrielle sur laquelle s'appuie partiellement le pouvoir des dirigeants de Pékin.
En résumé : pour la stabilité du régime, besoin de développement ; pour le développement, besoin de croissance ; pour la croissance, besoin d'énergie. Or il n'y a pas assez d'énergie. C'est ce qu'on appelle un goulot d'étranglement. Il y aurait une seule solution : importer. Mais une telle option touche en fait véritablement à la souveraineté nationale chinoise.