Europäische Konferenz 2011 Ethik Sache der Anwaltschaft European Conference 2011 Ethics A Lawyer s Issue Conférence Européenne 2011 L Ethique une affaire d avocat France: L éthique et la déontologie de l avocat réglées ensemble Louis-Bernard Buchman Vice-président, Commission des affaires européennes et internationales, Conseil National des Barreaux 1 I INTRODUCTION : Rôle de l avocat dans une société démocratique Certaines qualités éthiques sont nécessaires pour soutenir les valeurs fondatrices de toute société démocratique, notamment la probité, la loyauté, la dignité, l'humanité et la conscience. L avocat doit réunir ces qualités en sa personne et les incarner. Ainsi, assisté par l avocat, chaque citoyen ou justiciable verra à son tour ses droits et libertés respectés. Dans ce cadre, le rôle, la fonction et le statut de l'avocat doivent bénéficier d'une reconnaissance et d'une protection dans tous les pays, ce qui exige la mise en place dans chaque pays de règles déontologiques propres à la profession, permettant l'exercice libre et indépendant de ses membres. La déontologie assure l'effectivité de l'exercice des droits et des devoirs de l avocat, qu il agisse comme conseil ou comme défenseur. Pour exercer son rôle social et technique, l avocat doit garder son indépendance et ne doit jamais agir sous la contrainte ou par complaisance. L'autorégulation de la profession ou sa co-régulation avec les pouvoirs publics, la création des normes professionnelles et leur application constituent des garanties pour tous les citoyens. La déontologie de l'avocat est néanmoins remise en cause du fait de la dérèglementation, de la pression du marché et de la mondialisation des rapports économiques et des services juridiques. Dans ce cadre, le Conseil National des Barreaux travaille à faire évoluer la déontologie de l avocat dans le respect des principes essentiels de la profession. 1 Partner, Field Fisher Waterhouse, Paris Seite 1 von 7
1. Missions du Conseil National des Barreaux : Unification des règles et usages de la profession Le Conseil National des Barreaux, institution créée par la loi, représente les 52 000 avocats français répartis dans 161 barreaux. En dehors de sa fonction de représentation, le Conseil National des Barreaux a reçu de la loi des missions très spécifiques. Ainsi, la loi du 11 février 2004 lui a confié notamment le soin d unifier à travers la France les règles et usages de la profession d avocat et l a doté pour ce faire d un pouvoir réglementaire. C est dans ce contexte qu a été adopté d abord «le Règlement intérieur unifié» (RIU) des barreaux de France, puis en 2005 le «Règlement Intérieur National de la profession d avocat» (RIN) qui a remplacé le RIU. Les avocats français disposent, dès lors, d un corps de règles déontologiques unique qui s applique à tous les avocats de France, peu importe leur mode d exercice, leur champ d activité ou encore le barreau auquel ils appartiennent. 2. Le cœur éthique de la profession d avocat en France : Les principes essentiels Les principes essentiels de la profession d avocat en France guident le comportement de l avocat en toutes circonstances, c'est-à-dire non seulement dans sa vie professionnelle mais également dans sa vie privée. L avocat doit exercer ses fonctions avec dignité, conscience, indépendance, probité et humanité, dans le respect des termes de son serment. Il respecte en outre, dans cet exercice, les principes d honneur, de loyauté, de désintéressement, de confraternité, de délicatesse, de modération et de courtoisie. Il doit fait preuve, à l égard de ses clients, de compétence, de dévouement, de diligence et de prudence. La méconnaissance d un seul de ces principes, règles et devoirs, constitue une faute pouvant entraîner une sanction disciplinaire. 3. Les relations de l avocat avec son client Le secret professionnel En toutes matières, que ce soit dans le domaine du conseil ou dans celui de la défense devant les tribunaux, les consultations adressées par un avocat à son client ou destinées à celui-ci, les correspondances échangées entre le client et son avocat, entre l'avocat et ses Confrères, les notes d'entretien et, Seite 2 von 7
plus généralement, toutes les pièces du dossier, sont couvertes par le secret professionnel. Le respect du secret professionnel est un droit et un devoir pour l avocat. C est la pierre angulaire des règles professionnelles de l avocat. Il n a pas été institué dans l intérêt de l avocat mais dans l intérêt exclusif du client qui, lui, n est pas tenu au secret, mais doit être protégé quand il livre ses confidences à son avocat. Le secret est absolu et le client ne peut en relever l avocat en aucun cas. Le secret professionnel ne souffre que de quelques exceptions, d interprétation stricte, à savoir pour les exigences de la propre défense de l avocat et pour la protection de personnes en état de grande faiblesse. S agissant des dispositifs communautaires de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme, transposés aujourd hui en France, la profession d avocat a constamment manifesté son opposition. Si l objectif de lutte contre la criminalité et le terrorisme est légitime, les avocats refusent d être des délateurs ou des auxiliaires de police et de renier l essence même de leur serment et leurs valeurs essentielles, au premier rang desquels figurent le secret professionnel. Dès 2007, le Conseil National des Barreaux a publié un vademecum comportant des conseils de vigilance aux avocats afin de les aider à acquérir des réflexes protecteurs. Il procède actuellement à sa refonte afin de tenir compte du nouvel état du droit positif en la matière (3ème directive antiblanchiment du 26 octobre 2005). Son titre est : «Dissuader pour ne pas dénoncer». Le conflit d intérêts Le principe du libre choix de l avocat par le client trouve ses limites dans la prohibition des conflits d intérêts : L avocat ne peut être le conseil, le défenseur ou le représentant de plusieurs parties dans une même affaire s il y a conflit entre leurs intérêts ou, sauf accord des parties, s il existe un risque sérieux d un tel conflit. Il est possible néanmoins pour l avocat, avec accord écrit des parties, de continuer à s occuper des affaires de tous les clients. Les critères du conflit d intérêts peuvent être résumés comme suit : Dans la fonction de conseil et de rédacteur d actes, l avocat se trouve dans une situation de conflits d intérêts lorsqu il a conscience de ne pouvoir conduire sa mission sans compromettre les intérêts de l une des parties qu il conseille. Seite 3 von 7
La publicité Dans la fonction de représentation et de défense devant les tribunaux, l avocat se trouve face à une situation de conflit d intérêts lorsque l assistance de plusieurs parties l incite à présenter une défense différente dans son développement, son argumentation ou sa finalité, de celle qu il aurait adoptée s il lui avait été confié les intérêts d une seule partie. La jurisprudence consacre l interdiction d intervenir pour l avocat en cas de conflit d intérêts au nom de la délicatesse, de la loyauté, de la dignité, du respect de l indépendance, soulignant la nécessaire confiance que le client doit avoir en son avocat. La publicité personnelle des avocats fait l objet depuis quelques années d une libéralisation progressive. L objectif est de développer l activité des cabinets dans un contexte concurrentiel, mais en respectant des règles de communication saines et loyales. L avocat est libre de faire de la publicité par tous moyens permettant une information du public. La publicité par sollicitation est désormais permise mais les actes de démarchage sont interdits à l avocat. Ainsi, la publicité en vue de donner des consultations et/ou de rédiger des actes, par voie de tracts, lettres, affiches, films cinématographiques, émissions radiophoniques ou télévisées est prohibée : Cependant, le 5 avril dernier, la Cour de Justice de l'union européenne a jugé que le code de déontologie des experts comptables ne pouvait interdire aux membres de cette profession d'effectuer tout acte de démarchage (CJUE 5 avril 2011, aff. C-119-09). Selon la Cour de Justice, l'interdiction totale, faite aux membres d'une profession libérale, de recourir aux communications commerciales étant prohibée par la directive «Services» (dir. 2006/123/CE), un État membre ne peut interdire aux membres d'une profession réglementée d'effectuer tout démarchage. Il revient à présent au Conseil d'état, initiateur de la question, de rendre une décision au vu de la réponse de la CJUE. Quelle que soit la forme de publicité utilisée, toutes mentions laudatives ou comparatives et toutes indications relatives à l identité des clients sont interdites (sauf pour répondre à des appels d offres). La communication n est interdite sur quasiment aucun support mais le contenu de la communication fait l objet d une surveillance accrue. Dans une décision à caractère normatif du 20 mai 2010, le Conseil National des Barreaux a décidé que : Seite 4 von 7
Le principe de la communication préalable à l'ordre des projets d'encarts publicitaires ou de plaquettes et de l'ouverture ou modification des sites Internet est maintenu. Est en outre maintenue la possibilité pour les avocats de figurer dans les annuaires professionnels commerciaux. Parmi les nouveautés, la décision élargit les mentions pouvant figurer sur le papier à lettres de l'avocat, et autorise la publicité des domaines d'activités juridiques ou judiciaires pratiqués, sous réserve d'éviter toute confusion avec les mentions de spécialisation. Enfin, il réglemente la publicité des noms de domaine, notamment en interdisant l'utilisation de noms génériques à titre exclusif. Longtemps tiraillée entre ses traditions qui imposent la confraternité, la modération, la délicatesse et le désintéressement, et l évolution vers une adaptation aux lois du marché et à la concurrence, la profession d avocat s est dotée de règles déontologiques en matière de publicité favorisant une adaptation croissante au «marché juridique». Les honoraires En France, le principe est que les honoraires des avocats sont librement fixés par lui en accord avec son client. L évaluation du montant des honoraires par les avocats doit tenir compte de critères objectifs et subjectifs tels que la difficulté de l'affaire, la situation de fortune du client, la situation financière, les frais exposés par l'avocat, sa notoriété ainsi que ses diligences. En fonction de la nature de l'affaire et de sa complexité, les honoraires sont proposés sur une base forfaitaire ou horaire, éventuellement dans le cadre d une convention d honoraires destinée à fixer par écrit les principes régissant le paiement des honoraires ainsi que leur mode de calcul au titre des diligences effectuées par le cabinet et des résultats éventuellement obtenus. La loi interdit formellement la fixation d honoraires qui ne seraient fonction que du résultat judiciaire. («Pacte de quota litis»). Cependant, les avocats peuvent solliciter, en sus des honoraires principaux, un honoraire complémentaire de résultat s'ajoutant à ceux déjà réclamés par l'avocat dans le cadre de sa prestation. Ce complément éventuel doit obligatoirement être fixé dans une convention d honoraires. Par ailleurs, le client a la possibilité de souscrire à une assurance de protection juridique qui prend en charge les frais de procédure, d'expertise ou de représentation en justice dans la limite du plafond de garantie du contrat. Les personnes ne disposant pas de ressources suffisantes ont la possibilité de solliciter l'aide juridictionnelle, domaine dans lequel les honoraires sont tarifés. Seite 5 von 7
La nécessité de l accès à la justice et au droit pour les plus démunis s est toujours posée avec acuité en France et le champ restreint de l'aide juridictionnelle et la faible indemnisation des auxiliaires de justice ont rendu le système impopulaire, la profession réclamant une véritable rémunération. 4. Les devoirs de l avocat envers la partie adverse et envers les Confrères Le Règlement Intérieur National rappelle que l avocat doit se conformer aux exigences du procès équitable au sens de l article 6 de la Convention Européenne des Droits de l Homme. L avocat doit donc respecter les droits de la défense et le principe du contradictoire dont un des aspects essentiels est la faculté pour une partie de prendre connaissance de toutes pièces ou observations présentées au juge et de les discuter. 5. Les incompatibilités et la recherche de nouvelles activités Le régime des incompatibilités d exercice était avant la révolution française justifié par une conception de la profession qui constituait avec les juges la «noblesse de robe», ce qui explique la prohibition du salariat et des activités commerciales. Puis, les fondements des incompatibilités ont évolué pour se cristalliser autour des notions d indépendance et de désintéressement. Le désintéressement de l avocat l oblige à faire primer les intérêts de son client sur les siens. La notion d indépendance a été en dernier lieu précisée par l arrêt de la CJUE du 14 septembre 2010 dans l affaire AKZO NOBEL, et exclut toute subordination hiérarchique. A la suite du rapport Darrois, qui préconisait une réforme des incompatibilités commerciales afin d améliorer la compétitivité des avocats français et de renforcer leur présence au sein de l entreprise, le Conseil National des Barreaux a considéré que les textes relatifs aux incompatibilités d exercice devaient être réexaminés. De longue date, a été reconnue la possibilité pour l avocat d être arbitre ou médiateur. Plus récemment, l avocat a pu devenir séquestre de fonds ou de documents, lobbyiste ou fiduciaire (en pouvant constituer une fiducie à titre de garantie ou à des fins de gestion) voire mandataire en transactions immobilières ou encore mandataire d un sportif ou d un club sportif (avec une rémunération néanmoins plafonnée à 10% de la valeur du contrat). Néanmoins, un avocat ne peut toujours pas aujourd hui être mandataire social (gérant d une GmbH ou président d une AG) mais il peut être membre ou président du conseil de surveillance d une AG, ou membre de son conseil d administration s il n y a pas de conseil de surveillance. Un avocat peut être salarié d un autre avocat ou d une société d avocats. Seite 6 von 7
Enfin, un avocat membre du parlement ne peut plaider ou agir contre l état, des ministères ou des sociétés de l état. CONCLUSION : L adaptation de la déontologie de l avocat au monde dans lequel il intervient est constante et le rythme de l évolution semble même s accélérer. La seule certitude et que la très ancienne tradition des avocats doit être comprise comme une force dynamique et non statique. C est parce qu elle n a aucun caractère immuable qu on peut la faire prudemment évoluer sans la trahir. Seite 7 von 7