du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril e chambre Audience publique du 23 septembre 2009

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Transcription:

Tribunal administratif Numéro 25600 du rôle du Grand-Duché de Luxembourg Inscrit le 7 avril 2009 3 e chambre Audience publique du 23 septembre 2009 Recours formé par Monsieur..., contre une décision du ministre des Affaires étrangères et de l Immigration en matière de protection internationale JUGEMENT Vu la requête inscrite sous le numéro 25600 du rôle et déposée au greffe du tribunal administratif le 7 avril 2009 par Maître Alexandra Corre, avocat à la Cour, inscrite au tableau de l Ordre des avocats à Luxembourg, au nom de Monsieur..., né à Porto Novo (Bénin), de nationalité béninoise, demeurant actuellement L-, tendant à la réformation d une décision du ministre des Affaires étrangères et de l Immigration du 17 mars 2009 portant refus de sa demande en obtention d une protection internationale et à l annulation de l ordre de quitter le territoire inscrit dans la même décision Vu le mémoire en réponse du délégué du gouvernement déposé au greffe du tribunal administratif le 14 mai 2009 ; Vu les pièces versées en cause et notamment la décision critiquée ; Le juge-rapporteur entendu en son rapport, ainsi que Maître Alexandra Corré, et Madame le délégué du gouvernement Claudine Konsbrück en leurs plaidoiries respectives à l audience publique du 20 mai 2009 Le 15 septembre 2008, Monsieur... introduisit auprès du service compétent du ministère des Affaires étrangères et de l Immigration une demande de protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d asile et à des formes complémentaires de protection, ci-après dénommée la «loi du 5 mai 2006». Le même jour, il fut entendu par un agent du service de la police judiciaire, section police des étrangers et des jeux, de la police grand-ducale sur son identité et sur son itinéraire de voyage suivi pour venir au Grand-Duché de Luxembourg. En date du 29 septembre 2008, Monsieur... fut entendu par un agent du ministère des Affaires étrangères et de l Immigration sur sa situation et sur les motifs se trouvant à la base de sa demande de reconnaissance du statut de réfugié. 1

Par décision du 17 mars 2009, notifiée par lettre recommandée du 20 mars 2009, le ministre des Affaires étrangères et de l Immigration, désigné ci-après par «le ministre», informa l intéressé que sa demande en obtention d une protection internationale était rejetée. Cette décision est libellée comme suit : «J'ai l'honneur de me référer à votre demande en obtention d'une protection internationale au sens de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection que vous avez présentée auprès du service compétent du Ministère des Affaires étrangères et de l'immigration en date 15 septembre 2008. En mains le rapport du Service de Police Judiciaire du 15 septembre 2008 et [le] rapport d'entretien de l'agent du Ministère des Affaires étrangères et de l'immigration du 29 septembre 2008. Il ressort du rapport du Service de Police Judicaire que vous auriez quitté Cotonou/Bénin par bateau le 9 ou 10 septembre 2008 grâce au paiement de 400 000 francs CFA à un homme blanc au nom de, probablement technicien du bateau. Vous auriez été caché avec six autres béninois durant tout le voyage et ne pouvez pas donner d'indications quant au nom du bateau et quant au trajet entrepris. Après quatre jours,... vous aurait fait sortir du bateau et du port. Vous ignorez où vous auriez accosté. Par la suite,... vous aurait organisé une voiture qui vous aurait emmené au Luxembourg. Le dépôt de votre demande de protection internationale date du 15 septembre 2008. Vous ne présentez aucune pièce d'identité ou un autre document. Il résulte de vos déclarations que vous seriez de confession musulmane et que votre copine pratiquerait le vaudou. Vos oncles et vos tantes auraient vu cette relation d'un mauvais oeil et auraient commencé à vous menacer. Vous auriez alors décidé de quitter le domicile de votre oncle où vous auriez vécu et de vous installer chez votre copine à Atchoukpa en début de l'année 2008. Le lendemain de votre déménagement vous auriez été poignardé dans le dos par votre oncle... Vous n'auriez pas porté plainte, étant donné qu'il n'y aurait pas de poste de police à Atchoukpa. Vous auriez quitté le domicile de votre copine et après avoir trouvé refuge pendant une semaine dans une église à Atchoukpa, vous vous seriez installé avec votre copine à Avrankou. Début septembre 2008 elle serait décédée à la suite de complications durant sa grossesse. Ses parents vous auraient accusé de l'avoir tuée. Pendant quelques nuits vous auriez rêvé que les «revenants» vous auraient pourchassé, ce qui signifierait que vous alliez mourir. Vous seriez menacé en rêve par les parents de votre copine et vous auriez peur de vous faire tuer par eux par de la sorcellerie. Menacé par votre famille et celle de votre copine vous auriez quitté votre village. Après 6 mois de résidence à Cotonou, vous auriez décidé de partir du Bénin. Enfin, vous ne faites pas état d'autres problèmes et vous ne seriez également pas membre d'un parti politique. La reconnaissance du statut de réfugié n'est pas uniquement conditionnée par la situation générale du pays d'origine, mais aussi et surtout par la situation particulière du demandeur d'asile qui doit établir, concrètement, que sa situation individuelle est telle 2

qu'elle laisse supposer une crainte fondée de persécution au sens de la Convention de Genève. Il y a tout d'abord lieu de soulever que votre récit contient quelques contradictions et incohérences. En ce qui concerne la date de votre départ du Bénin vous avez indiqué à la Police Judicaire être parti le 9 ou 10 septembre 2008, en entretien vous dites être parti le 5 septembre 2008, puis plus tard cela aurait été le 7 septembre 2008. Auprès de la Police Judiciaire votre voyage jusqu'en Europe aurait duré 4 jours, en entretien 8 à 9 jours. Vous avez dans un premier temps déclaré avoir été pour la dernière fois dans votre village Atchoukpa le 29 août 2008, puis vous dites avoir quitté Atchoukpa le 5 septembre 2008 et ne plus y être retourné parce que vous y auriez été menacé. Puis, vous revenez sur vos déclarations pour dire que vous seriez quand même retourné à Atchoukpa pour quelques minutes pour demander un renseignement. Invoquons également que vous auriez payé 400 000 francs CFA, correspondant à environ 610 euros pour votre voyage en Europe, ce qui n'est pas un prix important et inusuel pour un tel trajet. Quoi qu'il en soit, même en faisant abstraction de ces quelques constatations, force est de constater que les faits soulevés ne sauraient, en eux-mêmes, constituer un motif justifiant la reconnaissance du statut de réfugié, puisqu ils ne peuvent, à eux seuls, constituer une crainte fondée d'être persécuté dans votre pays d origine du fait de votre race, de votre religion, de votre nationalité, de votre appartenance à un groupe social ou de vos convictions politiques ainsi que le prévoit l article 1 er, section 1, 2 de la Convention de Genève ainsi que les articles 31 et 32 de la loi du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. Le fait que des membres de votre famille se seraient opposés à votre relation avec une fille ne saurait être considéré comme un acte de persécution au sens des prédits textes. Il en va de même du fait que votre oncle vous aurait poignardé, ce fait devant être considéré comme un délit de droit commun. A cela s'ajoute que ces personnes ne sauraient être considérées comme agents de persécution au sens de la Convention de Genève et de la prédite loi. En effet, les acteurs non étatiques ne sauraient être considérés comme acteurs de persécution que lors que l'etat ou des partis ou organisation qui contrôlent l'etat ou une partie importante du territoire de celui-ci ne peuvent ou ne veulent pas accorder une protection contre des persécutions ou atteintes graves. Il ressort de votre dossier qu après l agression de votre oncle vous n'auriez pas porté plainte contre lui auprès de la police. Vous dites qu'il n'y aurait pas de poste de police dans le village, à Atchoukpa. S'il est peut être vrai qu'il n'y ait pas de poste de police à Atchoukpa, ce village est pourtant situé pas loin de Porto Novo où des postes de police existent. Etant donné que vous n'auriez même pas essayé de solliciter la protection des autorités compétentes, il n'est pas établi qu'elles seraient dans l'incapacité ou auraient refusé de vous fournir une protection quelconque. Les membres de la famille de votre copine décédée ne sauraient également pas être considérés comme agents de persécution. A cela s'ajoute que vous ne faites pas véritablement état de problèmes avec eux, vous dites seulement être «menacé en rêve». Vous auriez peur d'être «tué par la sorcellerie». Or, des craintes purement hypothétiques qui ne sont basées sur aucun fait réel ou probable ne constituent certainement pas des motifs visés par la Convention de Genève et la prédite loi du 5 mai 3

2006. Les craintes que vous exprimez s'analysent donc en l'expression d'un simple sentiment général d'insécurité. A cela s'ajoute que vous dites avoir séjourné à Cotonou pendant 6 mois sans y faire état de problèmes quelconques. Force est donc de constater que vous avez pu y bénéficier d'une fuite interne conformément à l'article 30 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. Ainsi, vous n'alléguez aucune crainte raisonnable de persécution susceptible de rendre votre vie intolérable dans votre pays. Une crainte fondée de persécution en raison d'opinions politiques, de la race, de la religion, de la nationalité ou de l'appartenance à un groupe social n'est par conséquent pas établie. En outre, votre récit ne contient pas de motifs sérieux et avérés permettant de croire que vous courez un risque réel de subir les atteintes graves définies à l'article 37 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. En effet, les faits invoqués à l'appui de votre demande ne nous permettent pas d'établir que a) vous craignez de vous voir infliger la peine de mort ou de vous faire exécuter, b) vous risquez de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants, c) vous êtes susceptible de faire l'objet de menaces graves et individuelles contre votre vie en raison d'une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. En effet, vous ne faites pas état d'un jugement ou d'un risque de jugement vous condamnant à la peine de mort. Même si la peine de mort existe encore au Bénin, la dernière exécution a lieu en 1993 et le gouvernement béninois est en faveur de son abolition. Vous ne faites également pas état de risques concrets et probables de subir des actes de torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour au Bénin ou de risques émanant d'une violence aveugle résultant d'un conflit armé interne ou international. Votre demande en obtention d'une protection internationale est dès lors refusée comme non fondée au sens de l'article 19 1 de la loi modifiée du 5 mai 2006 relative au droit d'asile et à des formes complémentaires de protection. La présente décision vaut ordre de quitter le territoire». Par requête déposée le 7 avril 2009, au greffe du tribunal administratif, Monsieur... a fait introduire un recours tendant à la réformation de la décision ministérielle précitée du 17 mars 2009 par laquelle il s est vu refuser la reconnaissance d une protection internationale et à l annulation de l ordre de quitter le territoire, contenu dans la même décision. 1. Quant au recours tendant à la réformation de la décision portant refus d une protection internationale Etant donné que l article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en réformation en matière de demandes de protection internationale déclarées non fondées, 4

une demande en réformation a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle déférée. Le recours en réformation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. A l appui de sa demande, le demandeur de nationalité béninoise explique être de confession musulmane et avoir fréquenté une fille qui pratiquait le vaudou, culte, qui serait particulièrement mal accepté au Bénin et même associé à une croyance diabolique et malfaisante. Ainsi, le demandeur aurait été chassé de son domicile et poignardé par son oncle. Par la suite sa copine serait décédée des suites d une grossesse difficile et la famille de sa copine l aurait accusé d avoir tué sa copine. Il estime donc avoir fait l objet de persécutions tant par les membres de sa propre famille que par ceux de la famille de son amie. De plus, la crainte d être persécuté par voie de sorcellerie par des membres de sa famille constituerait pour des raisons culturelles une crainte de persécution du fait de la race, de la religion, de la nationalité, de l appartenance à un groupe social ou des opinions politiques. Le délégué du gouvernement soutient que le ministre aurait fait une saine appréciation de la situation du demandeur et que son recours laisserait d être fondé. Il explique en se référant au «US Department of State International Religious Freedom Report 2008» sur le Bénin, que le culte du vaudou ne serait pas intoléré au Bénin mais qu il serait au contraire pratiqué par de nombreux béninois. Il conclut que le fait que les membres de la famille du demandeur n auraient pas apprécié sa relation avec une fille pratiquant le vaudou relèverait du niveau purement privé et ne saurait être considéré comme persécution au sens de la loi du 5 mai 2006. D ailleurs, les membres de la famille du demandeur ou ceux de la famille de sa copine ne sauraient constituer des agents de persécution au sens de la loi du 5 mai 2006. De plus le demandeur ne se serait même pas adressé à une autorité étatique pour se plaindre des actes de son oncle. Le délégué du gouvernement estime encore que le ministre aurait à juste titre soulevé des doutes quant à la crédibilité des faits allégués par le demandeur. Enfin, il soutient que le demandeur aurait pu profiter de la possibilité d une fuite interne conformément à l article 30 de la loi du 5 mai 2006. Aux termes de l article 2 a) de la loi du 5 mai 2006, la notion de «protection internationale» se définit comme correspondant au statut de réfugié et au statut conféré par la protection subsidiaire. La notion de «réfugié» est définie par l article 2 c) de ladite loi comme étant «tout ressortissant d un pays tiers qui, parce qu il craint avec raison d être persécuté du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social, se trouve hors du pays dont il a la nationalité et qui ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut se réclamer de la protection de ce pays ou tout apatride qui, se trouvant pour les raisons susmentionnées hors du pays dans lequel il 5

avait sa résidence habituelle, ne peut ou, du fait de cette crainte, ne veut y retourner ( )». En l espèce, l examen des déclarations faites par le demandeur lors de son audition, ensemble les moyens et arguments apportés au cours de la procédure contentieuse et les pièces produites en cause, amène le tribunal à conclure qu il reste en défaut de faire état et d établir à suffisance de droit des raisons personnelles de nature à justifier dans son chef une crainte actuelle justifiée de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l article 2 c) de la loi du 5 mai 2006. Une crainte de persécution au sens de l article 2 c) de la loi du 5 mai 2006, doit reposer nécessairement sur des éléments suffisants desquels il se dégage que, considéré individuellement et concrètement, le demandeur de protection internationale risque de subir des persécutions. Or, force est de constater que l existence de pareils éléments ne se dégage pas des éléments d appréciation soumis au tribunal. Ainsi, le demandeur soutient être persécuté par ses oncles et tantes en raison de sa relation avec une fille pratiquant le vaudou, culte qui serait particulièrement mal accepté au Bénin et même associé à une croyance diabolique et malfaisante. Or, il y a lieu de constater qu il ressort du «International Freedom Report 2008» relatif au Bénin, dressé par le «US Department of State», invoqué en cause par le délégué du gouvernement et non contesté par le demandeur que 17% de la population béninoise pratiquent le vaudou et que «many individuals who identify themselves as Christian or Muslim also practice Voodoo or other traditionnal local religions». Selon le même rapport : «The Constitution provides for freedom of religion, and other laws and policies contributed to the generally free practice of religion. The law at all levels protects this right in full against abuse, either by governmental or private actors. ( ) There were no reports of societal abuses or discrimination based on religious affiliation, belief, or practice, and prominent societal leaders took positive steps to promote religious freedom». Partant, contrairement aux affirmations du demandeur, il se dégage du rapport précité que le culte du vaudou n est pas mal accepté au Bénin et que les personnes pratiquant le vaudou ne font pas de manière générale l objet de persécutions de la part d autorités gouvernementales ou de personnes privées. Force est dès lors au tribunal de constater que si l oncle du demandeur l a frappé en raison de sa relation avec une jeune fille cet acte n était pas motivé par des considérations générales de nature religieuses, mais par des considérations d un ordre privé et familial. Ainsi, la crainte exprimée par le demandeur est provoquée par des considérations d un ordre purement privé et familial et ne constitue pas une crainte de persécution du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un certain groupe social au sens de l article 2 c) de la loi relative au droit d asile précité. 6

Par ailleurs, le demandeur fonde les craintes de persécution qu il invoque de la part des membres de la famille de sa copine, de manière vague et non circonstanciée, sur un rêve qu il aurait fait trois nuits de suite. Il explique avoir rêvé à trois reprises que «les revenants [le] pourchassent» et il soutient que si ce rêve se répétait durant une semaine la personne concernée décèderait. Or, à part ces affirmations non autrement étayées, aucun élément tangible du dossier ne permet d établir concrètement et de façon probable qu il serait actuellement recherché ou persécuté dans son pays d origine par les membres de la famille de sa copine. Il s ensuit que les craintes énoncées, d être persécuté par les membres de la famille de sa copine, sont à considérer comme purement hypothétiques. Or, de simples craintes hypothétiques ne sauraient justifier l obtention du statut de réfugié au sens de la loi du 5 mai 2006. Il suit de l ensemble des éléments qui précèdent que le demandeur n a pas fait état d une persécution ou d une crainte fondée de persécution susceptible de justifier la reconnaissance du statut de réfugié dans son chef. Quant au volet de la décision déférée, portant refus d accorder au demandeur le bénéfice de la protection subsidiaire, il y a lieu de rappeler qu aux termes de l article 2, e) de la loi du 5 mai 2006, est une «personne pouvant bénéficier de la protection subsidiaire», «tout ressortissant d un pays tiers ou tout apatride qui ne peut être considéré comme un réfugié, mais pour lequel il y a des motifs sérieux et avérés de croire que la personne concernée, si elle était renvoyée dans son pays d origine ou, dans le cas d un apatride, dans le pays dans lequel il avait sa résidence habituelle, courrait un risque réel de subir les atteintes graves définies à l article 37, l article 39, paragraphes (1) et (2), n étant pas applicable à cette personne, et cette personne ne pouvant pas ou, compte tenu de ce risque, n étant pas disposée à se prévaloir de la protection de ce pays». L article 37 de la loi du 5 mai 2006 définit comme atteintes graves : «a) la peine de mort ou l exécution ; ou b) la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d origine; ou c) des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d un civil en raison d une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international». Force est de constater que le demandeur n a pas attaqué ce volet de la décision par des moyens spécifiques mais qu il se réfère aux faits et moyens soulevés à l appui de sa demande en reconnaissance de statut de réfugié. Il n établit ni qu il risquerait la peine de mort ou l exécution, ni qu il risquerait d être soumis à la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants en cas de retour dans son pays d origine. Il n est par ailleurs pas établi que le demandeur risquerait de faire l objet de menaces graves et individuelles contre sa vie en sa qualité de 7

personne civile en raison d une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international. Au vu de cette conclusion et en l absence d autres éléments, c est à juste titre que le ministre a retenu que le demandeur n a pas fait état de motifs sérieux et avérés permettant de croire qu il encourrait le risque de subir des atteintes graves au sens de l article 37 de la loi du 5 mai 2006 et qu il lui a partant refusé l octroi d une protection subsidiaire au sens de l article 2 e) de la loi du 5 mai 2006. Il se dégage de l ensemble des considérations qui précèdent que c est à bon droit que le ministre a, au terme de l analyse de la situation du demandeur, déclaré la demande de protection internationale sous analyse comme non justifiée et que le recours en réformation est à rejeter comme étant non fondé. 2. Quant au recours tendant à l annulation de l ordre de quitter le territoire Etant donné que l article 19 (3) de la loi du 5 mai 2006 prévoit un recours en annulation contre l ordre de quitter le territoire, une requête sollicitant l annulation de pareil ordre contenu dans la décision déférée a valablement pu être dirigée contre la décision ministérielle attaquée. Le recours en annulation ayant par ailleurs été introduit dans les formes et délai de la loi, il est recevable. Aux termes de l article 19 (1) de la loi du 5 mai 2006, une décision négative du ministre en matière de protection internationale vaut ordre de quitter le territoire. Le demandeur soutient en premier lieu que si la décision de refus d octroi du statut de protection internationale encourt la réformation, il faudrait forcément annuler l ordre de quitter contenu dans cette même décision. A titre subsidiaire, dans l hypothèse où le tribunal ne ferait pas droit au recours en réformation, il fait valoir que l ordre de quitter serait quand même à annuler, au motif qu un retour dans son pays d origine ne serait pas envisageable sauf à mettre sa vie en péril. Ainsi, l ordre de quitter le territoire violerait les articles 2 et 5 de la Convention européenne des droits de l Homme. Quant à la violation alléguée de l article 2 de la Convention européenne des droits de l Homme, ayant trait au droit à la vie, force est au tribunal de constater qu il vient de retenir que le demandeur n a pas fait état d un risque réel de subir des atteintes graves telles que définies à l article 37 de la loi du 5 mai 2006, à savoir, la peine de mort ou l exécution, la torture ou des traitements ou sanctions inhumains ou dégradants infligés à un demandeur dans son pays d origine ou des menaces graves et individuelles contre la vie ou la personne d un civil en raison d une violence aveugle en cas de conflit armé interne ou international, en cas de retour dans son pays d origine, de sorte que la décision déférée ne peut pas être considérée comme contraire à l article 2 de la Convention européenne des droits de l Homme. 8

Quant à la violation alléguée de l article 5 de la Convention européenne des droits de l Homme, force est au tribunal de constater que ledit article intitulé : «droit à la liberté et à la sûreté», a trait aux mesures de privation de liberté. Or, en l espèce, le demandeur n a à aucun moment fait état d un risque de privation de liberté en cas de retour dans son pays d origine, de sorte que l article 5 de la Convention européenne des droits de l Homme ne trouve pas application en l espèce. Eu égard à l ensemble des considérations qui précèdent, le recours en annulation est à rejeter pour ne pas être fondé. Par ces motifs, le tribunal administratif, troisième chambre, statuant contradictoirement ; reçoit en la forme le recours en réformation introduit contre la décision portant refus d une protection internationale ; au fond, le déclare non justifié et en déboute ; reçoit en la forme le recours en annulation introduit contre l ordre de quitter le territoire contenu dans la même décision ; au fond, le déclare non justifié et en déboute ; condamne le demandeur aux frais. Ainsi jugé par : Catherine Thomé, premier juge, Claude Fellens, juge, Françoise Eberhard, juge, et lu à l audience publique du 23 septembre 2009 par le premier juge, en présence du greffier Judith Tagliaferri. s. Judith Tagliaferri s. Catherine Thomé Reproduction certifiée conforme à l original Luxembourg, le 23.9.2009 Le Greffier du Tribunal administratif 9