Le développement des capacités pour la promotion de l égalité entre les sexes, dans l optique de l efficacité de l aide



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Transcription:

Le développement des capacités pour la promotion de l égalité entre les sexes, dans l optique de l efficacité de l aide Enseignements dégagés des consultations sous-régionales en Afrique Document de réflexion d UNIFEM Septembre 2007

Introduction Après l adoption, en 2005, de la Déclaration de Paris sur l efficacité de l aide, les discussions sur le financement du développement et sur l efficacité de l aide ont amené à reconnaître plus largement combien il importait d intégrer l égalité des sexes dans les cycles de planification et de programmation du développement national. Cela a amené à reconnaître plus largement que les gouvernements et les défenseurs du principe de l égalité entre les sexes devaient augmenter leur capacité de préconiser et d intégrer avec succès les objectifs et les priorités en matière d égalité entre les sexes dans les plans nationaux et d allouer à leur réalisation des ressources suffisantes. À ce jour, rares sont les plans de développement qui comportent de façon appréciable des éléments relatifs à l égalité entre les sexes, tandis que les plans d action pour l égalité entre les sexes sont peu ou pas du tout reliés aux stratégies de développement national. Si les plans de développement font à l occasion référence à des plans d action nationaux pour l égalité entre les sexes, ces liens tendent à être très fragiles. Ces lacunes sont devenues particulièrement évidentes dans le nouvel environnement de l aide, étant donné que les plans de développement national sont de plus en plus amenés à définir les priorités de l allocation de dépenses publiques, notamment de l aide publique au développement consacrée au soutien budgétaire direct ou aux approches sectorielles. Ces problèmes sont apparus à la faveur d une série de consultations régionales et sous-régionales en Afrique sur l égalité entre les sexes et l efficacité de l aide. Tenues au Burundi en juillet 2006, à Djibouti en novembre 2006, au Ghana en novembre 2006 et en Zambie en juillet 2007, ces consultations ont rassemblé des représentants des gouvernements, des donateurs partenaires et de la société civile qui ont partagé leurs données d expérience et étudié les stratégies de promotion de l égalité entre les sexes dans le nouvel environnement de l aide. Les participants ont bien montré le manque de capacité des défenseurs de l égalité entre les sexes, qui parviennent mal à se situer par rapport aux nouvelles modalités de l aide et au processus de planification de l aide d une part, et d autre part la difficulté à laquelle sont confrontés les responsables du financement et de la planification pour intégrer efficacement les implications, sur l égalité entre les sexes, des nouvelles modalités de l aide dans la formulation des politiques. Tirant parti de ces expériences et de ces aperçus, le présent document expose une stratégie de développement des capacités qui devrait, dans le nouvel agenda de l aide, faire avancer les questions de l efficacité du développement et de l égalité entre les sexes 1. La demande de développement des capacités pour l égalité entre les sexes Le développement des capacités, pour réaliser ces objectifs, va au-delà de la formation. Il aborde le moyen d intégrer systématiquement les sexospécificités dans le travail des ministères des finances et du plan, ou de la formation des défenseurs de l égalité entre les sexes, ainsi que le moyen de formuler des politiques macroéconomiques attentives à la question. Le PNUD définit le développement des capacités comme une démarche systématique pour engendrer un processus par lequel on obtient, on renforce, on adapte et on maintient les aptitudes à formuler des objectifs, à accomplir des fonctions et à atteindre des buts 2. S agissant des nouvelles modalités de l aide, cette démarche doit également inclure la capacité de comprendre et de lier les politiques mondiales aux mécanismes de mise en œuvre établis par la communauté des donateurs et les dimensions sexospécifiques de ces politiques et mécanismes. Les défenseurs de l égalité entre les sexes ont démontré que l aptitude à appliquer l analyse sexospécifique doit devenir une compétence essentielle de ceux qui définissent les politiques afin que l égalité entre les sexes figure en première ligne dans les interventions de développement 3. Les consultations et les discussions sur les nouvelles modalités de l aide ont bien montré qu il existait des relations de pouvoir inégales et des structures hiérarchiques de gouvernement qui limitent la marge de manœuvre des défenseurs de l égalité entre les sexes et s opposent aux progrès de l intégration de 2

l égalité entre les sexes dans la confection des politiques nationales. Lors des consultations tenues au Burundi l an dernier, les participants ont soulevé la question de l étroitesse de la marge de manœuvre de négociation dans la mise en œuvre du soutien budgétaire direct, car ce soutien était géré par les pays donateurs et par le ministère des finances du pays. Les participants ouest-africains aux consultations tenues au Ghana ont soulevé la question de la nécessité de créer des capacités pour un dialogue sur les politiques et pour des négociations et un transfert de capacités dans l appareil gouvernemental, entre ONG, ONU et donateurs sur la question de l égalité entre les sexes et les nouvelles modalités de l aide. Un ensemble plus spécifique de capacités a été évoqué dans les consultations de Djibouti, où les participants ont bien montré qu il fallait développer les capacités permettant de définir des budgets attentifs à l égalité entre les sexes qui puissent être appliqués à des sources nationales et extérieures de financement. Ces demandes sont bien reprises dans un appel à renforcer le développement des capacités des organisations c est-à-dire des administrations, des mécanismes de défense de la condition féminine et des associations féminines d analyser, de préconiser et de participer activement à la Déclaration de Paris sur l efficacité de l aide. Cet appel au développement des capacités est conçu en particulier pour garantir que l égalité entre les sexes soit bien prise en compte dans l application des cinq principes d efficacité de l aide mentionnés dans la Déclaration de Paris : appropriation, alignement, harmonisation, gestion axée sur les résultats et responsabilité mutuelle (voir encadré 1). Dans le cadre des réunions régionales de consultation, un document de référence 4 a recensé un certain nombre de capacités qu il fallait renforcer dans les pays de la région : Les ministères des finances et du plan doivent se doter d équipes techniques assez formées pour établir un budget qui tienne compte de l égalité entre les sexes. La capacité des interlocuteurs de l égalité entre les sexes, des ministères techniques de coordonner cet exercice de budgétisation avec leurs homologues des ministères des finances et du plan et avec les mécanismes nationaux de promotion de la condition de la femme doit également être renforcée. Les mécanismes nationaux de promotion de la condition de la femme devraient améliorer leur capacité de participer effectivement à la planification nationale, de suivre la mise en oeuvre et de promouvoir des mécanismes de responsabilisation pour l égalité entre les sexes. Les associations féminines et les défenseurs de l égalité entre les sexes doivent mieux compren- Encadré 1. La Déclaration de Paris : cinq principes pour promouvoir l efficacité de l aide L appropriation, qui engage les pays en développement à assumer la direction de l application de stratégies de développement définies par eux et à assurer une définition sans exclusive des priorités; L alignement, qui engage les donateurs à soutenir les stratégies de développement nationales; L harmonisation, qui engage les donateurs à harmoniser l aide sur la base des priorités des pays; La gestion axée sur les résultats, qui engage les pays donateurs et les pays partenaires à viser les résultats; Redevabilité, qui engage donateurs et partenaires à mesurer la performance de l aide par des systèmes, des procédures et capacités précis. 3

dre les processus de planification et de budgétisation de leur pays pour participer effectivement aux nouvelles modalités de l aide et aux nouveaux processus de planification de l aide. La durabilité des nouvelles capacités doit être sauvegardée par de larges partenariats et par des réunions de parties prenantes chargées de déterminer les priorités des politiques, les stratégies de mise en œuvre et les mécanismes de responsabilisation. Les partenaires donateurs peuvent jouer à cet égard un rôle de facilitation en permettant aux pays de prendre le contrôle de l utilisation de l aide et de suivre l accomplissement des engagements souscrits. Ces demandes de capacités doivent être perçues comme une pratique de bonne gouvernance de nature à promouvoir l égalité entre les sexes. Même quand les capacités sont développées, les structures de gouvernement doivent prévoir des incitations pour assurer que ces capacités se traduisent bien en résultats, ce qui à son tour devrait améliorer l égalité entre les sexes et l efficacité du développement. Les efforts déployés pour satisfaire ces demandes se sont intensifiés ces dernières années comme le montre l expérience des pays africains à cet égard. Appropriation : développer la capacité de faire participer les femmes Le problème, pour ce qui est de développer les capacités des parties prenantes intervenant dans la planification du développement national, est de dégager un consensus sur les priorités en matière d égalité entre les sexes. Le succès exige que l on mobilise les parties prenantes, que l on facilite des partenariats, que l on gère la concertation entre les divers groupes, que l on arbitre entre des intérêts divergents et que l on établisse un mécanisme de collaboration. Chacun de ces processus suppose certaines attentes en matière de rôles sexospécifiques et de rapports de force que le développement des capacités doit prendre en compte pour que tous soient concernés par cette participation. Il est important de ne laisser personne de côté pour que les priorités contenues dans les plans de développement national soient bien le choix de tous. L expérience de chaque pays dans l établissement de documents de stratégie pour la réduction de la pauvreté (DSRP) ou d autres instruments de planification nationale ont dégagé d importants enseignements quant aux principes d appropriation consignés dans la Déclaration de Paris. Dans le cadre de la planification, les consultations entre administration, associations féminines et organisations de la société civile et avec les partenaires de développement sont une filière essentielle pour le développement des capacités de façon à obtenir le concours actif de toutes les parties prenantes. L étendue et la qualité de cette participation à ces consultations détermineront la crédibilité de l appropriation. La qualité de cette participation des parties prenantes, en particulier des associations féminines, dépend essentiellement de la façon dont elles auront été préparées à participer à la planification nationale. On peut citer, en exemple de l intérêt qu il y a à investir dans des stratégies visant à assurer une participation informée de toutes les parties prenantes, l initiative commune d UNIFEM et de l Autorité intergouvernementale pour le développement (IGAD) qui vise à inclure les femmes dans les processus de paix en cours au Soudan et en Somalie 5. L initiative a permis non seulement d assurer la participation des femmes à la planification nationale au Soudan et l inclusion des Somaliennes à la table de négociation, mais elle a également préparé les femmes à de telles entreprises, ce qui s est traduit par l inclusion, dans l accord de paix global au Soudan et dans la charte fédérale de transition en Somalie, des engagements pris en faveur de l émancipation économique et des droits des femmes. Gestion axée sur les résultats : développer des capacités de budgétisation soucieuse de la parité Le développement des capacités pour la budgétisation non sexiste peut être accompli à divers niveaux d administration, depuis le Ministère des finances jusqu aux autorités locales. Alors que beaucoup de pays se sont engagés dans la voie de la budgétisation non sexiste, il semble que ces principes soient 4

Encadré 2. Soutien technique apporté aux femmes pour qu elles participent à une évaluation des besoins après un conflit En Somalie, l évaluation commune des besoins, qui est une procédure de planification après le conflit, a comporté la préparation d une analyse de situation reposant sur le travail accompli sur place avec des administrations et des acteurs de la société civile somalienne, des spécialistes venant de la diaspora somalienne et des partenaires internationaux fournissant une aide multilatérale et bilatérale, ainsi que des organisations non gouvernementales. Le cadre commun a été présenté autour de huit thèmes (développement institutionnel, respect de la légalité, politique économique, secteurs productifs, services sociaux de base, équipements, moyens d existence et protection sociale, et information et presse), avec en plus les thèmes latéraux de l environnement, de la prévention des conflits, de la lutte contre le VIH et le sida et de l égalité entre les sexes. L évaluation des besoins a donné aux Somaliennes et aux Soudanaises la possibilité de préparer l inclusion effective et la participation réelle des femmes à la planification du développement, notamment dans l optique du choix des priorités, de la mise en œuvre, de la gestion et du contrôle de l égalité entre les sexes et du respect des droits des femmes, parce que la formation pratique, les ressources et la marge de manœuvre ont bien été fournies par le canal de l aide de l IGAD et d UNIFEM. Dans le cas de la Somalie, les spécialistes qui ont participé à l évaluation commune des besoins ont exigé l inclusion des priorités définies par les femmes dans une matrice de résultats, dont elles ont exigé que leur exécution soit financée. L IGAD et UNIFEM ont également mobilisé les Soudanaises pour qu elles participent en qualité de déléguées officielles à la conférence des donateurs tenue à Oslo en 2005 sur les modalités de financement du relèvement et de la reconstruction du Soudan après le conflit. Les déléguées ont recommandé que 80 % des fonds réunis dans le Fonds d affectation spéciale pluridonateurs soient consacrés à l aide apportée à la petite fille, à l émancipation des femmes, aux droits de l homme et à l amélioration des capacités des femmes de trouver un emploi et d avoir accès aux ressources. Bien que les difficultés politiques actuelles soient contraires à la mise en œuvre d un grand nombre de ces initiatives essentielles, ces deux pays offrent d utiles leçons stratégiques pour le travail de réalisation de l égalité entre les sexes, qui s applique aussi à l ensemble des processus de planification du développement. encore peu appliqués aux nouvelles modalités de l aide. L atelier régional pour l Afrique australe, tenu en Zambie, a recommandé que les priorités en matière d égalité entre les sexes soient incorporées dès les premières phases de l établissement des cadres de dépenses à moyen terme, processus budgétaire qui s étend sur trois ans, de façon à ce que des ressources adéquates soient prévues. On a fait observer que les processus consultatifs sont authentiques quand les priorités nationales sont bien représentatives des priorités des femmes et des hommes pauvres, par la préparation de budgets non sexistes et favorables aux pauvres, et leur alignement sur les instruments de planification qui définissent les priorités en matière d égalité entre les sexes et de réduction de la pauvreté. Des exemples de DSRP qui sont parvenus à assurer cet alignement des politiques et des dépenses, pour remédier aux inégalités entre les sexes, sont ceux de l Éthiopie, du Rwanda et de la Zambie 6. Le développement des capacités pour l établissement et la gestion du budget est également utile dans le contexte de la décentralisation, où les décisions sur les besoins locaux sont confiées à des organes locaux. Les associations 5

féminines en particulier doivent s étoffer pour pouvoir influencer les politiques choisies et l allocation et l évaluation du budget. Bien que les femmes soient sans doute moins au fait des processus de confection des politiques, il importe que leurs perspectives et leurs priorités soient bien entendues par les responsables du choix des politiques. Dans beaucoup de cas, la représentation des femmes dans les conseils locaux et autres organes locaux est garantie par des quotas, ce qui accroît leur participation. Par exemple : En Ouganda, la décentralisation a eu pour effet d attribuer 37 % des fonds publics à des fonds de développement communautaires, par le canal des administrations locales, en vue de dépenses consacrées à améliorer le sort des pauvres. La participation des femmes est garantie par un quota de 18 % de femmes dans les conseils locaux. Les progrès vers l intégration des deux sexes permettent que dans certains districts la représentation des femmes dépasse 50 %. Au Mozambique, la décentralisation a progressé depuis 2006 grâce à l affectation d un budget public à tous les districts du pays, pour couvrir non seulement l augmentation des dépenses d équipement, mais aussi pour financer les activités des entrepreneurs locaux. La participation des femmes au plan de développement des districts a été définie par les décrets d application de la Loi sur les activités locales, qui fixe un quota d au moins 30 % de femmes dans les organes consultatifs locaux. Pour atteindre ce quota, des comités respectueux de la parité ont été créés au niveau des districts, avec à leur tête des dirigeantes d associations féminines ou des dirigeantes locales, afin de garantir la représentation des femmes et leur possibilité de s exprimer durant les consultations. Les consultations avec des spécialistes de la question de l égalité entre les sexes en vue de la décentralisation, dans une province donnée, indiquent que les projets examinés de près par les femmes et choisis comme prioritaires sont les premiers à être financés. Même là où il existe des quotas ou d autres mesures pour assurer la représentation équitable des femmes, il importe de reconnaître que la décentralisation a lieu dans beaucoup de collectivités locales encore fortement patriarcales, ce qui limite la capacité des femmes d exprimer leurs vues, de participer aux réunions publiques et d être en concurrence avec les hommes dans la définition des priorités pour une allocation des ressources qui tienne compte de la parité. Alors que les travaux effectués par UNIFEM et par d autres organismes dans différents contextes ont montré qu il était possible d émanciper les femmes dans un environnement aussi limitatif, il s agit bien d un processus à long terme. Enfin, il importe aussi d insister pour que les gouvernements considèrent comme prioritaire la sensibilisation à la question de l égalité entre les sexes dans le contexte de la gestion financière, en particulier quand la gestion des fonds d aide est confiée à des consultants ou à des bureaux d audit. Dans certains pays, ce recours à des cabinets d audit a soulevé de nouvelles difficultés pour ce qui est de l action menée en faveur de l égalité entre les sexes, car la gestion axée sur les résultats, dans ces établissements, vise surtout les procédures plutôt que l impact sur le terrain. De tels cabinets d audit tendent à mal connaître les problèmes de développement et encore moins la question des relations entre les sexes, ce qui fait qu il est important que les gouvernements soutiennent aussi le développement des capacités, pour que les procédures institutionnelles concernant par exemple les marchés publics ou l administration des finances publiques respectent bien la parité. En outre, les termes de partenariats ne sont pas conçus pour tenir compte de la relation entre les administrations nationales et ces entreprises de gestion financière. L apport d aide, par le canal de ces cabinets, est généralement basé sur des processus, comporte de nombreux mécanismes de négociation, des réunions, des étapes multiples et détaillées pour l accès aux fonds, ce qui signifie que les initiatives de développement mettent souvent très longtemps à commencer à se concrétiser et que les calendriers budgétaires ne sont pas respectés. Les cabinets de gestion financière font porter 6

leur travail sur l efficacité administrative de l aide, cherchent à répondre aux besoins des donateurs, à un moment où la gestion axée sur les résultats devrait au contraire privilégier l impact effectif de l aide sur le développement, seul véritable mesure de l efficacité de l aide 7. Redevabilité: développer les capacités de suivre et d évaluer l égalité entre les sexes Le suivi et l évaluation permettent de produire l information dont les dirigeants ont besoin pour concevoir et appliquer les plans et les programmes. Pour cette fonction, le développement des capacités inclut le suivi des progrès de la mise en œuvre, la mesure des résultats souhaités et l analyse des enseignements dégagés de l expérience. Quand l égalité entre les sexes est définie comme priorité mais que les plans ne prévoient aucun mécanisme de suivi et d évaluation, elle risque de ne pas être au rendez-vous. En l absence de suivi de progrès de l égalité entre les sexes, les dirigeants ne connaîtront pas les résultats de leurs plans et politiques, qui sont nécessaires pour assurer l efficacité des programmes dans l optique du développement. L expérience acquise par le Ghana dans l introduction dans la planification nationale de la problématique de l égalité entre les sexes montre combien il importe de s assurer du concours des défenseurs de cette égalité, dans l ensemble des opérations de planification 8. La planification du développement est dirigée par la Commission du développement national et par le Ministère des finances et du plan. Elle inclut malheureusement trop peu de femmes dans les structures dirigeantes comme dans les débats sur le financement, et ne fait pas intervenir le Ministère de la condition féminine et de l enfance. Le processus est en effet dominé par des économistes qui considèrent que la gestion financière, les marchés publics, la réforme du secteur public sont entièrement neutres du point de vue de l égalité entre les sexes, et n aperçoivent donc pas les conséquences de leurs décisions à cet égard. La Stratégie d aide commune au Ghana, sur laquelle le Gouvernement ghanéen et cinq partenaires de développement se sont mis d accord en 2005, vise à harmoniser et coordonner une aide au développement qui soit prévisible, sur une période de cinq ans pour réaliser les approches sectorielles et les programmes, et pour une période de trois ans de soutien budgétaire multidonateurs. Le Gouvernement ghanéen a également défini un mémorandum d accord avec les partenaires de développement pour appuyer le deuxième Plan de soutien budgétaire à la réduction de la pauvreté au Ghana. Un groupe de travail chargé de l harmonisation centrale a été constitué dans le but d élaborer un Plan d action pour l harmonisation et l efficacité de l aide, qui a été entériné par le gouvernement et par les donateurs et a commencé à prendre effet en 2006. Dans ce contexte, les femmes spécialistes du secteur social ont décidé de créer une Équipe de soutien à l émancipation des femmes, pour encourager l égalité entre les sexes dans les négociations sur le soutien budgétaire multidonateurs, en recommandant que le Ministère de la condition féminine et de l enfance participe aux délibérations. À ce jour, ce ministère a malheureusement eu peu de succès, ayant été relégué au statut d observateur. Il n a pas pu mettre en avant les questions d égalité entre les sexes et son succès est donc limité. Ainsi, les évaluateurs du succès du Soutien budgétaire multidonateurs passent sous silence la question de la problématique de la parité, alors qu à cet égard des objectifs bien précis figurent dans la stratégie commune d aide au Ghana et dans le deuxième plan de soutien budgétaire à la réduction de la pauvreté au Ghana. Alors que le Gouvernement ghanéen a nommé des spécialistes de la problématique de l égalité entre les sexes et des coordonnateurs dans divers ministères, leurs ressources sont insuffisantes et ne leur permettent pas d accomplir leur mandat. Il y a en outre un manque de coordination dans la diffusion de l information aux différents ministères, qui est encore compliqué par les différentes stratégies de coordination utilisées par les donateurs, de sorte que la volonté d appropriation commune est mise à mal. En outre, les donateurs appliquent des définitions et des démarches différentes à la problématique de l égalité entre les 7

sexes. De ce fait, la formule convenue pour aborder, dans l optique des résultats, la question de l égalité entre les sexes n est pas vraiment respectueuse de la parité. L Équipe de soutien à l émancipation des femmes saisit donc l occasion créée par l application de la Stratégie commune d aide au Ghana pour tenter d harmoniser l action des partenaires de développement sur le plan de l égalité entre les sexes. L Équipe collabore également avec la Banque africaine de développement et avec UNIFEM pour améliorer les compétences de suivi et d évaluation du Ministère de la condition féminine et de l enfance afin de combler les lacunes entre les plans, les objectifs et les indicateurs de performance. Observations finales Il existe bien un besoin de développement des capacités dans plusieurs domaines fonctionnels et non pas seulement sur le plan du suivi et de l évaluation, comme l indique l expérience du Ghana. Les approches par le développement des capacités présentent un potentiel considérable pour l égalité des sexes, en particulier dans des pays tels que le Ghana où il existe déjà une bonne base de collaboration entre les divers ministères. Les capacités fonctionnelles, alliées à des connaissances techniques, aideront beaucoup à améliorer l efficacité du développement et à réaliser l égalité entre les sexes. Le développement des capacités est une réponse aux besoins et aux exigences d augmentation des capacités des acteurs du développement. L égalité entre les sexes ne sera réalisée que si cette approche par le développement des capacités elle-même prête attention à ce qui est nécessaire pour atteindre un tel résultat. À cette fin, certaines des pratiques optimales mentionnées dans la présente étude mériteraient d être approfondies. Dans le nouveau climat de l aide, il faut, pour mettre sur pied des plans de développement respectueux de l égalité entre les sexes et réellement contrôlés par la nation, une démarche systématique de développement des capacités. Pour cela, l impulsion des équipes dirigeantes est essentielle. Notes 1 Deux documents sont à l origine du présent rapport : New Aid Modalities: Aid Effectiveness, Gender Equality and Women s Rights: Recommendations from an Experts Meeting, rapport présenté à UNIFEM en 2006, et Regional Workshop on the Paris Declaration on Aid Effectiveness and Gender Equality in Southern Africa: Final Conference Report, rapport présenté à UNIFEM en 2007. 2 Capacity Development Practice Note. New York, PNUD, 2007. 3 Voir par exemple Naila Kabeer, Gender Mainstreaming in Poverty Eradication and the Millennium Development Goals. Londres (R.-U.), Commonwealth Secretariat, 2003. 4 Jacinta K. Muteshi, Florence Ebam Etta et M.A. Ibraimo. Advancing Gender Equality for Aid Effectiveness: Experiences from Africa. Document de référence établi pour UNIFEM, janvier 2007. 5 Cette initiative n était pas conçue comme programme de développement des capacités, le thème ayant servi de cadre opérationnel, mais elle indique comment améliorer les résultats ou reproduire des projets réussis. 6 Muteshi et al. Advancing Gender Equality for Aid Effectiveness: Experiences from Africa. 7 Ibid. 8 Ibid. Fonds de développement des Nations Unies pour la femme 304 East 45th Street 15th Floor New York, NY 10017 Tel: +1.212.906.6400 Fax: +1.212.906.6705 www.unifem.org Pour tout complément d information : Barbara Adams, barbara.adams@unifem.org ou Marina Durano, marina.durano@unifem.org 8