Féminismes : les nouveaux défis Michèle Vianès



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Transcription:

Féminismes : les nouveaux défis Michèle Vianès La vie du futur être humain se développe dans le corps des femmes qui rend visible dans sa chair le mystère de la vie : tout être humain est venu au monde en passant par le sexe d une femme (L origine du monde de Courbet). Pour s opposer au «pouvoir exorbitant» des femmes (Françoise Héritier) de donner naissance aussi bien aux filles qu aux garçons, les hommes et les Etats ont mis en place tout un système social de possession et de surveillance des femmes : la fonction maternelle, pilier de la société et force des Etats. Mais avoir ou non des enfants est devenu un choix, le choix des femmes. C est une véritable révolution qui a donné aux femmes un nouveau «pouvoir exorbitant». Par la maitrise de leur désir d enfants, elles peuvent décider individuellement de ne pas avoir d enfants. Des hommes, des groupes humains et des Etats refusent cette toute puissance et tentent de la contrecarrer. Dans le même temps des recherches et découvertes scientifiques concernant la reproduction, envisagent des techniques qui permettraient le développement du fœtus en dehors du ventre maternel. Construction de la hiérarchie entre les hommes et les femmes Les hommes ont cherché à expliquer la création du monde, à proposer des réponses à la question fondamentale : Pourquoi les hommes doivent nécessairement passer par une femme pour se reproduire à l identique? Toutes les explications avancées montrent la nécessité de s approprier des femmes et de pouvoir les maintenir à disposition dans leur fonction de reproduction. En interprétant des faits biologiques ou pour justifier leur refus de maitriser leurs pulsions sexuelles, dans tous les continents, les hommes ont théologisé l infériorité des femmes, impures ou tentatrices. Dogons d Afrique, philosophes grecs, droit romain, bouddhisme, hindouisme, religions monothéistes, se rejoignent pour prétendre que la hiérarchie entre les hommes et les femmes est de l ordre d une Nature voulue et créée par les dieux. La mainmise sur la fécondité et la sexualité des femmes a été le moteur de l oppression. La domination du masculin sur le féminin s est traduite par l inégalité politique, sociale, culturelle entre les sexes. Maitrise par les femmes de leur désir d'enfant Le droit à la contraception «le grand levier historique de changement dans la vie et le statut des femmes et dans les représentations qui les concernent» (Françoise Héritier), ne plus avoir à se cantonner à la gestion du biologique permet aux femmes d accéder aux droits de personne autonome. Mais les stéréotypes persistent. Si tous les courants féministes affirment aujourd hui que les deux sexes sont dissemblables et égaux, une opposition fondamentale fracture le féminisme. Elle se cristallise dans les limites de la dissociation entre sexualité et procréation. Deux courants féministes s opposent : l un considère les 2 sexes différents et complémentaires, et ne recherche ni l imitation ni l assimilation à des modèles sexués. Il agit pour une égalité en droit et se bat pour rendre efficientes les lois votées. l autre, l utérocentrisme, veut combattre les différences de nature. Dépasser les données biologiques qui différencient les sexes, en particulier par l externalisation de la grossesse (ectogénèse), mettrait tout le monde à la même place. Le corps de la femme ne serait plus assimilé au «réceptacle» indispensable pour la maturation du futur être humain. La science permettra une gestation hors du corps maternel à des fins thérapeutiques, mais des personnes voudront recourir à ces méthodes pour donner la vie. Il s agit du développement du petit d humains et des représentations des genres masculin et féminin. N est-il pas indispensable de s interroger ensemble, hommes et femmes, sur ce nouveau défi afin que la conscience précède la science? 1

FEMINISMES : LES NOUVEAUX DEFIS Michèle Vianès, café philo, La Garde, 4 mai 2007 Tout individu est femme ou homme biologiquement. L espèce humaine revêt deux formes qui ne sont ni assimilables, ni réductibles l'une à l'autre. Pendant des siècles, les dissemblances sexuées se sont traduites par des rapports hiérarchiques contraires à l égalité en droit des individus. La domination du masculin sur le féminin s est traduite, entre autres, par l exclusion des femmes de la fonction de délibération au nom d autrui et pour les autres, donc de la politique et de la représentation de l universel. Ce qui distingue les sexes n a pas à se traduire en inégalité politique, sociale, culturelle. Les deux sexes sont dissemblables et égaux. Malgré l égalité de principe devant la loi, l égalité entre les femmes et les hommes n est pas une réalité en 2007. Ni en France, ni d ailleurs dans les autres États membres de l Union Européenne. N examinons pas le reste du monde! Concernant l accès aux revenus, aux droits et aux pouvoirs, l inégalité se fait sentir à tous les niveaux et dans tous les groupes sociaux. Toutes les inégalités viennent du fait que les différences sont considérées comme des signes d infériorité. Nous sommes autres et semblables, il faut toujours tenir les 2 bouts de cette chaîne. La capacité en tant que personne sexuée d assumer toutes les taches de la vie, avec nos différences (cerveau féminin). Exercer ses talents en fonction de ses aptitudes et gouts et non de diktats sociaux aliénants et sclérosants. Dans le champ du droit Il s agit d interpeller les responsables h ou f et non de victimiser les f. code civil l égalité entre les 2 partenaires dans la famille droits spécifiques : viol qualifié de crime (délit jusqu en 80), dénonciation des violences conjugales, du harcèlement sexuel, le principe de parité, IVG, La complémentarité fonctionnelle des sexes engage à l égalité des droits permettant harmonie et équilibre. Il n'y a pas un deuxième sexe. Les femmes se définissent par elles-mêmes. Elles n ont pas à obtenir une légitimité par les hommes. L'égalité n est pas l'identité. Or à partir de l idée de l universalité de l être humain qui considère tous les êtres humains égaux en droit, certains et certaines en déduisent que l homme et la femme seraient identiques, interchangeable. Dans les réponses juridiques sur la garde alternée, l idée maitresse est l interchangeabilité des pères et mères qui pourraient être pendant 1 semaine père et mère à la fois, sans penser un instant aux conséquences de cette confusion chez les enfants pour se construire en tant que fille ou garçon. Confusion entre égalité et identité biologique. Mais, même les courants universalistes ne peuvent pas gommer la différence irréductible (pour le moment, en l'état de la science) entre les hommes et les femmes : Porter et mettre au monde des enfants. Ventre est le lieu de la dissymétrie : l homme engendre en dehors de lui, la femme en elle-même. Donner la vie renvoie aux idées de naissance et de mort c est dans le corps des femmes que se développe la vie du futur être humain il rend visible dans sa chair le mystère de la vie. Tout être humain est venu au monde en passant par le sexe d une femme : «L origine du monde» de Courbet. 2

Ce qui était une fatalité est devenu un choix : avoir ou non des enfants, un choix des femmes. C est une révolution. Pour s opposer au «pouvoir exorbitant» des femmes (Françoise Héritier) de donner naissance aussi bien aux filles qu aux garçons, les hommes et les Etats ont mis en place tout un système social de possession et de surveillance des femmes. La fonction maternelle pilier de la société et force des Etats. Aujourd hui les femmes ont un nouveau pouvoir exorbitant la maitrise de leur désir d enfants, elles peuvent décider individuellement de ne pas avoir d enfants Comment les hommes, les groupes humains et les Etats peuvent-ils contrecarrer cette toute puissance? 1-Maitrise des femmes par la fonction maternelle Réponses des philosophes grecs, du droit romain, des "grandes religions" Les religions depuis les origines de l humanité ont mis en place la hiérarchie hommes/femmes. Pour que la race des hommes se perpétue, les H. doivent avoir à leur disposition une femme qui leur donnera des fils. Le désir d immortalité les conduira à rendre un culte à leurs aïeux, de père en fils, donc à contrôler que leurs fils soient bien les leurs. Les hommes ont cherché à expliquer la création du monde, à proposer des réponses à la question fondamentale : Pourquoi les femmes donnent vie aussi bien à des filles qu à des garçons, pourquoi les hommes doivent nécessairement passer par une femme pour se reproduire à l identique. Toutes les explications avancées montraient la nécessité de s approprier des femmes et de pouvoir les maintenir à disposition dans leur fonction de reproduction. La femme n est qu un réceptacle. Pour Aristote, «un rapport est réussi si la semence impose le masculin». Donc la naissance d une fille signe l échec de l homme. Voilà pourquoi la valorisation de l homme s est imposée, voilà pourquoi encore aujourd hui on observe les infanticides concernant les petites filles. Je vous renvoie au livre de Françoise Héritier «Masculin/féminin II, Dissoudre la hiérarchie» La place des femmes dans les discours philosophiques (Platon, Aristote) : classer la différence sexuelle en rapport avec d autres types de différences, pour mieux relever les incapacités des F. En Grèce, à Rome, les femmes sont des «mineures sous la tutelle d un maître» (Maurice Sartre). Incapacité des femmes à transmettre la légitimité, l ordre successoral est premier par rapport à toutes les incapacités féminines. Exclusion de la fonction à délibérer au nom d autrui et pour les autres, donc exclusion de la représentation de l universel, du politique Le code Napoléon n a rien inventé! A Rome l incapacité des femmes à sacrifier, refus de la visibilité des F. aux côtés de D., interdiction des lieux sacrés sous prétexte d impuretés : diabolisation, tabous. Les grandes religions monothéistes font de la hiérarchie H/.F l ordre d une Nature voulue et créée par Dieu. Comment les femmes peuvent accoucher de cette perfection humaine qu est le spécimen mâle de l humanité? Mais cette infériorité ne se constate pas seulement dans le monde méditerranéen Traditions et religions ont «expliqué» les incapacités des femmes en faisant appel à la Nature. Elles ont interprété des faits biologiques, le premier d entre eux étant le sang menstruel. Là va s ouvrir le registre du pur et de l impur, permettant de jouer sur toute la gamme du licite et de l illicite, du permis et de l interdit. Pour le bouddhisme, menstrues et sang de l accouchement condamnaient les femmes à tomber dans un enfer spécifique : l Etang de Sang dont elles ne pouvaient échapper qu après certains rites exécutés par des prêtres, moyennant finances. Mariées, les femmes vont être intellectuellement stérilisées par une masse d obligations ridicules et tatillonnes. Dont certains interdits alimentaires et autres tâches domestiques 3

persistent encore aujourd hui. Les règles alimentaires hindoues sont surement les plus complexes. 2-De la Limitation volontaire des naissances à la maitrise par les femmes de leur désir d enfants La mainmise sur la fécondité et la sexualité des femmes a été et reste le moteur de l oppression. La limitation volontaire des naissances apparaît en Occident dès la Renaissance : mariage tardif, abstinence, recours à d autres formes de sexualité, coït interrompu : le péché d onan, infanticides et avortements Annick Tillier «femmes infanticides en Bretagne» femmes apprend à n être mère qu à ton gré Au XIX siècle Spallanzani affirme que le fœtus était le résultat de la fusion d un spermatozoïde et d un ovule. Les femmes participent donc activement à la création d un nouvel être humain et transmettaient des caractères. Ce fut un véritable tollé, inadmissible. Jusqu à la fin du XVIII siècle, avoir des enfants constituait un impératif collectif et une fatalité individuelle «Tu accoucheras dans la douleur». L église catholique condamne les méthodes mécaniques de limitation des naissances (le préservatif à partir de 1843, le diaphragme en caoutchouc dès 1880, le cerclage en or, connu dès 1920), des législations contre l avortement sont promulgués, dès 1803 au Royaume Uni, la France en 1820, puis en 1920 interdit également la propagande anticonceptionnelle (en 1942, sous le régime de Vichy, exécution de Marie-Louise Giraud), les poursuites contre l avortement dureront jusqu aux années 1970. Alors que Grégory Pincpus met au point la pilule contraceptive aux Etats Unis dès 1955, les Françaises attendront 1967, et la loi Neuwirth pour en disposer (Neuwirth sensibilisé pendant la guerre, d une part par les anglaises qui utilisaient des moyens contraceptifs mécaniques, et par le sort réservé à une de ses amies, enceinte qui avait subi durement l opprobre générale, comme si elle avait fait l enfant toute seule!). Le mouvement français pour le planning familial (en Norvège depuis 1923) est créé dans l illégalité en 1961 par le docteur Lagroua Weill-Hallé. Le conseil de l ordre des médecins condamne l accouchement sans douleur et intervient en 1974 auprès des parlementaires pour les dissuader de voter le projet de loi autorisant l avortement. En 75, la loi Veil (devenue définitive en 79) dépénalise l avortement, en 1982, la SS rembourse l IVG et en 93 l entrave aux IVG devient un délit (en 95 Chirac a refusé d accorder l amnistie présidentielle aux commandos anti-ivg). Le droit à la contraception est comme le souligne Françoise Héritier «le grand levier historique de changement dans la vie et le statut des femmes et dans les représentations qui les concernent». Ne plus avoir à se cantonner à la gestion du biologique permet aux femmes d accéder aux droits de personne autonome. «Habeas corpus» Yvonne Knibiehler Séparation de la sexualité et de la génitalité pas de lien entre la fréquence des actes sexuels et la reproduction Ce que l humain recherche dans l acte sexuel n est pas la reproduction mais le plaisir. La génitalité humaine est une, la sexualité variée et dépendant des sentiments A partir de 1970 pouvoir disposer de son corps, «de son ventre et de son désir», Les droits demeurent un leurre tant qu il reste des obstacles majeurs à leur application 3. Maitrise par les femmes de leur désir d enfants Champ politique des modèles hommes/femmes Plus dans l imitation, mais dans la déconstruction des modèles Genre humain n est pas neutre, mais sexué. Le féminisme a pour objectif de faire des égaux, créer de l égalité en droit, là où la différence est 4

porteuse de discriminations. L égalité n est pas l identité. H et F sont dissemblables et égaux. Certaines voudraient s approcher d une égalité de nature Qu en est-il aujourd hui? Les luttes pour disposer de son corps, avoir des enfants quand on veut, la maîtrise par les femmes de leur désir d enfants sont les avancées essentielles de la fin du XX siècle permise par la contraception, l IVG, la procréation médicalement assistée, naissance par conception in vitro. La sexualité non reproductive est possible et est un droit. Les machocrates réagissent. La mainmise sur la fécondité et la sexualité des femmes a été et reste le moteur de l oppression. Les votes conjoints du Saint Siège, de la Pologne des fondamentalistes protestants américains et des Etats musulmans dans les conférences internationales contre l accès des femmes aux droits à disposer de leur corps en sont la preuve. Les fondamentalistes religieux ne peuvent tolérer les 2 principes qui permettent l autonomie des femmes : la maîtrise de leur maternité et le travail salarié. Les tentatives de régression vont donc cibler prioritairement la maîtrise par les femmes de leur désir d enfants et leur autonomie, financière en particulier possible grâce au travail salarié. Mais partout, dans les pays musulmans aussi, les femmes veulent utiliser les moyens contraceptifs, y compris à l insu de leurs maris éventuellement (Madame M ba de Erik Orsenna). La chute de la fécondité dans le Maghreb (2,2 Tunisie, 3,1 Maroc et Algérie en 97/98 + de 7 en 60) prouve cette utilisation croissante (avec l âge du mariage et la scolarisation des filles). Pbme administration Bush plus de moyens aux actions sur la contraception Même en France, on constate un déficit d information chez les très jeunes filles et les femmes en situation de précarité et (nous sommes dans la moyenne européenne), il y a 1 avortement pour 4 naissances. Un certain nombre de femmes, souvent les plus jeunes, sont toujours obligés d aller à l étranger, malgré les récentes modifications de la loi concernant le délai d intervention possible et l autorisation pour les mineurs L absence d éducation sexuelle à l école, qui devrait comprendre un volet sur l égalité garçons / filles (En Suède depuis 56 pour tous les enfants, indépendamment de leur tradition religieuse et culturelle, avec l affirmation de la manière dont la société suédoise conçoit les rapports H/F, égalité des sexes et non - légitimité de l achat du droit à jouir d un corps ce qui a permis 35 ans plus tard l adoption du programme «la paix des dames»! L information sur la sexualité est souvent donnée par le biais des campagnes, nécessaires, contre le Sida ou de lutte contre la pédocriminalité, les films pornographiques donnent une image de la sexualité où les sentiments sont bien souvent absents, où il s agit plus de rapports de force que d échanges affectifs et font que toute une partie de la jeunesse a une vue totalement erronée des rapports amoureux, les viols collectifs en sont une des illustrations les plus tragiques. Il y a là un des enjeux majeurs pour les filles et les garçons pour les années à venir. Mais c est par les revendications de disposer librement de leur corps, d avoir la maîtrise de leur désir d enfant que les femmes vont s affranchir du poids des religions. Tentatives des catholiques intégristes pour revenir sur la droit à l IVG, de manière insidieuse et sournoise -un article dans une loi sur la sécurité routière -Manifestations devant les centres d orthogénie même si les personnes sont peu nombreuses, elles osent à nouveau, en raison de la montée du dialogue interreligieux du rôle donné à nouveau aux religions sur les questions d éthique -Multiplication des procès en cas de problèmes. L IVG est un acte médical et comme tous les actes médicaux, il n y a pas de risque 0. La judiciarisation, le montant des honoraires demandés faible, l augmentation des tarifs d assurance, de moins en moins de GO pratiquent les avortements 5

-Des campagnes périodiques pour dénoncer les pilules contraceptives, inscrites par le circ dans les substances cancérigènes. Etude synthèse des différents pays Bénéfices / risques pour les femmes : entre l accroissement minime des risques de cancer du sein, le bénéfice du suivi des femmes, il n y a pas photo. Dans les cancers du sein qui se sont manifestés à la suite de prise de pilules, on n observe pas de décès. Qui paie les études? A rapprocher des pharmaciens américains qui refusent de vendre la pilule contraceptive, même prescrite par ordonnance. Le ventre des femmes comme source de supériorité numérique TR n est pas contre la pilule à condition que la femme ait déjà donné à l Oumma, le nombre d enfants nécessaires à cette supériorité numérique par rapport aux mécréants. 4-L'éventualité de l'ectogénèse : Inventé en 1923, ce terme caractérise une grossesse qui serait menée hors du ventre de la femme avec la mise au point et la commercialisation des premiers appareils l utérus artificiel qui permettront de mener à terme ces gestations. Après la pilule contraceptive, l insémination artificielle, la fécondation in vitro, une prochaine étape sera l utérus artificiel. Sans doute, cette technique aura-t-elle d abord des fonctions thérapeutiques, remplaçant les incubateurs actuels pour maintenir en vie les grands prématurés. Mais personne n est dupe. Les techniques de procréation, initialement développées avec des finalités médicales de traitement de stérilités ou d avortements à répétition, débordent inévitablement ces indications strictement thérapeutiques. Comme les inséminations artificielles et les fécondations in vitro, les utérus artificiels seront utilisés pour des «désirs d enfant» que la procréation naturelle, non médicalisée, ne permet pas de satisfaire. Henri Atlan présuppose que si la technologie existait la plupart des femmes seraient tentées de l utiliser. L ectogénèse signifiera-t-elle l égalité finale avec les hommes ou satisfaire la jalousie des hommes envers notre capacité à procréer, «le pouvoir exorbitant des femmes» à donner la vie aussi bien aux filles qu aux garçons? La décision pourrait-elle être justifiée pour des raisons économiques par rapport au congé de maternité et à la carrière professionnelle des femmes? Les oppositions sont fondamentales entre les féministes radicales qui plébiscitent les potentialités offertes par l'ectogenèse et les autres qui jugent cette technique inacceptable. Les radicales refusent des droits différents aux hommes et aux femmes, en raison de leur nature, et veulent «créer des règles capables de dépasser les données biologiques qui nous différencient, l externalisation de la grossesse mettrait tout le monde à la place du père (neutralisation des sexes) alors que garder la place des femmes dans la reproduction serait rester à la société traditionnelle, enchaîner les femmes à leur rôle de reproductrices» Egaliser les rôles des h et des f à l égard de la procréation et les rôles paternel et maternel à l égard de l enfant. A travers le concept de l'utérus artificiel, la grossesse apparaîtra (enfin...) "comme une technique et donc comme quelque chose d'ouvert, de subordonné aux buts et aux idéaux de la société dans laquelle elle prend lieu et place" explique Marcella Iacub. Est-ce l égalité de renoncer à ce temps d enfantement dans un corps humain avec les émotions ressenties? Qu en est-il de la relation mère-fœtus qui relève de l intime et est 6

diverse, de celles qui attendent avec impatience la délivrance à celles pour qui c est une expérience charnelle, voire érotique, Les échanges physiologiques et psychologiques sont-ils indispensables entre une mère et son futur enfant. Pour Rosemarie Tong, féministe et spécialiste de bioéthique "les enfants nés d'une machine seront de simples créatures du présent et des projections dans l'avenir, sans connexions signifiantes avec le passé. C'est là une voie funeste et sans issue". Le débat qui s ouvre est un débat éthique : «science sans conscience n est que ruine de l âme» RABELAIS. 7