DOCTEUR GEORGES ROUHET (1854-1952)



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DOCTEUR GEORGES ROUHET (1854-1952) Diplômé de la Faculté de Médecine de Paris - Lauréat de l'académie des Sciences Belles-Lettres & Arts de Bordeaux - Officier de L'instruction Publique - Officier de Nicham Iftikhar - Poète - Artiste d'art Dramatique - Auteur Conférencier - Ecuyer - Penseur philosophe - Statufié de son vivant (extrêmement rare) - Professeur de culture physique ECOLE NORMALE DE CULTURE PHYSIQUE DE PARIS DU DOCTEUR GEORGES ROUHET Principaux médecins Collaborateurs: MM. les Docteurs Vintre, Chevillet, Vaurs, abarde, Vendeville, etc Directeur Technique: M. Emile Valtier, médecin gymnaste, docteur ès Culture Physique, ex-premier moniteur technique du collège d'athlètes de Reims, ex-officier marinier de l'ecole des Fusiliers-marins à Lorient Cours Enseignés: Anatomie, physiologie, morphologie, biologie, mécanisme des mouvements, massage, hydrothérapie, etc. Application de toutes les méthodes éducatives sérieuses existantes: méthodes suédoise, américaine, anglaise,allemande, russe (du docteur Krajewski, ex-médecin de la cour de Russie). Cours techniques, pratiques, commerciaux, cours paramédical en vue de la collaboration avec les médecins traitants. Cours de publicité pour le lancement des écoles, cours de comptabilité et cours fiscal. APÔTRE DE LA MÉDICATION PAR L'EXRCICE Le docteur Georges Rouhet est né en 1852 et est mort presque centenaire. Comme un apôtre, mettant toute son existence au service de son idéal de culture humaine, il a vécu cent ans sans une minute de maladie, suivant l'expression du biologiste Pierre Valentin Marchesseau (créateur de la naturopathie en France, poursuivant l'œuvre d'edmond Desbonnet et de Georges Rouhet et enfin collaborateur de Marcel Rouet), démontrant sur lui-même que la maladie et la décrépitude résultent uniquement de nos erreurs de vie et de notre comportement anti-biologique. pour le naturopathe toutes les maladies, sans exception, peuvent être évités, et l'échéance de la mort reculée aux limites naturelles de l'existence. Le Docteur Georges Rouhet, grand philosophe et hygiéniste a vécu suivant ses idées presque 100 ans, sans une minute de 1

maladie. Il était vraiment digne de soigner les autres. Athlète (haltérophile, culturiste, gymnaste et coureur), il était un naturiste convaincu, et menait a bien les principes de profonde hygiène. Un jour il brûla tous ses livres de médecine, en disant: "Je me purge ainsi de tout ce savoir inutile, qui fait déraisonner mes confrères." Parlant des spécialistes en médecine, il ironisait: "A force de fragmenter les études, on finira par savoir tout à propos de rien." A l'égard des chirurgiens, il n'était guère plus tendre: "Ils opèrent neuf fois sur dix inutilement, et ils rognent et coupent avant tout d'acharnement, qu'ils enlèvent la vie... avant l'organe." L'Etre Humain est responsable du mal qui le ronge et le tue avant l'âge. "Il faut vivre pour user largement et jusqu'au bout de la vie". A plus de 90 ans, le Dr GEORGES ROUHET avait le corps et l'allure d'un homme de 40 ans. Il montait à cheval, récitait des poèmes d'une voix ferme, grimpait à la corde lisse et faisait toujours des haltères. Ses seuls médicaments étaient l'exercice, la respiration, la sudation, les bains, les plantes et les aliments. Tous les jours, à midi, il mettait son corps en sueur par la pratique des haltères, puis allait se jeter dans la rivière qui traverse sa propriété de Duras (Gironde). Dès son retour à Paris (où il avait fait ses études) jusqu'à la dernière année de sa mort, ROUHET plia son corps à cette rude discipline de vie, réalisant ainsi sur luimême, et suivant des principes réfléchis, la plus belle expérience de prolongation de la vie active qui fut jamais réalisée - ROUHET est mort jeune à cent ans, c'est là son message - PREMIER PAS PHYSIQUE D'UNE OEUVRE MAGISTRALE Le docteur Georges Rouhet est né au petit village de Roquebrun, canton de Monségur (Gironde) le 21 octobre 1854. La vie de cet homme restera le plus pur exemple qui se puisse imaginer d'honnêteté, de grandeur morale,, de volonté et d'activité bienfaisante dans la modestie. En 1874 nous trouvons le jeune Rouhet inscrit comme étudiant à la Faculté de Médecine de Paris. C'est un élève brillant qui franchit avec maestria tous ses examens, y compris le difficile concours de l'externat des hôpitaux de Paris. Il est heureusement servi dans ses études par une robustesse physique naturelle exceptionnelle qu'il entretient et développe par des exercices gymniques auxquels rien ne peut le soustraire. Ils lui font probablement renoncer au concours de l'internat, mais ils font un magnifique athlète de l'étudiant Rouhet. Il y a compensation. En compagnie du docteur Fournier, de Sthrely et de Paul Mounet, il fréquente alors le gymnase Cesari situé rue Gujas, en plein cœur du Quartier Latin, et les manèges de la Capitale. Le jeune Rouhet s'y révèle haltérophile formidable, gymnaste de grande classe et cavalier de haute école, aux moyens puissants, à tenue impeccable et à belle allure. Mais, soit qu'il jongle en impressionnante aisance avec les plus lourds haltères et poids de ce temps, soit que, sans efforts apparent, il exécute les mouvements les plus difficultueux de la gymnastique d'agrès, jamais le souci artistique n'est exclu desa préoccupation. Lancé en "soleil" autour de la barre fixe, on le voit tout à Page 2

coup s'immobiliser en équilibre et de sa voix de stentor, déclamer des poèmes grecs, latins ou français. A cette époque, il y a un flottement, une hésitation dans le destin de Rouhet. Il paraît chercher sa voie. Certes, il aime la médecine, mais l'art dramatique le charme. Il a sous les yeux un splendide modèle qui commence à s'épanouir: celui de Mounet-Sully. Sa jeune gloire tente Rouhet et l'appelle. Il est, au surplus, merveilleusement doué pour la conquérir. Va-t-il abandonner pour la scène aux lumières éblouissantes et aux succès grisants l'art austère d'esculape? Il se joue alors au fond de sa conscience juvénile un de ces petits drames internes et douloureux que beaucoup d'entre nous ont connu. Soudain, il se détermine. Il remet dans sa boite avec tristesse le violon d'ingres. Mais, reste poète malgré tout, dans la nouvelle existence qui va commencer pour lui, il en tirera encore, pour sa joie personnelle et l'ornement de son âme, de sublimes et consolantes sonorités. Désormais, tout le côté pratique de son activité sera voué à la médecine culturiste. Le mot n'est pas encore connu, mais Rouhet en sait pourtant le sens. Il passe sa thèse avec un sujet adéquat à sa mentalité: L'entraînement complet de l'homme. Et lui, qui avait un moment rêvé de soirées triomphales sous les girandoles et les lustres, dans la griserie des applaudissements, il s'en va enfouir sa jeunesse bouillonnante et son idéalisme au fond de sa province natale, dans une lointaine propriété familiale qui porte son nom et où la vie coule calme et silencieuse, comme les eaux du Drop qui la bordent de leur liseré d'argent. Mais le docteur Georges Rouhet ne s'y résignera pas au rôle banal du médecin de campagne obscur, bienfaisant et obstinément conforme aux règles scholastiques de la médecine classique. Il sait que tout l'art de guérir n'est point dans les livres, ni dans les formules du codex, qu'une nouvelle médecine plus efficace est en gestation depuis longtemps dans l'esprit de certains hommes, mais lui, il a la certitude de sa souveraineté. De cette foi et de cette retraite dans la paix des campagnes, date pour le docteur Rouhet, un véritable apostolat. Briser les routines, détruire les préjugés, mépriser la sottise et la raillerie, déchirer cet atavique manteau d'erreurs qui enserre de sa gangue rigide les élan de l'intelligence humaine, y a-t-il tâche plus lourde et plus ingrate? Rouhet s'y attaque pourtant sans hésitation. Mais il sait que, pour n'y point être vaincu, il importe surtout de payer de sa personne. Alors, il s'offre en sujet de démonstration. Comme un hercule forain, il va sur les places publiques soulever des masses de fonte de poids souvent supérieurs aux moyens des plus forts des professionnels, pour démontrer les effets bienfaisants de l'hydrothérapie froide, tous les jours, même en plein hiver, il se jette dans l'eau parmi les glaçons. Il crée des écoles de culture physique gratuites que des jeunes gens commencent à fréquenter et où il donne lui-même la leçon. On a regardé d'abord, avec étonnement et peut-être avec dédain ce "médecin-hercule" qui se commettait ainsi en public comme un forain. Mais les années ont passé; la réputation de ce praticien original, charitable et bon, qui court nuit et jour, par tous les temps, à cheval, la campagne gasconne pour soulager la souffrance des hommes s'est établie, le respect et l'admiration reconnaissante sont venus au cœur de ces populations aux sentiments quelque Page 3

peu pétrifiés. En 1903, le Docteur Rouhet, en pleine forme athlétique, amène à Paris, au cirque Molier, son cheval Germinal, auquel il a appris à écrire leurs deux noms sur un tableau noir: "Germinal au docteur Rouhet". Le travail qu'il lui fait exécuter soulève l'enthousiasme général. C'est le triomphe. Le 23 août 1925, Edmond Desbonnet, le colonel Ferrus, Emile Valtier et Albert Surier vont à Roquebrun apposer sur un mur de la maison où naquit ce grand homme de bien et d'exemple fécond une plaque du souvenir. Une foule de paysans telle qu'on en vit jamais en ces lieux était accourue pour témoigner à leur docteur leur affection et leur reconnaissance. Le docteur Rouhet en guise de remerciements exécuta dans son manège des exercices d'équitation sur Fleurus successeur de Germinal, qui rendraient encore jaloux les plus habiles écuyers. Cet athlète alors âgé de 71 ans récita, au galop, d'une voix d'airain claironnante, la "Chanson des Epées", rendant cette journée inoubliable. L'ENTRAÎNEMENT EST UN ART EN MÊME TEMPS QU'UNE SCIENCE Royer-Collard a donné de l'entraînement la définition suivante: "C'est, ditil, un art puissant qui consiste en quelque sorte à s'emparer du mouvement nutritif, à le diriger méthodiquement et dans un but déterminé et à changer tantôt dans un sens et tantôt dans l'autre, la structure intime des organes." Cette définition, absolument exacte dans le fond, peut être changée quand à la forme. Voici la définition que propose Georges Rouhet: "L'entraînement est un art qui consiste à modifier l'homme ou l'animal tant dans ses muscles que dans son organisme, à l'aide de régimes spéciaux, de pratiques particulières, pour obtenir dans un exercice physique quelconque le meilleur résultat et faire supporter plus facilement un travail donné." Dans tout entraînement, il faut donc étudier les conditions dans lesquelles doit être pratiqué l'exercice, le régime, les changements qui surviennent dans les muscles et les modifications qui se font du côté des organes: cœur, poumon, cerveau, rein, etc. On devrait décrire autant d'entraînements qu'il y a d'exercices spéciaux, car dans chacun d'eux on cherche à obtenir un maximum que l'on ne pourrait certainement pas atteindre sans suivre certaines règles. Dans la course, c'est la vitesse sans essoufflement; dans la lutte, c'est le poids et la résistance; dans le pugilat, l'insensibilité et le sang-froid; dans la déclamation, la puissance et la souplesse de la voix; dans la culture physique, c'est l'augmentation du volume des muscles et la décuplation des forces. En un mot l'entraînement varie selon l'homme que l'on veut faire. Le docteur Rouhet s'est surtout adonné à l'entraînement de culture physique et c'est celui qu'il a étudié d'une manière suivie. mais il n'a jamais négligé les autres formes d'exercices comme le pugilat, l'escrime, l'équitation, la course, la natation, la déclamation. Chaque muscla a pour ainsi dire été développé, un à un, car il a voulu faire autant que possible un homme complet. Mon but, nous dit le docteur Rouhet, a été toujours le suivant: "Donner aux muscles un très gros volume, tout en faisant disparaître la moindre trace de graisse; mais, en même temps accroître leur force et leur Page 4

résistance, de sorte que le résultat obtenu dépasse tout ce que l'on peut imaginer quand on n'a pas vu les effets de cet entraînement." Tout son entraînement repose sur une condition indispensable, la répétition, à intervalles réguliers, de l'exercice. On doit, en effet, s'exercer souvent, quel que soit du reste l'entraînement auquel on se soumette, mais il faut que l'exercice soit fait aux mêmes heures et toujours pendant le même temps. Georges Rouhet attaché une grande importance à cette manière de procéder, car l'expérience lui a appris que le muscle ne gagne pas à être mis dans un état de contraction fréquente et de courte durée: "Il vaut mieux travailler moins souvent, mais plus longtemps, nous dit-il. Il faut suivre une progression lente et méthodique et s'exercer longtemps avec de petits poids avant de soulever les grosses haltères. Il ne faut en aucun cas, s'essayer à faire plus qu'on ne peut sous peine d'arriver au surmenage et à l'usure prématurée... IL faut toujours exécuter les mouvements avec une grande correction; les à peu près, dans les exercices, ne conduisent à rien et ne font que causer une perte de temps." Le régime, selon la définition du Littré, "l'usage raisonné et méthodique des aliments et de toutes les choses essentielles à la vie" est tout aussi important que l'exercice dans l'entraînement. Le muscle est, on peut le dire, l'esclave du régime. Mais ici encore, on ne peut établir des règles précises pour chaque individu, il n'y a rien d'absolu en hygiène. L'âge, le tempérament exercent aussi une grande influence. Georges Rouhet nous parle des principaux aliments, notions indispensables à connaître quand on veut faire de l'entraînement d'une manière raisonnée: "De la viande Je ne discuterai pas si l'homme doit ou ne doit pas être exclusivement végétarien; ce qu'il y a de sûr, c'est qu'aujourd'hui, peut-être grâce à l'habitude qui, comme chacun sait, transforme la nature, notre appareil digestif semble merveilleusement disposé pour digérer la viande; et envisageant simplement la question de l'entraînement, je pense qu'on ne peut songer à devenir très fort et surtout à faire de beaux muscles, si on n'absorbe pas une certaine quantité chaque jour. Les peuples guerriers ont toujours montré une grande appétence pour la viande; les Huns la mangeait à peine chauffée sous la selle de leurs chevaux. Certains peuples d'afrique, les Abyssins notamment, l'ingurgitent tout à fait crue. Au point de vue de l'hygiène comme au point de vue particulier de l'entraînement, toutes les viandes conviennent, le bœuf, le mouton surtout. Cependant leur valeur nutritive est loin d'être toujours la même, mais varie, au contraire, selon Page 5

l'état de l'animal au moment où il est abattu... Un autre point qu'il est important de considérer, c'est celui-ci. Les animaux destinés à la boucherie devraient être abattus sur place pour ainsi dire; mais la nécessité oblige de les expédier souvent de fort loin dans les grandes villes; il en résulte qu'ils supportent des fatigues considérables, et ce surmenage, joint à l'affolement qui s'empare de certains d'entre eux, lorsque surtout il passe un jour ou deux à proximité de la salle d'abattage d'où ils peuvent sentir les émanations, a pour résultat de donner à la viande une certaine toxicité en tout comparable à celle du gibier tué à la chasse après une course rapide et prolongée" "La viande semble donc indispensable pour faire du muscle, car elle répare mieux que tout autre aliment les pertes azotées, et sous un petit volume elle donne à l'organisme ses éléments plastiques. Toutefois elle doit être prise en quantité modérée pour ne pas fatiguer l'estomac; on sait en effet que la digestion de la viande se fait dans cette vaste poche, tandis que celle des légumes a lieu dans toute la longueur de l'intestin... Au point de vue de l'hygiène et de l'entraînement la viande bien cuite convient parfaitement à l'homme pourvu qu'elle soit prise en petite quantité. Quant à celui qui ne se livre à aucun travail pénible, qui, menant une vie sédentaire, n'exerce jamais ses muscles, il doit manger fort peu de viande, car c'est de lui que l'on peut dire que, par le régime carné, il s'empoisonne lentement; en effet, l'urée, l'acide urique et les produits excrémentiels n'étant pas éliminés en quantité suffisante produisent tous les accidents du ralentissement de la nutrition. Cette question de la valeur d'un aliment au point de vue du muscle et de la force est du reste très controversée, à tort selon moi, car les faits parlent d'eux-mêmes. La viande développe le système musculaire, cela est indéniable. Les substances très azotées produisent le même effet chez tous les animaux. Sans avoine, un cheval reste atrophié. Si le bœuf n'est pas soigné dès son jeune âge, son système musculaire en souffrira toute sa vie. Elevez un chien avec de la soupe et vous verrez combien son développement ultérieur s'en ressentira. Les bouchers, chacun peut le remarquer, qui mangent beaucoup de viande, ont beaucoup plus de muscles que les végétariens. Si on est bien musclé, on est presque déjà fort; on peut en tout cas le devenir plus aisément par l'exercice qui apprend à se servir de ses muscles et à régler par les nerfs l'influx cérébral. Je ne dis pas qu'un végétarien dont l'alimentation serait très soignée ne pourrait pas quand même arriver à un certain degré de force, mais je prétends qu'elle sera toujours inférieure à celle donnée par une alimentation mixte où la viande sera en quantité suffisante" "Maintenant l'homme carnivore est-il plus résistant à la fatigue que le végétarien? Le problème ainsi posé est insoluble, parce que tous les efforts et toutes les fatigues sont loin de se ressembler. Lorsque vous mettez par exemple le 110 à la volée vous faîtes un effort violent; mais quand vous répétez le mouvement 4 ou 5 fois, comme je l'ai fait souvent, sans laisser l'haltère toucher le sol, vous faîtes un effort prolongé que peu de personnes peuvent soutenir Page 6

quelle que soit leur alimentation, car le cœur, les gros vaisseaux et les poumons présentent des différences notables chez les différents sujets. La résistance à cette fatigue des poids, ce n'est pas tant la nourriture qui la donnera, qu'une heureuse combinaison des différents exercices de manière à perfectionner un à un tous les organes. Du reste, ce perfectionnement lui-même de chaque organe sera forcément limité, car on ne peut espérer de mettre, chez tous les sujets, l'économie à ce point parfait de force et d'équilibre. Et puis les conditions varient pour chaque entraînement. Le muscle est inutile pour la course; la viande ici ne semble pas nécessaire, les hydrocarbonés sont suffisants. Les coureurs indiens ne mangent que du riz. J'ai observé à la campagne un nombre considérable de paysans; j'ai pu facilement juger de leur musculature, en les examinant dans leurs maladies et apprécier leur force quand ils venaient s'essayer à soulever mes poids. Eh bien! chez presque tous, le torse est grêle et les muscles bien peu saillants, et tous sont incapables de soulever un poids moyen, par exemple: développer 50 livres ou mettre 70 ou 90 à la volée. J'ajoute que chez le paysan la santé est généralement bonne, qu'il peut soutenir de longues privations et un travail excessif pendant une partie de l'année; mais je ferai remarquer que ce travail n'est pas constitué par des efforts violents, que tous ses muscles sont utilisés pour une action déterminée, et que l'habitude joue un grand rôle, par exemple, pour son endurance à la chaleur. L'hercule lui peut se comparer à l'indolent félin susceptible de fournir fréquemment et rapidement un effort prodigieux; l'homme de la campagne au contraire peut se comparer à ses bœufs qui fournissent un travail long et pénible" "Pour moi, j'ai essayé tous les régimes alimentaires. J'ai reconnu qu'une nourriture très azotée est celle qui convient le mieux aux muscles. Le beefsteak et la côtelette, les œufs, le fromage, du sucre, du café ou du thé et un peu d'alcool sont indispensables pour obtenir le maximum de force. Qu'on essaye de manger de la soupe aux choux et des haricots à ses repas, sans viande, de boire de l'eau, qu'on continue ce régime pendant huit jours et qu'on tente de soulever la grosse barre de 200 livres, on constatera une grande diminution de forces, mais on sera toujours capable de fournir un travail de marche, ou d'accomplir tout autre exercice ne nécessitant qu'un effort peu considérable... Donc, s'il est vrai de dire qu'il est très rare de voir un homme habitué à faire des poids n'avoir pas de gros muscles, il n'est pas moins certain qu'on peut rencontrer des hommes admirablement musclés et qui sont pourtant d'une force ordinaire. On peut ajouter aussi: qu'avec de la volonté il est possible de faire du muscle; avec du muscle et de la volonté, on arrive, dans l'athlétisme, à des résultats merveilleux ou à zéro, si on est tant soit peu taré. En résumé: volonté, muscle et force! sont trois termes corrélatifs, mais seulement chez l'individu sain." LE DOCTEUR ROUHET PAR SON AMI M.G. STREHL La présente biographie (datant de 1908) est due à la vieille amitié de M.G. Strelhy, qui a tenu à donner au Docteur Rouhet, ce témoignage public de Page 7

sympathie pour sa personne et ses travaux scientifiques: " Il faut un certain courage pour braver l'opinion publique, rompre en visière aux préjugés et avoir raison seul contre tous. Honneurs aux hommes d'une volonté énergique qui brisent les entraves que la routine et l'ignorance opposent aux progrès et qui, pionniers hardis d'une idée nouvelle, lui fraient la voie, laissant à leurs successeurs l'honneur de récolter les fruits qu'ils y ont semés! Ouvriers de première heure, c'est pour eux que l'hérésie de la veille est proclamée dogme le lendemain et que le paradoxe persécuté devient la vérité triomphante. Le Docteur Georges Rouhet est de ce nombre. Il a été - nous ne craignons pas de l'affirmer hautement - un des précurseurs du grand mouvement de renaissance physique qui s'est dessiné dans ces vingt-cinq dernières années. Certes, la tâche était dure, et les obstacles presque infranchissables. Les gens de ma génération se rappellent qu'elle était, il y a quelques quarante, l'opinion prédominante dans la classe dirigeante, au sujet de l'éducation du corps et de la culture rationnelle des muscles. il me souvient de certain professeur de rhétorique (que la terre lui soit légère!) qui, pour exprimer son suprême mépris à quelque cancre indécrottable, avait trouvé la formule caractéristique que voici - Mon ami vous devez être fort en gymnastique! - et que cet autre qui, voyant un écolier apporter une raquette dans le sanctuaire des humanités (j'ai nommé la classe), disait d'un ton où perçait la moquerie indignée - Veuillez faire disparaître cet objet, nous ne sommes pas ici dans un cirque! - Si tels étaient les sentiments des éducateurs de la jeunesse sur les bienfaits de l'athlétisme, on conçoit que les sports eussent un nombre plutôt restreint d'adeptes, et que ceux qui s'y adonnaient fussent plus soigneux de cacher leur prédilection que d'en tirer gloire. Vers 1875, à l'âge de dix-huit ou dix-neuf ans, Rouhet, frais émoulu du collège, bachelier de la veille, arrivait pour y faire ses études médicales" "A combien d'adolescents le séjour de la capitale a-t-il été funeste par les tentations auxquelles elle les expose! Combien de jeunes grands hommes de province ont brûlé leurs ailes à la vie incandescente de Paris! Combien de génies en herbe ont fait dans le quartier Latin le théâtre de leurs débauches, et ont pris de bonne foi les galetas de la vie de bohème pour l'antichambre de l'institut! Rouhet ne fut pas de ceux-là. Il tempérait la fougue du caractère méridional par la prudence par la prudence réfléchie des races du Nord. Il n'était pas de ceux qui ne voient dans l'existence qu'une succession de satisfactions sensuelles, et qui se laissent conduire au grès de leurs passions comme la girouette subissant l'impression de tous les vents. Il estimait avec raison que la vie doit avoir un but, et l'homme un idéal. Ce but, cet idéal, l'athlétisme allait les lui donner. le premier soin de l'étudiant fut de s'abonner à un gymnase de la rive gauche, le Gymnase Fournier. Cet établissement, aujourd'hui disparu et dont tous les anciens clients ont gardé un souvenir attendri, se dressait modestement en face de la vieille Sorbonne, dont il avait d'ailleurs emprunté le nom. Ce n'était pas qu'il prétendit faire concurrence au temple morose et austère des Lettres et des Sciences qui profilait sa silhouette noirâtre à l'endroit où s'étale pompeusement aujourd'hui le magnifique monument de l'architecte Nénot. Au contraire, il semblait, par l'exiguïté Page 8

comparative de ses dimensions, lui adresser une plainte muette - Tout pour l'éducation de l'esprit; rien, ou presque rien, pour celle du corps - C'est là que, quatre ou cinq fois par semaine, Rouhet se rendait vers 4 heures de l'aprèsmidi, à l'issue de l'amphithéâtre ou de la salle de dissection. Oh! ces séances inoubliables consacrées à l'athlétisme, où les fidèles, peu nombreux d'ailleurs, accouraient avec la ponctualité de néophytes ardents et avec le tressaillement délicieux d'initiés allant célébrer les mystères d'un culte inconnu du profane vulgaire. On en sortait avec cette sensation de saine fatigue qui suit les exercices violents, lassé mais non rassasié, et ne désirant le repos que pour pourvoir recommencer de plus belle le jour suivant" "Parmi tous les autres amateurs, Rouhet se distinguait par sa recherche déjà scientifique des exercices les plus propres à produire le résultat désiré, qui est l'heureuse harmonie des proportions du corps et la beauté plastique du développement musculaire. Nous autres, n'écoutant que notre fougue juvénile, nous suivions notre fantaisie, curieux avant tout d'acquérir cette virtuosité aux appareils, ou cette supériorité aux poids qui assurent à leur possesseur les applaudissements de la galerie. Lui, au contraire, se demandait le pourquoi et le comment de chaque exercice gymnastique, et parmi ceux qui lui paraissaient bons, il cherchait encore les meilleurs. Déjà se révélait en lui le futur physiologiste. Ai-je besoin d'ajouter qu'il excellait dans toutes les manifestations de la force physique? Admirablement doué par la nature, présentant ce type affiné du Bordelais, qui résume en lui les aptitudes des trois races celtique, romaine et sarrasine, il ne tardait pas à devenir un des rois de la beauté plastique. En poids il est peut être le premier qui ait établi le record de la barre de 210 livres, prouesse extraordinaire à cette époque, mais dépassée depuis. Les barre parallèles, les cordes lisses étaient ses agrès de prédilection, et il devait à leur pratique constante cette poitrine de gynécomaste qu'on admire dans quelques statues antiques, notamment dans le Mars Borghèse, autrefois dénommé l'achille. Mais le Gymnase Fournier ne suffisait pas à l'activité du jeune athlète. Il aurait voulu autant que possible être l'homme de tous les sports, rêve qu'il a réalisé depuis. Il y avait alors rue Gay-Lussac une salle tenue par un des maîtres les plus réputés de la boxe française, Chauderlot. Rouhet en devint un des clients les plus assidus, sans pour cela déserter le gymnase. Bientôt il fut l'élève préféré de Chauderlot, un de ces élèves que les maîtres chérissent à cause de leurs aptitudes, avec peut-être une légère pointe de rivalité pour un talent naissant qui menace d'éclipser le leur. Enfin il continuait à pratiquer, au Manège Jamin, un sport qu'il avait appris à aimer dès l'âge le plus tendre, l'équitation, et s'y perfectionnait au point de devenir par la suite un élève de James Fillis en haute école et un émule de Albert Shumann pour le dressage en liberté. Naguères il faisait consacrer sa réputation de cavalier accompli, par le public élégant et connaisseur des soirées du Cirque Molier. Un autre art avait pour lui un attrait irrésistible, celui de la déclamation. Admirateur passionné de notre littérature classique, il ne lui suffisait pas d'en entendre réciter les chefs-d'œuvre sur la scène de la Page 9

Comédie-Française. Il se complaisait à les redire lui-même, non pas seulement comme un amateur qui lit intelligemment la poésie, mais comme un aspirant au Conservatoire qui veut faire du théâtre sa carrière. Doué d'une voix puissante et harmonieuse, dont l'étude avait un organe remarquable, ayant l'allure tragique, et sentant vivement les beautés des grands maîtres de la tragédie, il semblait que rien ne fût plus aisé pour lui que d'exceller dans le talent de bien dire, comme il excellait dans celui de bien faire. Et, d'ailleurs, la déclamation n'est pas si éloignée qu'on pourrait le croire de la gymnastique. N'est-elle pas en effet une excellente gymnastique des poumons? Elle fortifie l'organe respiratoire, développe le thorax par l'obligation qu'elle impose d'emmagasiner une grande provision d'air et d'en dispenser l'émission avec uns sage économie. La fréquentation de Paul Mounet, lui aussi étudiant en médecine, lui aussi ami des exercices gymnastiques, n'était pas sans exercer une certaine influence sur les goût artistiques de Rouhet, et peut-être, en voyant l'éminent déclamateur se vouer définitivement à la scène, eut-il quelques velléités d'imiter son exemple et d'échanger le scalpel d'hippocrate pour le masque de Thalie. Il resta pourtant fidèle à la science, mais non sans cultiver toujours, autant que ses loisirs le lui permettaient, l'art de la récitation, qui était pour lui un passe-temps intelligent, propre à diversifier la monotonie de ses études professionnelles et à le reposer des fatigues de son entraînement athlétique. Ce goût ne le quitté jamais" "Tant d'application à la culture physique ne l'empêchait pas de suivre assidûment les cours de la Faculté, et de passer l'un après l'autre, avec succès, les divers degrés du stage médical. Dans les délais ordinaires, il couronnait l'édifice de ses études par la présentation d'une thèse. Cette thèse, le sujet lui était tout indiqué - L'entraînement de l'homme par la gymnastique - Le travail du Docteur Rouhet, qui n'était que le prélude et la promesse d'une œuvre de longue haleine sur la même matière, valut toutefois à son auteur les félicitations unanimes de ses juges. Le nouveau lauréat célébra son triomphe dans un banquet intime où furent conviés ses plus fidèles amis, et ceux-ci ne manquèrent pas, dans des toasts émus, tant en vers qu'en prose, de glorifier le succès de l'athlète-docteur. Le moment était venu pour lui de quitter Paris. Le Docteur Rouhet retourna non sans regret peut-être, mais avec la ferme résolution de l'homme qui entrevoit une noble mission à accomplir, s'enterrer dans sa province girondine, en pleine campagne, aux environs de Montségur. C'est là qu'il s'établit pour y faire de la clientèle. C'est là qu'il éprouva bientôt le besoin de se créer un foyer domestique, et d'associer à son existence une compagne charmante et dévouée, capable de comprendre ses travaux et de partager avec lui la joie de ses triomphes. Ses compagnons d'athlétisme ne le voyaient pas s'éloigner sans une certaine inquiétude au point de vue artistique. Ils sentaient fort bien qu'il était à un tournant de son existence. Allait-il, comme tant d'autres, s'amollir dans le farniente de la plantureuse vie de province? Allait-il - chose bien excusable - s'endormir dans les douceurs de la vie de famille, et y goûter le plaisir de se faire oublier? En un mot, allait-il s'embourgeoiser, prendre de l'embonpoint, et traiter ses exploits d'antan de pêchés de jeunesse, Page 10

dont on rougit en les racontant, tout en éprouvant un secret dépit de n'être plus la force à les recommencer? Il n'en était rien heureusement, et le Docteur Rouhet, sans en avoir fait part à ses amis, avait déjà, en quittant Paris, sa pensée derrière la tête. La situation était délicate pour un jeune médecin qui débutait et devait avant tout s'assurer une clientèle. Une si grande prédilection pour la gymnastique passait, même à Paris, pour une originalité, mais une originalité qui se perdait parmi tant d'autres dont la capitale est le théâtre. Mais en province, et surtout dans la campagne entichée de ses préjugés et rebelle aux innovations, cette originalité n'allait-elle pas être jugée plus sévèrement et, tranchons le mot, traitée de monomanie? N'était-il pas à craindre que quelque confrère, jaloux d'un jeune concurrent, n'exploitât contre lui les singularités de son existence, pour lui donner la réputation d'un maniaque dangereux à lui-même, et plus encore aux patients qui auraient recours à ses soins?" "Le Docteur Rouhet eût pu, il est vrai, faire de la gymnastique discrètement, en se cachant en quelque sorte, à la façon des anciens chrétiens qui adoraient leur Dieu dans les catacombes. D'autre part, il pouvait aussi, dans le silence du cabinet, écrire quelque traité sur les exercices physiques, comme d'autre l'ont fait, qui ont parlé de la gymnastique avec une autorité d'autant plus grande, et une compétence d'autant moins contestée, qu'ils n'ont personnellement jamais pratiqué cet art. Mais toutes ces lâches compromissions répugnaient à son caractère franc et entier. Il sentait qu'il ne suffit pas de faire le bien pour soi, d'une manière en quelque sorte égoïste, mais qu'il faut encore, par son exemple, inciter les autres à le faire. Sied-il à un homme énergique et convaincu de n'avoir pas le courage de son opinion et de se cacher pour agir conformément à sa conscience? Le Docteur Rouhet résolut de briser les vitres et d'entrer de haute lutte dans la place, en s'y ouvrant une large brèche. D'ailleurs, se borner à la théorie sans y joindre la pratique, c'est, en athlétisme surtout, ne faire que la moitié des choses, et la moitié la moins importante. C'est en prêchant d'exemple qu'on gagne des adeptes. L'athlète dans un livre apprend mal son devoir. Les exemples vivants sont d'un autre pouvoir. Les martyrs font plus pour l'établissement d'un culte que les théologiens. Le Docteur Rouhet fit de la gymnastique, et il la fit avec éclat. Il voulut que son entraînement profitât non seulement à lui-même, mais encore à ses semblables. Il convia le voisinage au spectacle de ses exploits athlétiques, non par une recherche puérile de la Page 11

réclame, mais pour ramener l'opinion publique aux bienfaits de l'éducation physique. Et l'événement lui donna raison. Ce qui eût pu nuire à sa carrière tourna à sa gloire. Ses confrères, qui avaient d'abord regardé ses efforts d'un œil railleur ou malveillant, finirent par revenir entièrement à lui, en regrettant de n'avoir pas à recommencer une carrière pour imiter son exemple. Car l'opinion publique ressemble un peu à ce lion des ménageries qui rugit et hérisse sa crinière, lorsque le dompteur se présente à lui pour la première fois. Si le belluaire recule, il est perdu; s'il marche résolument au fauve, celui-ci rentre ses griffes, serre la queue entre les jambes et, désormais vaincu et subjugué, le roi du désert fait toutes les volontés de l'homme qui a conquis sur lui de l'ascendant. Bientôt toute la contrée retentit du nom du Docteur Rouhet et connut ses représentations. Tantôt ce sont des paysans girondins, réputés pour forts, qu'il ébahit en enlevant à bout de bras, sans efforts, des poids que ceux-ci peuvent à peine détacher de terre. Tantôt, en plein hiver, il fait briser la glace d'une rivière pour s'y jeter tout en sueur: plaidoyer éloquent et irréfutable en faveur de l'hydrothérapie. Une autre fois, il fait au grand théâtre de Bordeaux, une conférence d'une heure sur la gymnastique; puis il entraîne son auditoire charmé et conquis au port où sont déjà déposés ses appareils, et là, en maillot, sous le grand ciel et devant toute la foule, il exécute la plus effroyable série d'haltères et de barres parallèles qu'il soit donné à l'endurance humaine de produire. Ou bien encore, dans un cirque de passage, il présente son étalon Germinal, dressé en liberté et en haute école, étonne les professionnels euxmêmes par une maestria qu'ils n'auraient pu soupçonner chez un amateur" "Mais toutes ces performances athlétiques n'étaient en quelque sorte que les étapes successives d'un long travail d'observations physiologiques. Et tandis qu'invaincu par les années, il montrait, malgré son âge, que l'âme d'un gymnaste est maîtresse du corps qu'elle anime, il jetait les assises d'un grand ouvrage sur - l'entraînement Complet de l'homme par la Gymnastique - ouvrage qu'attendait avec impatience tous ses amis. Cet ouvrage parut enfin à son heure. Il est peut-être à regretter, pour la gloire de l'auteur, qu'il se soit laissé devancer dans cette publication par d'autres livres du même genre, moins documentés... Car bien qu'édité après eux, il leur est tout de même antérieur par la conception, et, si j'ose ainsi m'exprimer, par la gestation. Il est d'ailleurs aisé de constater par la lecture du livre que l'auteur ne relève que de lui-même; il ne doit rien qu'à ses propres observations, et il a été lui-même son champ d'expériences. Chaque chapitre en est vécu, parce qu'il est une phase de la vie de celui qui l'a écrit. Si le Docteur Rouhet ne s'est pas pressé davantage de faire paraître le résultat de ses recherches personnelles, c'est par un scrupule de conscience scientifique qui l'honore. Il n'a pas voulu une publication hâtive et prématurée, reposant sur une période trop courte d'observations, l'exposât par la suite à être obligé de modifier ses opinions, et de se rétracter ou de manquer à la vérité. Et voilà pourquoi le livre de - L'Entraînement de l'homme par la Gymnastique - est l'ouvrage d'un précurseur, dans toute la force du terme, malgré la date tardive de son apparition; tout ainsi que l'enfant fruit Page 12

d'une longue gestation, est en droit de revendiquer l'antériorité de sa conception sur celui qui, né avant terme, est à peine viable. La faveur marquée avec laquelle le public a accueilli cet ouvrage a engagé le Docteur Rouhet à en écrire un second sur la même matière, pour lequel il s'est assuré la collaboration du Professeur Desbonnet, connu pour son livre sur - la Force - et par les écoles de culture physique qu'il a fondées à Roubaix, à Lille et à Paris. Tous ceux qui s'intéressent à cette question, vitale pour l'avenir de notre pays, de la régénérescence de la race, salueront avec reconnaissance cette nouvelle manifestation de la féconde activé du Docteur Rouhet, en souhaitant qu'elle ne soit pas la dernière. Certes le perfectionnement du corps et un vaste champ d'études ou il y a encore bien des coins inexplorés, bien des terres en friche et, dans les endroits même; où il est déjà cultivé, bien des épis à glaner. Aussi estce un plaisir de le voir moissonner par des hommes de science et de conviction, qui mettent leur savoir au service de la plus utile de toutes les causes, l'amélioration de leurs semblables." BIBLIOGRAPHIE Ouvrages du Docteur Georges Rouhet - "Revenons à la Nature et Régénérons-nous" - "L'entraînement complet de l'homme" - Principes de culture physique et morale" - "La jungle des civilisés" - "Traité de thérapeutique à l'usage du médecin de campagne" - "Traité d'équitation" Mémoires - "Accidents de dentition" - La pneumonie des enfants à la maternelle" - "Etude de physiognomonie" - "La reproduction du cheval" - "Etude sur la tuberculose" - Les accidents de la gymnastique" - La gangrène foudroyante des organes génitaux de l'homme" - "Etudes philosophiques" - etc., etc. Ouvrages en collaboration avec le Professeur Desbonnet - "L'art de créer le pur-sang humain" - "L'art de pendre le bain turc chez soi" RAMOND Richard (2015) - Tous droits de propriété intellectuelle et industrielle réservés. Reproduction même partielle interdite, sauf autorisation de l Auteur. Page 13