Benoît Dassy. Janvier 2006



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Transcription:

Question de Question de Janvier 2006 Benoît Dassy Quelques lignes d'intro Depuis le mois de juillet 2004, le gouvernement fédéral a mis en place le plan d'activation des chômeurs. Ce plan est officiellement destiné à soutenir les chômeurs dans leur recherche d'un emploi. En même temps, il sert à contrôler l'activité des chômeurs. Certains, dans le milieu associatif, se sont insurgés contre ce qui est perçu comme une chasse aux chômeurs. Voyons en quoi consiste ce processus, quels sont ses résultats et quels changements il opère à la fois sur le plan pratique et idéologique. L'auteur Benoît Dassy est secrétaire régionale de s Equipes Populaires de Bruxelles-capitale Edité par les Equipes Populaires Rue de Gembloux, 48 à 5002 St Servais 081/73.40.86 -- equipes.populaires@e-p.be Texte disponible sur le site www.e-p.be

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Ce plan est une procédure imposée aux chômeurs les plus jeunes d'abord, mais elle s'étend progressivement à toutes les tranches d'âge. Les chômeurs de moins de 30 ans sont concernés depuis le début, et les chômeurs entre 30 et 40 ans sont également inclus dans ce processus depuis le mois de juillet 2005. Les personnes sans emploi entre 40 et 50 ans ont encore quelques mois de répit. Une (sinistre) valse à trois temps La procédure se déroule en trois temps. La procédure d'accompagnement débute par une convocation à un premier entretien. Durant celui-ci, le demandeur d'emploi doit prouver à son accompagnateur, sa démarche de recherche active de travail. En fonction de ce que le demandeur d'emploi décrit comme comportement de recherche et des preuves qu'il fournit, l'accompagnateur évalue si ce comportement est positif ou non. S il est convaincu d'un comportement actif du demandeur d'emploi, celui-ci ne recevra une nouvelle convocation que 16 mois plus tard pour recommencer cette étape. Dans le cas contraire, il est tenu de signer un contrat d'activation et devra se représenter +/-4 mois plus tard. Bien entendu, si le chômeur ne se présente pas à cet entretien, il subit une première sanction (suspension des allocations). La deuxième étape consiste en une évaluation du contrat signé à la première étape. En cas d'évaluation négative, les isolés et chefs de ménage verront leurs allocations de chômage diminuer pour une durée de 4 mois, tandis que les bénéficiaires d'allocations d'attente ou les cohabitants bénéficiant d'allocations de chômage voient leurs allocations complètement coupées. Ils sont en outre tenus de signer un nouveau contrat et de passer un nouvel entretien 4 mois plus tard. Lors de la dernière étape, si la personne sans emploi peut monter qu'elle a respecté son contrat, elle ne sera convoquée que 12 mois plus tard. Par contre, si l'accompagnateur estime que les efforts de recherche d'emploi ne sont pas suffisants, la personne est sanctionnée. Cette fois les sanctions sont définitives : les personnes isolées et chefs de ménage voient leurs allocations réduites pendant 6 mois avant d'être complètement coupées. Elles sont supprimées immédiatement pour les autres personnes. La formulation disponible sur le site du gouvernement vaut son pesant d'or : les allocations de chômage pour les isolés, pour les personnes ayant charge de famille ou pour les cohabitants ayant un revenu familial peu élevé sont d'abord pendant 6 mois réduites au niveau du minimum vital et ensuite supprimées. Et, sans rire, quelques lignes plus loin, nous découvrons une tirade sur le caractère humain de ce plan : La proposition activation des demandeurs d emploi se fonde sur une perspective très humaine : tout demandeur d emploi a sans aucun doute été découragé un jour dans sa quête d un emploi, et c est précisément à ce moment-là qu il a besoin d un petit coup de main pour ne pas perdre espoir. Actuellement, la réglementation sur le chômage ne prévoit pas une telle aide. Nous allons changer cela. (1) - 3 -

Vices (de forme) Il devient visible que la fin du processus n'est atteinte que lorsque le demandeur d'emploi voit ses allocations coupées. Autrement, il sera convoqué régulièrement pour attester de son comportement actif de recherche d'emploi. Le but est bien de garantir ce comportement actif. Pourquoi? Parce que dans l'idéologie dominante, les allocations de chômage sont vues comme un revenu à verser aux personnes qui, contre leur gré, se retrouvent au chômage. Bien que d'autres lectures du système de chômage soient possibles - telles qu'un moyen de faire pression à la hausse sur les salaires - les allocations de chômage ne sont pas destinées à subventionner les choix de vie des personnes qui ne veulent pas travailler. Mais nous pouvons remarquer que, précédemment, le chômeur était simplement tenu d'être disponible sur le marché de l'emploi. C'est une notion bien différente du comportement de recherche active. Elle impliquait simplement qu'un chômeur ne pouvait pas refuser un emploi si celui qui lui était proposé était considéré comme convenable. En d'autres termes, nous assistons à une inversion de la charge de la preuve. Ce n'est plus à l'organisme de contrôle de prouver que le chômeur est indisponible pour le travail - en s'appuyant sur le refus du chômeur d'accepter un emploi qu'on lui a proposé - mais c'est au chômeur d'apporter la preuve que cet emploi est indisponible. On peut y lire les traces d'une accusation implicite à l'égard de tous les chômeurs : Vous êtes des profiteurs du système social, vous percevez des allocations alors que vous ne voulez pas vraiment travailler. Sans quoi, la demande de preuves de recherche active n'a pas de sens. A ce stade, il semble que le système de contrôle et de sanctions soit moins démocratique que le fonctionnement de la justice. Un tel constat pouvait déjà être porté avec les méthodes de contrôle concernant l'article 80 : l'inspection du domicile par l'onem pour détecter des traces de cohabitation se faisait de manière plus souple que les perquisitions menées dans le cadre d'enquêtes judiciaires. L'inviolabilité du domicile semble moins importante si le suspect est chômeur... Ce qui pose question, c'est la banalisation d'une telle inversion des logiques : tout se déroule comme si les sans-emploi étaient une catégorie de sous-citoyens dont les droits sont moins importants à respecter. C'est tout d'abord sur ces glissements insidieux qu'il est important d'attirer l'attention. Un autre glissement a lieu avec la notion de contrat. Cette notion suppose deux parties qui conviennent librement d'un arrangement entre elles. Quelle est la marge de liberté du demandeur d'emploi qui sait que s il refuse le contrat, il se verra couper tout revenu? Effets collatéraux Quels sont les résultats des entretiens? La présentation des chiffres par le gouvernement et les médias est trompeuse. La Libre Belgique reprend ainsi quelques chiffres présentés par le ministre, le 18 novembre, portant sur la situation arrêtée au 30 septembre. Elle tire une conclusion douteuse : - 4 -

Il n'y a pas de chasse aux chômeurs et tirait cette conclusion de chiffres cités mais utilisés différemment : très peu de chômeurs sanctionnés par rapport aux total des personnes concernées. Elle tire là une conclusion alors que le processus est à peine enclenché et n'a pas pu produire tous ses effets. Mais l'effet idéologique est malheureusement passé dans la tête du lecteur moyen : pas de quoi s'inquiéter, ces alertes à la chasse aux chômeurs, c'est un truc de gauchos. Une autre idée bien ancrée devra peut-être, elle, être revue : les chômeurs wallons font en moyenne preuve d'un comportement plus actif que les flamands! A moins que les contrôleurs wallons et bruxellois soient moins enclins à la sanction. Selon les extrapolations réalisées par la Plate-forme contre la chasse aux chômeurs, (2) à ce rythme là c'est près de 12% des personnes qui présentent leur premier entretien qui devraient être sanctionnées. Si l'on reprend le chiffre des personnes convoquées, on atteindrait environ 6000 personnes suspendues de leurs allocations à cause de cette procédure! Quelles sont les conséquences sur l'emploi? Ce qui apparaît également, c'est l'impact insignifiant de cette mesure sur l'emploi. Le taux de chômage n'a pas diminué, malgré le comportement actif des chômeurs. Pourquoi? Nous n'allons pas faire l'analyse de la structure du chômage. Mais disons rapidement que pour trouver quelque chose, il faut certes chercher mais il faut également quelque chose à trouver. Or, pour diverses raisons selon les régions (démographiques, adaptation de l'offre à la demande, investissements privés et publics insuffisants...), les emplois convenables pour tous sont indisponibles. Les seuls emplois créés à coup sûr par ce dispositif sont ceux des accompagnateurs engagés par l'onem. Mais les dégâts humains chez ceux-ci se font également sentir. Présenté comme de l'aide aux chômeurs, leur job se transforme petit à petit en une course pour faire du chiffre dans les sanctions et ils se sentent piégés. L'un d'entre eux en est même venu à se confier à la presse (voir Le soir du 14/06/05). Même de son point de vue, la chasse aux chômeurs est ouverte. Quelles sont les conséquences sur les personnes au chômage? Si certains sans-emploi peuvent avoir été stimulés par les entretiens, les chômeurs de longue durée n'en ont pas pour autant tous été remis en selle avec ce processus. Loin de là. Ce processus de contrôle provoque un stress considérable chez les chômeurs fragilisés, les lents, les timides. Il accentue la spirale négative chez certains, les forçant à faire des démarches humiliantes, telles que demander un cachet d'attestation chez des employeurs ou dans des crèches, dont le seul résultat escompté est la sauvegarde de leurs allocations. Le processus de recherche active implique aussi des frais qui peuvent être estimés à 200e par trimestre (lettres, timbres, déplacements, accès Internet...) par chômeur. Ce qui contribue à accentuer leur précarité financière, sans aucune garantie de pouvoir sortir du chômage. Si un nombre important de chômeurs venaient à être exclus et devaient se retourner vers les CPAS, il y a un risque pour leur droit aux allocations. Auparavant, il fallait 12 preuves par semaine, mais c était un examen au cas par cas. Certains CPAS pourraient donc décider de refuser d aider ceux qui auraient été exclus du chômage en argumentant que cette exclusion prouve leur indisponibilité sur le marché de l'emploi. Nos chômeurs exclus risquent donc de se voir couper de tout revenu! - 5 -

Vices (de fond) Nous venons de voir qu'il y a un choix politique des CPAS. Pour le courant idéologique dominant, l'important, est de ne pas être devant sa télé à ne rien faire. A nouveau, le glissement est subtil : du chômeur involontaire à qui fournir un revenu, nous passons au revenu mérité par le comportement actif, même au sein des CPAS. Nous avons vu que ce plan sous-tend une responsabilisation individuelle des chômeurs dans leur situation alors que les problèmes de sous-emploi sont structurels. Cette concentration de l'attention vers les chômeurs et leur responsabilisation de leur situation va de pair avec la perte de contrôle du monde économique par le politique. La machine économique est hors contrôle, alors contrôlons les chômeurs! C'est aussi une réponse à la demande de la population qui se trouve désemparée devant une situation économique et sociale qui se détériore. Les premiers boucs émissaires à trouver pour les travailleurs fragilisés sont les chômeurs : ils coûtent aux travailleurs et aux patrons. Il est plus facile de les renvoyer à leur propre responsabilité plutôt que de l'assumer collectivement. Et cette pensée se répand parmi les chômeurs aussi : dénonciations de chômeurs et autres allocataires sociaux profiteurs se rencontrent aussi au sein des classes fragilisées. Face à cette dérive, il est temps de réaffirmer que c'est le système qui exclut massivement du monde du travail, et de dénoncer l'aspect idéologique pervers qui se cache derrière ce plan. Quelles sont les résistances possibles? Des réactions se sont fait entendre de la part du monde associatif et syndical mais elles n'ont pas réussi à empêcher la mise en oeuvre de ce plan. Il faut aussi constater que cette logique se retrouve dans d'autres plans gouvernementaux. Les bénéficiaires du revenu d'insertion doivent montrer leur recherche de travail, les travailleurs n'auront droit à la pré-pension qu'en dernier recours... Les attaques contre les filets sociaux se multiplient mais en ordre dispersé, ce qui rend une mobilisation globale difficile. Par contre, ces mesures rendent l'accès à ces allocations moins facile et constituent dès lors un moyen de pression à la baisse sur les salaires et les conditions de travail. Ces allocations sont destinées à venir en aide aux personnes victimes d'un système qui recherche d'abord le profit et qui ne comprend aucune garantie de subvenir aux besoins de tous. Il est temps de le rappeler haut et fort : responsabiliser les victimes ne changera nullement ce système et ne fera qu'accroître les inégalités au profit des plus riches. Globalement, nous n'avons jamais été aussi riches qu'aujourd'hui. Il est inacceptable que nous ne pouvions subvenir aux besoins de tous. Ce qui nous manque, ce ne sont pas les moyens pour subvenir aux besoins des exclus, c'est la solidarité qui nous permettrait de les partager! ----------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------------- 1. Réponse du gouvernement à la position des syndicats concernant ce plan d'activation : http///meta.fgov.be/pi/pib/frib26.htm 2. Plate-forme contre le plan de chasse aux chômeurs et pour la création de vrais emplois pour tous. C/O Yves Martens. Collectif solidarité contre l'exclusion - rue Philomène, 43 à 1030 Bruxelles - Tel: 02/218.09.90 - contact@stopchasseauxchomeurs.be - http://www.stopchasseauxchomeurs.be - 6 -

Profits en hausse, emplois en baisse : Ce sont les chômeurs qui prennent les claques! Le Bureau fédéral du Plan signale la création de 79.000 emplois sur la période 2003-2006 mais il dénombre pour la même période 89.000 chômeurs supplémentaires!!! En 2004, l'équation entre l'offre d'emplois et la demande était de 1 pour 32 en Belgique : Les entreprises n'ont proposé que 35.000 offres pour 500.000 demandeurs d'emploi. Pendant ce temps, le plan d'activation de recherche d'emploi rend les chômeurs responsables de cette situation. Le seul objectif est de diminuer le coût du chômage à travers les exclusions et de faire accepter des emplois au rabais : des emplois à temps partiel, à durée déterminée, de contrats intérimaires, de petits boulots sans avenir et mal payés. Le plan d'activation de recherche d'emploi a rendu le chômeur responsable du taux élevé du non emploi. Confronté à la réalité du marché, ils accumulent les refus, voire l'agressivité de la part des employeurs (si toutefois ils reçoivent une réponse). Certains font une dépression, d'autres activent des mécanismes de défense. Mateo Alaluf, sociologue à l'ulb, décrit ces mécanismes comme : une des stratégies pour protéger l'image que l'on a de soi est de dire que le travail n'est pas la priorité. Il se protège et se débrouille : travail au noir, services dans le voisinage, etc. On pourrait croire qu'il se complait au chômage, mais ce n'est pas vrai! car qui est chômeur est banni socialement. Parfois, ceux que l'on croit inemployables sont parfois les premiers à trouver un emploi. Matéo Alaluf dit que les personnes qui se retrouvent avec le couteau sous la gorge peuvent devenir les plus employables car elles accepteront des emplois que les autres n'acceptent pas. Le plan d'activation des chômeurs risque d'aggraver l'impact des échecs. Que doivent montrer les chômeurs? Qu'ils se sont pris 40 fois une claque dans la figure? Est-ce agréable? Cela ne correspond pas à la déclaration universelle des droits de l'homme (art 23 1) Toute personne a droit au travail, au libre choix de son travail, a des conditions équitables et satisfaisantes de travail De l'autre côté, les patrons et actionnaires belges se sont généreusement octroyés une augmentation salariale moyenne de 10,5%. Exemple : les 9 membres du CA d'interbrew se sont partagés 18,4 millions d'euros. Pour l'année 2003-2004, l'augmentation moyenne des bénéfices des entreprises en Belgique aura été de l'ordre de 15%. Rarement dans l'histoire du capitalisme belge, les taux de profits ont été si importants. Les profits ont été réinvestis dans une faible proportion. Conséquence : un baisse des activités, faible création d'emplois et chômage en augmentation. Conclusion : profits en hausse, emplois en baisse Cherchez l'erreur! Jean-Pierre Loof - 7 -