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PREVENTION ET DEPISTAGE DES CANCERS COLO-RECTAUX En France, le cancer colo-rectal se situe au premier rang des cancers pour les deux sexes et on estime à près de 38 000 le nombre de nouveau cas par an et 16 000 décès par an. Habituellement précédé pendant de nombreuses années par une tumeur bénigne, l adénome (improprement appelé polype) dont la détection et l exérèse permettent de prévenir le risque de transformation maligne, ce cancer rempli les conditions que doit avoir une maladie pour qu une stratégie de dépistage soit justifiée. De plus, diagnostiqué au début, le cancer colo-rectal est guérissable. LA PREVENTION PRIMAIRE DU CANCER COLO-RECTAL EST-ELLE POSSIBLE? La responsabilité de l environnement dans la genèse du cancer colo-rectal est évoquée dans de nombreuses études épidémiologiques. Rôle protecteur des fibres alimentaires, des légumes verts, des fruits, du calcium et des vitamines A C D et E, du B carotène, du café et des folates. Rôle favorisant de la sédentarité, des graisses, des viandes, des protéines, de l apport calorique élevé, de l alcool et du tabac est rapporté. L aspirine et les anti-inflammatoires non stéroïdiens (AINS) bloqueraient l initiation et la croissance des adénomes. Cet effet protecteur serait suspensif ; donc lié à la prise médicamenteuse et disparaissant à son arrêt. Il est, cependant, prématuré de recommander leur utilisation courante et prolongée. LE DEPISTAGE DU CANCER COLO-RECTAL Le dépistage du cancer colo-rectal repose sur la détection des polypes qui sont considérés comme des lésions pré-cancéreuses. En effet, la filiation polype adénomateux-cancer est démontrée. Quatre-vingt pour cent des cancers du colon surviennent sur des polypes qu il convient donc de dépister et de détruire. 1. A qui proposer une coloscopie? Aux sujets dits à risque élevé : - Les sujets ayant un ou plusieurs parents du premier degré (père, mère, sœur, frère, enfant) atteints d un cancer colo-rectal ou porteur d adénome ont un risque d être atteints de ce cancer 2 fois plus élevé que ceux de la population générale. - Dans ce groupe le risque est cinq fois plus élevé pour les apparentés du sujet dont le diagnostic a été porté avant l âge de cinquante ans. - La coloscopie est proposée à partir de 45 ans ou 5 ans avant l âge du diagnostic du cas index. Après une coloscopie normale, une surveillance tous les 5 ans est suffisante. - Les sujets ayant des antécédents personnels d adénome de plus de 1 cm de diamètre et / ou multiple et / ou avec structure villeuse. La coloscopie de contrôle est à effectuer à 3 ans puis 5 ans après si l examen est normal. Elle est réalisée à 1 an si l on a un doute sur le caractère complet de la polypectomie ou un doute sur le caractère exhaustif de l examen en cas de vacuité colique incomplète. - Les sujets ayant des antécédents personnels de maladie inflammatoire de l intestin (Recto-colite Hémorragique et Maladie de Crohn) ont un risque de transformation cancéreuse qui augmente avec l ancienneté de la maladie. La coloscopie est conseillée tous les deux ans après quinze ans d évolution de la maladie. - Les femmes déjà traitées pour cancer de l ovaire ou du corps de l utérus ont un risque de cancer colo-rectal plus élevé que celle de la population générale. 1

Aux sujets dits à risque très élevé : Deux maladies génétiques et de transmission autosomique dominante sont identifiées : la polypose adénomateuse familiale (PAF) et le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC (héréditary non polyposis colo-rectal cancer). Le diagnostic doit être évoqué quand l âge au diagnostic du cancer colo-rectal est inférieur à 50 ans, quand existent des antécédents tumoraux personnels, quand il existe une agrégation familiale de cancer colo-rectaux et d autres sites. Il importe alors de reconstituer l arbre généalogique du sujet pour déterminer s il s agit bien d une forme familiale. C est l indication à une consultation d onco-génétique. La polypose adénomateuse familiale expose à un risque de transformation maligne de 100 % à 50 ans. La recherche de la mutation du gène APC (à partir d une prise de sang) permet d identifier les membres de la famille atteints pour leur proposer une surveillance particulière. Le dépistage par coloscopie doit s effectuer dès la puberté et tous les ans. Le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC est défini par les critères cliniques d Amsterdam : trois parents au moins sont atteints de cancers coliques, dont un diagnostiqué avant 50 ans, un sujet atteint est parent au 1 er degré des deux autres et deux générations successives sont atteintes. La présence du phénotype RER + dans la tumeur permet de sélectionner les sujets devant bénéficier d un diagnostic génétique. La coloscopie totale doit être réalisée tous les deux ans dès l âge de 25 ans ou 5 ans avant l âge au moment du diagnostic du cas le plus précoce dans la famille. 2. A qui proposer le test Hémoccult? Aux sujets dits à risque moyen Il s agit de patients âgés de plus de 50 ans sans symptômes digestifs et sans antécédents personnels et familiaux de polype ou de cancer. La consultation de dépistage doit comporter, de manière systématique, le toucher rectal. Le test Hemoccult : C est le test de recherche d un saignement occulte dans les selles le mieux évalué et le plus utilisé dans les campagnes de dépistage massif. Il est constitué d un papier réactif imprégné de gaïac sur lequel le sujet applique un fragment de selle fraîchement émise. La coloration bleue indique la positivité du test et doit conduire à la réalisation d une coloscopie totale. Réalisé sans régime alimentaire et lu par un centre de lecture ayant acquis une expérience suffisante, le taux de positivité d une population de plus de 50 ans est d environ 2%. Sa valeur prédictive positive est voisine de 10% pour un cancer et de 30% pour un adénome. Sa sensibilité, définie comme l aptitude à dépister une tumeur colorectale (cancer ou polype de plus de 2 cm) est de 50% à 80%. L étude bourguignonne d évaluation du dépistage par le test Hémoccult confirme les résultats des études danoises et anglaises : proposé tous les deux ans à des personnes âgées de 45 à 74 ans, ce dépistage permet d obtenir, sur une période d observation de 10 ans, et avec la participation d au moins 50 % de la population, une réduction de mortalité par cancer colorectal de 14 % à 18 %. Dans toutes ces études, si l on analyse la population ayant effectivement pratiqué le test (en excluant ceux qui l ont refusé) le bénéfice de survie pour les participants atteint et dépasse 30 %. 2

Chez les sujets explorés, 40 à 50 % des cancers sont localisés à la paroi (Dukes A) et donc chirurgicalement curables. L une des principales critiques émises contre ce test concerne le pourcentage significatif de «faux-négatifs». Il s agit de cancers diagnostiqués plus ou moins tardivement après un test Hémoccult négatif. Or il faut souligner que dans ce groupe, le diagnostic de cancer est plus précoce que dans la population témoins; ce qui suggère que la population testée a été sensibilisée au problème du cancer colo-rectal et a souvent consulté dès les premiers symptômes. Ce test n a pas de valeur diagnostique et n est pas indiqué en cas de saignement macroscopique ni en cas de confirmation de suspicion de rectorragies. Il doit être, actuellement, considéré comme un moyen de dépistage du cancer colo-rectal dans le cadre d une structure de dépistage organisé avec centre de lecture expérimenté. STRATEGIE DE DEPISTAGE DU CCR Population cible Asymptomatique Symptomatique Signes digestifs Rectorragies COLOSCOPIE Pas d'atcd familiaux ATCD familiaux Age > 50 ans Patient à risque moyen Dépistage Age < 50 ans Pas de dépistage Stategie de dépistage 2 ATCD familiaux Polypose recto colique familiale HNPCC 2 parents ou plus atteints d'un CCR Un parent du 1er degré atteint d'un CCR avant 60 ans Parent du 1er degrè atteint d'un CCR après 60 ans Consultation génétique Dépistage spécifique Coloscopie à partir de 40 ans ou 10 ans avant l'age du diagnostic de CCR chez le parent atteint Coloscopie à partir de 50 ans 3

ANNEXES - Polype - Filiation polype adénomateux-cancer - Groupes à risque - Polypectomie - Polypose - Polypose adénomateuse Familiale - Le syndrome de Lynch ou syndrome HNPCC 4

POLYPE COLIQUE 5

SEQUENCE POLYPE-CANCER 10% > 1cm 100 25% 1000 0 10 ans Adenome Cancer 6

GROUPES A RISQUE Risque moyen Le risque net moyen net est estimé à 3.5% 75 % Risque élevé ATCD familiaux de CCR ou d adénome >1 cm avant 60 ans ATCD personnel de CCR ou d adénome > 1 cm Pathologie à risque (MICI..) 20 % Risque très élevé Polypose recto colique familiale HNPCC Le risque est supérieur à 80% 2 à 5 % 7

POLYPECTOMIE 8

POLYPOSE 9

POLYPOSE ADENOMATEUSE FAMILIALE 1 % des CCR A partir de la puberté Manifestations extra-digestives: tumeurs desmoïdes, adénomes duodénaux, hypertrophie de la couche pigmentaire de la rétine Gêne APC sur le chromosome 5 Consultation d oncogénétique Coloscopie annuelle à partir de 11 ans 10

LE SYNDROME DE LYNCH OU SYNDROME HNPCC 1 à 5 % des CCR Gêne MMR phénotype RER Association dans une même famille de cancers rectocoliques, de l endomètre, de l estomac, des ovaires, des voies urinaires... Consultation d oncogénétique Coloscopie tous les 2 ans 11