Information du patient en radiologie : aspects médico-légaux Patient information in radiology: medico-legal considerations

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Transcription:

MISE AU POINT Information du patient en radiologie : aspects médico-légaux Patient information in radiology: medico-legal considerations Elyes Turki 1, Amal Mosbahi 1, Khaled Annabi 1, Wael Majdoub 1, Mohamed Ben Dhiab 2 1- Service de médecine légale, Hôpital universitaire Ibn EL Jazzar, Kairouan, Tunisie 2- Service de médecine légale, CHU Farhat Hached, Sousse, Tunisie résumé L information du patient constitue un droit fondamental du patient et un devoir légal de tout médecin. La pratique radiologique a connu une évolution considérable en introduisant le volet thérapeutique pourvoyeur de nouveaux enjeux médico-légaux. L information constitue une pièce angulaire du consentement éclairé du patient aux investigations radiologiques envisagées. Un défaut d information constitue une faute contre l humanisme médical pouvant engager la responsabilité médicale civile ou administrative. De ce fait, le radiologue est tenu à bien connaître ses obligations en matière d information du patient. Mots clés : Information, consentement, responsabilité, radiologie. summary Information constitutes a basic right of the patient and a legal obligation of the physicians. Radiological daily practice has evolved mainly by introducing the care rule of radiologists. This active rule is leading to add new medico-legal challenges. Patient Information is considered as a cornerstone of the valid consent to radiological investigations. A lack of information constitutes a fault against medical humanism being able to engage civil or administrative medical liability. Therefore, radiologists must be aware and familiar with their obligations towards patients, including the requirement to provide adequate information. Key words: Information, consent, liability, radiology. Correspondance Amal Mosbahi, Service de médecine légale, Hôpital universitaire Ibn EL Jazzar, Kairouan, Tunis Email: mosbahiamal@gmail.com LA TUNISIE MEDICALE - 2020 ; Vol 98 (10) : 705-709 705

E. Turki & al. - Information du patient en radiologie INTRODUCTION A l instar de tout médecin, le radiologue indépendamment de son mode d exercice, est soumis au devoir d information du patient [1,2]. Cette information a des aspects particuliers en rapport avec l intervention du radiologue souvent pour exécuter les prescriptions des médecins traitants. Un défaut d information du patient et par conséquent le non recueil de son consentement éclairé est une condition condamnable pouvant engager en fonction du mode d exercice la responsabilité civile et parfois administrative du radiologue [3]. Nous nous proposons de discuter les aspects médico-légaux de l information et du consentement du patient en radiologie. BASES LÉGALES DE L INFORMATION L information du patient est un principe universel résultant d une longue évolution juridique et jurisprudentielle [4-6]. En Tunisie, le Code de Déontologie Médicale (CDM) publié en 1993 sans révisions jusqu à ce jour, comporte plusieurs insuffisances dont l absence d articles spécifiques à l information du patient [7,8]. Dans ce cadre, l article 42 interdit le refus d explications aux patients demandeurs de la note d honoraires. Le médecin expert se trouve également dans l obligation d informer le patient de l expertise demandée conformément à l article 73. De même pour les essais non thérapeutiques, l article 106 précise les modalités d information. D autres textes constituent une référence express à l obligation d information et sont comme suit : - La charte du patient avancée par la circulaire du Ministère de la Santé Publique (MSP) [9]. Cette charte a consacré le chapitre III au droit à l information. Elle a insisté ainsi sur le droit du patient d être informé des différentes explorations et soins proposés ainsi que des mesures préventives nécessaires - Le décret n 81-1634 du 30 novembre 1981, portant règlement général intérieur des hôpitaux, instituts et centres spécialisés relevant du MSP [10]. Ce décret et à travers son article 32, rend obligatoire l information du patient hospitalisé dans un établissement de santé public de toutes les informations qui lui seront utiles pendant son séjour. Les hospitalisés doivent également être informés obligatoirement du nom des praticiens et des personnes appelées à leur donner des soins. Selon l article 33 du même décret, le patient doit être informé par le médecin chef de service ou les médecins de service sur son état et dans la mesure du possible des traitements et des soins proposés. Tout patient sortant de l hôpital doit recevoir les certificats médicaux et les ordonnances nécessaires à la continuation des soins conformément à l article 23. - L arrêt de la cour de cassation Pénale tunisienne n 20241 du 13 mars 2008 [11]. Cet arrêt se rapporte à une plainte contre un neurologue qui a indiqué une angiographie cérébrale chez un patient atteint de céphalées avec œdème cérébral. L angiographie a été compliquée par un accident vasculaire cérébral. La Cour de cassation a déclaré le pourvoi recevable en la forme et a rejeté le pourvoi quant au fond pour insuffisance de motifs. - La circulaire ministérielle de la santé n 104 du 23 novembre 2012 relative au devoir d information du patient [12]. - L arrêt de la 3 ème chambre de cassation du Tribunal Administratif tunisien n 38643 du 31 décembre 2007 [13]. L affaire concerne une intervention chirurgicale ayant entraîné la perte définitive de l ouïe pour la victime. Le jugement de première instance du Tribunal Administratif a rejeté le recours en dommages et intérêts du patient pour absence de faute médicale. Toutefois, la chambre d appel et la chambre de cassation ont retenu la responsabilité du service hospitalier sur la base du manquement des praticiens à une obligation d ordre éthique : celle d informer la patiente du risque qu elle encourait en acceptant de se soumettre à l intervention qu on lui avait proposé. En cassation, le Tribunal Administratif a confirmé la faute de service tout en précisant les fondements de l obligation d information médicale, sa portée et ses conséquences à travers l application de la notion de perte de chance. - L arrêt de la cour de cassation pénale tunisienne n 36624 du 25 mars 2003 [14]. Cet arrêt se rapporte aux complications post opératoires et insiste sur l obligation du médecin d informer le malade de tous les risques qui peuvent résulter de l opération chirurgicale même si ces risques sont exceptionnels. CONTENU DE L INFORMATION La charte du patient précise que ce dernier doit être informé des noms des médecins traitants et des personnes chargées de procurer les soins. Le patient a le droit également à recevoir un imprimé lors de son hospitalisation comportant toutes les informations qui lui 706

LA TUNISIE MEDICALE - 2020 ; Vol 98 (n 10) seront utiles tout au long de son séjour. L information doit porter sur les soins proposés, leurs bénéfices et leur coût estimatif, la prévention, le degré d urgence des activités thérapeutiques, les résultats prévisibles du traitement proposé, les substituts thérapeutiques possibles, les résultats prévisibles en cas de refus de traitement, les raisons de transfert d un établissement sanitaire à un autre, les différentes investigations et explorations envisagées ainsi que les risques prévisibles de l acte médical diagnostique ou thérapeutique [9]. Le patient doit être informé non seulement des risques prévisibles et non exceptionnels de l acte médical mais aussi des risques graves mêmes exceptionnels. MODALITÉS D INFORMATION Le devoir d information incombe à tout professionnel de santé dans le cadre de ses compétences. Il concerne indispensablement le patient qui est le principal bénéficiaire de l information. Toutefois, et dans le but de faire participer l entourage proche du patient aux soins, il est possible d informer le patient en présence de ses proches choisis par lui-même. L information des proches est également justifiée pour les mineurs, les personnes atteintes de troubles mentaux affectant leur capacité de discernement, les comateux et en cas de décès du patient. Le devoir d information incombe au médecin et non au personnel paramédical. Toutefois, le technicien de radiologie peut informer le patient sur le déroulement technique de l examen radiologique. Afin qu il n y ait pas d hiatus et de discordance entre les informations successives, une coordination et communication entre médecins prescripteur et radiologue s avère nécessaire. Le radiologue est tenu à informer le patient avant, lors et après la réalisation de tout examen radiologique même si cet examen est jugé nécessaire et indispensable [2]. L information est classiquement orale se basant sur une bonne communication entre le médecin et le patient visant à faire comprendre ce dernier. Toutefois, une information écrite ou sur support multimédia peut constituer un complément et non un substitut à l information orale. Dans les structures hospitalières publiques, il est recommandé de recueillir le consentement du patient conformément au modèle de consentement avancé par la circulaire ministérielle du 23 novembre 2012 [12]. Le médecin est tenu à communiquer au patient, en termes simples et intelligibles, les informations médicales et ce en tenant compte de la difficulté de compréhension qui caractérise certaines catégories de patients tels que les enfants, les malades mentaux et les personnes âgées. L information du patient doit être : Claire, compréhensible, intelligible et facile à comprendre. Simple et approximative. Appropriée et adaptée aux circonstances du patient et de sa maladie. Loyale mais sans franchise brutale et devenir anxiogène. Toutefois, une dissimulation d un pronostic grave ou fatal reste possible conformément à l article 36 du CDM [7]. Effectuée dans la mesure du possible précocement par rapport à l examen radiologique envisagé en particulier pour les actes de radiologie interventionnelle afin de permettre au patient de réfléchir et prendre sa décision en toute quiétude. LIMITES DE L INFORMATION L information présente des limites pouvant se voir en cas de certaines situations d urgence et pour ne pas nuire au patient. En effet, et conformément à l article 35 du CDM, le médecin peut être dispensé de l obligation d information lorsque des soins s imposent en urgence avec impossibilité d informer et d avoir le consentement du patient ou de son représentant légal pour l enfant et l incapable majeur [7]. Les limites de l information peuvent s inscrire également dans l intérêt du patient lorsque le médecin juge que cette information risque d être préjudiciable au patient tel que dans le cas de pronostic grave ou fatal. L information peut être dans ce cas révélée à la plus proche famille, en l absence d opposition préalable du patient [7]. Le refus du patient d être informé constitue également une limitation de l information en dehors des maladies transmissibles pouvant nuire à autrui. PREUVE DU DÉFAUT D INFORMATION Conformément aux règles qui régissent le droit de la preuve et jusqu en 1997, c était au patient de prouver que l information nécessaire ne lui avait pas été apportée. 707

E. Turki & al. - Information du patient en radiologie Cette preuve négative était toujours difficile à apporter d où un revirement de la jurisprudence française est intervenu en 1997 et a renversé la charge de la preuve [15]. Le médecin doit s efforcer, en cas de litige, de fournir les moyens de preuve d une information adéquate. La jurisprudence retient comme preuves d information les présomptions tirées du contenu des documents médicaux, des examens complémentaires, du nombre de consultations, du délai de réflexion entre la date de l indication d un acte et sa réalisation et des avis d éventuels consultants extérieurs. L aveu, les témoignages, les documents écrits d information peuvent aussi constituer un préjugé favorable. Toutefois, l information écrite ne peut à elle seule constituer une preuve et décharger le médecin d un éventuel défaut d information [2]. La preuve de l information s avère plus difficile à établir en radiologie du fait du contact bref avec le patient et de l intervention souvent de médecins traitants. De ce fait, le radiologue doit s efforcer de collecter le maximum de données pouvant prouver une information adéquate en particulier pour les actes interventionnels. INFORMATION EN TÉLÉRADIOLOGIE Quoiqu il n existe aucun texte de loi spécifique à la téléradiologie en Tunisie, la loi n 2018-43 du 11 Juillet 2018 complétant la loi n 91-21 du 13 mars 1991 [16] rend obligatoire le devoir d information du patient pour tout acte de télémédecine. En comparaison avec le droit médical français, la télé-radiologie, qui existe depuis plusieurs années, est bien réglementée à travers essentiellement le Code de la santé publique (CSP) français [17] et deux chartes de téléradiologie élaborées en 2009 [18] et en 2015 [19] puis reprises et actualisées en un seul document en 2020 [20]. En effet, Les actes de télémédecine sont réalisés avec le consentement libre et éclairé de la personne, en application notamment des dispositions des articles L. 1111-2 et L. 1111-4 du CSP [17]. IMPLICATIONS MÉDICO-LÉGALES D UN DÉFAUT D INFORMATION Le défaut d information constitue une faute d humanisme médical qui risque d engager la responsabilité civile ou administrative. Hulson rapportait que, dans une étude faite aux royaumes unis entre 1995 et 2014, 791 plaintes ont été enregistrées où la radiologie était impliquée comme une principale spécialité fautive. Le consentement et le défaut d information représentaient 10% des motifs des plaintes liées à la radiologie interventionnelle [21]. En France, une étude faite, dans le cadre d une thèse, s étendant entre janvier 2010 et décembre 2015 a retenu 201 décisions de justice relatives à un défaut d information dont quatre affaires concernaient la radiologie [22]. En effet, en absence d information, le consentement éclairé fait défaut ce qui constituait en droit français et jusqu à une époque récente une perte de chance pour le patient. La jurisprudence française admettait que le défaut d information n est indemnisable que lorsque l acte médical pratiqué n est pas indispensable [23]. Dans le secteur privé, l indemnisation est à la charge du médecin à défaut d un contrat d assurance privée professionnelle. Dans le secteur public et compte tenu de l absence de relation contractuelle entre le médecin et le malade, le défaut d information rentre habituellement dans le cadre d un dysfonctionnement du service hospitalier. Cependant, cette notion de perte de chance ne permet à la victime que d obtenir une réparation partielle de son dommage corporel. Elle aboutit même parfois à écarter toute réparation, s il est établi que le patient n a perdu aucune chance d éviter le dommage [24]. Par une première décision en date du 3 juin 2010, la cour de cassation française a reconnu qu un défaut d information peut être indemnisé à titre autonome. Par la suite, elle a précisé les conditions de reconnaissance de ce nouveau chef de préjudice moral dit d impréparation. Ce préjudice indemnise le patient de ne pas pouvoir se préparer aux conséquences de l intervention médicale, préparation qui aurait pu avoir lieu en cas de respect de l obligation d information [25]. Malgré cette décision, il a fallu attendre l arrêt du 10 octobre 2012 pour que le conseil d Etat, juridiction administrative française, consacre-t-elle aussi le préjudice d impréparation [25]. Afin d obtenir une homogénéité de jurisprudence française judiciaire et administrative, la cour de cassation rejoint l argumentation du Conseil d Etat dans une décision rendue le 23 janvier 2014 [25]. Ainsi, les médecins sont tenus d informer l entier contenu de leur intervention médicale aux patients. Ceci est obligatoire pour les interventions qui sont indispensables, facultatives ou alternatives. 708

LA TUNISIE MEDICALE - 2020 ; Vol 98 (n 10) Enfin, par son arrêt rendu le 25 janvier 2017, la cour de cassation française apporte une nouvelle précision. Une patiente a consulté un chirurgien vasculaire à la suite de malaises répétés sans perte de connaissance. Une sténose carotidienne a été diagnostiquée. Une artériographie a été réalisée par un radiologue suite à laquelle la patiente a présenté une hémiplégie des membres. La patiente a porté plainte en justice, elle invoque, outre la réparation de son préjudice corporel, la réparation du défaut d information sur le risque médical lié à l acte en cause. La Cour de cassation a condamné les médecins (chirurgien et radiologue) à payer une indemnité, à la fois en réparation de la perte de chance d éviter le dommage, mais aussi en réparation du préjudice d impréparation à la réalisation du dommage. Ainsi, deux indemnités cumulatives ont pu être accordées [26]. En conclusion, l importance de l information du patient en radiologie s avère souvent insuffisamment connues. Toutefois, les radiologues devenus actuellement de véritables médecins traitants, sont de plus en plus concernés par le devoir d information. De ce fait, une bonne connaissance des radiologues des particularités de cette obligation légale et des risques médico-légaux d un défaut d information s avère nécessaire. RÉFÉRENCES 1. Manaouil C, Saliou G, Valléé JN, Jardé O. La loi du 4 mars 2002 : comment l appliquer en matière d information des patients en radiologie. J Radiol 2006;87:355-62. 2. Dedouit F, Grill S, Thomas A, Otal P, Joffre F, Telmon N, et al. Aspects médico-légaux des gestes interventionnels en radiologie ostéo-articulaire. J Radiol 2007;88:1261-3. 3. Picard L, Bracard S, Braun M, Anxionnat R, Moret C, Lebedinsky A, et al. Risques et responsabilités en radiologie diagnostique et interventionnelle. Aspects éthiques et médico-légaux. J Radiol 2005;86:579-85. 4. Rougé-Maillart C, Gosset D, Penneau M. Sur le devoir d information du patient. Feuillets de Radiologie 2001;41:262-8. 5. Rougé-Maillart C, Soussé N, Penneau M. Influence de la loi du 4 mars 2002 sur la jurisprudence récente en matière d information du patient. Médecine et droit 2006;77:64-70. 6. Hazeebroucq V. Le consentement éclairé en l an 2000. J Radiol 2000;81:931-32. 7. Code de déontologie médicale tunisien. Décret n 93-1155 du 17 mai 1993, portant code de déontologie médicale. Journal Officiel de la République Tunisienne n 40 des 28 mai et 1 er juin 1993 p.764. 8. Aissaoui A, Haj Salem N, Chadly A. Vers un nouveau Code de Déontologie Médicale Tunisien. Tunis Med 2010;88:373-7. 9. Charte du patient. Circulaire du ministre de la santé publique n 36 du 19 mai 2009. 10. Décret n 81-1634 du 30 novembre 1981, portant règlement général intérieur des hôpitaux, instituts et centres spécialisés relevant du ministère de la santé publique MSP. Journal Officiel de la République Tunisienne n 77 du 04 décembre 1981. 11. République Tunisienne. Arrêt de la cour de cassation Pénale tunisienne n 20241 du 13 mars 2008. 12. Circulaire du ministre de la santé tunisienne n 104 du 23 novembre 2012 relative au devoir d information du patient. 13. République Tunisienne. Arrêt de la 3 ème chambre de cassation du Tribunal Administratif tunisien n 38643 du 31 décembre 2007. 14. République Tunisienne. Arrêt de la cour de cassation tunisienne n 36624 du 25 mars 2003. 15. Cour de Cassation, Chambre civile 1. République Française du 25 février 1997 n 94-19685. Disponible à l URL : https://www.legifrance.gouv.fr/ affichjurijudi.do?idtexte=juritext000007037245. 16. Loi n 2018-43 du 11 juillet 2018 complétant la loi n 91-21 du 13 mars 1991 relative à l exercice et à l organisation de la profession de médecin et de médecin dentiste. Journal Officiel de la République Tunisienne n 57 du 17 juillet 2018. 17. Code de la Santé Publique français. 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