RAPPORTS DES COMITÉS SESSION NATIONALE #67 "POLITIQUE DE DÉFENSE" 2014-2015



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Transcription:

RAPPORTS DES COMITÉS SESSION NATIONALE #67 "POLITIQUE DE DÉFENSE" 2014-2015 INSTITUT DES HAUTES ÉTUDES DE DÉFENSE NATIONALE

Rapports des comités 67 e session nationale "Politique de défense" 2014-2015 Les opinions exprimées dans ce texte n'engagent que la responsabilité des auteurs.

Sommaire 4 Quel prix pour notre sécurité? COMITÉ 1 Cédric Arcos, Bertrand Auville, Bruno Baratz, Vincent Breto, Norbert Chassang, Katia Cheron, Boun Ngy Chhuon, Philippe Ebanga, Stéphane Jouzier, Jean-François Lamour, Jean Merveilleux du Vignaux, Angelo Michele Ristuccia, Anita Roth, Dorothée Roy, François Terrail, Isabelle de Vendeuvre 44 La résilience. La société française de 2014 pourrait-elle COMITÉ 2 Sergio Albarello, Arnaud Blanc de la Naulte, Patricia Chaira, Stéphane Cianfarani, Christine Dugoin-Clement, Pierre Dupond de Dinechin, Bernard Le Gendre, Fabien Mandon, Jean-Paul Mazoyer, Matthieu Peyraud, Sylvestre Pivet, Philippe Pottier, Anne-Florence Quintin, Nathalie Ravilly, Pierre Razoux, Javier Francisco Saldana Sagredo, Nicolas Vaujour 78 Nos vulnérabilités COMITÉ 3 Mohamed Al Zaharani, Henri de Belizal, Olivier Brun, Bénédicte Champenois-Rousseau, Anne-Marie Goussard, Anne Guillou, Châu Hoang, Andreas Jungmann, Marc Kugler, Xavier Laly, Alain Lardet, Christophe Lucas, Richard Ohnet, Christophe de Roquefeuil, Jean-Louis Sciacaluga, Lorraine Tournyol du Clos, Stéphane Virem 116 Opinion publique et interventionnisme L opinion publique : peut-on faire sans? Comment faire avec? COMITÉ 4 Jean-Christophe Bechon, Marie Bonnet, Christopher Borneman, Xavier Buisson, Chantal Dognin, Philippe-Etienne Dumas, Jacques Fayard, Carole Ferrand, Philippe Helleisen, Guillaume de Jerphanion, Anne Kostomaroff, Bertrand de Lacombe, Armelle Le Veu-Seroude, Anthony Mellor, Thomas Picot, François Reydellet, Christophe Schmit 170 Pouvons-nous compter sur nos partenaires pour notre défense? COMITÉ 5 Werner Albl, Nicolas Bays, Carole Begel, Denis Chevillot, Jacques Doumic, Olivier Goudard, Pierre-Jérôme Henin, Olivier Japiot, Jacques Langlade de Montgros Jean-Valéry Lettermann, Stéphane Lhopiteau, Olivier Menard, Frédérique Misslin, Jean-Luc Moritz, Véronique Nguyen Tan Hon, Nasser Zammit 206 La défense : moyen de se protéger ou vecteur de puissance? COMITÉ 6 Mohammed Al Shahwani, Thierry Dupoux, Valérie Duval, Christian Forterre, Denis Fourmeau, Éric Gosset, Arnaud Guerrier de Dumast, Maryse Laurent, Guillaume Le Segretain du Patis, Sandrine Lejeune, Christophe-Alexandre Paillard, Pascal Rousseu, Charles Saint Fort Ichon, Maria-Gabriella Sarah, Rodolphe Scheel, Laurent Sudrat, Ingrid Wallaert-Kemoun

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE Quel prix pour notre sécurité? Quel effort la communauté nationale est-elle prête à consentir pour sa sécurité? Quels sont les paramètres qui font, au cours du temps, en fonction de la menace, réelle ou perçue, des circonstances, du contexte économique et budgétaire, varier ce prix? De quoi est-il constitué? Cet effort peut aller bien au-delà des seuls crédits budgétaires indispensables à la construction et au maintien d un outil de défense : il peut s agir de coûts humains, avec le "sacrifice suprême" de sa vie, inscrit au cœur de la mission des soldats, mais aussi de coûts politiques, ceux du renoncement éventuel à son autonomie dans le cadre d une mutualisation entre partenaires européens. Coûts sociaux et territoriaux, aussi, lorsque, par souci d efficacité, nos armées doivent réduire leur emprise sur le sol national, mais également coûts en termes de restriction des libertés publiques, lorsque la protection des citoyens exige que l État dispose de moyens coercitifs ou intrusifs pour assurer leur défense (ex : pour la lutte antiterroriste). La réponse à cette question n est pas non plus indépendante de l histoire de notre pays. Membre permanent du Conseil de sécurité des Nations unies, déployant une politique étrangère singulière et universelle, la France estime avoir des responsabilités qui dépassent le cercle de ses seuls intérêts propres. La question essentielle du prix à consentir ne peut être traitée sans prendre en compte le contexte actuel. D abord, celui de la crise économique, ensuite, celui des sociétés occidentales qui, paradoxalement, se complaisent dans l illusion de la disparition de la guerre, mais exigent toujours plus de sécurité, dans toutes ses dimensions (sociale, sécuritaire, voire normative). La vision d ensemble qui se dégage du rapport est le constat paradoxal d une intensification et d une complexification des menaces, alors que, contrairement au reste du monde, la France et l Europe diminuent les ressources ou le "prix" consentis pour y faire face. Voulant dépasser le "carcan" tracé par des inventaires de menaces trop étroits et souvent démentis par les faits, le rapport du comité 1 décline enfin des scénarios prospectifs, audacieux, qui invitent à anticiper une surprise stratégique et à ne pas baisser la garde. C est à ce prix que notre sécurité sera assurée. 4 Rapports SN POLDEF#67

Bertrand Auville, curé de Garches Président Bruno Baratz, colonel de l armée de Terre Secrétaire Cédric Arcos, directeur de cabinet du président et délégué général de la Fédération hospitalière de France Vincent Breto, colonel de l armée de l Air Norbert Chassang, colonel de l armée de Terre Katia Cheron, secrétaire général de GrDF, gestionnaire du réseau de distribution de gaz en France Boun Ngy Chhuon, directeur associé de Ball Consulting Philippe Ebanga, capitaine de vaisseau Stéphane Jouzier, chargé de mission à la direction du développement de la direction financière de Véolia environnement SA Jean-François Lamour, député de Paris Jean Merveilleux du Vignaux, directeur financier de la Business Unit propulsion et réacteurs de recherche du groupe Areva TA Angelo Michele Ristuccia, colonel de l armée de Terre italienne Anita Roth, directrice des missions à l Office national des anciens combattants et victimes de guerre Dorothée Roy, conseillère à la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées au Sénat François Terrail, ingénieur général de l armement Isabelle de Vendeuvre, directrice des relations internationales de l École normale supérieure Comité 1 Un environnement incertain marqué par un recul de la perception du phénomène guerrier La réalité de la guerre s est éloignée de l esprit des populations depuis la chute du mur de Berlin. Le triomphe de l Otan (1) a paradoxalement conduit à l affaiblissement des puissances militaires européennes Après la chute du mur de Berlin, les opinions publiques occidentales ont pu avoir l illusion de la "fin de l Histoire" (2) et de la victoire de l Occident. La guerre froide avait figé les esprits dans la perspective d une guerre conventionnelle dont la probabilité disparaissait subitement avec l effondrement du bloc soviétique. Les 40 années de guerre froide avaient fini par circonscrire le concept de sécurité d une Nation à l absence de menaces militaires ou plus précisément à l assurance que toutes ces menaces étaient bien neutralisées grâce à une politique de défense adaptée. Celle-ci était conçue pour assurer l intégrité du (1) Organisation du traité de l Atlantique Nord. (2) Francis Fukuyama "La fin de l histoire et le dernier homme" territoire national, la protection de ses habitants, de ses ressources et de ses institutions. L ennemi, ses capacités militaires, le champ de bataille, les espaces des opérations militaires potentielles, tout était connu et clairement identifié. L entraînement des forces armées et la formation des commandants devaient se référer aux paramètres d efficience/efficacité qui étaient définis avec une grande précision. Les objectifs de montée en puissance, leur qualification et leur quantité, étaient planifiés. Le sens de la victoire était clair. Elle consistait à dissuader toute agression et, en cas d attaque soviétique, à rétablir dès que possible, le statu quo ante. La planification était axée sur la menace. Une menace bien identifiée. Dans ce contexte, la dimension militaire conditionnait le concept de puissance et de sécurité des États, de sorte qu un courant de pensée inspiré par le "réalisme politique" la considérait comme le paramètre fondamental d évaluation d une puissance étatique. À cet égard, les indicateurs de la capacité militaire étaient clairement définis de même que la contribution des institutions de sécurité collective l Otan Rapports SN POLDEF#67 5

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE bien entendu, mais aussi l UEO (3), CSCE (4) (plus tard OSCE (5) ) et l ONU (6). Le consensus de l opinion publique sur la nécessité de maintenir un outil de défense des territoires de l Ouest, dimensionné pour répondre à une menace clairement identifiée était acquis. L importance des intérêts en cause rendait même acceptable un taux potentiellement élevé de pertes humaines. Avec la fin du Pacte de Varsovie puis la fragmentation de l URSS (7), toute menace directe sur nos intérêts vitaux semblait avoir disparu. En effet, la période de paix inédite dans l histoire de l Europe qui débute après le second conflit mondial semblait pouvoir être assurée par la considérable réduction du risque majeur de la cause première de la guerre : l enjeu territorial. «Du fait d un déséquilibre des forces, et d une supériorité industrielle et technique qui semblent renvoyer nos adversaires potentiels à leur impuissance. Le tout produisant une sorte de désarmement psychologique, qui s achève avec la professionnalisation des armées des pays développés et transfère la problématique de sécurité du niveau collectif national à celui du groupe, de la communauté ou du corps individuel» (8). (3) Union de l Europe occidentale. (4) Conférence sur la sécurité et la coopération en Europe. (5) Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe. (6) Organisation des Nations unies. (7) Union des républiques socialistes soviétiques. (8) David Charles-Philippe, David Dominique, "La guerre a-telle un avenir?", Politique étrangère 3/ 2013 (Automne), p. 24-26 URL : www.cairn.info/revue-politique-etrangere- 2013-3-page-24.htm Le risque des guerres majeures interétatiques semblait disparaître de l Europe Ainsi, placés sous la protection du partenaire américain, la menace majeure disparue, l ensemble des pays européens se sont engagés sur la voie d un désarmement progressif. Tirant les "dividendes de la paix", les budgets consacrés à la défense se sont érodés plus ou moins rapidement. Une crise économique majeure frappe l économie mondiale depuis 2008 La crise économique actuelle, qui fut déclenchée en 2008 à la suite du choc provoqué par les désormais tristement célèbres crédits subprimes aux États-Unis, est considérée comme la pire crise économique depuis 1929. L économie mondiale avait certes déjà connu plusieurs crises au cours du XX e siècle (le krach boursier de 1987, la crise asiatique 1997-1998, l engouement collectif pour une prétendue "nouvelle économie" dans les années 2001-2003), mais celle-ci semble singulière tant par son ampleur que par sa durée. Son impact est tel qu un consensus s accorde pour affirmer que le capitalisme ne sera très probablement plus jamais ce qu il était avant la crise. L économie de la zone euro a été sévèrement impactée par cette crise économique majeure. Sa croissance économique a ralenti depuis 2008 et peine fortement à redémarrer. Le graphique cidessous illustre le fort ralentissement de la croissance du PIB (9) réel au cours des dix dernières années. Les années 2012 et 2013 ont même été marquées par une croissance négative, montrant toute l intensité de cette crise, près de six années après son début. La plupart des prévisions ne prévoient toujours pas de forte reprise en 2015. (9) Produit intérieur brut. 6 Rapports SN POLDEF#67

Comité 1 4,0 % 3,0 % 2,0 % 1,0 % 0 % - 1,0 % - 2,0 % -3,0 % -4,0 % -5,0 % 2002 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 2013 Zone euro Taux de croissance du PIB (en %) réel (Source : Eurostat) L une des conséquences de ce ralentissement de la croissance est la détérioration des finances publiques. Les États sont effectivement confrontés à une situation de diminution des recettes fiscales, alors que les dépenses publiques ont tendance à augmenter (politique sociale, relance par l investissement public ). Celle-ci apparaît clairement dans le graphique ci-dessous qui montre une très nette détérioration du déficit public français à partir de 2008. Bien qu en amélioration depuis, le déficit public reste supérieur au niveau de 4 % du PIB (4,1 % en 2013 au sens de Maastricht). L atonie actuelle de l économie française et la persistance d une faible inflation continuent à peser sur les finances publiques de l État. Depuis l adhésion de la France à l UEM (10) lors de la ratification du Traité de Maastricht en février 1992, la politique budgétaire de la France est censée se conformer "aux critères de convergence" qui s appliquent à tous les États membres. En matière de déficit public, celui-ci ne doit pas excéder 3 % du PIB. La France est donc actuellement sous forte pression vis-à-vis de cette contrainte. Les dernières prévisions de déficit public du gouvernement français s élèvent en effet à 4,4 % pour 2014 et 4,3 % en 2015 (conférence de presse de Michel Sapin du 10 septembre 2014). De son côté, la Commission européenne l évalue en hausse à 4,4 % en 2014 puis 4,7 % en 2015, ce qui ferait de la France le plus mauvais élève en 2016. C est dans ce contexte de faible croissance et de rigueur budgétaire "imposée" que la France doit établir son budget. Le gouvernement français a clairement affiché sa volonté de réduire son déficit en réduisant ses dépenses. Troisième poste de dépenses de fonctionnement de l État et premier poste d investissement public, le budget de la défense est évidemment dans ces conditions sous forte tension depuis quelques années. La disparition de la perception d une menace directe et les contraintes de rigueur budgétaire ont conduit à un affaiblissement significatif des budgets de défense et sécurité en zone euro. En France, le budget de la défense a baissé d environ 40 % sur les 25 dernières années. (10) Union économique et monétaire. Rapports SN POLDEF#67 7

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE 120 100 80 60 40 20 0 1988 1990 1992 1994 1996 1998 2000 2002 2004 2006 2008 2010 2012 Évolution du budget de défense en France (indice base 100 en 1988) Source : Sipri (11) Cette baisse concerne également et surtout la zone euro : avec la crise économique, le budget militaire des Européens diminue de 2 % par an depuis 2007. Sur la période 2010-2012, plusieurs États membres ont même réduit leurs budgets de plus de 10 % (Espagne, Slovaquie, République tchèque, Bulgarie, voire jusqu à 24 % en Grèce) ; tandis qu un autre groupe de pays a baissé de moins de 10 %, mais cela représente tout de même -5 % aux Pays-Bas et -7 % au Portugal et au Danemark. (11) Pourtant, lors du sommet de Newport en septembre 2014, les 28 États membres de l Otan ont rappelé la nécessité de consacrer 2 % de leur PIB à la défense, et 20 % en faveur des équipements militaires. Cette volonté de ne pas baisser la garde dans un contexte international de plus en plus complexe se heurte néanmoins à la réalité d un contexte économique et social contraint. Les arbitrages budgétaires sont nécessaires et les (11) Stockholm International Peace Research Institute dépenses militaires jouent facilement le rôle de variable d ajustement. Il est intéressant de noter que le sujet de la politique de défense a été largement absent du débat public des dernières échéances électorales en France. Cette baisse continue de l effort de défense représente pourtant une vraie menace à court terme sur la capacité de l Europe à mener sa véritable politique de défense et une menace à moyen terme sur le maintien et le développement de notre base technologique et industrielle. Une nouvelle dynamique des menaces : cyber, terrorisme, catastrophes naturelles Durant la guerre froide, les conflits armés se répartissaient assez également entre enjeux territoriaux, idéologiques et ethnopolitiques. Depuis 1989, la place de cette dernière catégorie semble dominer et pouvoir déboucher sur des confrontations d envergure. 8 Rapports SN POLDEF#67

Comité 1 Cette menace se dessine progressivement dans des États au bord de l implosion ou faillis, autour du danger accru que représente le terrorisme islamiste conquérant, la possibilité d une prolifération de missiles et d armes de destruction massive, ou une reprise de la tentation de domination régionale pour l accès aux matières premières, notamment aux réserves d hydrocarbures. Le prétendu "nouvel ordre mondial" post guerre froide tel que défini le 2 août 1990, à Aspen, par le président Bush, laisse la place à un monde totalement interdépendant, menacé par des risques qui peuvent se propager par capillarité. Il convient donc de développer de nouvelles formes de concertation et d exercice du pouvoir à l échelle internationale. Les États-Unis, devenus superpuissance pour avoir survécu à la "troisième guerre mondiale", tentent de redéfinir les principes du système international pour promouvoir la paix et la justice en s inspirant des valeurs occidentales de la démocratie, de la modernité et du libre marché. Tout ce qui est susceptible de menacer les intérêts des pays occidentaux est alors identifié comme un risque pour la communauté internationale. Les vulnérabilités liées à la mondialisation se multiplient. La mise en œuvre de la sécurité globale a progressivement conduit au sacrifice du principe de non-ingérence dans les affaires intérieures hérité d une vision westphalienne du droit international. Le droit et devoir d intervention humanitaire permettent d agir en remettant en cause l ordre jusque-là établi. La crise des Balkans place le monde face à une nouvelle réalité : la démarcation entre les conflits internes et les conflits internationaux disparaît. La différence entre la guerre et la paix, l état de guerre et l état de paix, disparaît aussi. Ces conflits en ex-yougoslavie (12) ont permis de noter, d une part, l importance de l action complémentaire des organisations internationales qui traitaient de sécurité, et d autre part leur incapacité à régler seules une crise. En outre, la riposte des États-Unis aux attentats du 11 septembre a conduit à une intervention en Afghanistan. Son extension à l Irak a mis en exergue l unilatéralisme croissant des États-Unis qui a fait peser une forte incertitude sur l ordre international, interrogeant à la fois la simplicité et toutes les certitudes qui caractérisaient la confrontation bipolaire. L ordre international semble donc progressivement sombrer dans l instabilité : prolifération de situations à haut risque de déstabilisation dans la région euroatlantique (Printemps arabe, crise syrienne, crise libyenne, recrudescence de la crise israélopalestinienne, crise irakienne, crise ukrainienne) ; apparition de nouveaux acteurs nucléaires dans le contexte du "second âge nucléaire" ; montée de l islam radical ; affirmation des souverainetés sur la scène internationale (Chine, Russie, Brésil, Inde) ; remise en cause permanente des règles (13). (12) L Otan devient un acteur du conflit en 1999 en intervenant au Kosovo sans l autorisation des Nations unies. Puis elle agit comme le bras armé de l Organisation des Nations unies, voire presque comme son substitut, en la marginalisant. Dans un monde qui n était plus bipolaire, le partenariat transatlantique devient l expression d une stratégie préventive de projection et plus seulement de défense. Stratégie officialisée dans le concept stratégique de 1999 qui établit le droit de l organisation d intervenir hors de sa zone, soit en dehors des frontières des États membres, pour assurer le respect des droits de l homme, la démocratie, la liberté individuelle et le droit international. (13) Par exemple, les incidents en mer de Chine. Rapports SN POLDEF#67 9

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE Aujourd hui, il est difficile de définir la nature du jeu, les limites de la scène diplomatique, l identité des principaux acteurs et mêmes les enjeux. Il est tout aussi difficile de déterminer la taille, les frontières, l organisation des systèmes. L identité et l immortalité des États ne sont plus assurées. Les incertitudes concernant la sécurité des États résultent aussi de l actuelle crise du droit international public. Le système qui a réglé le jeu des évolutions politiques du XX e siècle est remis en cause. La crise de confiance et la décomposition du tissu normatif de la société internationale brouillent le cadre dans lequel les États pouvaient inscrire leurs actions et prévoir celles des autres. L ambiguïté s est installée surtout lors des dix dernières années avec le principe d intervention humanitaire mis en place par les puissances occidentales. Comment dès lors maintenir la stabilité et la sécurité dans un système qui place l universalité de la loi et la "communauté internationale", principes occidentaux, au-dessus des États? On parle d une universalité profondément érodée par des conceptions culturelles particulières ; on ne peut en effet décréter l universalité du droit, si les notions de droit, de justice et de valeurs démocratiques sont perçues comme le reflet d une seule partie du monde. C est sur ce rejet que prospèrent les extrémismes/radicalismes islamistes ou occidentaux. Cet environnement incertain rend très difficile la gestion de la sécurité. Dans ce contexte de plus en plus "déréglementé", l asymétrie se répand sous diverses formes dans le monde entier. L acte terroriste et la cyberattaque sont tous les deux imprévisibles. Déjouant les frontières étatiques, jouant de "l anonymat de la belligérance", leur durée est indéterminée. Les cyberattaques peuvent en effet exercer des contraintes aussi efficaces que celles de la guerre conventionnelle en déclenchant une attaque informatique visant les marchés financiers ou les opérateurs d importance vitale (14). La technologie n est plus le monopole des grandes puissances. Il est facile d y accéder grâce à la disponibilité de matériel à bas coûts. Elle rend la frontière des opérations militaires de plus en plus floue, y compris sur le champ de bataille. Il devient essentiel d être capable d identifier au moins le contour des attaques. En effet, on peut souligner qu «Aujourd hui, [ ] le terrain de la guerre a dépassé les domaines terrestre, maritime, aérien, spatial et électronique pour s étendre aux domaines de la sécurité, de la politique, de l économie, de la diplomatie, de la culture et même de la psychologie [ ] (15) il comprend tous les espaces naturels, l espace social et l espace en pleine croissance de la technologie, tel l espace nanométrique. Désormais ces différents espaces s interpénètrent» (16). Les moyens militaires sont devenus un instrument parmi d autres. Un spéculateur financier ou un pirate informatique représentent des menaces potentielles aussi sérieuses qu un combattant de Daesh. En outre, la dégradation de situations extérieures au pays peut avoir de graves conséquences intérieures. De nombreuses frustrations vis-à-vis de l occident peuvent se cristalliser dans des pays (14) Le 27 avril 2007, l Estonie qui compte parmi les États les plus connectés d Europe fut l objet d une série d attaques par déni de service (DDOS, Déni de service distribué) sans précédent à l échelle d un pays. Les sites gouvernementaux furent les premiers visés. Puis vint le tour des banques, des médias et des partis politiques. L Estonie dénonce les cyberattaques terroristes russes, http://www.01net.com/ editorial/350759/lestonie-denonce-les-cyber-attaquesterroristes-russes. (15) QiaoLiang, Wang Xiangsui, La Guerre hors limites, Payot et Rivages, 2003, p. 240. (16) Ibid,p. 301. 10 Rapports SN POLDEF#67

Comité 1 qui sombrent dans l instabilité et produire des menaces pour notre sécurité interne. La prévention occupe désormais une place majeure dans la stratégie de défense. La consolidation de la sécurité en dehors des frontières peut devenir un enjeu de stabilité interne. Les interdépendances des différentes entités politiques, économiques et sociales rendent plus floue la distinction entre sécurité nationale et internationale. Par ailleurs, dans un monde apolaire, la rivalité entre les pays les plus développés se manifeste principalement sous la forme d une concurrence économique exacerbée. Cette confrontation vise le fondement le plus solide de la puissance d une Nation. Et dans ce contexte, on peut considérer comme une menace pour la sécurité une situation dans laquelle, sous l effet d une stratégie directe ou indirecte, un pays ne peut pas mettre en place les meilleures conditions possible pour accroître sa richesse grâce à la promotion de l innovation technologique et organisationnelle, ou par l encouragement d investissements nationaux et étrangers. Cela est encore plus vrai dans une période où l accès à l information et la communication deviennent des enjeux de pouvoir. L information conditionne la capacité d un État à poursuivre sur la route de la recherche et du développement. Celui qui est en mesure de posséder l information la plus fiable dans le laps de temps le plus court est sans aucun doute en position de force face à ceux qui la subissent (17). Dans une économie de plus en plus structurée par le raccourcissement continu des cycles de vie (17) C est d ailleurs l enjeu de la fonction stratégique "Connaissance et anticipation". Il devient essentiel de disposer d une vision claire et autonome des situations pour ne pas se faire dicter une position. des produits, l accélération du rythme des mises à jour des technologies, la nécessité de protéger les systèmes économiques de la pollution de capitaux illicites, la capacité de réagir rapidement aux nouveautés, l information représente une ressource critique et fondamentale à préserver en terme de sûreté. La dégradation de l environnement international peut constituer un terrain favorable à d autres menaces majeures pour la France. La mondialisation et les progrès techniques ont accru l ampleur et l importance de la menace que constitue le crime organisé. Le trafic de migrants et la traite d êtres humains, le trafic illicite de stupéfiants, d armes légères et de petit calibre ainsi que de matières et de technologies sensibles représentent autant d activités criminelles qui peuvent constituer une menace pour la stabilité et la sécurité. D autant plus que criminalité organisée et terrorisme vont souvent de pair, tant pour ce qui est des acteurs que des méthodes. En outre, la dégradation de l environnement, l utilisation non viable des ressources naturelles, la mauvaise gestion des déchets et la pollution affectent les systèmes écologiques et ont des conséquences négatives considérables sur la santé, la prospérité, la stabilité et la sécurité des États. Les catastrophes écologiques peuvent également avoir de telles conséquences. Dans un tel contexte, face au grand nombre de paramètres et à l incertitude qui leur est associée, il est difficile de définir clairement et d apprécier la menace. «D où la perplexité des planificateurs de défense. Il faut se préparer pour tout : maintenir la dissuasion au plus haut niveau, avoir les moyens de soutenir un choc classique qui s imposera peut-être plus vite que nous ne l imaginons, pouvoir intervenir dans des crises dangereuses, parer des menaces inédites contre nos sociétés Rapports SN POLDEF#67 11

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE technologiques développées et donc spécialement vulnérables Le tout dans un contexte économique qui limite drastiquement les budgets de défense. Les risques de guerre ne sont pas aujourd hui ceux du début du XX e siècle : des mécanismes de régulation de la violence entre grands États existent, même imparfaits 2014 n est pas 1914. Mais les formes d affrontements possibles sont fort diverses : entre États, à l intérieur des États, voire conflits asymétriques contre des adversaires insaisissables tentant de contourner nos dispositifs de défense par le terrorisme, l usage d armes nouvelles, etc.» (18) Face à une telle incertitude, le besoin de sécurité peut considérablement varier. Le prix que la communauté est prête à payer pour se protéger et pour hiérarchiser ses besoins peut ainsi évoluer au gré de sa perception des menaces. Le citoyen, l État et la sécurité Contrairement à certaines idées reçues quant à la versatilité et à l imprévisibilité des Français à l égard de l action publique, les nombreux baromètres et enquêtes qui sondent les aspirations de nos concitoyens font ressortir des mouvements de fond au sein de l opinion publique française. Ainsi, l analyse de la notoriété spontanée des services publics positionne dès le 2 e rang (sur 15) le domaine de la santé et de la protection sociale, au 3 e rang celui des forces de sécurité (Police et Gendarmerie) et au 6 e rang celui des forces armées et de la défense nationale au sens large, ce qui représente pour ce dernier domaine le meilleur (18) Les nouvelles formes des guerres de demain, 4 avril 2014 URL http://www.liberation.fr/evenements-libe/2014/04/04/ les-nouvelles-formes-des-guerres-de-demain_993237. classement de ces 10 dernières années (19). Dans le même temps, le classement des attentes prioritaires des Français en matière d action publique traduit les efforts que les citoyens sont prêts à consentir. Si les préoccupations relatives à l emploi, la lutte contre le chômage et l éducation nationale restent premières, elles sont immédiatement suivies par celles relatives à la sécurité des biens et des personnes : santé publique, forces de sécurité et sécurité sociale notamment. Une demande de protection sociale accrue centrée sur l individu Comme évoqué dans la présentation du sujet, «nos concitoyens sont demandeurs d une protection accrue et se tournent vers les pouvoirs publics pour exiger une sécurité toujours plus étendue dont le "devoir de précaution" est l une des manifestations emblématiques». Il ne nous appartient pas dans le cadre présent de rechercher les raisons pour lesquelles cette évolution s est produite et se poursuit. On pourra cependant observer que l individualisme croissant peut sans doute tout à la fois expliquer d une part, une demande de protection individuelle couvrant des domaines plus variés et en augmentation sensible et d autre part, un intérêt moindre porté aux protections envisagées comme plus collectives et plus éloignées de l individu. Comme le font remarquer Pierre Bréchon et Jean- François Tchernia, auteurs de l étude European Values Survey, menée tous les 9 ans depuis 1981, et dont la dernière édition date de 2009, les Français veulent être libres de faire ce qu ils veulent dans leur vie privée, mais ils sont conscients qu il faut de l ordre, des lois, une armée, une Police. Il y a donc une forte demande d ordre social qui (19) Baromètre BVA / L Institut Paul Delouvrier : Le baromètre de services publics, janvier 2014. 12 Rapports SN POLDEF#67

Comité 1 s exprime et qui trouve son origine dans la montée des valeurs d individualisation qui ne sont pas nécessairement synonymes de l émergence d une société d individualisme. La demande de protection sociale dans notre société est particulièrement révélatrice des évolutions qui sont à l œuvre et qui modifient nos rapports aux institutions. Ainsi, il ressort des différents sondages et enquêtes conduits depuis plus de 30 ans qu à mesure que la confiance dans les institutions de la démocratie diminue (gouvernement, parlement, syndicats, presse, partis politiques), la confiance est toujours plus forte pour les institutions qui représentent l État providence : le système de santé, la sécurité sociale, le système éducatif. Service public préféré des français (85 % d opinions positives selon le baromètre annuel de la Fédération hospitalière de France), l hôpital public est sans conteste le symbole de cette évolution en cours et partant, de ce besoin de protection individuelle. Alors qu après guerre, la France comptait un système hospitalier vétuste, avec des hôpitaux peu nombreux, sans médecins en leur sein exerçant à temps plein, le Conseil national de la résistance a immédiatement fait de la mise en place d une protection sociale, et donc d un système hospitalier de premier rang, une priorité, présageant par là même une nécessité de protéger l individu dans sa sphère la plus intime. Cette priorité a été consacrée dans le préambule de la Constitution de 1946 qui rappelle que la Nation «garantit à tous, notamment à l enfant, à la mère et aux vieux travailleurs, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs». Rappelons que ce préambule est encore en vigueur aujourd hui et est partie intégrante de notre bloc de constitutionnalité. Progressivement, un droit véritable à la santé pour tous a donc été reconnu, supplantant dans le même mouvement les priorités traditionnelles telles que la défense nationale notamment. Cette priorité accordée à la santé et à la protection sociale ne s est jamais démentie depuis 1945 et les moyens financiers dévolus ont sans cesse augmenté, au point qu aujourd hui les dépenses de santé représentent la principale hausse des dépenses publiques. D abord dédié aux travailleurs salariés, notre système de protection sociale s est progressivement généralisé à toutes les catégories de la population française jusqu à devenir universel en 1999 avec la loi portant création de la couverture maladie universelle. Répondant à une attente toujours plus forte des citoyens, le budget de la sécurité sociale est devenu, au fil des ans, le premier budget de la Nation, dépassant largement le budget de l État. La France consacre aujourd hui près de 12 % de son PIB aux dépenses de santé, avec plus de 180 milliards d euros dépensés chaque année, dont plus de 75 % sont couvertes par l État (Assurance maladie), le reste étant à la charge des individus, soit directement soit indirectement par le mécanisme des complémentaires santé. Pour les prochaines années, les experts s accordent sur le fait que les dépenses de santé représenteront près de 17 % du PIB et que la hausse ne cessera de s accélérer sous l effet du vieillissement de la population, des progrès thérapeutiques, mais sous l effet aussi de la demande sociale qui fait de la santé un bien supérieur, dont la consommation augmente avec le niveau de développement. L illusion d une réduction des risques par la norme Le recentrage de la protection sur les principales attentes individuelles, l extension implicite du contrat social et l idée selon laquelle les risques inhérents à l activité humaine pouvaient être très largement évités ont ainsi eu pour corollaire une Rapports SN POLDEF#67 13

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE réponse des pouvoirs publics de plus en plus épiphénoménale allant jusqu à l élaboration de lois de circonstances. On observe ainsi que le monde politique se saisit de plus en plus fréquemment de questions dont le caractère régalien peut légitimement faire débat. Les pouvoirs publics sont dès lors conduits à intervenir dans des domaines qui étaient auparavant hors du champ de compétence qui lui était alloué. On peut ainsi notamment évoquer la protection contre les risques générés par l activité économique. Lorsqu un accident se produit (usine AZF, accident ferroviaire ), on observe une réaction double : d une part, la responsabilité des pouvoirs publics est le plus souvent recherchée, partant sans doute de l idée que l accident résulte d une défaillance ou d une imprévision coupable dont les pouvoirs publics seraient les garants. L imprévisibilité est ainsi implicitement rejetée ; d autre part, on constate fréquemment une réponse normative, législative ou autre, accréditant par conséquent l idée d une défaillance préalable devant être corrigée et, plus généralement, l idée que les événements peuvent être contrôlés et les risques intégralement maîtrisés. Au titre des attentes citoyennes, on peut encore mentionner l attention croissante aux questions économiques, sans doute portée par l attente prioritaire de la lutte contre le chômage en matière d action publique. Les pouvoirs publics sont ainsi amenés tout à la fois à intervenir pour alerter, voire protéger nos entreprises contre les attaques externes (cybersécurité), mais vont également parfois jusqu à essayer de se substituer à leurs organes de gouvernance, lorsqu ils les estiment défaillants (pressions exercées lors de la fermeture d usine, loi "Florange" ). Une perception individuelle de la sécurité des biens et des personnes Dans le domaine de la sécurité "intérieure", les attentes principales du citoyen commencent à sa proximité immédiate : protection de lui-même et de sa famille, ainsi que de ses biens de toute nature. Les attentes de la population en matière de sécurité de proximité, déjà très sensibles, se renforceront probablement dans les prochaines années, sous l effet de l individualisation des attentes. Compte tenu de l augmentation du sentiment d insécurité en fonction de la taille de la commune et de sa localisation géographique, les exigences relèveront par ailleurs de plus en plus du "sur mesure". Les résultats d une enquête récente (20) attestent ainsi de la demande d une présence accrue de policiers ou de gendarmes, à pied et en voiture, connaissant mieux les habitants. Pour autant, les contrôles d identité sont jugés d une fréquence excessive. Il y a donc dans la population, une aspiration au développement ou à l intensification d actions renforçant la sécurité, mais c est bien une action préventive et de proximité qui est plébiscitée. Là encore, il est possible de mesurer le dilemme du citoyen entre besoin de sécurité et garantie de ses libertés individuelles. Observant d année en année que s expriment toujours davantage d attentes de l ordre "de l individuel", le positionnement des préoccupations "collectives" de défense nationale (en hausse de 3 points entre 2012 et 2013 et désormais devant celles relatives aux transports publics) est un premier signe de prise de conscience du besoin "d assurance collective". Un second signe en est le jugement porté par les Français sur les domaines où il est possible, à qualité de service constante, de réaliser des économies importantes. Si la fiscalité et la collecte des impôts (78 %) et la (20) Enquête initiée par la DDSP 42 sur la population de Montreynaud (proximité de Saint-Étienne) d avril à décembre 2013. 14 Rapports SN POLDEF#67

Comité 1 sécurité sociale (66 %) caracolent en tête de ce classement, le domaine de la sécurité le clôt avec seulement 30 % de "oui" et surtout une baisse de 26 points (baisse la plus forte) par rapport au classement de 2006. Ces deux signes laissent à penser que les Français considèrent désormais qu il n est plus possible de faire d économie dans le domaine de la sécurité sans baisser la garde. Par ailleurs, l actualité géopolitique internationale (Daesh, Ukraine, Mali ) ne peut que renforcer cette appréciation d un besoin collectif de sécurité. Au-delà d un rayon géographique de première proximité comprenant notamment les lieux de vie et de travail, le besoin de protection des individus s étend tout naturellement à l ensemble des lieux fréquentés par nos concitoyens (déplacements professionnels, vacances ). Si le territoire national (dont Drom-COM (21) ) s entend donc logiquement comme un "sanctuaire" où tout Français entend bénéficier d une sécurité totale, l évolution de l emploi des modes de transport de ces trente dernières années et plus particulièrement la "démocratisation financière" de l accès au mode de transport aérien font que la densité de nos concitoyens en séjour à l étranger, et potentiellement très loin de la métropole, a fortement augmenté. Qu ils soient ressortissants permanents ou nonrésidents, ils attendent de l État une sécurité "minimale" : évacuation de ressortissants en cas de crise, rapatriements en cas de catastrophe de toute nature, notamment naturelle ou sanitaire, actions diplomatique et militaire en cas de prise d otages. Toutes ces attentes se traduisent notamment par la nécessité de détenir des capacités militaires (21) Département et régions d outre-mer Collectivités d outre-mer. conventionnelles (dont capacité de transport stratégique) et spécifiques (forces spéciales, sécurité civile), et d en avoir une partie en alerte permanente (dispositif "Guépard"). Cette aspiration profonde pour une protection individuelle apportée par l État a été consacrée dès la promulgation de la Déclaration des droits de l homme et du citoyen. Politique de défense : les tensions entre attentes des citoyens et réponses étatiques Les articles 12 et 13 de la Déclaration des droits de l homme et du citoyen de 1789 rappellent que «la garantie des droits de l homme et du citoyen nécessite une force publique : cette force est donc instituée pour l avantage de tous, et non pour l utilité particulière de ceux auxquels elle est confiée» et «Pour l entretien de la force publique, et pour les dépenses d administration, une contribution commune est indispensable : elle doit être également répartie entre tous les citoyens, en raison de leurs facultés». Dans cette même ligne, le général De Gaulle précisait que la défense est «la première raison d être de l État. Il n y peut manquer sans se détruire lui-même». Lors de son discours devant l IHEDN, le 24 mai 2013, le président de la République a ainsi précisé que «Face aux menaces, la France doit se donner un objectif, un seul : à tout moment assurer sa sécurité, répondre aux attentes de ses partenaires comme de ses alliés et préserver la paix dans le monde. La France y a vocation parce que membre du Conseil de sécurité des Nations unies, parce qu elle est un pays fondateur de l Union européenne et porte un idéal de paix entre les Nations et parce qu elle est dépositaire, par son histoire, d une capacité diplomatique qu elle met au service de ses propres intérêts et du droit international.» Rapports SN POLDEF#67 15

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE Pour ce faire, la stratégie de la France repose sur la complémentarité des cinq fonctions stratégiques suivantes : connaissance et anticipation, dissuasion, protection, prévention et intervention. La tenue "à bon niveau" de ces fonctions garantit la capacité à faire face à des missions permanentes (postures à tenir pour le renseignement, la protection du territoire et de la population, la dissuasion, les capacités de réaction en urgence) et non permanentes (opérations de coercition majeures ou opérations de gestion de crise), répondant ainsi aux attentes du citoyen citées précédemment, mais aussi à l ambition de la France. La fonction "connaissance et anticipation" donne à la France une capacité d appréciation autonome des situations, indispensable à une prise de décision libre et souveraine comme à la conduite même de l action. Le renseignement joue un rôle central dans cette fonction, qui conditionne aussi l efficacité des forces ; il constitue l une des priorités majeures du LBDSN (22) de 2013. La dissuasion française repose sur la retenue qu impose à un adversaire étatique la perspective de dommages inacceptables, hors de proportion avec l enjeu d une agression ou d une menace d agression contre les intérêts vitaux de la France. Par essence purement défensive, son exercice relève de la responsabilité directe du président de la République. La protection du territoire national et des ressortissants français garantit la continuité des fonctions essentielles de la Nation et préserve notre souveraineté face aux risques et menaces identifiés : agressions par un autre État contre le territoire national, attaques ter- (22) Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale. roristes, cyberattaques, atteintes au potentiel scientifique et technique, criminalité organisée dans ses formes les plus graves, crises majeures résultant de risques naturels, sanitaires, technologiques et industriels, ou encore attaques contre nos ressortissants à l étranger. Cette protection assure la continuité des grandes fonctions vitales de la Nation et garantit sa résilience. La prévention des crises qui affectent notre environnement inclut des actions diversifiées, allant de l élaboration de normes nationales et internationales à la lutte contre les trafics, au désarmement, à la consolidation de la paix, ainsi qu à la coopération militaire. L intervention extérieure assure, par la projection de nos capacités militaires à distance du territoire national, la protection de nos ressortissants à l étranger et la défense de nos intérêts stratégiques et de sécurité, comme de ceux de nos partenaires et alliés ; elle nous permet notamment d exercer nos responsabilités internationales. Le LBDSN de 2013 a également confirmé le concept de sécurité nationale, introduit dans la stratégie française en 2008, qui tire les conséquences de la continuité des menaces et des risques qui pèsent sur la France, son territoire, sa population, ses intérêts de sécurité. La stratégie de sécurité nationale revêt donc une dimension interministérielle ; l action des forces armées s envisage conjointement avec celle de l ensemble de l appareil d État. Parmi les priorités identifiées figurent trois domaines qui justifient un focus particulier : la politique de cybersécurité, la capacité à lutter contre le terrorisme et la consolidation des capacités de l État à répondre aux crises. 16 Rapports SN POLDEF#67

Comité 1 Focus sur la politique de cybersécurité Le LBDSN de 2013 fait de la cybersécurité l une des priorités de notre stratégie de défense et de sécurité nationale en constatant une dépendance accrue de la Nation aux systèmes d information, ainsi qu une vulnérabilité aiguë des appareils d État et des entreprises, alors que la probabilité d une attaque informatique majeure sur les infrastructures et les réseaux numériques s est renforcée. L Anssi (23), rattachée au SGDSN (24), a la responsabilité de conduire et de coordonner l ensemble des actions destinées à prévenir les attaques contre les systèmes d information et à réagir en cas d atteinte à leur intégrité. Son action s exerce au profit de l État. L ambition de l État est forte dans ce domaine. En effet, ce domaine technique est un des seuls pour lesquels les effectifs des personnels sont en augmentation. L Anssi, par exemple, est passée de 100 personnes à sa création en 2009, à 400 aujourd hui pour un objectif de 580 fin 2017. La composante technique confiée à la DGA (25) a pour mission de connaître et anticiper la menace de développer la recherche amont, et d apporter son expertise en cas de crise informatique touchant le ministère de la Défense. Les experts techniques de la DGA du centre technique de Bruz ont également vu leur nombre augmenter d une cinquantaine. Le Premier ministre a imposé des règles de sécurité informatique aux opérateurs d importance vitale. Ces règles ont été traduites et introduites dans les clauses générales des marchés publics. Ces opérateurs sont notamment tenus de déclarer les incidents. Le citoyen est également sensibilisé à son niveau sur les problématiques de sécurité informatique. Le piratage informatique organisé par les réseaux mafieux, le vol et la revente de données personnelles, bancaires par exemple, sont en plein essor. L organisation et la réponse des États ne sont pas encore à la hauteur des dommages malgré les efforts faits en France. Dans le domaine des véhicules automobiles, des réflexions sont en cours dans le cadre de l Enlets (26) pour que les véhicules européens soient dotés de capteurs permettant aux forces de l ordre d arrêter les véhicules à distance. Les citoyens accepteront-ils ces intrusions de plus en plus poussées dans leur vie quotidienne? Focus sur la lutte contre le terrorisme Menace majeure et d actualité, le terrorisme requiert de maintenir le dispositif mis en œuvre par l État à un haut niveau de vigilance. Ce dispositif s inscrit dans le cadre d une approche globale qui vise principalement à prévenir les risques, protéger les espaces particulièrement vulnérables (réseaux de transport aérien, terrestre et maritime, infrastructures vitales du pays et systèmes d information sensibles), anticiper les évolutions de la menace en maintenant une avance technologique en matière de détection des explosifs, de télécommunications, de vidéosurveillance, de protection des systèmes d information, de biométrie et de protection contre le risque NRBC (27). Le plan gouvernemental Vigipirate permet ainsi une approche globale de la menace terroriste pesant à la fois sur le territoire national et sur nos (23) Agence nationale de la sécurité des systèmes d information. (24) Secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale. (25) Direction générale de l armement. (26) European Network of Law Enforcement Technology Services. (27) Nucléaire, radiologique, biologique, chimique. Rapports SN POLDEF#67 17

SESSION NATIONALE #67 POLITIQUE DE DÉFENSE intérêts à l étranger. Il assure la mobilisation des différents ministères, des collectivités territoriales, des opérateurs d importance vitale et des citoyens pour renforcer notre niveau de protection. Dans le cadre de la lutte contre le terrorisme, la LPM (28) autorise les services de Police et de Gendarmerie chargés de la prévention du terrorisme à accéder en temps réel à des données de connexion mises à jour, ce qui leur permet de géolocaliser un terminal téléphonique ou informatique et de suivre ainsi en temps réel certaines cibles. Focus sur l industrie de défense et de sécurité La France a fait le choix de considérer l industrie de défense et de sécurité comme une composante essentielle de son autonomie stratégique. L industrie de défense garantit notre sécurité d approvisionnement en équipements de souveraineté et en systèmes d armes critiques, comme leur adaptation aux besoins opérationnels, tels qu ils sont définis par le ministère de la Défense. Elle fonde aussi l expression d une ambition à la fois politique, diplomatique et économique. Le maintien de l industrie de défense française aux premiers rangs mondiaux sera assuré par un effort financier important, s élevant à 102,7 milliards d euros courants sur la période 2014-2019, soit une dotation annuelle moyenne de plus de 17 milliards d euros courants. Elle est aussi un facteur de compétitivité pour l ensemble de l économie. Elle joue un rôle majeur pour l emploi industriel (environ 165 000 personnes, dont 20 000 hautement qualifiées). Ce choix est probablement celui qui converge le plus vers les attentes des citoyens qui, pour 64 % d entre eux, placent l emploi comme le premier domaine vers lequel les pouvoirs publics doivent faire porter leurs efforts (29). Il faut toutefois noter que l ensemble des crédits ne va pas directement dans l industrie française. En effet, en dehors notamment du champ des intérêts essentiels de sécurité de l État (article 346 du TFUE (30) ), des études de recherche et du renseignement, les procédures d acquisition retenues sont, conformément aux directives européennes et à la troisième partie du code des marchés publics français, des mises en concurrence européenne pouvant faire elles-mêmes l objet, sans discrimination de nationalité, de mesures adaptées de sécurité des approvisionnements. À quel effort, monétaire ou non, sommes-nous prêts pour notre sécurité? En France et en Europe : un effort budgétaire de défense qui s amenuise Partout dans le monde, des crédits budgétaires consacrés à la défense en augmentation, au service d une politique de puissance Une hausse globale Dans le monde, on observe une importante augmentation des dépenses consacrées à la défense au cours de la dernière décennie. Les dépenses militaires mondiales en 2012 sont estimées à 1 756 milliards de dollars (31), soit 2,5 % du produit (29) Les services publics vus par les usagers BVA-Janvier 2014. (30) Traité de fonctionnement de l Union européenne. (28) Loi de programmation militaire. (31) Sipri Yearbook 2013. 18 Rapports SN POLDEF#67

Comité 1 intérieur brut (PIB) mondial ou 249 dollars par personne dans le monde. Dépenses militaires mondiales 2003-2012 Dépenses militaires (mds USD) 2000 1500 1000 500 0 2003 2004 2005 2006 2007 2008 2009 2010 2011 2012 Afrique Amérique du Nord Asie et Océanie Amérique latine Europe occidentale et centrale Source : Sipri Yearbook 2013 Europe orientale Moyen-Orient Les chiffres des dépenses sont exprimés en USD courants (2012) À côté des acteurs traditionnels que sont les États-Unis et l Europe, qui disposent des capacités militaires les plus développées, émergent désormais au premier rang pour leur effort d armement non seulement les pays du Moyen- Orient, mais également les pays asiatiques. Une part croissante de l Asie et du Moyen-Orient dans le total des dépenses d armement Des moyens militaires en appui d une politique de puissance plus globale, et accaparant de nouveaux espaces Au rebours de la vision suivant laquelle la puissance d influence (le Soft Power) aurait remplacé les attributs traditionnels de la puissance, dont l appareil de défense (Hard Power), les États qui s arment dans le monde, notamment en Asie, conçoivent leurs capacités militaires comme un attribut indispensable de la puissance et comme le prolongement de leur développement économique, au service de l affermissement de leur souveraineté sur leurs espaces. C est le cas tant pour la Chine, que pour les autres Brics (32), ou les États en émergence (Asie du Sud-Est : Malaisie, Indonésie, Philippines ) ou en réémergence (Russie). Par exemple, la nette tendance à la hausse des dépenses militaires russes depuis 1999 (33) s est fortement accélérée en 2012, augmentant (32) Brésil, Russie, Inde, Chine et Afrique du Sud. (33) Source : Sipri Yearbook 2013. Une part croissante de l Asie et du Moyen-Orient dans le total des dépenses d armement North America $691.22 bn (40%) Central America, South America and the Caribbean $76.4 bn (4%) Europe $418.6 bn (24%) Middle-East $127.7 bn (7%) Africa $38.2 bn (2%) Asia & Oceania $381.5 bn (22%) Rapports SN POLDEF#67 19 Source : global issues à partir des chiffres du Sipri