Affaire C-238/94. José García e.a. contre Mutuelle de prévoyance sociale d'aquitaine e.a.



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Transcription:

Affaire C-238/94 José García e.a. contre Mutuelle de prévoyance sociale d'aquitaine e.a. (demande de décision préjudicielle, formée par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Tarn-et-Garonne) «Assurance non vie Directive 92/49/CEE du Conseil Champs d'application» Conclusions de l'avocat général M. G. Tesauro, présentées le 29 février 1996 Arrêt de la Cour du 26 mars 1996 Sommaire de l'arrêt Libre circulation des personnes Liberté d'établissement Libre prestation des services Assurance directe autre que sur la vie Directive 92/49 Champ d'application Assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale Exclusion (Directive du Conseil 92/49/CEE, art. 2, 2) L'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239 et 88/357, doit être interprété en ce sens que des régimes de sécurité sociale, tels que les régimes légaux de sécurité sociale français dont relèvent l'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, l'assurance vieillesse des professions artisanales et l'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales, sont exclus du champ d'application de la directive 92/49. En effet, cette disposition établit clairement qu'elle exclut du champ d'application de la directive non seulement les organismes de sécurité sociale, mais également les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre. En outre, les États membres ont conservé leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale, et donc pour organiser des régimes obligatoires fondés sur la solidarité, régimes qui ne pourraient survivre si la directive qui implique la suppression de l'obligation d'affiliation devait leur être appliquée. ARRÊT DE LA COUR 26 mars 1996 (1)

«Assurance non vie Directive 92/49/CEE du Conseil Champ d'application» Dans l'affaire C-238/94, ayant pour objet une demande adressée à la Cour, en application de l'article 177 du traité CE, par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Tarn-et-Garonne (France) et tendant à obtenir, dans les litiges pendants devant cette juridiction entre José García e.a. Mutuelle de prévoyance sociale d'aquitaine e.a., une décision à titre préjudiciel sur l'interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (troisième directive assurance non vie) (JO L 228, p. 1), et LA COUR,, composée de MM. G. C. Rodríguez Iglesias, président, D. A. O. Edward, J.- P. Puissochet et G. Hirsch, présidents de chambre, F. A. Schockweiler, J. C. Moitinho de Almeida (rapporteur), P. J. G. Kapteyn, C. Gulmann, J. L. Murray, P. Jann et H. Ragnemalm, juges, avocat général: M. G. Tesauro, greffier: Mme D. Louterman-Hubeau, administrateur principal, considérant les observations écrites présentées: pour M. García e.a., par M e Richard Marcou, avocat au barreau de Montpellier, pour la Mutuelle de prévoyance sociale d'aquitaine e.a., par M e Régis Waquet, avocat au barreau des Hauts-de-Seine, pour le gouvernement français, par M me Edwige Belliard, directeur adjoint à la direction des affaires juridiques du ministère des Affaires étrangères, et M. Claude Chavance, secrétaire des affaires étrangères au même ministère, en qualité d'agents, pour le gouvernement allemand, par MM. Ernst Röder, Ministerialrat au ministère fédéral de l'économie, et Bernd Kloke, Oberregierungsrat au même ministère, en qualité d'agents, pour le gouvernement espagnol, par M. Alberto José Navarro Gonzaléz, directeur général de la coordination juridique et institutionnelle communautaire, et M me Gloria Calvo Díaz, abogado del Estado, du service juridique de l'état, en qualité d'agents,

pour le gouvernement néerlandais, par M. le professeur J. G. Lammers, conseiller juridique remplaçant au ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, pour le gouvernement finlandais, par M. Ora Meres-Wuori, chef d'unité faisant fonction par intérim de chef du service juridique du ministère des Affaires étrangères, en qualité d'agent, pour la Commission des Communautés européennes, par M. Dimitrios Gouloussis, conseiller juridique, en qualité d'agent, vu le rapport d'audience, ayant entendu les observations orales de M. José García e.a., représentés par M e Laurence Fourrier, avocat au barreau de Montpellier, de la Mutuelle de prévoyance sociale d'aquitaine e.a., représentées par M e Régis Waquet, du gouvernement français, représenté par M. Claude Chavance, du gouvernement espagnol, représenté par M me Gloria Calvo Díaz, du gouvernement finlandais, représenté par M me Tuula Pynnä, conseiller à la législation, chef de l'unité Cour de justice du service juridique, en qualité d'agent, et de la Commission, représentée par M. Dimitrios Gouloussis, à l'audience du 6 février 1996, ayant entendu l'avocat général en ses conclusions à l'audience du 29 février 1996, rend le présent Arrêt 1 Par jugement du 7 juin 1994, parvenu à la Cour le 22 août suivant, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Tarn-et-Garonne a posé, en vertu de l'article 177 du traité CE, une question préjudicielle relative à l'interprétation de l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49/CEE du Conseil, du 18 juin 1992, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie et modifiant les directives 73/239/CEE et 88/357/CEE (troisième directive assurance non vie) (JO L 228, p. 1). 2 Cette question a été soulevée dans le cadre de différentes procédures d'opposition à des contraintes qui avaient été signifiées par plusieurs caisses de sécurité sociale aux demandeurs au principal en vue du recouvrement de cotisations impayées. 3 Les régimes de sécurité sociale en cause sont l'assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles, l'assurance vieillesse des professions artisanales et l'assurance vieillesse des professions industrielles et commerciales. 4

Selon les demandeurs au principal, le monopole institué par la législation française en matière d'assurances sociales est incompatible avec la réglementation communautaire, et plus précisément avec la directive 92/49. 5 La juridiction de renvoi constate que, aux termes de l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49, celle-ci ne s'applique ni aux assurances et opérations, ni aux entreprises et institutions auxquelles la directive 73/239/CEE ne s'applique pas, ni aux organismes cités à l'article 4 de celle-ci. Or, conformément à l'article 2, paragraphe 1, sous d), de la première directive 73/239/CEE du Conseil, du 24 juillet 1973, portant coordination des dispositions législatives, réglementaires et administratives concernant l'accès à l'activité de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, et son exercice (JO L 228, p. 3), celle-ci ne concerne pas les assurances comprises dans un régime légal de sécurité sociale. 6 La juridiction de renvoi se demande toutefois si, compte tenu de certains considérants de la directive 92/49, l'article 2, paragraphe 2, de cette dernière ne doit pas être interprété comme ne se référant qu'aux structures des régimes de sécurité sociale, alors que le contenu desdits régimes, à savoir la couverture des risques en cause (vieillesse, maladie et invalidité), continuerait à relever de la directive et, partant, serait soustrait au monopole consacré par la législation française. 7 A cet égard, la juridiction nationale se réfère aux premier, troisième, dixième, quinzième, vingtième, vingt-deuxième et vingt-troisième considérants, aux termes desquels: (1) considérant qu'il est nécessaire d'achever le marché intérieur dans le secteur de l'assurance directe autre que l'assurance sur la vie, sous le double aspect de la liberté d'établissement et de la libre prestation de services, afin de faciliter aux entreprises d'assurance ayant leur siège social dans la Communauté la couverture des risques situés à l'intérieur de la Communauté; (3) considérant que la directive 88/357/CEE constitue, par conséquent, une étape importante vers le rapprochement des marchés nationaux dans un marché intégré, étape qui doit être complétée par d'autres instruments communautaires dans le but de permettre à tous les preneurs d'assurance, quelle que soit leur qualité, leur importance ou la nature du risque à garantir, de faire appel à tout assureur ayant son siège social dans la Communauté et y exerçant son activité en régime d'établissement ou en régime de libre prestation de services, tout en leur garantissant une protection adéquate; (10) considérant que le marché intérieur comporte un espace sans frontières intérieures et implique l'accès à l'ensemble des activités d'assurance autres que l'assurance sur la vie dans toute la Communauté et, dès lors, la possibilité pour tout assureur dûment agréé de couvrir n'importe quel risque parmi ceux visés à l'annexe de la directive 73/239/CEE; qu'à cet effet il est nécessaire de supprimer tout monopole dont jouissent certains organismes dans certains États membres pour la couverture de certains risques; (15) considérant que, dans l'attente d'une directive sur les services d'investissement harmonisant entre autres la définition de la notion de marché réglementé, il est

nécessaire, pour les besoins de la présente directive et sans préjudice de cette harmonisation à venir, de donner une définition provisoire de cette notion, à laquelle se substituera la définition ayant fait l'objet d'une harmonisation communautaire qui confiera à l'état membre d'origine du marché les responsabilités confiées en la matière et transitoirement par la présente directive à l'état membre d'origine de l'entreprise d'assurance; (20) considérant que les États membres doivent être en mesure de veiller à ce que les produits d'assurance et la documentation contractuelle utilisée pour la couverture des risques situés sur leur territoire, en régime d'établissement ou en régime de libre prestation de services, respectent les dispositions légales spécifiques d'intérêt général applicables; que les systèmes de contrôle à employer doivent s'adapter aux exigences du marché intérieur sans pouvoir constituer une condition préalable à l'exercice de l'activité d'assurance; que, dans cette perspective, les systèmes d'approbation préalable des conditions d'assurance n'apparaissent pas justifiés; qu'il convient, en conséquence, de prévoir d'autres systèmes mieux appropriés aux exigences du marché intérieur et permettant à tout État membre de garantir la protection essentielle des preneurs d'assurance; (22) considérant que dans certains États membres l'assurance maladie privée ou souscrite sur une base volontaire se substitue partiellement ou entièrement à la couverture maladie offerte par les régimes de sécurité sociale; (23) considérant que la nature et les conséquences sociales des contrats d'assurance maladie justifient que les autorités de l'état membre où le risque est situé exigent la notification systématique des conditions générales et spéciales de ces contrats afin de vérifier que ceux-ci se substituent partiellement ou entièrement à la couverture maladie offerte par le régime de sécurité sociale; que cette vérification ne doit pas être une condition préalable de la commercialisation des produits; que la nature particulière de l'assurance maladie, lorsqu'elle se substitue partiellement ou entièrement à la couverture maladie offerte par le régime de sécurité sociale, la distingue des autres branches de l'assurance dommages et de l'assurance vie dans la mesure où il est nécessaire de garantir que les preneurs d'assurance ont un accès effectif à une assurance maladie privée ou souscrite sur une base volontaire indépendamment de leur âge et de leur état de santé. 8 Dans ces conditions, la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer pour poser à la Cour la question préjudicielle suivante: Les dispositions de l'article 2, paragraphe 2, de la directive des Communautés européennes du 18 juin 1992 concernent-t-elles ou non, en partie ou en totalité, la matière proprement dite faisant l'objet de l'application du régime légal de sécurité sociale existant en France? 9 Il convient de constater que rien ne permet d'interpréter l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49 en ce sens que la couverture des risques visés par les régimes de sécurité sociale en cause dans le litige au principal relèverait du champ d'application de la directive. 10 En effet, cette disposition établit clairement qu'elle exclut du champ d'application de la directive non seulement les organismes de sécurité sociale ( entreprises et

institutions), mais également les assurances et les opérations qu'ils effectuent à ce titre. 11 Compte tenu des termes clairs et précis de l'article 2, paragraphe 2, il n'est pas nécessaire d'examiner les considérants de la directive 92/49 afin de déterminer l'objet ou la portée de cette disposition. 12 En tout état de cause, s'agissant en particulier des dixième, vingt-deuxième et vingttroisième considérants, il y a lieu de relever, d'une part, que la suppression des monopoles visée au premier considérant ne concerne que ceux dont les activités sont couvertes par la directive 92/49 et qui constituent des entreprises au sens des articles 85, 86 et 90 du traité CE, et, d'autre part, que dans les États membres subsistent deux régimes d'assurance maladie, l'un, privé, auquel les derniers considérants se réfèrent, l'autre ayant la nature d'un régime de sécurité sociale, exclu du champ d'application de la directive. 13 Par ailleurs, comme M. l'avocat général l'a relevé au point 9 de ses conclusions, la directive 92/49, fondée sur les articles 57, paragraphe 2, et 66 du traité CEE, ne pouvait pas réglementer la matière de la sécurité sociale qui relève d'autres dispositions du droit communautaire. 14 Enfin, ainsi que la Cour l'a souligné dans son arrêt du 17 février 1993, Poucet et Pistre (C-159/91 et C-160/91, Rec. p. I-637, point 13), des régimes de sécurité sociale, qui, comme ceux en cause dans les affaires au principal, sont fondés sur le principe de solidarité, exigent que l'affiliation à ces régimes soit obligatoire, afin de garantir l'application du principe de la solidarité ainsi que l'équilibre financier desdits régimes. Si l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49 devait être interprété dans le sens invoqué par la juridiction nationale, il en résulterait la suppression de l'obligation d'affiliation et, par conséquent, l'impossibilité de survie des régimes en cause. 15 Or, comme la Cour l'a également relevé, les États membres conservent leur compétence pour aménager leurs systèmes de sécurité sociale (voir arrêts Poucet et Pistre, précité, point 6, et du 7 février 1984, Duphar e.a., 238/82, Rec. p. 523, point 16). 16 Il convient donc de répondre à la juridiction nationale que l'article 2, paragraphe 2, de la directive 92/49 doit être interprété en ce sens que des régimes de sécurité sociale, tels que ceux en cause dans les affaires au principal, sont exclus du champ d'application de la directive 92/49. Sur les dépens 17 Les frais exposés par les gouvernements français, allemand, espagnol, néerlandais et finlandais, ainsi que par la Commission des Communautés européennes, qui ont soumis des observations à la Cour, ne peuvent faire l'objet d'un remboursement. La procédure revêtant, à l'égard des parties au principal, le caractère d'un incident soulevé devant la juridiction nationale, il appartient à celle-ci de statuer sur les dépens.

Par ces motifs, LA COUR statuant sur la question à elle soumise par le tribunal des affaires de sécurité sociale du Tarn-et-Garonne, par jugement du 7 juin 1994, dit pour droit: Rodríguez Iglesias Edward Puissochet Hirsch Schockweiler Moitinho de Almeida Kapteyn Gulmann Murray Jann Ragnemalm Ainsi prononcé en audience publique à Luxembourg, le 26 mars 1996. Le greffier Le président R. Grass G. C. Rodríguez Iglesias 1 Langue de procédure: le français.