U N FORMAT PÉDAGOGIQUE ARTICULANT LES TR O I S CO M P O S A N T E S DE LA CO N D U I T E



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Dossiers de l EPS de l Académie de Rennes N 1 - OCTOBRE 2009 U N FORMAT PÉDAGOGIQUE ARTICULANT LES TR O I S CO M P O S A N T E S DE LA CO N D U I T E M O T R I C E : PENSER, S INVESTIR ET RÉALISER Y O A N N POULIQUEN / ANNE C L A I R E H O U Z E Introduction L enjeu de la démarche d enseignement qui va être présenté ici s inscrit dans le souci des auteurs de placer l élève dans une activité et un contexte sollicitant les trois composantes de sa conduite motrice. Pour satisfaire à cette préoccupation, le choix est fait de s appuyer sur «un format pédagogique» stable qui place l élève dans un couplage particulier avec le milieu dans lequel il évolue, tout au long d un cycle d enseignement. De cette mise en relation particulière entre l élève et son environnement émergera une sollicitation différenciée sur les champs capacitaires requis chez l élève pour satisfaire aux contraintes qui se présenteront à lui. Il s agit donc, dans ce cadre, de décrypter comment la forme d enseignement adoptée par l enseignant (la forme pédagogique) est déterminante dans l articulation des capacités mises en œuvre par l élève dans sa conduite motrice. I. La notion de format pédagogique 1.1. Définition du concept : L organisation de notre réflexion autour de la notion de «format pédagogique», en lieu et place des traditionnels «tâches» ou «dispositifs», n est pas neutre. Ce choix terminologique nous permet en effet de situer notre analyse de l acte d enseignement-apprentissage dans une perspective théorique dite de la «cognition distribuée». De ce point de vue, il faut envisager l élève qui apprend dans la relation qu il crée et entretient avec le milieu dans lequel il est immergé. Des conditions (spatiales, temporelles, sociales ) «offertes» par le format mise en œuvre par l enseignant va émerger une mise en situation (un «couplage») particulière des élèves. Des formats mis en œuvre découlent des intentions éducatives retenues par l enseignant et «sont autant de moyens d organiser l activité des élèves que de leur signifier, implicitement le plus souvent, qu ils sont ou qu ils vont s engager dans une activité d apprentissage particulière» (Ciséron). Les propositions que nous ferons par la suite vont tenter d immerger l élève qui apprend dans un format pédagogique particulier où les trois composantes de sa conduite motrice seront sollicitées. Le concept de format pédagogique est conçu par Durand (1998) comme l émergence d un dispositif structuré d instruction, conduit par un processus de sélection et d organisation des éléments disponibles dans le contexte (espace, temps, matériel pédagogique) et tenant compte des capacités des élèves à travailler seuls, en coopération, à écouter ou à s engager C est une proposition particulière coordonnant d une façon singulière parmi un champ de possibles élargi, l activité des différents acteurs en interaction. Dès lors, l intérêt des formats est de montrer comment les activités des différents protagonistes s articulent dans le décours des situations. 1.2. Un format au service d une conception de l enseignement : Il est difficilement envisageable de concevoir un format pédagogique sans se poser la question au préalable de l objectif recherché (les acquisitions attendues). En effet, c est de la forme (le format pédagogique) qu émerge le fond (l acquisition de la compétence). Nous entendons par compétence «la mobilisation pertinente de capacités pour traiter une situation ou un type de situations dans un contexte donné». 1

Dossiers de l EPS de l Académie de Rennes N 1 - OCTOBRE 2009 En d autres termes, le contexte (format pédagogique) supporte une partie de l action (conduite motrice) et dans le cadre de l EPs (éducation physique scolaire), l accent n est pas mis sur l analyse des APS telles qu elles existent mais sur les activités qu elles suscitent (champs capacitaires mis en jeu) en relation avec les contextes dans lesquels elles se déploient. Le format pédagogique qui va être ici présenté est guidé par une conception fonctionnelle de l apprentissage où le «savoir-faire» n est pas premier, mais où il est un moyen au service de l action. En ce sens, nous rejoignons l idée selon laquelle, les mobiles d action sont premiers (dossier EPS N 76 page 18). Par conséquent, le point de départ se situe dans l individu qui agit, de sa raison d agir dont l origine renvoie tant aux champs capacitaires de l engagement que de la pensée, et dont il émergera une recherche d adaptation de la part de l apprenant. Cette recherche d appropriation par l élève, nous amène à faire le choix de les confronter à un format pédagogique basé sur l autorégulation. II. Un format pédagogique particulier : l autorégulation par le choix des contraintes de jeu 2.1. Structuration et propriétés du format : 2.1.1 Format pédagogique et compétence attendue : Comme convenu précédemment, le choix d un format répond à une intention éducative sous-jacente qui est première. Afin de justifier au mieux le format qui sera exposé par la suite, nous rappelons qu il est un outil au service de l atteinte d une compétence, laquelle est contextualisée. Dans cette perspective, nous aborderons et traiterons l activité badminton par la stratégie et non la technique (niveau 2 collège). Compétence attendue : «élaborer et actualiser une tactique (autoréguler : pôle réflexif) par l utilisation de différentes stratégies (manipulation de contraintes : pôle de la réalisation) pour s adapter au jeu adverse et à l évolution du rapport de force (coopérer et s opposer : pôle de l engagement)» 2.1.2 Trois temps au service de l autorégulation Le format pédagogique utilisé va être décrit selon un séquençage d activités particulières qui organisent et co-déterminent le travail des élèves et de l enseignant suivant des bornes temporelles. Premier temps : la phase exploratoire Cette étape consiste à confronter l élève aux caractéristiques de la rencontre. Il s agira pour lui d identifier et d interpréter les particularités du rapport de force en présence afin de les exploiter au mieux pour optimiser la réalisation à venir dans la phase exécutoire. Second temps : la phase de concertation / choix Cette étape inscrit avant tout l élève dans une activité décisionnelle basée sur la validation/invalidation des connaissances (C. Sève in L apprentissage) construites précédemment. Il s agit pour lui d arrêter les conditions de la rencontre à venir dans le but d être «performant» dans la phase exécutoire. Troisième temps : la phase exécutoire Cette étape est avant tout une phase de réinvestissement et d actualisation des connaissances construites précédemment et qui se donnent à voir dans les conditions de rencontre préalablement déterminées. 2.1.3 Les contraintes à manipuler et l autorégulation du niveau de difficulté L autorégulation du niveau de difficulté passe par l optimisation des choix de contraintes personnalisées qui tient compte de : - la combinaison / sélection des contraintes (nature, difficulté ) - des caractéristiques du jeu de ses adversaires/partenaires et de son propre jeu. 2

Dossiers de l EPS de l Académie de Rennes N 1 - OCTOBRE 2009 C O N T R A I N T E S S O U M I S E S A L A U T O R E G U L A T I O N NATURE NIVEAU EN COOPERATION EN OPPOSITION Niv. 1 Renvoi en «zone de confort» Terrain réduit en largeur Contrainte spatiale Niv. 2 Maxi 2 renvois consécutifs du même côté (G/D) Zone du fond ou de l amorti interdite Niv. 3 Maxi 2 renvois consécutifs à la même profondeur (avant/arrière) Renvoi obligatoire en «zone de confort» Contrainte de pression temporelle Niv. 1 5 tentatives autorisées Conclure en 5 frappes maxi Niv. 2 3 tentatives autorisées Conclure en 3 frappes maxi Niv. 3 1 seule tentative autorisée Conclure en 2 frappes maxi Contrainte liée aux types de frappes et de trajectoires Niv. 1 Niv. 2 Niv. 3 Toutes formes de frappes autorisées Frappes main basse interdites Frappes main haute interdites Trajectoires descendantes interdites Renvoi obligatoire en frappes main basse Dans le cadre d un cycle d enseignement, les 3 formes de contraintes proposées à l auto-régulation sont abordées et manipulées de façon progressive afin de respecter les principes de progressivité et de complexification inhérents à tout apprentissage. 2.1.4 Modes de groupement : une communauté de pratique et d intérêts FICHES ELEVES Coopération avec contrainte spatiale Coopération avec contrainte temporelle Opposition avec contrainte spatiale La coopération, un prélude à l opposition Groupes homogènes entre eux mais hétérogènes en leur sein de 4 élèves (N1/N2/N3/N4) qui renvoie au niveau de jeu et à la hiérarchisation des élèves dans chaque niveau de jeu. Pour constituer les groupes, nous croisons deux logiques complémentaires : niveau de jeu coopératif («le meilleur partenaire») et niveau de jeu en opposition (le classement en montante-descendante). Il s agit de réaliser un nombre prédéfini d échanges consécutifs dans la configuration de jeu retenue (agencement spécifique des contraintes en fonction des caractéristiques de la dyade) avec chaque partenaire de son groupe. 3

Dossiers de l EPS de l Académie de Rennes N 1 - OCTOBRE 2009 En opposition, une pratique duelle où l on co - opère pour s opposer 1A 2A 3A 4A Rencontres Une coopération par le coaching : à chaque rencontre, les joueurs ont un partenaire qui observe et relève des données pendant la phase exploratoire pour guider le joueur dans le choix de la contrainte (cf. fiche de «la contrainte gagnante»). Une coopération par l interdépendance des résultats : les scores des joueurs d une même équipe sont liés par la recherche d une victoire d équipe qui tient compte de l ensemble des résultats des quatre rencontres. 1B 2B 3B 4B 2.1.5 Formes de pratiques mises en œuvre : En coopération, le choix de «la contrainte opti - male» : Il s agit ici de déterminer, au regard des possibilités de chaque joueur, quel est le niveau maximal de contrainte acceptable pour réussir les 15/20 renvois. - La phase exploratoire sert donc à tester différentes configurations possibles de combinaison de contraintes pour identifier progressivement la configuration qui correspond le mieux au niveau des joueurs en présence. On peut s appuyer ici sur l analyse des causes de la rupture dans la continuité des renvois pour déterminer «un axe de travail à privilégier» pour progresser (mise en projet de l élève) puis pour décider du niveau optimal de la contrainte. - La phase de concertation/choix confronte les points de vue des joueurs et des observateurs pour négocier une combinaison de contraintes qui soit accessible au regard de ses possibilités d action : choisir la contrainte optimale. - La phase exécutoire place les élèves en situation de réinvestissement de ce qu ils ont travaillé lors de l exploration et induit forcément un travail de «contrôle de soi» pour gérer le stress induit par l enjeu de cette validation. En opposition, le choix de «la contrainte ga - gnante» : Il s agit ici de déterminer, au regard des caractéristiques du jeu adverse et de son propre jeu, la contrainte qui semble la plus à même de faire évoluer le rapport de force en présence, soit en diminuant les possibilités d utilisation par l adversaire de son point fort, soit en diminuant l utilisation de son propre point faible par l adversaire. - Dès lors, la phase exploratoire sert à identifier chez l adversaire les stratégies de rupture qu il privilégie pour les réduire ou d identifier chez soi, son point faible pour empêcher que l adversaire ne puisse l exploiter. Dès lors, la présence d un partenaire coach qui suit le déroulement de la rencontre avec une lecture guidée de celle-ci favorise l analyse du rapport de force en jeu et ses caractéristiques. - La phase de concertation / choix croise les points de vue du joueur et de son coach/observateur pour arrêter le choix de la contrainte la plus pertinente pour faire basculer ou maintenir le rapport de force en sa faveur : choisir la contrainte gagnante. Cette contrainte peut concerner l adversaire en lui imposant une contrainte limitant son pouvoir d action (zone ou frappe interdite ) Mais elle peut aussi concerner le joueur qui au regard de l analyse du jeu se fixe une contrainte de jeu bonifiée optimisant l exploitation de son point fort (zone ou frappe bonifiée ). Dans les deux cas, on se situe dans l analyse d un rapport de force et la recherche d exploitation à son profit. - La phase exécutoire place l élève en situation de réinvestissement de l analyse faite de la phase exploratoire en exploitant la contrainte choisie. Cette étape induit forcément à un travail de «contrôle de soi» pour gérer le stress de la rencontre. 4

2.2. Intérêt de cette «mise en forme» particulière : 2.2.1 Construction d un environnement offrant des opportunités pour apprendre : de contraintes subies à des contraintes vécues comme des opportunités pour apprendre La construction et la structuration d un environnement offrant des ressources pour apprendre et des opportunités pour se transformer est au cœur de cette mise en forme pédagogique particulière. L aménagement ainsi proposé par l enseignant vise à placer l apprenant dans des conditions d apprentissages optimales. Ainsi, la structure relativement stabilisée du format, ainsi que «le caractère ritualisé et sécurisant de l activité collective générée par le format» (Brun et Gal-Petitfaux, Revue EPS 317, 2006), permet d engager l élève dans la construction de «routines», à la fois dans la mise au travail ainsi que dans les démarches d apprentissage sollicitées. De cette forme de «stabilité» ainsi mise en place dans le cycle d enseignement naît un contexte où les apprentissages seront facilités pour l élève. Celui-ci sera en effet, au fil des séances, «délesté» de la nécessité d engager certaines ressources (cognitives, émotionnelles et énergétiques) dans les situations auxquelles il sera confronté : - Au niveau cognitif tout d abord, la structure relativement stable des formes de travail permettra aux élèves de «libérer» leurs structures cognitives pour le traitement et l analyse (cf. modèle de Paillard) de nouvelles «contraintes» mises en jeu. - Sur le plan émotionnel ensuite, l appréhension liée à l incertitude du contexte et des formes de pratiques proposées (principalement les formes compétitives où l affrontement et le duel entre les élèves sont mis en avant) est en partie dissipée, ce qui permet à l élève de s engager dans une démarche plus fonctionnelle dans son rapport aux situations. Dans le format pédagogique que nous présentons, le contexte ainsi que les adversaires ne présentent plus d emblée une «mise en danger» pour les «moins compétents», mais un adversaire à déstabiliser, ce qui apaise le retentissement affectif provoqué par l enjeu de la situation et / ou de l affrontement. Dans cette perspective, le format mis en place préserve, voir renforce, le «sentiment de compétence» de l élève. Les champs capacitaires relatifs à «la maîtrise des émotions», à «l empathie» ou encore à «l interprétation et la reconnaissance» du milieu sont donc d emblée requis et sollicités dans le format pédagogique co-construit par l interaction du groupe classe avec l environnement façonné au fil des séances. Ceci ouvre l opportunité pour les élèves d investir et de développer de nouveaux champs capacitaires nécessaires à l atteinte de la compétence visée. 2.2.2 Guidage et régulation de l enseignant : Si la structure du format retenu amène les élèves à travailler en autonomie et de façon auto-régulée en investissant une multitude de champs capacitaires différents, l activité de l enseignant reste essentielle. Ce dernier, au travers d interventions différenciées au sein des groupes aux différentes phases du format, accompagne les élèves («interaction de tutelle», Bruner, 1983) : - en les guidant dans l analyse de la phase exploratoire - en les sollicitant par le biais d un questionnement sur les causes de leurs réussites ou échecs dans les différents choix effectués - en leur proposant des situations de remédiations - en leur donnant accès à de nouveaux critères de réalisation. L ensemble de ces interventions doit alors permettre aux élèves de s engager dans de nouveaux apprentissages en investissant de nouveaux projets de jeu plus contraignants mais dont la réussite est rendue possible par les formes de travail coopératives inscrites dans le format : - «interactions collaboratives» (Guérin & Péoc h, in L enseignement, 2008) ; - coopération sous forme de «dyades dissymétriques» ; - «compagnonnage cognitif» (aide apporté par un individu à un pair dans l acquisition et la compréhension d une connaissance) ; - «coaching» ; - Tout l enjeu pour l enseignant résidera donc dans sa capacité à adapter son intervention, au travers des formes d interaction retenues pour guider l élève, et dans les phases du format choisies pour intervenir, afin d accompagner les élèves dans la construction de la compétence attendue. En effet, comme le soulignent Brun et Gal-Petitfaux («Un format pédagogique particulier selon l éclairage théorique de l action située»,revue EPS 317, 2006) «cette forme de travail, pour constituer un cadre favorable aux apprentissages, nécessite que l enseignant sache l exploiter et la faire vivre au service des élèves et aux différents moments de la leçon». 2.2.3 Un format transposable à d autres activités et dans d autres contextes

L objet de notre propos est contextualisé dans une mise en œuvre spécifique au travers d un traitement particulier de l APSA badminton. L intérêt de notre conceptualisation se veut néanmoins plus englobant et généralisant afin d être transposable à d autres supports d activités ainsi qu à d autres contextes disciplinaires. Dans cette perspective, l activité support n est ici qu un prétexte à notre propos, parmi un champ de possibles très vaste et dépassant le simple cadre de notre discipline. C est en effet dans le format retenu que nous envisageons de possibles transferts d une activité à l autre au sein d une année scolaire ou dans le cursus de l élève. Dans les 3 temps identifiés du format pédagogique proposé et au travers des modalités de leur mise en œuvre, nous envisageons la possibilité d une transversalité dans les formes de pratiques vécues par les élèves. Si dans notre proposition de format, les champs capacitaires de la réalisation renvoient à des adaptations plus spécifiques, ceux relatifs à l investissement et à la pensée sont tout à fait ré-investissables et transposables dans des contextes proches et bien au-delà de notre champ disciplinaire. Le caractère transversal de ce format renforce alors la cohérence des propositions de l enseignant et guide les élèves dans leurs apprentissages en leur offrant des repères dans les démarches d apprentissage à mettre en œuvre pour acquérir les compétences attendues définies dans les programmes. III. L articulation des trois composantes de la conduite motrice au cœur du format pédagogique 3.1 Les trois phases du format et leur impact sur les champs capacitaires Premier temps : la phase exploratoire Cette étape consiste à confronter l élève aux caractéristiques de la rencontre. Il s agira pour lui d interpréter les particularités du rapport de force en présence afin de les exploiter au mieux pour optimiser la réalisation à venir dans la phase exécutoire. Les élèves font donc successivement appel aux champs capacitaires : - de l observation : il s agit dans un premier temps de repérer et d identifier des contraintes pour répondre à un objectif particulier. L apprentissage des conditions de l observation, en orientant et guidant le regard de l observateur (lieux de focalisation de l attention, utilisation d outils de recueil de données sur le jeu de son partenaire ), constituera une des fonctions «d étayage» (Bruner) dévolue à l enseignant afin de guider les élèves dans leurs apprentissages. On se situe ici dans le champ capacitaire de l identification avec une focalisation de l attention sur des indices précis et l interprétation des effets de l action. - du raisonnement : cette appropriation des contraintes à manipuler par l élève lui permet d entrer ensuite dans une phase de recherche où il va expérimenter différentes configurations possibles de manipulations des contraintes en vue d optimiser ses résultats. On se situe ici dans le champ capacitaire lié à la démarche expérimentale avec un travail de mise en relation de procédures et de contrôle de leurs résultats. Au-delà de cette sollicitation de l élève au niveau réflexif, la caractéristique propre de cette phase exploratoire est de «laisser le droit à l erreur» pour l élève qui peut alors tester différentes configurations de jeu (manipuler différents niveaux de contraintes) sans que cela ne soit préjudiciable directement sur l issue de la rencontre. De ceci découle chez l élève une sollicitation accrue de sa curiosité, il s ouvrira alors plus facilement (son estime de soi étant préservée par le contexte mis en œuvre) en osant expérimenter des configurations de jeu particulières et tentera de dépasser son niveau actuel dans la mesure où cette phase ne constitue pas une recherche d efficacité immédiate et maximale. L activité réflexive et d engagement de l élève au cours de cette recherche ne peut évidemment se concevoir sans activité motrice et donc sollicite forcément des modes d actions particuliers chez l élève au regard de ses capacités actuelles et des configurations de contraintes expérimentées. Second temps : la phase de concertation / choix Cette étape inscrit l élève dans une activité de prise de décision sans contrainte de temps. Il s agit pour lui d arrêter les conditions de la rencontre à venir dans le but d être «performant» dans la phase exécutoire. L élève est alors confronté à une nécessité de validation / invalidation de connaissances construites lors de la phase d exploration en se projetant par l élaboration d hypothèses d efficacité. On se situe ici dans le champ capacitaire lié à la planification.

Ce temps implique également, au regard des modes de groupement utilisés, une concertation entre élèves dont les intérêts sont communs. On sollicite ici un engagement coopératif (compagnonnage cognitif, interactions collaboratives ) chez l élève ce qui met en jeu le champ capacitaire de l empathie pour optimiser au mieux l exploitation des potentialités de chaque membre du groupe. Troisième temps : la phase exécutoire Cette étape est avant tout une phase de réinvestissement et d actualisation des connaissances construites précédemment qui se donne à voir dans les conditions de rencontre préalablement déterminées. On se situe ici dans le champ capacitaire lié à la transposition. Cette phase engage l élève dans une recherche d efficacité immédiate et maximale où la priorité est de «réussir» et donc où l erreur n est plus autant permise qu au préalable. L enjeu de la rencontre oblige l élève à se contrôler pour s adapter au mieux aux perturbations induites par le contexte (panique, tension ). Enfin, le niveau de contraintes choisi détermine une sollicitation particulière des modes d action fondamentaux mis en jeu par l élève. On peut concevoir qu entre les phases deux et trois (cf. modélisation) des allers-retours se fassent afin de permettre une actualisation régulière de la stratégie choisie au regard de l évolution du rapport de force en phase exécutoire. De ce format exposé au travers de ces trois phases successives décrites ci-dessus découle bien une sollicitation de la conduite motrice de l élève dans ses trois composantes : penser, agir et s engager. A chaque niveau, les trois composantes de la conduite interviennent de façon plus ou moins prégnante et prioritaire (se donne à voir dans le schéma par l épaisseur de la flèche) : 3.2 Les contraintes proposées à l autorégulation et le pôle de la réalisation C est bien dans la nature, le niveau des contraintes et dans leur association que se situe la sollicitation parti-

culière des modes d action fondamentaux mis en jeu dans la conduite motrice. - la contrainte spatiale telle qu elle est proposée dans notre illustration met en jeu prioritairement les champs capacitaires de l ajustement postural et de la structuration spatiale (apprécier des directions et des espaces ). - la contrainte relative aux types de frappes et trajectoires produites quand à elle sollicitera prioritairement les champs capacitaires de l ajustement postural, de la structuration temporelle et de la coordination. - la contrainte du niveau de pression temporelle a un impact capacitaire qui touche prioritairement le mode d engagement de l élève qui se retrouve sur une gestion du couple risque/sécurité. L e s contraintes M o d e s d a ction f o n d a m e n taux 3.3 Les modes de groupement imposés par le format et le pôle de l engagement Le format est l expression d une articulation sociale singulière du travail scolaire. Le format proposé ici est basé sur : - un fonctionnement des groupes en autonomie. Hastie (1996) montre que les élèves apprécient particulièrement le travail en autonomie en collaboration avec leurs pairs et ont le sentiment de mieux comprendre (compagnonnage cognitif) ce qu il faut qu ils fassent pour progresser (pôle de l engagement et de la réflexion). - la mise en interaction des élèves, basée sur la coopération et la concertation. Une expérimentation menée par Lafont et coll. (Revue STAPS 2006) montre que les interactions verbales induites par le format apportent un effet favorable sur la construction de compétences tactiques (pôle réflexif). - un regroupement des élèves dans la coopération constitué sur la base de niveaux dissymétriques (niveaux hétérogènes). Cette même expérience montre que ces interactions sociales dissymétriques instaurées par le format pédagogique permettent aux sujets initialement faibles d obtenir des bénéfices plus importants qu en situation d interactions symétriques.

L e s f o rmes de g r o u p e m e n t L e s modes d e n g a g e m e n t Conclusion : Amener l élève à être acteur et auteur de ses apprentissages passe à n en pas douter par une prise en charge autonome des conditions de construction de ses connaissances. Cette autonomie n est cependant pas donnée d emblée et nécessite un long cheminement où l enseignant devra faire preuve de toute son ingéniosité pour amener l apprenant à identifier, puis s approprier, les conditions de cette acquisition centrale et majeure. La conception que nous avons tenté de développer ici, au travers la mise en place d un format pédagogique particulier structuré autour de l apprentissage par autorégulation de la conduite motrice, renvoie à cette volonté. En permettant à l élève de construire et d articuler des connaissances dans les trois composantes de sa conduite motrice, au travers d un format pédagogique à caractère transversal, réutilisable dans différents contextes de pratique, nous mettons en avant notre conception de l élève physiquement éduqué. Les connaissances ainsi intégrées permettent à l élève de comprendre les contextes mis en œuvre par l enseignant, de s y adapter et, finalement, de s en libérer (visée émancipatrice de l enseignement).