Le testament de vie est un document. Le testament de vie inscrit dans la carte Vitale?

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Réflexions hospitalières Dr Charles BOUSQUET Neurochirurgien Expert près la cour d appel de Montpellier Le testament de vie inscrit dans la carte Vitale? Mise en place en 1997, la carte Vitale contient les données essentiellement administratives des bénéficiaires de l assurance maladie. Elle pourrait être le support du testament de vie adapté au don d organes, et simplifier l accès au prélèvement chez les patients en état de mort encéphalique dont, pour des raisons diverses, 50 % seulement sont éligibles au prélèvement. Il en résulte une pénurie d organes responsable de deux cent cinquante décès par an. Le testament de vie est un document écrit dans lequel une personne consciente exprime par avance sa volonté concernant les derniers moments de sa vie quant aux soins médicaux qu elle veut ou ne veut pas recevoir si elle perd la capacité de s exprimer, ou si son état ne lui permet pas de prendre elle-même une décision. Nous avons souhaité associer cette définition à la notion du don d organes. Un testament est un document juridique qui énonce ce que vous désirez qu il advienne de tout ou partie de vos biens à votre décès. Même si les biens que vous détenez ne sont pas considérables, il est important que vous rédigiez un testament. Sans testament, c est la loi qui dictera comment votre succession sera répartie, et il se peut alors que vos biens ne soient pas transmis comme vous le souhaitiez. Le testament peut être notarié ou non. Légalisé aux États-Unis (fédéral et majorité des États), en Australie, au Danemark et au Canada, le testament de vie n est pas ou peu réglementé en droit continental. Il peut s agir de l expression de volontés explicites, de la simple désignation d un ou de représentants thérapeutiques en charge de prendre les décisions en cas d inaptitude du disposant, ou encore d un mélange de ces deux possibilités. En France, il n a pas d existence légale. >> Le don d organes et les greffes La transplantation d organe est une des grandes réussites médicales du XX e siècle. En raison du succès des transplantations d organes, le nombre de demandeurs d organes croît nettement plus vite que celui des donneurs, pourtant lui aussi en augmentation. Notre propos ne s adressera qu aux dispositions ayant trait au prélèvement d organes sur patient en état de mort encéphalique, à l exclusion du problème des donneurs vivants Pourquoi modifier les dispositions légales actuelles? Plusieurs facteurs militent en faveur d une modification des dispositions en vigueur : >> La pénurie d organes, principal obstacle à la greffe Plusieurs voies se dessinent pour pallier ce déficit, que ne comble pas la hausse régulière des prélèvements : le prélèvement de nouveaux profils de donneurs, la lutte contre les refus «par précaution» : ils émanent le plus souvent de familles qui, ne connaissant pas la volonté du défunt, préfèrent refuser le don, la formation des équipes hospitalières : elle pourrait contribuer à faire reculer le taux de refus (30 %). De 2000 à 2008, la greffe d organes a connu en France un essor sans précédent. Malgré une stabilisation constatée en 2009, le nombre de personnes prélevées a augmenté de 46 % et le nombre de greffes de 43 %. L augmentation des besoins a pour origine première le succès de la greffe. Cette technique médicale est en effet de mieux en mieux maîtrisée, avec des résultats en termes de durée et de qualité de vie en constante progression. Les situations dans lesquelles une greffe 66 N 538 - Janvier - Février 2011

R e v u e h o s p i t a l i è r e d e F r a n c e est recommandée sont de plus en plus nombreuses et diversifiées. Le vieillissement de la population induit notamment des problèmes de santé auxquels la greffe est susceptible d apporter une réponse. Chaque année, le nombre de personnes inscrites en liste d attente progresse. Actuellement, l attente des patients peut se compter en mois, voire en années. Moins de 1 % des personnes qui meurent à l hôpital sont en état de mort encéphalique. Or cette source d organes représente actuellement 95 % des greffes réalisées. Des prélèvements d organes sur d autres catégories de donneurs sont effectués : les donneurs vivants et les donneurs décédés après arrêt cardiaque. Néanmoins, ces pratiques ne permettent pas de venir à bout de la pénurie. Elles concernent quasi exclusivement le rein. Elles se limitent par ailleurs à des contextes particuliers : le cercle familial du malade pour le don du vivant, les hôpitaux qualifiés et équipés pour le prélèvement après un arrêt cardiaque mortel. S agissant des défunts en état de mort encéphalique, le recensement plus systématique des donneurs potentiels dans les services hospitaliers a permis une progression sensible des prélèvements. Entre 2000 et 2009, ils ont augmenté de 53 %. << Le testament de vie inscrit dans la carte Vitale? Sur le web Organisation des soins internes Pilotage des pôles Droit et jurisprudence Actualités 1 NDLR : le rapport final est disponible en ligne avec, pp. 48 et 49 le chapitre consacré au Forum de Strasbourg : http://www.etatsgenerauxdelabioethique.fr/uploads/rapport_final.pdf 2 «Don d organes. Pour sauver des vies, il faut l avoir dit», en ligne sur le site de l Agence de biomédecine : http://www.agence-biomedecine.fr/presse/22-juin-2010-10emejournee-nationale-de-reflexion-sur-le-don-dorganes-et-la-greffe.html >> L enjeu : limiter le refus des familles «par précaution» Tous les défunts en état de mort encéphalique qui sont recensés dans les services hospitaliers ne sont pas prélevés. En 2009, seuls 48 % l ont été. Pourquoi cet écart? Certains défunts en état de mort encéphalique ne peuvent être prélevés pour des raisons médicales ou logistiques. Pour d autres, le prélèvement est refusé : soit par le défunt luimême, qui s était inscrit au registre national des refus ou qui avait signalé son opposition à ses proches ; soit par la famille qui, faute d information sur le choix du défunt, refuse le prélèvement d organes sur leur proche. Actuellement, près d un prélèvement possible sur trois est refusé. Quelles décisions? La loi prévoit l évolution des lois de bioéthique tous les cinq ans. Un forum sur le don d organes s est tenu à Strasbourg dans le cadre des États généraux de la bioéthique 2009 1. Les discussions ont porté sur l acceptabilité du régime de consentement présumé, les carences des dispositifs d information concernant le régime en vigueur, le don solidaire (qui doit être l effet d un choix assumé), l établissement ou non d un registre du choix. À l occasion de la 10 e Journée nationale de réflexion sur le don d organes et la >> Chiffres clés 2010 greffe, le 22 juin 2010, l Agence de la biomédecine a rappelé l importance de formuler sa décision à ses proches 2 et exprimé le souhait de «redonner du sens à la démarche du don avec une communication positive». En France, on estime qu environ 45 000 personnes vivent aujourd hui avec un greffon. «Lorsque le patient est jeune et que le greffon est de bonne qualité, alors la greffe est synonyme de guérison. Chez le sujet âgé, la greffe permet d augmenter l espérance de vie», indique le Pr Georges Mourad, néphrologue au CHU de Montpellier et président de la Société française de transplantation. Législation française en vigueur en matière de don d organes Les principes applicables en matière de dons d organes sont principalement issus de la loi bioéthique du 6 août 2004. >> Quelques définitions L organe humain peut se définir comme une partie du corps humain destinée à remplir une fonction propre ou nécessaire à la vie. La loi distingue : les organes : cœur, poumons, reins, foie, pancréas ; les tissus : peau, os, cornée, valves cardiaques, moelle osseuse, etc. 4705 greffes ont été réalisées en 2010 3 043 donneurs potentiels ont été identifiés 1476 personnes ont été prélevées soit 50 % des donneurs potentiels identifiés 6,3 % des greffes ont été réalisées à partir de donneurs vivants Plus de 14400 personnes ont eu besoin d une greffe Source: Agence de la biomédecine Réflexions hospitalières Librairie Offres d emploi N 538 - Janvier - Février 2011 67

Réflexions hospitalières >> Schéma de répartition des greffes d organes en 2009 >> Évolution des malades ayant eu besoin d une greffe d organes entre 2006 et 2009 Rein Foie Cœur Poumon Cœur-Poumons Pancréas 359 (8%) 231 (5%) 21 (<1%) 89 (2%) 1047 (23%) 2826 (62%) 10000 8000 6000 4000 2000 0 7036 5483 4428 2006 7343 7705 8244 5798 6000 6159 4580 4667 4620 2007 2008 2009 Malades restant inscrits en liste d attente au 1 er janvier de chaque année Malades nouvellement inscrits en liste au cours de l année donnée Nombre de greffes pratiquées dans l année Intestin 7 (<1%) >> Évolutions législatives La loi Lafay du 7 juillet 1949 autorise les prélèvements anatomiques après le décès, en vue de la greffe de la cornée. La loi Caillavet du 22 décembre 1976 consacre la présomption de consentement aux prélèvements après décès. Les lois de bioéthique du 29 juillet 1994 sont relatives l une «au respect du corps humain», l autre «au don et à l utilisation des éléments et produits du corps humain, à l assistance médicale à la procréation et au diagnostic prénatal». Les lois de 1998 et celle du 6 août 2004 ont assoupli les conditions d accès à la greffe à partir de donneur vivant, en vue de répondre aux besoins de la pratique. >> Formulaire d inscription au registre national des refus >> Principes généraux applicables au don et à l utilisation des organes Tous repris dans le code de santé publique, ils concernent successivement : l inviolabilité et la non-patrimonialité ; le consentement libre et éclairé ; la gratuité du don ; l anonymat ; l interdiction de la publicité ; la sécurité sanitaire ; la biovigilance. Règles relatives aux prélèvements sur une personne décédée Elles sont particulièrement détaillées sur le site de l Agence de la biomédecine 3. Pour que des prélèvements puissent être pratiqués sur une personne décédée, dans les conditions que la loi détermine, il est impératif que le décès soit préalablement constaté. Nécessité d un constat de la mort En droit français, il n existe pas de définition légale de la mort. Le constat de la mort résulte d une déclaration de décès dont la réalité est garantie par le respect d un délai d inhumation. Le constat de la mort encéphalique doit reposer sur trois critères cliniques simultanément présents : absence totale de conscience et d activité motrice spontanée, abolition de tous les réflexes du tronc cérébral. La confirmer exige soit deux électroencéphalogrammes (EEG), chacun d une durée de trente minutes, et à quatre 68 N 538 - Janvier - Février 2011

R e v u e h o s p i t a l i è r e d e F r a n c e heures d intervalle, attestant la destruction encéphalique par un tracé nul et a- réactif ; soit une angiographie ou un angioscanner objectivant l arrêt de la circulation encéphalique. >> Valorisation des dons d organes et devoir de mémoire à l égard des donneurs Depuis la loi du 6 août 2004, dans les établissements de santé autorisés à prélever des organes en vue de dons à des fins thérapeutiques, «il est créé un lieu de mémoire destiné à l expression de la reconnaissance aux donneurs d éléments de leur corps en vue de greffe 4». >> Consentement Principe de dispense de consentement explicite La loi Caillavet du 22 décembre 1976 avait autorisé le prélèvement d organes sur le cadavre d une personne lorsque, de son vivant, elle n avait pas fait connaître son refus d un tel prélèvement. Les lois de bioéthique du 29 juillet 1994 et du 6 août 2004 procèdent de la même façon. Le législateur de 1994 limite l application de la présomption de consentement en prenant plus largement en considération qu auparavant la condition du «donneur» et la finalité du prélèvement, ce qui a abouti à un régime différencié du consentement en fonction des situations. La loi de 2004, loin de remettre en cause la règle antérieure du consentement présumé, ou si l on préfère la dispense d obtention du consentement explicite du «donneur», la maintient et la généralise, sauf exceptions, à tous les prélèvements après décès quelles que soient leurs finalités : thérapeutiques ou scientifiques. La législation prévoit deux hypothèses dans lesquelles la présomption de consentement peut être renversée : lorsque le défunt, de son vivant, a fait connaître son refus d un prélèvement sur son corps après la mort ; en cas de témoignage de ce refus par les proches. Refus du prélèvement La règle légale dispensant les praticiens d obtenir le consentement explicite du «donneur» ne présente pas un caractère absolu. Elle ne s applique que si «la personne n a pas fait connaître, de son vivant, son refus» du prélèvement. La loi du 6 août 2004 précise que ce refus peut être exprimé par tout moyen 5. Inscription du refus sur un registre national automatisé Le refus du prélèvement peut être enregistré sur un registre automatisé. Il est «révocable à tout moment». Créé en 1997, le registre national des refus compte, au 1 er janvier 2011, 81 800 inscriptions. Depuis la loi du 6 août 2004, cette information est délivrée aux jeunes appelés à la journée de service national. Toute personne majeure, ou mineure âgée de 13 ans au moins, peut s inscrire sur le registre. La demande d inscription doit être adressée par voie postale à l Agence de la biomédecine. Elle doit être datée, signée et accompagnée de la photocopie de tout document susceptible de justifier de l identité de son auteur (carte nationale d identité en cours de validité, passeport même périmé, permis de conduire, titre de séjour ). Une attestation d inscription sur le registre doit être adressée à l auteur de la demande, à moins qu il n ait indiqué expressément qu il ne souhaitait pas recevoir d attestation. Aucun prélèvement, quelle que soit sa finalité, ne peut être opéré sur une personne âgée de plus de 13 ans sans interrogation obligatoire, et préalable, du registre des refus. Recueil auprès des proches du défunt de l opposition exprimée par celui-ci de son vivant Le code de la santé publique énonce que «si le médecin n a pas directement connaissance de la volonté du défunt, il doit s efforcer de recueillir auprès des proches l opposition au don d organes éventuellement exprimée de son vivant par le défunt, par tout moyen 6». La loi de 2004, comme celle de 1994, n impose pas au médecin qui ne Les possibilités de la carte Vitale rendent techniquement possible d y transcrire le testament de vie. L accès aux informations personnelles concernant le don d organes offrirait un gain de temps considérable aux équipes chargées de prélèvements. 3 Tout savoir sur le don d organes et de tissus: www.agence-biomedecine.fr. 4 Loi du 6 août 2004, article L. 1233-1. 5 Ibid. 6 Fédération des associations pour le don d organes et de tissus humains. 7 À lire sur le site de France connaît pas la volonté du défunt de recueillir celle-ci auprès des proches. Elle l oblige néanmoins à une démarche en ce sens («il doit s efforcer»), ce qui prohibe clairement l abstention. La loi ne confère donc aucune valeur légale à la carte de donneur volontaire, telle que celle proposée par France Adot 7. Elle prévoit que les proches du défunt doivent être informés de la «finalité des prélèvements envisagés» comme de leur «droit à connaître les prélèvements effectués». Il existe donc un lien évident entre le consentement et l information due pour l éclairer. Adot, rubrique En savoir plus/les lois/la législation en matière de don d organes : http://www.franceadot.org/lois/resume-loi.php#u. << Le testament de vie inscrit dans la carte Vitale? Actualités Sur le web Organisation des soins internes Pilotage des pôles Droit et jurisprudence Réflexions hospitalières Librairie Offres d emploi N 538 - Janvier - Février 2011 69

Réflexions hospitalières >> Testament de vie pour le don d organes Don d Organes oui non Cœur O O Foie O O Rein O O Cœur-poumon O O Poumon O O Pancréas O O Os - cartilage O O Cornée O O Peau O O Intestin (rarement) O O Tissus composites de la face O O Consentement écrit au prélèvement sur une personne décédée qui était «incapable» La loi du 6 août 2004 a maintenu le principe d un consentement écrit au prélèvement sur une personne mineure ou majeure sous tutelle. Chacun des titulaires de l autorité parentale doit donner son accord en cas de prélèvement sur une personne décédée qui était mineure (article L. 1232-2). Organisation administrative des activités relatives au don d organes «Les prélèvements d organes en vue de don à des fins thérapeutiques ne peuvent être pratiqués que dans des établissements de santé autorisés par l autorité administrative, après avis de l Agence de la biomédecine. Cependant, tous les établissements de santé, qu ils soient autorisés ou non, participent à l activité de prélèvement d organes (ou de tissus) en s intégrant dans des réseaux de prélèvement. 8» «Les équipes médicales qui prélèvent sont en général celles qui transplantent. 9» Une autorisation de prélèvement est parfois déléguée, notamment pour les reins. La règle destinée à garantir «l indépendance du diagnostic de mort et la protection du donneur potentiel 10» doit être respectée. Les médecins qui établissent le constat de la mort et ceux qui effectuent le prélèvement (ou la greffe) doivent faire partie d unités fonctionnelles ou de services distincts. Le code de la santé publique impose aux médecins ayant procédé à un prélèvement sur une personne décédée «de s assurer de la meilleure restauration possible de son corps». >> Patients en attente d une greffe Depuis 1990, la pratique des greffes d organes nécessite l inscription des patients sur une liste d attente nationale. Établie par type de transplantation, elle est gérée depuis 2004 par l Agence de la biomédecine qui a succédé à l Établissement français des greffes. Afin de tenter d homogénéiser les durées d attente de greffe, et de respecter des principes d équité, des règles de répartition des greffons ont été élaborées selon un système de score, tenant compte notamment de critères tels qu une menace vitale à court terme, l âge, l ancienneté d inscription sur la liste d attente, l appariement en âge donneur/receveur, la compatibilité HLA10, la difficulté d accès à la greffe. Ces règles permettent notamment aux receveurs pédiatriques (jusqu à 18 ans), ainsi qu aux patients hyperimmunisés de bénéficier d une priorité d accès à la greffe. >> Qui peut être donneur? Tout sujet en état de mort encéphalique est un donneur potentiel. Les médecins entreprennent les recherches des antécédents médicaux et la réalisation d examens sérologiques afin de dépister d éventuelles maladies transmissibles. Seuls ces examens, effectués juste avant le prélèvement, autoriseront ou non le don d organes et de tissus. On ne définit pas de contreindications a priori. En pratique, la qualité fonctionnelle du greffon dépend en grande partie des conditions dans lesquelles survient la mort. Un organe dont la fonction est douteuse sera refusé. Il n existe pas de limite d âge légale, celle-ci dépend des organes concernés. Le critère retenu est la qualité des organes prélevables. C est l état physiologique du donneur et les circonstances de sa mort qui en décident. >> Comment faire connaître sa position vis-à-vis du don d organes? La personne qui refuse tout prélèvement d organe au jour de son décès a la possibilité de s inscrire sur le registre national des refus 11 auprès de l Agence de la biomédecine. La personne favorable au don d organes est invitée à le signaler à ses proches afin que ceux-ci puissent témoigner de sa volonté. Porter sur soi une carte de donneur d organes n est pas obligatoire mais permet d affirmer sa position et signifie que «j accepte que le jour de Le testament de vie et le don d organes sont de nature à constituer le premier chapitre de ce que les Anglo-Saxons appellent les directives anticipées. mon décès, si les circonstances le permettent, on me prélève des organes pour greffer à des malades en attente». La volonté du donneur d exclure du prélèvement un ou des organes particuliers peut être mentionnée à ses proches. Il n existe pas d âge minimum pour obtenir la carte de donneur : un mineur peut affirmer sa position, mais en cas de décès (idem pour un majeur faisant l objet d une mesure de protection légale), le prélèvement est soumis à l accord des parents. L expérience prouve que connaître la position de l enfant facilite le choix des parents. 70 N 538 - Janvier - Février 2011

R e v u e h o s p i t a l i è r e d e F r a n c e Inscrire la volonté des patients dans la carte Vitale Notre proposition consiste à inscrire la volonté des patients conscients et éclairés dans la mémoire de la carte Vitale. >> Carte Vitale Le projet SESAM-Vitale a été lancé par l article 8 de l ordonnance n 96-345 du 24 avril 1996 relative à la maîtrise médicalisée des dépenses de soins. «Depuis sa création, la carte Vitale a évolué pour s adapter aux besoins des assurés et leur rendre un meilleur service 12». L utilisation conjointe de la carte Vitale et de la carte à puce du professionnel de santé est possible puisqu elle permet d adresser une feuille de soins électronique à la caisse d assurance maladie. 97 % des assurés trouvent la carte Vitale utile et 99 % la jugent pratique 13. Prévue pour être évolutive, la carte Vitale 2 dispose d une capacité mémoire de 32 ko. L espace disponible lui permet d héberger d autres informations que les données administratives actuelles (la mention «médecin traitant déclaré» a par exemple été intégrée en 2007), par exemple la personne à prévenir en cas d urgence, etc. La carte Vitale est une carte à microprocesseur dite «à puce» de la taille d une carte bancaire. Elle ne contient pas d informations d ordre médical mais l ensemble des éléments administratifs nécessaires à la prise en charge de l assuré 14 : son identité et celle des ayants droit de moins de 16 ans ; son numéro d immatriculation ; son régime d assurance maladie ; sa caisse d assurance maladie ; ses éventuels droits à la couverture maladie universelle complémentaire (CMUC) ; ses éventuels droits à l exonération du ticket modérateur dans la mesure où l assuré en bénéficie au titre d une affection de longue durée, maternité, accident du travail, etc. La carte Vitale est strictement confidentielle. Hormis son détenteur, elle ne peut être lue que par la caisse d assurance maladie de l assuré ou par le professionnel de santé consulté, équipé d une carte professionnelle autorisant la lecture de la carte Vitale et des droits particuliers qu elle contient (exonération du ticket modérateur...). >> Transcription du testament de vie dans la carte Vitale Les possibilités de la carte Vitale rendent techniquement possible d y transcrire le testament de vie. L accès aux informations personnelles concernant le don d organes offrirait un gain de temps considérable aux équipes chargées de prélèvements. Il serait procédé à la rédaction du testament de vie en pleine conscience, conjointement avec le médecin traitant, dans un document daté (cf. tableau p. 68). Le testament de vie serait modifiable à volonté conjointement avec le médecin traitant, et accessible au médecin des urgences en lecture simple. Rédaction à partir de quatre codes d accès Pour le malade Numéro de sécurité sociale ou numéro d inscription au répertoire INSEE (NIR). Mot de passe ou code personnel du patient en huit chiffres et lettres et/ou signes. Pour le médecin traitant Code d accès à la carte de professionnel de santé (CPS). Code personnel du médecin traitant en 8 chiffres et lettres et/ou signes. Lecture réalisée par n importe quel médecin à partir des modes d accès suivants Carte de professionnel de santé. Code personnel du médecin traitant. >> Que doit contenir le testament de vie? Outre les données personnelles, le lieu de rédaction et la date et la signature du disposant, le testament de vie doit contenir la référence à la capacité de discernement du disposant. Les volontés exprimées doivent l être alors que le disposant est capable de discernement, à savoir en mesure de prendre une décision libre et éclairée. Vers des directives anticipées? L inscription du testament de vie dans la mémoire de la carte Vitale permettrait à une personne consciente d y exprimer par avance ses volontés relatives au don d organes. Cette évolution pourrait intégrer les volontés de la personne concernant les soins médicaux des derniers moments de la vie, soins qu elle voudra ou non recevoir si elle perd la capacité de s exprimer ou se trouve en situation de n être plus capable de prendre elle-même une décision. Le testament de vie et le don d organes sont de nature à constituer le premier chapitre de ce que les Anglo-Saxons appellent les directives anticipées. Rien n interdit d aller progressivement dans la direction du refus de l acharnement thérapeutique et d une demande de soins palliatifs qui pourraient, de la même manière, être inscrits dans les données de la carte Vitale. << Le testament de vie inscrit dans la carte Vitale? Actualités Sur le web Organisation des soins internes Pilotage des pôles Droit et jurisprudence Réflexions hospitalières Librairie Offres d emploi 8 Ibid. 9 Ibid. 10 NDLR : Human Leucocyte Antigens (HLA). Le système HLA comprend un ensemble d antigènes qui jouent un rôle majeur dans la compatibilité et l acceptation des greffes d organe. Le typage HLA, c est-à-dire l identification des six antigènes les plus importants pour mener à bien les greffes d organe, est la première étape qui permet de déterminer la compatibilité entre le donneur potentiel et le receveur atteint d une maladie du sang ou de la moelle osseuse. 11 Registre national des refus au prélèvement TSA 90001, 93572 Saint-Denis-la-Plaine Cedex. 12 http://www.sante.gouv.fr/ IMG/pdf/carte_vitale.pdf 13 Sondage Ipsos pour la CNAM selon la méthode des quotas, octobre 2004. 14 Informations disponibles sur le site de l assurance maladie : http://www.ameli.fr/assures/soinset-remboursements/comment-etrerembourse/la-carte-vitale/quecontient-votre-carte-vitale.php N 538 - Janvier - Février 2011 71