De la discrimination à l extermination La crise des années trente a réveillé en France l antisémitisme qui sommeillait depuis l affaire Dreyfus. Les groupes d extrême-droite mènent des campagnes dont la violence s accentue avec l arrivée des Juifs étrangers fuyant les persécutions nazies. En 1939 ils sont nombreux à trouver refuge dans les Alpes-Maritimes, venant d Italie. Dès 1938, Brasillach préconisait de priver les Juifs de leurs droits civils et politiques, de les exclure de toutes les professions et de confisquer leurs biens. Ce programme qui s inspire de l idéologie nazie est rapidement repris et appliqué par le régime de Vichy après la défaite de mai 1940. La législation en place traduit les orientations antisémites et xénophobes de l Etat français. La loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs est d une portée considérable car pour la première fois, la race devient un critère de discrimination. Désormais il appartient à la personne qui est suspectée d être juive de se disculper et de fournir les preuves de son appartenance à la race aryenne. Pour appliquer sa politique, le gouvernement crée en 1941 un commissariat général chargé des questions juives. Les Juifs de nationalité française sont exclus de la fonction publique et, même dans les professions libérales, leur nombre est limité. Les biens juifs, mis sous séquestre, sont confiés à des administrateurs provisoires et parfois dilapidés. Tous les israélistes doivent se faire recenser et la mention «juif» est apposée sur leurs cartes d identité. Sur instruction allemande le gouvernement français y ajoute l obligation de porter une étoile jaune à partir de juin 1942. Jusqu à l été 1942 l opinion publique est partagée. Les campagnes haineuses contre les Juifs et les mesures d internement dans des camps du sud de la France trouvent un écho d autant plus favorable dans une partie de la population qu elles visent les étrangers. En janvier 1942 les Nazis décident de mettre en œuvre la «solution finale» c est-àdire l extermination de tous les Juifs européens, des Slaves et des Tsiganes. Le 4 juillet 1942, le gouvernement de Vichy donne son accord pour la déportation des Juifs étrangers des deux zones. Les 26 et 27 août une grande rafle aboutit à l arrestation de six-cent-dix Juifs étrangers dans les Alpes-Maritimes. Ils sont transférés par convois ferroviaires à Drancy. Prenant enfin conscience de l horreur et de l ampleur de la répression antisémite, véritable chasse à l homme, des groupes politiques, des responsables religieux réagissent et diffusent clandestinement des tracts appelant à s y opposer. Alors que les autorités d occupation italiennes avaient fait preuve d une certaine clémence, les troupes allemandes qui envahissent la zone sud le 11 novembre 1942 après le débarquement allié en Afrique du Nord, multiplient de 1943 à 1944 les exactions, les perquisitions, les arrestations et les déportations vers les camps d extermination, particulièrement celui d Auschwitz, centre de la plus gigantesque entreprise criminelle de l histoire du Monde.
Liste des documents 1 ère partie : l exclusion 1 Loi du 3 octobre 1940 portant statut des Juifs parue au journal officiel du 18 octobre 1940 616 W 225 Le régime de Vichy mit en place une législation d exclusion. Les Juifs, désignés sur la base d une appartenance raciale, furent éliminés de la fonction publique et des professions liées à la presse et au cinéma ; leur accès aux professions libérales était menacé. 2 Procès-verbal dressé par la police à l encontre de Magdaléna Fogel dont les cartes d identité et d alimentation ne portaient pas la mention «juive», 21 mai 1943 308 W 9 Le décret du 12 décembre 1942 imposa aux Juifs, français et étrangers, de faire apposer la mention «Juif» sur la carte d identité et sur la carte individuelle d alimentation. Les Juifs étaient passibles de sanctions en cas de non obéissance. 3 Ecoute d une conversation téléphonique par la police entre un Juif domicilié à Cannes et un correspondant aux Etats-Unis, 27 novembre 1941 616 W 225 A l automne 1941, à la suite de l instauration d un numérus clausus les empêchant de continuer à exercer leurs professions de médecins et d avocats, de nombreux Juifs se résignèrent à l émigration, par l intermédiaire d une organisation juive, la HICEM. Cependant, sur un total de 35 000 demandes, seuls 6 500 purent quitter la France pour les Etats-Unis et l Amérique du Sud. 4 Rapport de gendarmerie signalant l apposition à Menton de papillons antisémites, 18 février 1941 616 W 225 En zone non occupée et particulièrement dans les Alpes-Maritimes se manifesta un antisémitisme virulent entretenu par les mouvements d extrême-droite, Doriotistes et légionnaires. Un des moyens utilisés était l apposition de papillons antisémites. 5 Rapport présenté devant la Cour de justice décrivant l activité et les buts poursuivis par un mouvement d extrême-droite collaborateur et antisémite, le groupe «Collaboration» 318 W 46 Groupement nazi animé par Alphonse de Chateaubriant, il professait des idées violemment antisémites. 6 Rapport de police relatif à un trafic de fausses cartes d identité françaises vendues à des Juifs étrangers, 12 septembre 1942 228 W 35 Pour atteindre le Portugal d où partaient les bateaux pour l Amérique, il fallait obtenir des autorités françaises un visa de sortie. A partir du 18 juillet 1942, Vichy, qui s était engagé à livrer aux Allemands les Juifs étrangers de la zone non occupée, interdit leur sortie du territoire ce qui explique ce trafic de fausses pièces d identité.
2 ème partie : la déportation 7 Plainte adressée par Monseigneur Rémond, évêque de Nice, au directeur de la police allemande à Nice, 22 octobre 1943, à la suite d une perquisition effectuée à l Eglise du port. 616 W 225 Monseigneur Rémond, hostile aux persécutions antisémites, organisa le sauvetage de plus de cinq cents enfants juifs cachés dans des établissements catholiques sous de fausses identités. La Gestapo et la Milice, qui avaient eu connaissance de son activité, tentèrent sans grand succès de le confondre. 8 Annonce par le préfet régional de police de la préparation de la caserne Auvare à Nice afin d y recevoir jusqu à 3000 personnes, 31 juillet 1942 Après s être engagé à livrer 10 000 Juifs étrangers de la zone non occupée, le gouvernement français organisa la déportation en adressant aux préfets des instructions précises. La caserne Auvare fut choisie pour rassembler les Juifs, entre leur arrestation et leur transfert en zone occupée. 9 Télégrammes du ministère de l Intérieur aux préfets de la zone libre ordonnant le déclenchement des rafles des israélites étrangers pour le 26 août 1942 Ces documents montrent l implication totale du gouvernement français dans les opérations d arrestations et de déportations des Juifs étrangers de la zone non occupée. 10 Ecoute d une conversation téléphonique entre policiers indiquant le nombre de Juifs raflés dans les Alpes-Maritimes et les Alpes-de-Haute-Provence et les réactions de l opinion, 28 août 1942 L opinion des Français de la zone non occupée bascula après les rafles de l été 42, comme le montrent les écoutes téléphoniques et les interceptions de courriers. Les mesures prises furent jugées inhumaines. La dislocation des familles émut particulièrement. 11 Bulletin établi par les services de police sur les répercussions sur l opinion publique des rafles de Juifs étrangers, 27 août 1942 12 Compte-rendu des rafles de Juifs étrangers opérées le 26 août 1942, 27 août 1942 Ce document témoigne de l extrême appréhension des Juifs raflés et de leur désespoir. Il confirme l état de l opinion qui, jusque-là majoritairement antisémite, réprouva les persécutions. 13 Rapport du commissaire de police de Nice sur les recherche de Juifs ayant échappé à la rafle du 26 août 1942, 30 août 1942 14 Lettre de protestation adressée au préfet, 25 août 1942
15 Saisie par la police d une lettre condamnant les arrestations de Juifs opérées par les autorités de Vichy, 28 août 1942 16 Communiqué du cardinal Gerlier, primat des Gaules, destiné à être lu en chaire, condamnant les mesures de déportation des Juifs, septembre 1942 En zone sud l Eglise catholique intervient avant mais surtout après la grande rafle du 26 août 1942 auprès du Maréchal Pétain pour qu il mette un frein à la politique antisémite du gouvernement français. 17 Tract appelant à la solidarité avec les Juifs persécutés en zone libre, 8 septembre 1942 Ce document évoque le sauvetage d enfants juifs à Lyon par des associations catholiques, protestantes et israélites. Epargnés par les rafles dans un premier temps, les enfants furent ensuite déportés par les autorités françaises afin d attendre les quotas de déportables exigés par l occupant. 18 Tract dénonçant la déportation des Juifs de zone libre, s.d. A la suite des grandes rafles de l été 42, les appels à l opinion publique se multiplièrent, sous forme de tracts et de journaux, à l initiative de mouvements clandestins, juifs ou communistes. 19 Directives du secrétariat général de la police organisant le convoi du 31 août, 26 août 1942 Il est prévu de faire voyager les déportés dans des wagons à bestiaux démunis bien entendu de tout confort. Une surveillance étroite doit être exercée pour empêcher les évasions comme en témoigne l importance de l escorte. 20 Réquisition de wagons SNCF pour assurer le transport des déportés à Drancy, 30 août 1942 Le chemin de fer joua un rôle essentiel dans la déportation. 21 Rapport d un policier chargé de la surveillance des convois de déportés se rendant de Nice à Rivesaltes, et liste nominative des juifs, 11 octobre 1942 Le camp de Rivesaltes (Pyrénées-Orientales) avait été prévu pour accueillir en transit une partie des Juifs étrangers raflés en zone non occupée avant leur transfert à Drancy. Les internés y séjournaient dans des conditions inhumaines, provoquant de nombreux décès. 22 Témoignage d un juif ayant réussi à s échapper du camp de Drancy, 225 W 44 Le camp de Drancy, en région parisienne fut l étape obligée pour les Juifs étrangers puis français sur le chemin d Auschwitz. Les internés y vivaient dans la terreur, surtout après juin 1943, date à laquelle les Allemands prirent le contrôle du camp. Seul un petit nombre d internés purent s en évader.