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Transcription:

Lebusiness estdanslepré Branchés surlescoursdesmarchés, surdiplômés, lesagriculteurs d'aujourd'hui n'ontplusrien àvoiravecleursprédécesseurs. Cespaysans2.0 brassent dessommesd'argent considérables et sontàlapointedestechnologies etdel'innovation. Sonjob: consultantdeschamps ^ RENAUD DE KERPOISSON - PDGD'OFFR ETDEMANDEAGRICOLE I ^*et ancien exploitant agricole, titulaire d'un troisième cycle ï V*de gestion à l'essec, conseille des milliers d'agriculteurs en g France et en Europe sur les tendances du marché et la gestion des ^ risques financiers. Avec une centaine d'analystes, d'informaticiens, s de statisticiens, d'agronomes, mais aussi denombreux informateurs sur le terrain, il recueille chaque jour des milliers de données ^ techniques, météorologiques et géopolitiques pour anticiper I les baisses ou les hausses de prix du blé ou desoléagineux.

-*; Apeine débarqué dans la vaste salle de marché du septième étage, Loïc Desselas vérifie fébrilement le cours des changes. Dans la nuit, le discours du président de la Réserve fédérale amé ricaine a entraîné la chute du dollar. Du coup, «le monde a changé»! On s'interpelle d'un bureau à l'autre, un téléphone collé à l'oreilleet l'œil rivé sur les graphiques et les chiffres qui défilent à toute vitesse sur les écrans d'ordinateur. La frénésie en moins, on se croirait presque à Wall Street, aux pires heures de la crise financière. Mais, par les baies vitrées, c'est le périphérique parisien qu'on aperçoit dans le soleilde juillet. Nous sommes au siège d'invivo et, ici,ce sont ni des titres ni des devises que l'on négocie, mais... des céréales. La plus grosse union de coopératives agricoles françaises en exporte de 8 à 10millions de tonnes par an, essentiellement vers l'afrique et le Moyen-Orient. Et le système étant coopératif (près de lamoitié dubusiness agricole passepar des coopé ratives), les agriculteurs, à qui l'on achète les grains, sont aussi les actionnaires. Les traders ont donc pour missionde vendre leurs récoltesaux meilleurs tarifset non de spéculer,comme le font leurs homologues des marchés boursiers qui n'ont jamais vu un épi de blé. Paysanbac* 5.Sivous êtes fan de l'émission «L'Amour estdans le pré»et de sesagriculteurs qui fleurent bon la paille et le fromage de chèvre, vous risquez d'être déçu. Car le profil de la nouvelle génération d'agroentrepreneurs n'apas grand-chose à voir avecl'image surannée savamment mise en scène par M6. Depuis une quinzaine d'années, l'agriculture est entrée de plain-pied dans la mondialisation, et elle attire au jourd'hui de plus en plus de commerciaux de haut vol, d'acheteurs internationaux, de logisticiens toutterrain, d'ingénieurs pluridisciplinaires... Des can didats bardés de diplômes qui auraient pu faire car rière dans n'importe quelle multinationale, mais qui ont choisi l'agriculture. La raison? Pour la plupart, il y a tout d'abord la volonté de donner du sens à leur métier - certes, ils ne gagneront jamais autant d'ar gent que s'ils avaient opté pour la finance ou le com merce, mais quoi de plus utile que de nourrir l'hu manité? Pour d'autres, eux-mêmes issus du monde rural, il s'agit d'une sorte de retour à la terre. Mais pour tous, il y a une part de pragmatisme, car le ^.1i IVjfe I

J Il accompagnelesagriculteursquiveulentinnover NICOLAS CHOMEL - CHEFDEPROJETALAVALMAYENNETECHNOPOLE Diplômé d'une école d'ingénieurs en alimentation, agronomie et développement rural, cet amoureux de l'environnement formé au management se définit comme un"facilitateur d'innovation". Son job: aider les éleveurs de Mayenne à développer des projets. Il a ainsi épaulé Christophe Géré (en tee-shirt rayé) et Stéphane Ogé,qui s'apprêtent à lancer une gamme de beurres aromatisés. Il aide aussi les éleveurs à accéder aux aides publiques. Plusieursfois par mois, Alexis Tordeur, équipéd un porte-voix, anime des réunions au beau milieu des champs. ^ secteur représente aujourd'hui un vrai débouché. L'agriculture française n'a en effet jamais brassé au tant d'argent: plus de 76 milliards d'euros en 2012, soit 6,596de plus que l'année précédente, sans comp ter les 9,5 milliards d'euros de subventions liées à la politique agricole commune européenne. Carrièreexpress. A 25 ans, Alexis Tordeur incarne bien cette nouvelle génération de «paysans». Arrivé chez Tereos, première coopérative sucrière française connue notamment par sa marque Béghin Say,dans le cadre de son stage de fin d'études, ce jeune ingé nieur en est aujourd'hui le patron de l'innovation. Depuis deux ans, iltravaille en collaboration directe avec les betteraviers picards pour améliorer à la fois la productivité et la qualité des produits. «Cela passe par des aspects techniques très pratiques, par exem pie récolter les racines avec le moins de terre possible, pour minimiser les coûts de transport. Et aussi par des approches plus scientifiques, comme la maîtrise des engrais azotés et autres produits de protection des plantes. Le but, c'est à la fois d'améliorer la productivité agricole en augmentant la teneur en sucre - et donc réduire les coûts de revient- et de limiter les impacts négatifs sur l'environnement.» Produire plus, produire mieux : pour convaincre les agriculteurs d'allerdans ce sens, lejeune ingénieur délaissesouvent sa blouse delaboratoire pour endos ser le costume du manager. Plusieurs fois par mois, ilanime des groupes de travail au milieu des champs. C'est pour le contact direct avecles agriculteurs qu'il apprécie ce job. «Désherbage, travail du sol, trai tement des produits... Chacun partage ses expé riences avec les autres, je leur communique les ré sultats de nos propres tests, eux-mêmes proposent de nouvelles pratiques.» Ettoutes les deux à trois se maines, Alexis Tordeur s'envole pour la Roumanie, où il accompagne la modernisation des betteraviers j de Transylvanie, eux aussi fournisseurs de Tereos. 1 Prévoir les tendances. Ancien exploitant lui-même, Renaud de Kerpoisson a faillitoutperdre faute d'avoir anticipé cette transformation profonde du marché. Il 1 a rebondi en bouclant un troisième cyclede gestion 1 agroalimentaire à l'essec, pour mettre ses compé- g tences au service des agriculteurs. Depuis quinze ans, I

l'entreprise qu'il a fondée, (Offre et Demande agricole), vend du conseil et de l'information sur les prix. Installé à Bourges, au cœur de la première ré gion céréalière d'europe, ce dirigeant atypique pilote une PME de 90personnes, dont une dizaine dejeunes analystes, mais aussides ingénieurs, des économistes ou d'anciens traders. Leur job: récolter un maximum d'informations, depuis les surfaces ensemencées dans les grands pays producteurs jusqu'à l'évolution de la météo en passant par les cours journaliers des céréales et les volumes de la production mondiale. Et analy ser toutes ces données afin de prévoir les tendances du marché dans des délais très courts. Formationsspécialisées. «Siles agriculteurs devaient attendre les statistiques officielles pour savoir si les stocks brésiliens ou nord-américains d'oléagineux vont gonfler, donc avec une perspective d'effondre ment des prix, ils n'auraient plus que leurs yeux pour pleurer, car le marché lesaurait précédés depuis long temps!» assène le patron d'. Moyennant un abonnement annuel de 1000 à 7000 euros, les mil liers de clients d' sont ainsi avertis d'une pro bable montée des cours du blé dans les semaines à venir. Ou alertés sur des positions à prendre très ra pidement. Pour brasser toutes ces infos, Renaud de éé Laplupart de mes colla borateurs sont bardés de diplômes, et certains viennent de la finance et de grandes banques d'affaires." Renau dekerpoisson, PDGducabinet deconseil Kerpoisson veille à s'entourer de collaborateurs particulièrement aguerris. «La plupart d'entre eux sont des bac + 5, certains viennent même directe ment de la finance et de grandes banques d'affaires.» Mais les filières de formation agronomique se sont largement adaptées aux évolutions économiques du secteur. Les instituts nationaux (INA) ou les écoles nationales supérieures (Ensa), qui forment les ingé nieurs, ont tous intégré des cours de gestion et d'éco nomie, ainsi que des formations aux mécanismes de l'innovation ou de la décision politique. Ilsont aussi multiplié les passerelles ou les partenariats avec les écolesde commerce - l'esitpa, une école d'ingénieurs agronomes près de Rouen, s'estpar exemple associée, en 2010, avec l'ecole de management de Normandie pour mettre en commun les connaissances tech niques et l'approche marketing. La même année, ^ Chefd'entrepriseà1007o ARNAUDROUSSEAU - EXPLOITANT AGRICOLE latête d'uneexploitationde285 hectaresen A Seine-et-Marne,cefils d'agriculteuremploie deuxsalariéset jouesur tousles registresdu patrondepme: il gèresesstockset commercialise lui-mêmesa récolte,diversifiesa productionen anticipant lesnouvellestendancesdelaconsom mation.il suitlescoursdubléentempsréelsur sonsmartphoneet utiliseungpsembarquésur sontracteur pouroptimiser l'ensemencement.

PORTRAITS Cetraderbrasse3 milliardsd'euros LOÏC DESSELAS - DIRECTEUR D'INVIVOGRAINS Spécialisé dans le commerce international, cet ingénieur agronome a commencé sa carrière en vendant du sucre, du café, du cacao... Aujourd'hui à la tête d'une brigade de plus de 80 collaborateurs, Loïc Desselas jongle avec les cours des matières premières et les taux de change. Il exporte chaque année de8 à 10millions de tonnes de céréales vers l'afrique et le Moyen-Orient, pour un chiffre d'affaires de plus de 3 milliards d'euros. Desmilliardsd'eurosd'argentpublic circulentdanslesecteuragricole Avantde reprendre l'exploitation demonpère, j'ai été courtiersur lesmarchés à terme. Lafinance, je connais un peu..." ArnaudRousseau, exploitantagricole ^ la Conférence des grandes écoles (CGE) a accré dité une quarantaine de mastères spécialisés, notam ment dans l'alimentation, l'environnement ou le déve loppement durable des territoires et de l'agriculture. Nicolas Chomel, qui a obtenu son diplôme d'in génieur agricole au début des années 1980, n'a pas pu bénéficier de ces nouvelles formations et a dû faire un master de management. Après un passage par l'agence de l'environnement et de la maîtrise de l'énergie et par le secteur du bâtiment, il est depuis plus de dix ans chef de projet à la technopole de La val, où il joue le rôle de «facilitateur d'innovation» pour les entreprises de la Mayenne. Ce département très orienté vers l'élevage et la production laitière en courage l'innovation technologique dans cette filière. «Je coordonne notamment des projets de recherche pour améliorer la sécurité alimentaire de la produc tion du lait, explique Nicolas Chomel. Collecte du lait à la ferme, réservoirs réfrigérants, tubes laitiers chez les industriels : toute la filière est concernée, et l'objectifconsiste à mettre en commun les bonnes pra tiques et les bons équipements à tous les niveaux.» Bon connaisseur des rouages administratifs et des cercles lobbyistes, Nicolas Chomel aide aussi les éle veurs à accéder aux aides publiques. Lebusiness agri cole se joue en effet encore pour une bonne part dans la sphère publique. Entre les subventions euro péennes, les aides nationales ou les soutiens locaux, ce sont des milliards d'euros d'argent public qui cir culent. En cette matinée de juillet, où la caravane du Tour de France traverse le département, notre ingé nieur est particulièrement content de rejoindre des éleveurs bio à Saulges, une commune de 300 habi tants. Il vient de finaliser avec eux un dossier d'aide à l'innovation qui devrait leur permettre de financer d'ici à la fin de l'année la création d'une gamme de beurres aromatisés. «Mon rôle a été multiple, raconte l'ingénieur. Réfléchir avec eux à de nouvelles utilisa tions du lait qu'ils produisent, les mettre en contact avec des jeunes d'un lycée technique et des pros du marketing pour concevoir leur gamme, puis monter le dossier et défendre leur projet auprès du conseil régional, qui va assurer le financement.» Unsmartphonesur letracteur. Dans le grand chamboulement économique du secteur, les «nouveaux agri culteurs» ne sont pas en reste. Dans les plaines de la Brie, à une heure de Paris, Arnaud Rousseau se dit tout à la fois exploitant, gestionnaire, analyste finan cier, commercial, militant politique, expert en mar keting... Ce grand gaillard de 39 ans, fils et petit-fils d'agriculteur, à la tête de 285 hectares consacrés aux grandes cultures (blé, maïs, colza), commence toutes ses journées de travail devant son ordinateur pour suivre l'évolution des cours. Et quand les marchés sont tendus, il embarque son smartphone sur le trac teur, histoire de pouvoir réagir tout de suite. «)'ai été courtier pour les marchés à terme : les subtilités fi nancières des produits agricoles, je connais un peu..,», explique- t-il. Mais l'appel des champs a été plus fort que les deux heures quotidiennes dans le métro parisien. A 28 ans, ila rejoint l'exploitation de son père et dirige aujourd'hui la fédération départe mentale des syndicats d'exploitants agricoles. Plutôt que de vendre directement sa production à une coopérative, ce chef d'entreprise dans l'âme, qui emploie deux salariés à l'année, assure lui-même la vente de sa production. «J'estime que cela fait partie de mon métier : de la même façon que j'assure la qua lité de mes produits, je veux assumer la prise de risque de mon activité.» Car les prix des matières premières font du yoyo et, qu'ils fassent commerce du grain à la ville ou aux champs, c'est la volatilité ^

PORTRAITS Cechercheurévolutionnelesméthodesdeculture ALEXIS TORDEUR - INGÉNIEUR DÉVELOPPEMENT AGRONOMIQUE CHEZTEREOS 25 ans à peine, ce diplômé d'agro Paris planche sur l'amélioration de la qualité des betteraves A et de leur teneur en sucre. C'est en plein champ qu'il organise ses réunions de travail avec les producteurs, parfois à l'aide d'un porte-voix, pour tester de récents moyens de récolte ou comparer les mesures à l'issue de nouveaux traitements chimiques. Sa mission est claire: aider les producteurs à produire mieux à moindre coût. Elle le mène jusqu'en Roumanie, où il conseille les betteraviers locaux. ^ des cours qui est devenue le souci numéro 1 des managers agricoles. «Lesvariations climatiques pè sent pour 1596sur lesprix. Tout le reste, ce sont des fluctuations en fonction de l'offreet de la demande et de l'appétit de certains spéculateurs», constate Ar naud Rousseau. La crise financière est passée par là. Avant 2008, le prix du blé variait de 5 à 10euros la tonne sur plusieurs années. Désormais, il peut passer du simpleau double d'une saison à l'autre,depuis que les fonds spéculatifs se sont détournés de l'immobi lier pour se rabattre sur les matières premières. Ruéedes investisseurs.heureusement, le secteur at tire de plus en plus de vrais entrepreneurs. Leplus connu est certainement Charles Beigbeider:en 2007, ila créé AgroGeneration, qui cultivedes matièrespre mières sur 50000 hectares en Ukraine. Si le fon dateur de Poweo,cédé en 2009 auproducteur d'élec tricité autrichien, s'est subitement découvert une vocation d'agriculteur, c'est qu'il mise sur la hausse nécessaire de 7096de la production agricole pour nourrir la population d'ici à 2050, prévuepar l'orga nisation desnations unies pour l'alimentationet l'agri culture. Afin d'accroître la productivité, le frère du éé Laproduction agricoledevra augmenter de 70/6pour nourrir lapopulation mondiale d'icià 2050." Organisationdes Nationsunies pour l'alimentation et l'agriculture romancier n'a donc pas lésiné sur les moyens,n'hési tant pas à investir 30millions d'euros rien que pour moderniser les installations etacheter du matériel de pointe. Etce n'estqu'un début. Charles Beigbeidera fusionné en mai dernier avecson rivalaméricain Harmelia.Legroupe ainsiformé totalisera 120000hecta res d'exploitationsen Ukraine et 16000en Argentine. Star-upvertes. A côté de ces mastodontes, émergent de plusen plus de jeunes entrepreneurs, comme Ro main Wittrisch, 24 ans, et Pierre Soudan,25 ans, qui ont cofondé Terrateck, une société spécialisée dans le machinisme agricole,un secteur qui connaît une croissance à deux chiffres. Romain, titulaire d'un master en management et entrepreneuriat, et Pierre, d'un DUT de géniemécanique et d'un master d'éco nomie, ciblent la niche de l'agriculture biologique. Ilsont inventé une désherbeuse mécanique adaptée aux producteurs convertis au bio, qui n'ont pas le droit d'utiliser de produits phytosanitaires. Leur toutejeune société, créée en 2011,a obtenu plusieurs prix et a déjà reçu l'appui d'un investisseur.etsi, fina lement, l'avenir du business n'était pas dans le Net mais dans le pré? m FrancisLecompte