Interdire une fois pour toute les clauses «orphelin»



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Transcription:

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Interdire une fois pour toute les clauses «orphelin» Présentation Commission parlementaire de l'économie et du travail sur le projet de loi portant sur les disparités de traitement CENîRE DE ÛOUîMINTAliON - MONTRÉAL Septembre 1999

Conseil permanent de la Jeunesse Introduction Les clauses «orphelin»,, sujet de la présente commission parlementaire, contreviennent au principe fondamental «à travail égal, salaire égal», énoncé il y a de cela 50 ans dans la Déclaration universelle des droits de l'homme. Ces clauses créent deux classes de travailleurs : les nouveaux et les anciens. Elles pénalisent les derniers entrés dans un milieu de travail, principalement des jeunes. Aucun travailleur n'appauvrirait volontairement ses enfants; pourtant, collectivement, ce chmx est de plus en plus fréquent. Un important débat.a animé la société québécoise depuis près de deux ans sur le phénomène des clauses «orphelin», pointe de l'iceberg des conditions de trava.1 des jeunes et de l'équité entre les générations. Nous sommes heureux de pouvoir enfin nous prononcer sur un projet de loi concret. D'entrée de jeu, nous tenons à souligner qu'adopter une loi interdisant réellement les clauses «orphelin» exige une bonne dose de courage et un profond respect du principe d'égalité. Le Conseil permanent de la jeunesse a présenté en septembre 1998 un mémoire ponant sur la question des clauses «orphelin» intitulé: Interdire les clauses «orphelin», une gestion d'éçuité intentionnelle. Nos positions sur la problématique des clauses «orphelin» n'ayant pas changé, nous nous contenterons de vous livrer des commentaires sur le projet de loi n» 67, déposé en juin 1999 par la ministre du Travail et portant sur les disparités de traitement. 2

. Conseil permanent de la Jeunesse 1. Rappel des recommandations Dans un premier temps, voici un résumé de nos recommandations énoncées dans notre mémoire de l'an dernier. Nous recommandions alors : - QUE le gouvernement modifie la Loi sur les normes du travail, de manière à interdire toute pratique ayant pour effet de fixer un régime de conditions de travail inférieur pour les nouveaux ou futurs salariés effectuant essentiellement les mêmes tâches que les anciens; - QUE cette disposition interdisant les clauses «orphelin» soit d'ordre public afin que toute clause d'une convention collective, d'un contrat de travail ou d'un décret y dérogeant soit nulle de plein droit; - QUE la Loi sur les normes du travail prévoit un recours efficace et rapide afin que le salarié visé par une clause «orphelin» puisse faire valoir rapidement ses droits; - QUE le gouvernement s'assure d'interdire aussi les clauses «orphelin» pour les corps d'emploi qui ne sont pas soumis à la Loi sur les normes du travail; - QUE le gouvernement du Québec, après avoir interdit les clauses «orphelin» dans les milieux de travail relevant de sa responsabilité, enjoigne le gouvernement fédéral de faire de même pour les secteurs d'emploi relevant de sa juridiction (transports, postes, communications, etc.).

. Conseil permanent de la Jeunesse 2. Commentaires sur les modifications à la Loi sur les normes du travail Dans un premier temps, nous analyserons les nouveaux articles ajoutés à la Loi sur les normes du travail. On retrouve dans le premier article le principe de l'interdiction des clauses «orphelin»: 87.1 Une convention ou un décret ne peuvent avoir pour effet d'accorder à un salarié, au regard des matières visées par les normes du travail prévues aux sections I à VI et VII du présent chapitre et uniquement en fonction de sa date d'embauche, une condition de travail moins avantageuse que celle accordée aux autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement. Ce premier article interdisant les disparités de traitement rejoint bien la définition et les préoccupations énoncées par le Conseil. L'article vise à interdire tant les clauses «orphelin» permanentes que temporaires, lorsque deux échelles de salaire peuvent se rejoindre après un certain temps. De plus, cet article a le mérite d'interdire non seulement les clauses «orphelin» salariales mais aussi normatives, pourvu qu'elles concernent des matières régies par la Loi sur les normes du travail, ce qui englobe la plupart des conditions de travail. À nos yeux, le projet de loi pourrait ne contenir que ce seul article qu'il répondrait à nos attentes et interdirait de façon raisonnable la discrimination en fonction de la date d'embauche. Le projet de loi n 67 pourrait même se terminer avec ce premier article! C'est au deuxième article que la situation se complique : 87.2 Une condition de travail fondée sur l'ancienneté ou la durée de service n 'estpas dérogatoire à l'article 87.1. Il en est de même en matière de salaire lorsqu 'un taux de salaire résulte de la modification de l amplitude de l'échelle salariale applicable à tous les salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement ou du remplacement, par une échelle de salaire, du taux unique de salaire jusqu 'alors applicable à ces salariés.

Conseil permanent de la Jeunesse Pour ce qui est du premier alinéa, contrairement à ce que plusieurs ont prétendu, les organisations revendiquant l'abolition des clauses «orphelin» ne s'opposaient pas au principe même de l'ancienneté mais plutôt aux conditions de travail différenciées en fonction de la date d'embauche. Nous demandons simplement que tous les employés soient régis sur une même échelle salariale et un même régime de conditions de travail, y compris ceux nouvellement embauchés. Le deuxième alinéa de l'article 87.2 soulève cependant de la part des membres du Conseil permanent de la jeunesse une vive réaction.. Alors que le premier article annonçait une interdiction des clauses «orphelin», peu importe qu'elles soient permanentes ou temporaires, cet alinéa vient en restreindre de façon inquiétante la portée en ce qui a trait aux clauses «orphelin» temporaires. Au cours des deux dernières années, une forme particulière de clauses «orphelin» s'est répandue comme une traînée de poudre : l'ajout d'échelons vers le bas. Même si certains argumentent que cette nouvelle échelle, dotée d'échelons supplémentaires vers le bas, est théoriquement applicable à tous, seuls les nouveaux travailleurs en paient le prix. Par exemple, au lieu de commencer au bas de l'échelle à 12 $ l'heure, comme les autres l'ont fait avant lui, un nouvel employé pourrait commencer à 9 S l'heure, et atteindre après un an l'échelon équivalent à 12 $ l'heure. Cette importante brèche à l'interdiction des clauses «orphelin» vide de son sens le premier article voulant qu'on ne peut accorder de moins bonnes conditions de travail en fonction de la date d'embauche : les nouveaux employés pourront toujours être les victimes de modifications à l'amplitude salariale. Pour que la loi interdise réellement les iniquités à l'égard des nouveaux travailleurs, le Conseil permanent de la jeunesse juge impératif que le deuxième alinéa de cet article soit retiré. Tel que rédigé, l'alinéa limite l'interdiction des disparités de traitement, ouvrant ainsi la voie à un contournement par des employeurs peu scrupuleux. 5

. Conseil permanent de la Jeunesse L'article 87.3 permet l'introduction de clauses de droits acquis, comme il en existe dans plusieurs conventions collectives suite à des arrangements particuliers : 87.3 Pour l application des articles 87.1 et 87.2, ne sont pas prises en compte les conditions de travail d'un salarié qui, à la suite d'un reclassement ou d'une rétrogradation, d'un accommodement particulier pour une personne handicapée, d'une fusion d'entreprises ou de la réorganisation interne d'une entreprise, sont temporairement plus avantageuses que celles applicables à d'autres salariés qui effectuent les mêmes tâches dans le même établissement. Cet article prévoit donc que temporairement, un employé peut conserver son salaire, à la suite de réorganisation ou autre, même si les autres employés qui effectuent les mêmes tâches sont moins bien rémunérés, de par leur convention. À prime abord, cette clause est logique. Par exemple, lors de la fusion de deux entreprises ayant chacune leur propre convention, un salarié de l'entreprise X gagnant 15 $ l'heure, pourra conserver son salaire, même si les salariés de l'entreprise Y gagnent seulement 12$ l'heure. Cependant, afin d'éviter que des disparités de traitement se prolongent indûment, le Conseil recommande de mieux définir la notion de «temporairement» afin que la disparité de traitement soit éliminée dans les plus brefs délais et que le salaire de la minorité des employés les moins bien rémunérés rejoigne le salaire des autres. Le Conseil s'inquiète de la possibilité d'étendre exagérément le concept de réorganisation d'entreprise, afin d'introduire une clause «orphelin» déguisée. Par exemple, une compagnie pourrait créer un service de téléphonie en télémarketing alors qu'il existe déjà un service de téléphonie pour l'information à la clientèle. Après six mois, elle fusionne les deux services et les employés du nouveau service moins bien rémunérés pourraient faire le même travail pour un salaire moindre. Cela ressemblerait beaucoup à une clause «orphelin».

Conseil permanent de la Jeunesse 3. L'application de la Loi modifiant la loi sur les normes du travail en matière de disparités de traitement A. CLAUSE CRÉPUSCULAIRÉ ET DÉLAIS D'APPLICATION Le Conseil permanent de la jeunesse s'insurge contre les délais d'application et, surtout, la clause crépusculaire contenue dans le projet de loi n 67. À lire les articles 2 et 4, cette loi passera comme une étoile filante au travers de la législation québécoise. En effet, l'article 2 stipule que l'interdiction des clauses «orphelin» prend effet seulement trois ans après l'adoption de la loi, soit en 2002 ou 2003 et l'article 4 précise que la loi cesse d'avoir effet en décembre 2004. En fait, cette loi ne \ serait en vigueur que pour deux ans, entre 2003 et 2005. Il nous apparaît aberrant de doter une loi sur l'équité dans les conditions de travail d'une telle «clause d'autodestruction», une «clause mission impossible». Cette disposition laisse planer un doute quant à la volonté du gouvernement de mettre fin définitivement aux conditions de travail différenciées. Si cette loi porte ses fruits èt est effectivement respectée, rien ne justifie sa fin prématurée. À l'opposé, si l'application s'avère difficile et que les clauses «orphelin» prennent un certain temps avant d'être enrayées, son abolition n'en est que d'autant plus injustifiée. Quant au délai d'application, il importe que la signature de nouvelles clauses «orphelin» soit interdite dès l'entrée en vigueur de la loi. Tel que libellé actuellement, le projet de loi n'empêcherait en rien la négociation d'une nouvelle clause «orphelin» au cours des trois prochaines années. Ce qui rend donc l'application de la loi assez fastidieuse. L'interdiction de signer de nouvelles clauses «orphelin» devrait entrer en vigueur dès la sanction de la loi. Pour ce qui est des clauses «orphelin» déjà présentes dans les conventions collectives, un délai de deux ans nous semble plus approprié pour les éliminer. De plus, afin d'améliorer la phase de transition, le ministère du Travail et la Commission des normes du travail devraient entreprendre une vaste campagne 7

Conseil permanent de la Jeunesse d'information auprès des employeurs relativement aux nouvelles dispositions de la loi interdisant les clauses «orphelin». Les travailleurs devraient aussi être informés de leurs droits en matière de disparité de traitement ainsi que des recours possibles en cas de non-respect de la Loi sur les normes du travail. B. LES RECOURS POSSIBLES Ce n'est pas tout de bonifier le projet de loi, encore faut-il que cette loi puisse être respectée. Dans son mémoire présenté en 1998, le Conseil permanent de la jeunesse recommandait que les victimes de clauses «orphelin» puissent avoir accès à des recours rapides et efficaces pour faire respecter leurs droits. Le Conseil recommande donc que les plaignants en vertu de l'article sur la disparité de salaire, puissent être assistés dans leurs démarches gratuitement par un avocat de la Commission des normes du travail. Une telle mesure existe déjà dans le cas des plaignants pour congédiement sans cause juste et suffisante (art 126.1). C. LES CATÉGORIES D'EMPLOI NON COUVERTES PAR LA LOI SUR LES NORMES DU TRAVAIL Comme nous l'avions précisé dans notre mémoire, certaines catégories d'emplois du secteur public ne sont pas couvertes par la Loi sur les normes du travail. C'est notamment le cas des policiers provinciaux, des agents correctionnels, des médecins, des procureurs de la Couronne, etc. En fait, toutes les catégories d'emploi dont la rémunération est prévue par une loi spécifique sont exclues de l'application de la Loi sur les normes du travail. On retrouve parmi ces travailleurs un bon nombre de victimes de clauses «orphelin». C'est pourquoi nous demandons que les lois spécifiques de chacun de ces corps de métier ou de ces professions prévoient des dispositions contre les clauses «orphelin», Hans la même logique que celles prévues à l'article 87.1 de la Loi sur les normes du travail (article sur les disparités de traitement). 8

. Conseil permanent de la Jeunesse Conclusion On dit que derrière chaque iniquité, il y a un préjugé. Se peut-il que certains entretiennent des préjugés à l'égard des jeunes en emploi; qu'on se permette de faire porter le poids des compressions budgétaires sur les épaules de ceux qui sont absents ou minoritaires dans les assemblées syndicales (puisqu'ils sont peu nombreux ou qu'ils ne sont tout simplement pas encore embauchés)? * Se peut-il qu'on entretienne des préjugés quant aux responsabilités financières des jeunes adultes? Si on se reporte 15 ou 20 ans en arrière, on observait le même phénomène au sujet des emplois destinés aux femmes. On trouvait normal que les emplois occupés par des femmes soient généralement moins bien rémunérés, puisqu'elles avaient supposément besoin uniquement d'un salaire d'appoint. Le cas des clauses «orphelin» doit nous ramener au principe de base : à travail égal, salaire égal. Le même principe qui nous a amenés collectivement à rejeter les salaires différents entre les hommes et les femmes au début du siècle. Les principes d'égalité et d'équité ne sauraient souffrir de demi-mesures. Ce n'est pas parce qu'une clause est signée d'un commun accord par l'employeur et le syndicat qu'elle est nécessairement juste et équitable. Le gouvernement se doit de protéger ceux qui ne peuvent être entendus au moment des négociations, ceux à qui on pourrait être tenté de refiler la facture. Le débat a assez duré, le temps est venu pour le gouvernement de choisir la justice, l'équité et le bon droit, rien ne peut être placé dans la balance pour limiter le principe d'égalité du travail.

Interdire une fois pour toutes les clauses.«orphelin» Conseil permanent de la Jeunesse C'est pourquoi, le Conseil permanent de la jeunesse demande au gouvernement d'adopter dès le début de la prochaine session parlementaire une loi interdisant définitivement les clauses «orphelin». Une loi permanente qui éliminera autant les clauses «oiphelin» temporaires que permanentes. Une loi qui entrera en application dès sa sanction et qui laissera deux ans aux parties pour éliminer les clauses «orphelin» déjà existantes. Une loi qui ne s'autodétruira pas en 2004! Le débat sur les clauses «orphelin» ouvre la voie à une réflexion plus large sur la problématique de la précarité des jeunes travailleurs. Le Conseil permanent de la jeunesse prépare d'ailleurs un avis sur la multiplication des statuts d'emploi en lien avec la précarité du travail, qui sera rendu public dans quelques mois.

Renseignements : Conseil permanent de la jeunesse 12, rue Sainte-Anne, 2 r étage Québec (Québec) G1R3X2 Téléphone : (418} 644-9595 Sans frais : 1-800-363-1049 Télécopie : (418) 646-0798 J conseil.]eunes5e@cpj.gouv.qc.ca î www,cpj\gouv.qcca Conseil de la permanent jeunesse ^ i E 9 E S Q u e b e c ca n