POLITIQUES ET INSTITUTIONS Conséquences de lacréation d AgroParisTech sur les formations d ingénieurs forestiers en France Bernard Roman-Amat Au cours de ladécennie écoulée, les institutions de formation supérieure forestière du monde entier se sont interrogées et, souvent, réformées en profondeur. Quelques exemples nous semblent significatifs des évolutions en cours. En Suède, en Grande-Bretagne, les cursus se sont diversifiés pour aborder notamment les biotechnologies, les paysages, les questions énergétiques. Aux États-Unis, l ensemble des facultés forestières du pays aentrepris d évoluer dans le cadre d une nouvelle perspective commune, faisant une large place àl intégration interdisciplinaire, à l appréhension du risque et à la connaissance des comportements humains (Brown, 2007). En Russie, les chefs d entreprises d une économie en pleine restructuration et en forte croissance semontrent de plus enplus exigeants face au monde académique. En Suisse, l ETH de Zürich, seule dans ce cas àce jour en Europe, acomplètement intégré les formations àla forêt dans un cursus intitulé environnement. Partout, les étudiants sont prompts àtirer profit des possibilités que leur offre le système de Bologne (voir encadré 1, p. 682) pour se bâtir des cursus sur mesure en traversant allègrement les frontières. En France, AgroParisTech, l Institut des sciences et industries du vivant et de l environnement, est né au premier janvier 2007 (1) delafusion de l Institut national agronomique Paris-Grignon, de l École nationale supérieure des Industries agricoles et alimentaires et de l École nationale du Génie rural, des Eaux et des Forêts (2). Nous nous proposons d examiner les conséquences de cette fusion sur les formations d ingénieurs forestiers, assurées par l ENGREF et désormais placées dans un contexte nouveau (3). OBJECTIFS GÉNÉRAUX ET PREMIÈRES INITIATIVES D AGROPARISTECH Être plus visible àl échelle internationale La création d AgroParisTech vise à constituer en France un établissement de formation supérieure apte àrépondre àune demande sociale en forte croissance etrapide évolution dans le champ des sciences du vivant. Cet établissement doit être visible àl échelle mondiale, c est-à-dire de taille suffisante etd un niveau lui permettant de rivaliser avec les institutions de référence des autres pays. (1) Décret n 2006-1592 du 13 décembre 2006. (2) L ENGREF est devenue école interne d AgroParisTech. (3) Ces lignes ont été écrites en mai 2009. Compte tenu de l évolution de laquestion, certains détails pourraient avoir évolué au jour de leur parution. Rev. For. Fr. LX - 6-2008 681
B ERNARD R OMAN-A MAT Encadré 1 Création de l espace européen de l enseignement supérieur (ou processus de Bologne du nom de la ville où s est tenue une conférence ministérielle fondatrice en juin 1999) Objectif : favoriser les échanges universitaires (étudiants, enseignants et chercheurs) et faire converger d ici à2010 les différents systèmes universitaires nationaux vers des niveaux de référence communs. Moyens principaux :organiser les études supérieures en trois niveaux seulement : bachelor (ou licence) à bac + 3, master à bac + 5, doctorat à bac + 8; diviser l année académique en deux semestres, eux-mêmes découpés en modules ;chaque module validé apporte des crédits reconnus par tous les participants ( ECTS* ), une année correspondant à 60 ECTS ;un supplément au diplôme peut préciser les modules particuliers validés par l étudiant. Participants : commencé par 29 pays européens, le processus a largement débordé des frontières de l Union européenne etimplique aujourd hui 45 États (dont la Russie et la Turquie). Les adhésions se poursuivent. (voir notamment :Ministres européens de l éducation, 1999) *European Credit Transfert System :système européen de crédits transférables. Le tableau Ifournit quelques éléments purement quantitatifs permettant d évaluer AgroParisTech sur lascène européenne. TABLEAU I C ompa ra ison d es effec tifs d A groparist ec h a ve cce ux d equelque s é tablissements é tra ngers homologue s T o t a l E ffec t if d étud ia nts d ont m a ste r e t d o c to ra t E ffec t if d ens eigna nts A g ro ParisT e c h.... 2 450 env. 2 1 00 * 230 U niv ersit é d e Wageningen ( Pays- Bas )... 5 600 3300 205 Univ ersit é agr onomiqu e de Su ède SLU... 4 800 1 500 Faculté universita ire d es Scienc es a gronomiques d e G emb loux ( B elgique)... 1 050 490 110 Académie for estièr e d e Saint - P et ersb ourg (R ussie)... 6000 2000 8 60 ETH Zürich(Suisse)... 1 2 01 2 5191 3 911 I mperia l C ollege àlond res ( R oya ume-u ni) 8 100 3 400 3 110 *Déd uc tion fa ite d es étud ia nts d e première a nnée d u c yc le ingénieur (équiva lent bachelor ). 682 Rev. For. Fr. LX - 6-2008
Politiques et institutions Si l on prend en compte l ensemble des étudiants, la taille d AgroParisTech s avère relativement modeste, car chez ses homologues les effectifs d étudiants de niveau bachelor (licence), tel que défini dans le cadre de l espace européen de l enseignement supérieur (voir encadré 1, p. 682), sont très importants. En revanche, aux niveaux de formation auxquels il se positionne, c est-àdire Ingénieur etmaster (bac + 5), post-master (bac + 6, bac + 7) et doctorat (bac + 8), AgroParisTech atteint clairement la taille européenne. Remarquons ici qu Imperial College et ETH couvrent des champs disciplinaires beaucoup plus nombreux qu AgroParisTech. Le faible ratio effectif enseignant/effectif étudiant d AgroParisTech en comparaison avec d autres établissements (Londres ou Zürich) relève probablement de deux causes : d une part le fait que nombre de professeurs des établissements étrangers n enseignent qu à temps partiel, d autre part le recours important par AgroParisTech àdes enseignants extérieurs, chercheurs ou professionnels. Observons au passage la double nature du niveau bachelor (bac + 3) dans l espace européen de l enseignement supérieur :c est d une part un diplôme reconnu sur le marché du travail (que l on peut assimiler àun super-technicien ), et d autre part un niveau requis pour lapoursuite d un cursus en master. Cette double nature crée des difficultés aux établissements d enseignement supérieur qui forment du niveau bac au niveau bac +8,cequi n est pas lecas d Agro- ParisTech. Cependant, les étudiants d AgroParisTech, comme ceux des autres écoles d ingénieurs françaises, acquièrent le niveau bachelor sans obtenir formellement un diplôme ; or, les universités mettant en application les directives de Bologne subordonnent l admission en master à la possession du grade de bachelor. Toutes les écoles d ingénieur françaises sont confrontées àcette difficulté, et certaines lui ont déjà trouvé une solution sous laforme d un diplôme d établissement. Installer une forte cohérence interne Une des premières décisions de lanouvelle direction d AgroParisTech fut de demander aux enseignants et chercheurs des trois établissements fusionnés d adhérer, sur le seul critère de leur discipline de compétence, àl un des cinq départements d enseignement et de recherche nouvellement formés. Ces départements sont appelés àjouer un rôle majeur dans la structuration de l offre de formation du nouvel établissement, sous lacoordination de ladirection des études et de lapédagogie, et dans la conduite des activités de recherche, sous lacoordination de ladirection scientifique. Ces départements sont les suivants : Sciences et ingénierie agronomiques, forestières, de l eau et de l environnement, Sciences de lavie et santé, Sciences et procédés des aliments etbio-produits, Sciences économiques, sociales et de gestion, Modélisation mathématique, informatique etphysique. La direction a ensuite fait débuter une ambitieuse réflexion collégiale sur la refonte des différents cursus de formation, qui doit déboucher sur une offre renouvelée, en place àla rentrée universitaire de 2010. Pour laformation des ingénieurs, il est désormais acquis que lanouvelle architecture des études comportera une première année commune, suivie de parcours spécialisés en seconde et troisième année, au sein de quatre domaines exprimant l identité d AgroParisTech. Les dénominations provisoires de ces domaines sont les suivantes :1:productions durables et territoires, 2:transformation des bio-produits, 3:ingénierie de l environnement, 4:ingénierie biologique au service de lasanté humaine. Les parcours des étudiants ingénieurs seront articulés avec des masters principalement ouverts à des titulaires de licence (4) d origine universitaire, (4) Ayant passé une étape de sélection. Rev. For. Fr. LX - 6-2008 683
B ERNARD R OMAN-A MAT français et étrangers (cf. figure 1, ci-dessous) ; quelques élèves ingénieurs pourront également s inscrire dans ces parcours de master. FIGURE 1 ARCHITECTURE ENVISAGÉE DES CURSUS AU SEIN D AGROPARISTECH (document validé par le conseil d administration d AgroParisTech lors de sa séance du 25 juin 2008) D3 bac +8 D2 bac +7 Postmaster et doctorats D1 bac +6 M2 bac +5 M1 bac +4 L3 bac +3 Ingénieur oumaster d AgroParisTech Domaine 1 Domaine 2 Domaine 3 Domaine 4 Socle commun :connaissances de bases de l ingénieur AgroParisTech Concours pour entrée en L3, sélection pour entrer en M1 AgroParisTech s est par ailleurs engagé dans une stratégie d alliances, auniveau national dans le cadre notamment de ParisTech (5) etau niveau international au sein du réseau IDEA League (6). CONSÉQUENCES POUR L ENSEIGNEMENT SUPÉRIEUR FORESTIER EN GÉNÉRAL Orientations de l enseignement supérieur forestier En France comme àl étranger, les formations supérieures en foresterie se construisent autour de quelques mots clés identitaires parce qu importants : la longue durée, l espace, les cycles et équilibres, les systèmes multifactoriels, les risques, les externalités et aménités, la gestion multifonctionnelle, la durabilité. En ce début de XXI e siècle, les espaces forestiers sont directement concernés par le changement climatique annoncé (sous l angle de l adaptation et de l atténuation), par l évolution des politiques énergétiques, par lagestion des ressources naturelles (biodiversité, eau, sols), par l aménagement et la gestion de l espace rural. AgroParisTech souhaitant assurer la maîtrise d œuvre des formations supérieures dans le champ de la foresterie doit intégrer ces éléments. (5) Pôle de recherche et d enseignement supérieur/établissement public de coopération scientifique créé le 21 mars 2007, associant actuellement 11 grandes écoles situées en Île de France. (6) Réseau européen de cinq universités de science ettechnologie :ParisTech, Imperial College (Royaume-Uni), ETH Zürich (Suisse), Delft (Pays-Bas), Aachen (Allemagne) ;ensemble :86 000 étudiants, 17 000 enseignants etchercheurs. 684 Rev. For. Fr. LX - 6-2008
Politiques et institutions Conséquences de lacréation d AgroParisTech pour l ensemble des cursus d enseignement supérieur forestier Les enseignements en foresterie d AgroParisTech sont dispensés par trois de ses centres, fonctionnant en réseau. Le centre de Nancy dispose du plus important potentiel d enseignement et de recherche, et renforce depuis plusieurs années ses alliances locales (centre INRA de Nancy, pôle de compétences lorrain Fabelor, pôle de compétitivité Fibres Grand Est) etinternationales (réseau Nancy-Fribourg-Zürich, bureau régional de l European Forest Institute en cours d installation). Les compétences des centres de Montpellier (foresterie rurale et tropicale, sciences sociales) et de Kourou (connaissance, conservation et gestion des écosystèmes de forêt tropicale humide) sont également en fort développement. De manière très générale, la stratégie d AgroParisTech devrait avoir un fort impact sur l ensemble des cursus forestiers dans les domaines suivants : lanouvelle politique scientifique de l établissement apour but de renforcer les activités de recherche, avec le double objectif de nourrir l évolution des contenus des enseignements et d augmenter les effectifs d étudiants préparant un doctorat ; un resserrement des relations avec les milieux professionnels est entrepris, grâce notamment àl outil constitué par les chaires d entreprises et au développement des filières de formation par apprentissage ;le futur comité d analyse stratégique d AgroParisTech aura pour mission de permettre aux professionnels des diverses filières de s exprimer sur les orientations de l établissement (7) ; Royaume-Uni 2 Norvège 1 Suède 2 Finlande 2 au niveau international, les échanges avec les établissements homologues seront intensifiés ; l accroissement de l accueil d étudiants étrangers, observé au cours de la décennie écoulée à Nancy comme àmontpellier (cf. figure 2, ci-contre) devrait donc se poursuivre ; à noter que les accords conclus au sein de ParisTech ont récemment permis d intensifier les échanges avec des pays non européens comme le Brésil et la Chine. Espagne 30 Portugal 2 Allemagne 26 Belgique 1 Italie 9 Rép. Tchèque 2 Slovaquie 1 Roumanie 9 FIGURE 2 EFFECTIFS D ÉTUDIANTS ÉTRANGERS ACCUEILLIS À LA FIF DANS LE CADRE DES ÉCHANGES EUROPÉENS (Programme intitulé Erasmus ) (7) Il conviendra donc de décider de l avenir de l actuelle commission d orientation de la FIF (COFIF), qui joue un rôle semblable au sein de l ENGREF :maintien ou intégration dans le comité d analyse stratégique. Rev. For. Fr. LX - 6-2008 685
B ERNARD R OMAN-A MAT CONSÉQUENCES SUR LA FORMATION D INGÉNIEUR (ACTUELLE FORMATION DES INGÉNIEURS FORESTIERS, FIF) La FIF a été intégrée dans AgroParisTech comme l un des cursus de formation initiale d ingénieur, aux côtés du cursus d ingénieur agronome et de celui d ingénieur des industries agricoles et alimentaires. Le diplôme de foresterie d AgroParisTech (8) est ainsi la référence unique de l ingénieur forestier en France. À terme, à partir de 2010 en principe, comme indiqué ci-dessus, un seul concours donnera accès à AgroParisTech. La première année sera commune et ouverte sur les quatre domaines de compétence de l établissement, suivie de parcours, plus oumoins spécialisés, en deux ans. La mise en place de ce nouveau schéma va nécessiter une série de modifications assez importantes : au cours de lapremière année, les étudiants seront confrontés àdes matières plus diversifiées que celles abordées lors de la première année de la FIF ;ils devraient néanmoins, comme actuellement, acquérir les fondamentaux nécessaires, notamment en sciences du vivant et sciences de l ingénieur ; afin de rester dans un volume horaire acceptable, certains enseignements spécifiquement forestiers devront être réduits oudéplacés en seconde année ; le choix de suivre un cursus forestier devrait être réalisé par les étudiants non plus en fonction de leur rang au concours, mais assez librement en fin de première année ;il serait donc très souhaitable que la première année d études permette un nombre suffisant de contacts professionnels pour connaître les différentes filières de débouchés ; les cursus en foresterie semblant assez attirants pour les étudiants, en tout cas actuellement, on peut probablement envisager une augmentation des effectifs par rapport àla situation actuelle d une cinquantaine de diplômés par an, tout en restant vigilant par rapport aux possibilités d emploi des diplômés ; rappelons à ce propos qu en Allemagne et en Espagne, les nombreux diplômés des facultés forestières trouvent la majorité de leurs emplois en dehors de lafilière forêt-bois (9) ;les modalités de l ajustement de l offre pédagogique à cette éventuelle demande accrue des étudiants restent àdéfinir ; surtout, il conviendra de préciser la nature du ou des parcours de formation en foresterie ; on peut envisager une organisation très voisine de la formule actuelle avec une base commune en deuxième année (M1) et une spécialisation seulement en M2 ; mais on peut aussi imaginer des parcours couvrant l ensemble des deux années, et nettement distincts les uns des autres, orientés par exemple production au sein du domaine 1, ou protection au sein du domaine 3;les employeurs des futurs diplômés (les secteurs actuels d emploi des diplômés de la FIF, fortement marqués par le secteur public, sont présentés àla figure 3, ci-contre) devront être consultés sur ces orientations, àla fois au fond et sur les modalités pratiques ;le nouveau schéma ouvre en effet la possibilité de parcours pouvant être contraints,c est-à-dire constitués d une majorité de modules imposés, ce qui pourrait par exemple être le cas pour tout ou partie des IAE (10),tandis que d autres seraient construits àla carte ;les spécialités notamment de M2 devraient en tout cas pouvoir être plus diverses qu aujourd hui, dans les champs des politiques de l énergie et de l aménagement des territoires par exemple ;d ailleurs, dès la rentrée 2008, un domaine d approfondissement de troisième année intitulé «Ingénierie de l environnement :eaux, déchets et aménagements durables des milieux»aété créé, qui aété suivi par des étudiants issus des cursus agronome et FIF ; (8) L intitulé actuel de ce diplôme est «Ingénieur diplômé de l École nationale du génie rural, des eaux et des forêts de l Institut des sciences et industries du vivant et de l environnement (AgroParisTech), spécialité forêt»(arrêté du 18 mars 2008 fixant la liste des écoles habilitées àdélivrer un titre d ingénieur diplômé). (9) Aux États-Unis et au Canada, les inscriptions d étudiants dans les facultés forestières sont étroitement liées àla situation économique, telle que connue ouanticipée, de lafilière forêt-bois ;elles fluctuent dans des proportions considérables. (10) Ingénieurs de l agriculture et de l environnement, corps interministériel de fonctionnaires géré par le ministère de l Agriculture et de lapêche. 686 Rev. For. Fr. LX - 6-2008
Politiques et institutions FIGURE 3 LES SECTEURS D EMPLOI ACTUELS DES DIPLÔMÉS CIVILS DE LA FIF Hors forêt, bois, milieux naturels 8% Filière bois 4% Forêt privée 22 % Enseignement 7% International 3% Collectivités locales, développement rural 15% Forêt publique 11 % Recherche et Développement 11 % Milieux naturels 20 % les relations avec les établissements étrangers devront être repensées ;d abord, comme indiqué plus haut, de nouveaux partenariats bilatéraux deviennent possibles dans le monde entier compte tenu de lavisibilité d AgroParisTech etde ParisTech ;ensuite, dans le cadre du processus de Bologne, la formule des échanges d étudiants en année de M2 débouchant sur deux diplômes de master, par reconnaissance mutuelle des établissements de formation, devrait se développer fortement ;applicable àde nombreux partenariats, elle permettrait d augmenter les possibilités offertes aux étudiants français en troisième année :on peut penser ici aux spécialisations en matière de forêt méditerranéenne ou montagnarde par exemple ;cette logique impliquera symétriquement que l offre de formation française en foresterie soit bien visible dans le contexte international (M2 assez typés) si AgroParisTech souhaite attirer des étudiants étrangers au niveau master ;enconséquence, les accords internationaux de double diplôme (11) deviendront plus rares ; pour le corps enseignant, une distinction nette s introduira entre la première année, multidisciplinaire et suivie par un effectif nombreux d étudiants, et les années suivantes qui seront de plus enplus au format international de master. CONSÉQUENCES POUR LA FORMATION POST-MASTER (ACTUELLES FORMATIONS GREF ET MASTÈRE SPÉCIALISÉ FORÊT NATURE ET SOCIÉTÉ) Pour laforesterie, comme pour les autres disciplines, la logique d AgroParisTech est celle d une formation technique complète acquise au niveau master (bac + 5). Dès lors, les futures formations post-master dans le champ de laforesterie devraient correspondre aux finalités suivantes : apporter des connaissances et savoir-faire permettant de traiter les questions techniques, forestières ou autres, dans un contexte plus large (thématique ougéographique par exemple) ; cet objectif correspondrait àla création de cursus d une durée de 12à18 mois ; (11) Le double diplôme s obtient en suivant une année d études de plus ; par exemple années 1& 2àla FIF, puis années 2& 3à l ENSTIB d Épinal, ou vice-versa. Le double diplôme FIF ENGREF Université de Fribourg-en-Brisgau, construit sur ce schéma, se termine en 2008 suite àl entrée de Fribourg à100 %dans le processus de Bologne. Rev. For. Fr. LX - 6-2008 687
B ERNARD R OMAN-A MAT assurer la formation continue des ingénieurs ; apporter une culture forestière de complément à des personnes déjà titulaires d un diplôme de niveau bac + 5;c est la finalité des actuels mastères, comme celui intitulé Forêt, Nature et Société ; déboucher sur des compétences managériales de haut niveau ouvrant la voie de postes àtrès hautes responsabilités, dans le public ( Master of Public Administration, MPA) oule privé ( Master of Business Administration, MBA) ;on sort ici du champ technique forestier. Ces formations post-master seront de la responsabilité de l ENGREF, à l entrée de laquelle les étudiants civils issus de la formation forestière d ingénieurs d AgroParisTech devront, en toute équité, pouvoir postuler. La construction de ces cursus devra bien entendu tenir compte de la récente fusion des corps de fonctionnaires du génie rural, des eaux et des forêts et des ponts et chaussées. CONSÉQUENCES POUR LES FORMATIONS DOCTORALES La proportion d élèves ingénieurs qui suivent une formation à la recherche au niveau master, et qui poursuivent en doctorat, est très insuffisante chez les forestiers (de l ordre de 5%pour la FIF), mais également faible pour l ensemble d AgroParisTech (12 %). L ambition d AgroParisTech est d augmenter cette proportion en agissant dans trois directions principales : une dynamisation de l activité scientifique de l établissement par le renforcement de ses laboratoires et leur accréditation (12),notamment dans le cadre de partenariats renforcés avec les universités, l INRA, l AFSSA (13),le CNRS ; une participation accrue aux écoles doctorales ; etun développement des relations avec des organismes capables de financer les thèses (entreprises, fondations ). Par ailleurs, l établissement cherchera àattirer un nombre croissant de doctorants étrangers. On ne peut que souhaiter voir cette politique générale porter ses fruits sous forme de plus nombreux doctorats dans tous les domaines intéressant la foresterie, avec les partenaires habituels (INRA, Cemagref), mais aussi au sein de nouveaux laboratoires. Bien entendu, ce développement n aura lieu que si l on dispose d assez de laboratoires d accueil pour les doctorants, et si les docteurs ainsi formés en plus grand nombre trouvent àbien s insérer sur le marché du travail. CONCLUSIONS L enseignement supérieur enforesterie doit àla fois délivrer un bagage de connaissances fondamentales et préparer ses diplômés à agir efficacement face aux réalités du XXI e siècle. AgroParisTech possède sans conteste lalégitimité etles moyens d être le maître d œuvre de cet enseignement. Cependant, comme toute nouveauté, l entrée des cursus forestiers dans AgroParisTech comporte des avantages et des risques. Au chapitre des risques figure la possibilité d une dilution au sein d un vaste ensemble agroenvironnemental. Pour les enseignants et chercheurs, le renforcement des trois centres de Nancy, Montpellier et Kourou et de leur réseau devrait permettre le développement d une commu- (12) Celle-ci relève désormais de l Agence d évaluation de larecherche et de l enseignement supérieur (AERES). (13) Agence française de sécurité sanitaire des aliments. 688 Rev. For. Fr. LX - 6-2008
Politiques et institutions nauté culturelle forestière au sein d AgroParisTech, àla fois bien identifiée et bien intégrée avec l ensemble de l établissement. En ce qui concerne l enseignement, il conviendra de faire exister un, ou des, parcours clairement forestier(s), ce qui semble complètement acquis dans le principe (pour un contenu à mettre en place à la rentrée 2010), et de définir pour d éventuels autres cursus apparentés le socle de connaissances et savoir-faire caractérisant la compétence forestière. En ce qui concerne les étudiants, il conviendra àla fois de ne pas accepter de qualifier de forestier des parcours excessivement éclectiques, et de donner aux parcours bien définis un contenu bien adapté aux besoins du XXI e siècle. En regard de ces risques, figure au premier chef l avantage constitué par lapossibilité d améliorer et d élargir les parcours de formation en foresterie au niveau ingénieur-master. L amélioration devrait être obtenue par l accès àdes modules d enseignement de haut niveau par exemple en biologie, en modélisation, en appréhension des risques. L élargissement devrait être sensible dans les disciplines économiques et sociales et grâce au développement des alliances internationales. La clarification de l articulation entre les niveaux master et post-master ainsi que la forte stimulation des doctorats devraient être également des avancées très importantes. Sur ces bases, on peut attendre des effectifs d étudiants plus nombreux qu aujourd hui, essaimant ensuite plus largement au-delà des limites de lafilière forêt-bois et des frontières nationales. Collectivement, AgroParisTech aaussi beaucoup àgagner de l apport des enseignants etchercheurs forestiers pour aborder de manière adéquate de nombreux sujets transversaux (gestion de l espace et des ressources, production de biomasse àdes fins énergétiques, etc.). Au total, l expérience montre que l inventivité etla faculté d adaptation des collectivités humaines comptent davantage que les structures. Àcoup sûr, pour laforesterie comme pour ses autres domaines de compétence, le succès d AgroParisTech dépendra dans une large mesure de sa capacité àfavoriser en son sein l épanouissement de l intelligence, de l imagination etde l initiative. C est ainsi qu il pourra espérer bien répondre aux attentes de son environnement et si possible les anticiper. Au terme d un an et demi d existence seulement, le pari paraît bien engagé. Bernard ROMAN-AMAT IGGREF Directeur délégué du centre de Nancy d AgroParisTech-ENGREF 14, rue Girardet CS 14216 F-54042 NANCY CEDEX (bernard.roman-amat@engref.agroparistech.fr) BIBLIOGRAPHIE BROWN (P.) (Université du Montana, USA). Redefining the future of forest research The NAUFRP perspective. IUFRO meeting «Forest research management in an era of globalization». Arlington, Virginia, USA, 18-21 avril 2007. DANGUY DES DÉSERTS (D.). L Enseignement forestier à l ENGREF. Forêts de France,n 405, juillet/août 1997, pp. 43-44. DANGUY DES DÉSERTS (D.). La Formation des ingénieurs forestiers (FIF). Cahiers du Conseil général du GREF, n 63, 2002, pp. 63-65. Rev. For. Fr. LX -6-2008 689
B ERNARD R OMAN-A MAT DANGUY DES DÉSERTS (D.), DELPEUCH (J.-L.), MARCHAL (R.), TRIBOULOT (P.), MEAUSOONE (P.-J.), MARTIN (X.). L Enseignement supérieur du bois aujourd hui au service du développement industriel. Revue forestière française, vol. LVI, numéro spécial Le bois dans son futur, 2004, pp. 211-224. HAROU (P.), VOREUX (C.). Les transformations de l enseignement : former les forestiers de demain. Revue forestière française, vol. LIX, numéro 5 spécial Nouvelles approches de lagestion et de lagouvernance forestières, 2007, pp. 556-559. MINISTRES EUROPÉENS DE L ÉDUCATION. Déclaration de Bologne. 1999. Site :http://www.eesp.ch/a3etsiplus/information/les-accords-debologne/index.html CONSÉQUENCES DE LA CRÉATION D AGROPARISTECH SUR LES FORMATIONS D INGÉNIEURS FORESTIERS EN FRANCE (Résumé) Au premier janvier de 2007, la fusion de l Institut national agronomique de Paris-Grignon, de l École nationale supérieure des Industries agricoles et alimentaires et de l École nationale du Génie rural, des Eaux et des Forêts adonné naissance àagroparistech. L auteur expose les conséquences, déjà constatées et prévisibles, de cette fusion sur les formations supérieures françaises en foresterie. Il montre d abord qu AgroParisTech est un établissement de taille internationale intégré dans l espace européen de l enseignement supérieur (processus de Bologne), qui se distingue en ne formant pas au niveau bachelor. Il analyse ensuite les importantes conséquences que lafusion devrait produire aux trois niveaux des formations d ingénieur l actuel cursus de la FIF, de post-master et de doctorat. En conclusion, il présente les conditions, à son avis, du succès de l intégration des formations supérieures forestières françaises dans AgroParisTech. CONSEQUENCES OF THE INCEPTION OF AGROPARISTECH ON EDUCATION FOR FORESTRY ENGINEERS IN FRANCE (Abstract) The merger between the Institut national agronomique de Paris-Grignon, the École nationale supérieure des industries agricoles et alimentaires and the École nationale du génie rural, des eaux et des forêts on January 1, 2007 produced AgroParisTech.The article describes the consequences, both recorded and predicted, of this merger on advanced forestry education in France. It begins by showing that AgroParisTech has acquired international stature and is integrated in the European higher education space (the Bologna process). Adistinguishing feature is that it does not offer education at the Bachelor s level. It goes on to analyse the major consequences that the merger is likely to produce at all three of the levels currently offered to train engineers the current FIF syllabus, the post-master and the doctorate level. Finally, it outlines the conditions the author believes need to be fulfilled to ensure that the incorporation of French higher education in forestry into AgroParisTech is asuccess. 690 Rev. For. Fr. LX - 6-2008