LE RÔLE DES PARADIS FISCAUX DANS LA CRISE FINANCIÈRE



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Transcription:

LE RÔLE DES PARADIS FISCAUX DANS LA CRISE FINANCIÈRE Robescu Ofelia Valentina Université Valahia" de Târgoviste et Diaconeasa Aurelia Aurora Université Valahia" de Târgoviste

RÉSUMÉ: Les paradis fiscaux, jouent un rôle considérable dans la finance internationale et dans la crise actuelle, donc, il est plus particulièrement utile de mesurer la place tenue dans la naissance et l extension de la crise financière pour une lutte efficace. Ils ont facilité l opacité dans les relations financières, et l incertitude des banques entre ells, facilitent toutes les déréglementations et toutes les deregulations, facilitent la création et la concentration de masses financières énormes. Nous avons constaté dans cet article que les paradis fiscaux ne sont pas la cause directe de la crise financière et bancaire, mais ils en ont été, et en sont toujours, des éléments accélérateurs. Au cœur de la crise financière et économique mondiale, il y a une crise de confiance.. Pour restaurer la confiance, les gouvernements doivent agir de façon ferme et coordonnée. Nous avons besoin aussi d'un changement de culture de la part des banques et de plus de transparence dans le système financier. MOTS-CLÉS: Crise financière mondiale, Paradis fiscaux, Banques, Fraude fiscale. ABSTRACT: The taxes haven play an essential role in international finance and the current crisis, therefore, it is particularly useful to estimate the role played in the birth and spread of financial crisis for an effective fight. They have facilitated the opacity in the financial relations, and the uncertainty of the banks, facilitate every deregulation, the creation and the concentration of huge financial masses. We found in this article that the tax is not the direct cause of the financial and banking crisis, but they have been and still are accelerators. But in the midst of the global economical financial crisis, there is a crisis of confidence. To restore confidence, the government must act firmly and in a coordinated way. We also need a change of culture on the part of banks and more transparency in the financial system. KEYWORDS: Global financial crisis, Tax haven, Banking, Tax Evasion

INTRODUCTION George Soros a noté dans l'introduction de son ouvrage intitulé «The New Paradigm for Financial Markets» que nous sommes à présent au milieu de la plus grave crise financière depuis 1930. Certes, elle ressemble en quelque sorte aux autres crises que certaines économies ont connues ces 25 dernières années, mais il existe en l'occurrence une différence profonde : la crise actuelle marque la fin de l'ère de l'expansion du crédit basé sur le dollar comme la devise internationale. Les crises périodiques faisaient partie d'un large processus d'expansion-contraction (boom-bust); la crise actuelle est l'apogée d'un super-boom qui a duré plus de 25 ans. En effet, la crise financière à laquelle nous assistant actuellement, est le nom d'un tournant historique dans notre économie et notre culture. Elle est le résultat de la démesure d'une bulle immobilière qui a débuté aux Etats-Unis en 2006 et qui, maintenant, s'est propagée à d'autres pays sous forme de faillites financières et d'un crash global du crédit. Comprendre la logique des crises financières est plus grand que jamais. A partir de là, notre travail est conçu dans le but d établir le rôle de les paradis fiscaux dans la crise actuelle en commençant dans le section 2 par une démarche théorique au sujet des paradis fiscaux pour mieux les comprendre. Le deuxième section est une approche théorique de paradis fiscaux. Dans le section 3 nous discuteront les dysfonctionnements financiers dans le paradis fiscaux qui y ont contribué à la crise financière actuelle, dans le section 4 nous discutons les mesures prises par les les organismes internationaux dans la lutte contre les paradis et en section 5, en fin, le conclusion. Nous avons constaté que les paradis fiscaux ne sont pas la cause directe de la crise financière et bancaire, mais ils en ont été, et en sont toujours, des éléments accélérateurs. Les paradis fiscaux ont manifestement conduit à une accentuation de la crise, à son approfondissement, et à sa propagation rapide sur l ensemble de la planète. Ils ont facilité l opacité dans les relations financières, et l incertitude des banques entre elles quant à leurs solidités respectives a été une cause du gel des relations entre elles. Les paradis fiscaux facilitent toutes les déréglementations et toutes les dérégulations qui ont conduit à des prises de risques d autant plus énormes qu elles étaient en partie irresponsables du fait de l anonymat que font régner les paradis fiscaux. Les paradis fiscaux facilitent la création et la concentration de masses financières énormes. Ils participent à l accentuation des

inégalités économiques et sociales dans le monde et c est bien l existence de masses financières énormes concentrées dans une minorité de la population qui a entraîné des spéculations dans de nombreux secteurs. Ainsi les paradis fiscaux sont des territoires qui ont largement contribué à l instabilité financière. C est nécessaire d appliquer des mesures garantissant la «traçabilité» des opérations financières, depuis leur origine jusqu à leur liquidation, notamment : en exigeant la levée du secret bancaire sur demande des autorités judiciaires, en rendant illégales les transactions en provenance des nombreux paradis fiscaux, bancaires et judiciaires, et en se donnant les moyens d identifier les transactions financières, 2. L APPROCHE THÉORIQUE SUR LES PARADIS FISCAUX 2.1 Un peu d histoire La question des paradis fiscaux illustre très bien les contradictions du processus de globalisation réamorcé dans les années 1970. D une part, la globalisation conduit à effacer les frontières et donc les Etats. La régulation par un marché évidemment mondial tend à se substituer non seulement à la régulation des Etats, mais aussi à la régulation de marches nationaux. En même temps, la politique internationale reste fondée sur le principe westphalien de souveraineté nationale et de non ingérence. Or la fiscalité reste la composante principale de cette souveraineté nationale. Elle permet de limiter la fourniture de biens collectifs aux résidents qui en acquittent le prix par l impôt. A la fin de la Seconde Guerre mondiale, une volonté collective de ne pas répéter les erreurs de l entre-deux-guerres et d établir un ordre politico-économique international qui permettrait de revenir à un degré d intégration économique international tel que celui connu jusqu en 1914, a mené aux accords de Bretton Woods en juillet 1944. D inspiration Keynesienne, le but de ces institutions était de former un socle qui permettrait non seulement d en finir avec le protectionnisme excessif des 25 années précédentes, mais aussi de garantir une stabilité économique et financière internationale, et permettre le développement des nations. L intérêt principal de ce nouvel ordre économique aux yeux de ses créateurs était que : assurer la stabilité financière de cet ordre permettrait de le rendre durable, tout en évitant les conséquences

néfastes d une crise économique (chômage et radicalisation politique par exemple ; permettre le développement de nations détruites par la guerre ou d autres cataclysmes. Les institutions qui en émergèrent, nommément la Banque Mondiale (la World Bank qui opère en fait comme un fond) chargée de garantir le développement et la reconstruction, le Fond Monétaire Internationale ( l IMF qui opère comme une banque) censé prévenir et remédier aux crises économiques des pays membres, et l Organisation Internationale du Commerce qui échoua peu après sa création et dont il ne resta que l accord général sur les tarifs douaniers (GATT), censé permettre la réduction progressive des barrières au libre échange. De surcroît, un régime de taux de change fixe entre les devises permettait de stabiliser les échanges internationaux. Une dernière recommandation de Keynes suggérant de garder les balances commerciales dans une certaine fourchette de surplus ou déficit ne fut pas retenue, les Etats-Unis s y opposant en prévision de l engouement pour leurs exportations. Si dans un premier temps celle-ci s avéra correcte, le développement rapide du Japon et de l Allemagne de l Ouest leurs prouva combien ils avaient eu tort. En 1971, du fait des nécessités de financement de la guerre au Vietnam et du déficit important de la balance commercial, Nixon décida d abandonner l étalon or, fixé depuis 1946 à 35 $ l once. Pendant ce temps, le FMI (traditionnellement dirigé par un Européen) et la Banque Mondiale (avec un dirigeant américain) qui avaient préconisé des solutions Keynesiennes avec plus ou moins de succès, adoptèrent à partir des années 80 une attitude plus néo-libérale dans les résolutions de crises, suite à l échec des régimes communistes et s ajustant ainsi à la tendance lancée par le couple Thatcher- Reagan, en prônant de façon technocratique la libéralisation des économies en difficulté, et des régimes d austérité qui n eurent pas nécessairement les effets escomptés. Les critiques de ce type d approche furent particulièrement virulentes dans le milieu altermondialiste et académique (Stiglitz, 2001). Pourquoi la crise : Il est toujours plus aisé d analyser les causes et conséquences d une crise après que celle-ci ait eu lieu, et même dans le cas d une crise économique, certaines disputes peuvent être persistantes suivant les lectures plus ou moins idéologiques que l on peut faire de chaque événement. Nombreuses sont les personnes qui affirment avoir prédit cette crise, rares sont celles qui expliquaient correctement le déroulement qu elle allait suivre, et, de nombreuses voix qui dit que les paradis fiscaux sont au coeur de la crise. Qu'on en juge : 50 % du commerce international y transite et ils hébergent, selon le FMI, 4 000 banques, les deux tiers des hedge funds et 2 millions de sociétés écrans. L'appétit de la finance internationale pour ces Etats moins-disants en termes de contraintes et de réglementations explique que des confettis comme les Caïmans ou les Bermudes aient pu se hisser en tête du classement des plus grandes places financières mondiales. Les spéculateurs ne sont pas les seuls à s'y précipiter.

Les plus grands établissements financiers y sont eux aussi largement représentés. Citigroup, première banque du monde, possède 427 filiales dans des centres off-shore, y compris dans des endroits aussi exotiques que Saint-Kitts-et-Nevis, Macau et les îles Turques-et-Caïques. Bank of America. 2.2 Et d'abord qu'est-ce qu'un paradis fiscaux? Les Français parlent de paradis fiscaux, les Anglais et les Américains parlent de tax havens (havres fiscaux). Christian Chavagneux et Ronen Palan établissent que les paradis fiscaux ne sont pas qu'un phénomène marginal réservé à quelques milliardaires, quelques affairistes et beaucoup de mafieux. C'est, au contraire, une "infrastructure essentielle de la finance internationale". Le constat désormais connu est solidement établi : les paradis fiscaux «font système», ils inspirent de nombreuses stratégies financières, juridiques, fiscales La définition même de «paradis fiscal» est trop restrictive : leur étude fait apparaître de nombreuses faiblesses en matière de droit bancaire, pénal, public et pas seulement sur le plan fiscal. Il est par ailleurs évident que ces caractéristiques inspirent les politiques fiscales de nombreux Etats qui ont une fâcheuse tendance à s aligner sur le moins disant plutôt que de s engager sur la voie de l harmonisation et de la coopération. Pour éviter que les bases imposables et les budgets publics et sociaux ne soient siphonnés au profit de quelques intérêts très particuliers, l urgence commande de mettre fin aux pratiques des paradis fiscaux et réglementaires Les paradis fiscaux sont des territoires qui peuvent être des états souverains ou des dépendances plus ou moins autonomes d'autres pays. Ces territoires répondent à une combinaison de plusieurs critères, mais quatre critères sont retenus par l'ocde pour définir un paradis fiscal : -Des impôts insignifiants ou inexistants ; - L'absence de transparence sur le régime fiscal ; - L'absence d'échanges de renseignements fiscaux avec d'autres Etats ; - Le fait d'attirer des sociétés écrans ayant une activité fictive. 95 % des paradis fiscaux sont d'anciens comptoirs ou colonies britanniques, français, espagnols, néerlandais, américains, restés dépendants des puissances tutélaires, et dont la souveraineté fictive couvre une criminalité financière non seulement tolérée, mais encouragée parce qu'utile et nécessaire au fonctionnement des marchés. Dans le contexte de crise actuel, les déclarations se succèdent à propos des paradis fiscaux : en parlant ouvertement de «problème» (Barack Obama) ou de «sanctions» (Gordon Brown), les

principaux dirigeants ont reconnu ce que beaucoup d observateurs dénonçaient de longue date, dans le mouvement social et alter mondialiste notamment. Ces véritables «trous noirs» de la finance ont non seulement permis le développement des diverses formes de délinquance financière (évasion et fraude fiscales, blanchiment) mais ont aussi joué un rôle moteur dans la mondialisation financière et la diffusion de la crise. La fraude fiscale est largement antérieure à l existence du premier paradis fiscal : dès qu un impôt a été mis en place, chez les Phéniciens ou les Grecs, il y a très certainement eu quelques malins qui ont cherché à y échapper, en évitant de se faire prendre et en essayant de bénéficier tout de même des éventuels services ou des éventuelles protections qui étaient financés par ces impôts. Aujourd hui, le principe de la fraude fiscale reste le même. Les paradis fiscaux, territoires bénéficiant d un régime fiscal articulièrement bas, notamment pour les non-résidents, et mettant en place, par le secret bancaire, par les sociétés écrans dont on ne connaît pas les donneurs d ordre ni les bénéficiaires, et par une immunité judiciaire de fait, sont des outils qui facilitent l accroissement de la fraude. Ceci se fait de trois façons. Les paradis fiscaux sont tout d abord des havres de sécurité et de secret pour cacher les revenus et les fortunes amassés ailleurs en fraudant les fiscalités nationales. Par ailleurs, les paradis fiscaux, par les multiples services qu ils offrent, permettent aux revenus et aux fortunes de particuliers et d entreprises de jouer de la diversité de fiscalités très basses pour «optimiser» leur situation fiscale, c est à dire en payer le moins possible ; ceci s obtient notamment en localisant certaines activités dans ces territoires «sans lois». Enfin, les paradis fiscaux conduisent plus ou moins les autres pays à réduire leur fiscalité touchant les revenus et les capitaux mobiles au motif avancé de demeurer «attractifs» pour ces catégories sociales. Il s ensuit une fiscalité allégée dans la plupart des pays pour les contribuables et les entreprises les plus riches et un recul des réglementations et des contrôles leur rendant la fraude plus facile que pour les autres contribuables. «Les paradis fiscaux sont à l agenda politique, partout dans le monde, car la crise met en lumière le risque systémique qu ils font peser sur la finance et sur l économie mondiale, explique Daniel Lebègue, président de Transparency France, membre de la «plateforme sur les paradis fiscaux et judiciaires». C est un risque d autant plus fort qu il s agit d une finance souterraine, clandestine, échappant totalement au contrôle des Etats». Il en existe une soixantaine (72 selon le FMI) dont la moitié située en Europe. 4000 banques y «résident», tout comme les 2/3 des hedge funds, (fonds spéculatifs) et 2,5 millions de sociétés financières - trusts, fiducies, etc.

«50% des flux financiers transitent à un moment ou à un autre dans ces zones de non droits, détenues par des acteurs financiers en dehors de toute règle, poursuit Daniel Lebègue. Pas de banque centrale, pas de commission bancaire de surveillance, pas de contrôle. Personne ne sait quels sont ces actifs, où ils sont investis et quels sont les risques qui sont pris». 3. QUEL EST LE RÔLE DES PARADIS FISCAUX ET JUDICIAIRES DANS LA CRISE FINANCIÈRE? La série de crises financières et économiques (mexicaine, asiatique, russe) qui a secoué les marchés à partir du milieu des années 1990 a montré que les flux à l'origine de l'instabilité financière ont transité par les paradis fiscaux. C'est par une simple cabane plantée sous le soleil de Nauru, îlot du Pacifique situé à 20 000 kilomètres de l'europe, qu'ont transité en quelques jours de l'été 1998, 70 milliards de dollars aux origines troubles qui, fuyant l'effondrement financier de la Russie, prirent le chemin de la Bank of New York. En Thaïlande, avant la crise asiatique, les deux tiers des entrées de prêts à court terme sont passées par des institutions " offshore " filiales des grandes banques internationales. L'extrême mobilité des capitaux a un effet dévastateur accentué par les phénomènes grégaires d'engouement et de retrait frileux. Les places offshore sont aujourd'hui les causes, les vecteurs et les bénéficiaires des crises financiers. Mais, quel est le rôle des paradis fiscaux dans la crise financière actuelle? La totalité des banques et des institutions financiers ont été impliquées dans la spéculation des sub-primes. Celle-ci a été facilitée par l'existence des «tax- havens» et des places «off s h o r e». 80 % des hedge funds (fonds spéculatifs) sont localisés dans les paradis fiscaux. Des milliers de milliards de dollars y transitent chaque année pour échapper à l impôt. Les responsabilités des paradis fiscaux et judiciaires dans la crise financière est donnée par: - l'opacité et l'instabilité financières ; - la création de capitaux spéculatifs ; - la déréglementation massive de la finance ; - la concentration de masses financières énormes et mobiles ;

- la privation de ressources fiscales pour les États et les organismes internationaux de régulation, pour répondre aux besoins sociaux les plus urgents de l'humanité et pour aider à la résolution de la crise écologique. 3.1 Les paradis fiscaux facilitent l opacité dans les relations financières Les paradis fiscaux et judiciaires sont un instrument déterminant dans l opacité des systèmes financiers internationaux, laquelle opacité a joué, et continue de jouer, un rôle déterminant dans l extension des doutes et des incertitudes des acteurs bancaires et financiers et de nombre d investisseurs ou de détenteurs de capitaux Les «armes financières de destruction massive», ce sont des produits financiers hautement spéculatifs, dits «produits dérivés», créés à l époque où Alan Greenspan était Président de la FED (1987-2006), et surtout à partir de la fin des années 90. «Ils recèlent des dangers invisibles pour l instant mais potentiellement mortifères» écrivait Buffett dès la fin 2002. Les munitions pour ces armes c est le «capital fictif» (ou virtuel), qui ne provient pas de la création de valeur et de l accumulation capitaliste (donc de l exploitation de la main-d œuvre, comme l analyse la gauche), mais qui est généré par des ordinateurs, - ce qui ne l empêche pas de causer d épouvantables dégâts, bien réels ceux-là. Les principaux coupables sont les «hedge funds» et les «Private Equity funds». Un seul chiffre suffit à prouver leur totale déconnexion d avec l économie réelle : en décembre 2007, les produits dérivés représentaient au total la somme astronomique de 596 billions (1 billion= 10 12, soit 1000 milliards Ndlt) de dollars, selon la Bank for International Settlements (BIS, «banque des Banques centrales», Ndlt). Point de comparaison : le total mondial des pertes subies par les banques l été 2007, début de la crise immobilière aux USA, s élevait fin octobre 2008 à 2,2 billions d euros - en soi une somme astronomique, certes, mais à peine 0,5% du potentiel de destruction des produits dérivés. 596 billions de dollars, c est douze fois le montant de la richesse produite dans le monde en un an. Pour parvenir à ce montant, il aurait donc fallu retirer l économie réelle la valeur totale des biens et services produits pendant douze ans, jusqu à la dernière vis, et la dernière goutte de pétrole et les investir dans ces titres. Il est donc évident que ce «capital virtuel» n est pas un élément dérivant de la création de valeur ni de l accumulation capitaliste boursière ordinaire, comme le ferait croire l étymologie latine (derivare), mais un tour de passe-passe financier. Au milieu de l année 2007, 36% des hedge funds opéraient à partir de New-York, 21% à partir de Londres et seulement 3% de l ensemble des autres places financières européennes. Bien qu ils

opèrent à partir de New-York et Londres, le siège des criquets pèlerins anglo-saxons est en général situé dans des paradis fiscaux où ils ne sont soumis à aucune juridiction : 63% se trouvent aux Iles Caïman, 13% dans les îles anglo-normandes, 11% aux Bermudes et 5% aux Bahamas. Non content d avoir été le principal créateur de produits dérivés, le géant de la banque J.P. Morgan contrôle aussi la plupart des hedge funds mondiaux, soit 398 (chiffres de 2005). Rien d étonnant donc si le premier responsable du grand krach en a été aussi le premier profiteur. Au printemps 2008 J.P. Morgan a avalé Bear Stearns pour 2 dollars l action ; un an plus tôt les participations à Bear-Stearns se négociaient encore à 159 dollars. Lorsqu en septembre 2008 la banque Washington Mutual fit faillite - à ce jour le plus gros krach de l histoire - J.P. Morgan a encore frappé : la banque s offrit des actifs estimés à 176 milliards de dollars pour 1,9 milliard tout juste. «Les USA ressemblent eux-mêmes à un gigantesque hedge fund. La part des entreprises financières dans les profits totaux des entreprises (après impôts) a bondi de moins de 5% en 1982 à 41% en 2007» écrivait en février 2008 Martin Wolf dans le «Financial Times». Il n en va pas autrement en Grande-Bretagne : un quart de la richesse annuelle provient des hedge funds. Rien d étonnant à ce que les deux pays se soient jusqu ici défendus avec bec et ongles contre toute limitation apportée aux hedge funds. Le secret bancaire, l incertitude sur l identité des propriétaires, la complexité des montages juridiques et des circuits financiers, l absence de transparence sont autant d éléments établissant la nocivité des paradis fiscaux et leur rôle dans l opacité du système financier international. 3.2 Les paradis fiscaux facilitent la formation de capitaux spéculatifs En favorisant l imbrication de l économie légale et de l économie criminelle, les paradis fiscaux corrompent en profondeur le jeu économique. Plusieurs études montrent qu environ 50% des flux de capitaux internationaux passent ou résident dans les paradis fiscaux. Dans ces capitaux, il y a de la finance «licite» à la recherche de plus de discrétion et de la finance «illicite», laquelle intervient par ailleurs dans l économie réelle par des investissements dans des entreprises qui auront pignon sur rue. Les paradis fiscaux sont bien un lieu où se croisent, se mêlent et s interconnectent l économie légale et l économie criminelle. L'argent sale, c'est l'argent criminel, l'argent provenant de la drogue, de la prostitution, de la fabrication de fausse monnaie, de vols, de rackets, de trafics divers, de l'immigration clandestine. Cet argent

illégalement acquis, est réintroduit dans le circuit économique normal par le biais de montages dans les paradis fiscaux : c'est le blanchiment. Ici, l'économie criminelle côtoie l'économie légale. Le FMI estime que entre 600 milliards et 1 500 milliards de dollars sont introduits dans le circuit économique par le biais de l'argent sale. Pino Arlacchi (spécialiste italien des études de la Mafia) évalue, lui, à 1 milliard de dollars par jour (soit 365 milliards par an) le montant des profits du crime injectés dans les marchés financiers du monde entier. Le chiffre d'affaires global du marché de la drogue dans le monde est estimé à 400 milliards de dollars. Sur ces 400 milliards de dollars, 180 milliards sont destinés à rémunérer globalement les trafiquants et les professionnels de la société légale qui collaborent avec les organisations criminelles ; 120 milliards reviennent directement aux organisations criminelles, et sont d'être blanchis dans l'économie légale. Il n'y a pas que l'argent des crimes. Il y a aussi l'argent de la corruption! Le montant total de la corruption ( total des pots de vins payés sans compter les détournements de fonds), à la fois dans les pays développés et les pays en voie de développement, est estimé, par un Institut de la Banque mondiale, à 1 000 milliards de dollars. Les paradis fiscaux et judiciaires facilitent une circulation rapide des capitaux, sans aucun contrôle. Ils favorisent ainsi la spéculation, notamment sur les taux de change et la fuite des capitaux des économies émergentes, des phénomènes qui ont grandement contribué à la survenance de crises financières comme en Asie du Sud-Est, en Russie ou en Amérique latine. C est d'ailleurs à la suite des crises de 1997-98 que le G8 a mis en place, en 1999, le forum de stabilité financière (FSF). Les paradis fiscaux recueillent la finance offshore et organisent l opacité des circuits de circulation de l argent. Ils attirent les capitaux en offrant le secret des transactions, leur protection contre toute enquête pouvant provenir des gouvernements étrangers, et en contournant les systèmes fiscaux de ces États. De nombreuses banques, parfois même les plus sages apparemment, souvent encadrées par des réglementations nationales, ont voulu participer au «haut rapport» (high yield) quand les temps étaient fastes, en confiant à des filiales domiciliées dans des PARADIS FISCAUX la gestion de leurs investissements en produits dérivés à risques. 3.3 Les paradis fiscaux facilitent toutes les déréglementations Pour Joseph E. Stiglitz, la déréglementation a du bon, mais il faut savoir la manier avec précaution. Son objectif théorique est de maintenir la concurrence sur les marchés où de garantir

d empêcher les firmes dominatrices de profiter de leur position lorsqu elles profitent d un monopole naturel. Il note toutefois que durant les années 1990, «la déréglementation tourne au délire». Selon le financier George Soros, le système pourrait éclater, conséquence de l'idéologie du laisser-faire et de l'autorégulation qu'il qualifie d'«intégrisme de marché». Il estime, dans un entretien au quotidien français Le Monde, que les autorités de contrôle ont «laissé se développer un marché du crédit monstrueusement étendu». Dès lors que les paradis fiscaux voient transiter plus de 50% des transactions financières internationales, il est évident que la moindre réglementation ou régulation qui pourrait être prise par un État ou par un groupe d États à l égard des secteurs bancaires et financiers serait immédiatement et en grande partie rendue caduque : la réglementation s appliquerait bien aux entreprises localisées, par exemple en France ou dans l Union européenne, mais les territoires sans lois que sont les paradis fiscaux pourraient accueillir les sièges de sociétés bancaires et financières dispensées de ces réglementations et ces entreprises offshore pourraient donc intervenir partout, y compris sur les États réglementés, du fait du primat du principe de totale liberté de circulation des capitaux. Il serait donc indispensable que soit prise la décision de considérer comme inexistante toute relation financière avec les territoires offshore et les paradis fiscaux. Depuis les accords de Bâle (1996, puis Bâle II, 2004), les banques sont soumises à une réglementation prudentielle qui les contraint à réserver un volume minimal de capitaux propres égal à 8% du total de leurs actifs risqués (portefeuilles de titres et encours de crédit). Avec ce ratio de solvabilité, les banques soumises à cette réglementation sont donc limitées dans leurs possibilités de faire des crédits : elles doivent disposer des capitaux propres suffisants pour rester au-dessus du seuil des 8%. Pour contourner ces dispositions, des banques ont sorti de leur bilan certains de leurs crédits en les titrisant et en les mettant au nom d entités juridiques nouvelles localisées dans des paradis fiscaux et qui échappaient donc à ces réglementations. Par ailleurs, avec cette totale liberté de circulation des capitaux par-delà les frontières étatiques, les paradis fiscaux provoquent une concurrence à la baisse entre les différents systèmes de regulation nationaux. En voulant attirer sur leur territoire une partie des capitaux mobiles sur la planète, les États sont amenés à réduire eux-mêmes certaines de leurs réglementations internes, certains de leurs contrôles, et à revoir à la baisse leurs normes prudentielles. La dérégulation de certains secteurs plus particuliers est engagée par certains gouvernements en arguant de l existence des territoires échappant à toute réglementation.

Les paradis fiscaux sont donc un outil, direct ou indirect, pour tirer vers le bas toutes les réglementations sur la finance. mobiles 3.4 Les paradis fiscaux facilitent la concentration de masses financières énormes et On estime à 10 000 Mds$ le montant des avoirs placés dans les paradis fiscaux. Une somme qui constitue un réel manque à gagner pour les Etats. Avec un manque à gagner de 350 à 500 Mds$, ces derniers montrent les dents. Comme l'a dit de façon cynique la milliardaire new-yorkaise Leona Helmsey, condamnée pour fraude fiscale en 1990: " Seules les petites gens paient des impôts. " La mentalité des fraudeurs du fisc est parfaitement résumée dans ce jugement du juge britannique Learned Hand de la chambre des Lords : " Il n'y a rien de mal à arranger ses affaires de manière à payer des impôts aussi peu élevés que possible. Tout le monde le fait, riche ou pauvre, tout le monde peut le faire. Personne n'a l'obligation de payer plus que la loi réclame ; les impôts sont des exactions forcées, pas des contributions volontaires. Placer son argent dans un territoire à faible fiscalité afin d'éviter un niveau trop élevé d'impôt n'est pas une nouveauté. Déjà, dans l'antiquité, les commerçants envoyaient des émissaires pour réaliser des transactions financières à l'abri des zones portuaires assujetties aux taxes. Aujourd'hui, si les méthodes se sont compliquées, le principe est resté le même. Particuliers et multinationales redoublent d'ingéniosité, via les conseils avisés de leurs avocats fiscalistes, afin d'échapper à la fiscalité de leur Etat. L'échelle, cependant, a changé : les valises d'or et de billets ont laissé la place à une économie dématérialisée permettant des transactions à la fois rapides et discrètes. masses financières vont pouvoir se déplacer sur la planète à la vitesse de l électronique, et vont pouvoir, plus que d autres, participer aux spéculations sur de multiples marchés (pétrole, minerais, céréales, matières premières, produits dérivés, etc.). Il apparaît souvent plus rentable à ces capitaux de spéculer «dans la finance» que de s investir dans l économie réelle, où les rendements sont moindres, de plus long terme, et où ils risqueraient plus de perdre une partie de leur anonymat et de leur discrétion. 3.5 Que nous pouvons dire dans la defense des paradis fiscaux? Pour la défense des paradis fiscaux, on nous présente quelques arguments: - les privilèges accordés aux résidents étrangers permettent d attirer les capitaux et donc de développer

des états pauvres. Mais, privilégier des pays en affaiblissant par conséquence directe d autres pays estelle la seule et bonne solution? - le refus d ingérence dans les affaires d un pays tiers. L expérience nous a souvent montré que ce principe est aussi aisément érigé qu enterré suivant les intérêts des nations les plus puissantes. Les sommes oblitérées à la solidarité nationale et la participation des paradis fiscaux à la grande criminalité (blanchiment d argent détourné des fonds publics, d argent provenant de trafics de drogues, de prostitution en général et d enfants en particulier, etc...) ne sont-elles pas des raisons suffisantes à l intervention internationale? - un état ne peut pas réagir individuellement à ce problème. Ne peut-il pas, par contre, interpeler la communauté international internationale et militer pour une réaction concertée? - les pays refusent d en discuter; 4. COMMENT LUTTER EFFECTIVEMENT CONTRE LES PARADIS FISCAUX, CES "TROUS NOIRS" DU SYSTÈME FINANCIER INTERNATIONAL? Le problème de l existence et de la tolérance des paradis fiscaux est évidemment politique. Le monde de la finance est souvent intimement lié à celui de la politique. C est d autant plus vrai dans ce contexte et cette situation rend ce problème très compliqué à aborder par les gouvernements : d abord vis-à-vis de leurs concitoyens car nombre d entreprises nationales et internationales, de dirigeants de ces entreprises, de personnalités politiques, de célébrités du sport et du spectacle résident dans ces paradis financiers ou usent de leurs services ; ensuite, vis-à-vis des autres gouvernements car les pays les plus riches abritent ou ont la main-mise économique et politique sur ces «pays à régime fiscal privilégié» (en France : Monaco et Andorre entre autres ; en Grande-Bretagne : Irlande, île de Man, Gibraltar, etc. ; aux U.S.A : Bahamas, Bermudes, etc. ;en Asie et au Moyen-Orient : Liban, Macao, Singapour, Hong-Kong, îles Marshall, etc. Le réponse de la communauté internationale dans le question des paradis fiscaux est l une des grandes décisions prises en avril dernier à Londres par le G20, le groupe des 20 pays les plus importants de la planète. L 'OCDE a publié une nouvelle liste des pays considérés comme des paradis fiscaux. Il existe désormais trois listes de l OCDE : une noire, une grise et une blanche. La liste noire des paradis fiscaux comptait au départ quatre pays : Le Costa Rica, la Malaisie, les Philippines et l'uruguay. Ce sont des juridictions qui sont considérées comme non coopératives par l organisation de coopération et de développement économique. Selon cette instance, les trois juridictions ne se sont jamais engagées à respecter les standards de l OCDE en matière d échange d information fiscale.

A l autre extrémité on trouve une liste blanche, celle des pays dits vertueux. On y trouve en vrac les îles anglo-normandes, comme Jersey et Guernesey, qui ont la réputation d être des paradis fiscaux dépendants de la couronne britannique, la Chine mais aussi la France ou encore l'italie. Pour Pascal de Saint Amans de l OCDE, «même si les îles anglo-normandes ont encore beaucoup de progrès à faire, elles communiquent déjà des informations fiscales à d autres pays. Liste grise : les paradis fiscaux les plus connus, eux, échappent à la liste noire. Les îles Caïman, la Suisse, le Luxembourg, Monaco, Andorre ou encore le Lichtenstein sont sur une liste dite «grise». Cette dernière compte 38 noms de centres financiers offshores qui ont pris des engagements en matière de transparence mais qui ne les ont pas encore appliqués. Pour l'instant, ces pays ne sont pas directement visés par des sanctions, mais l'ocde assure que «s'ils ne tiennent pas leurs promesses il y aura des mesures de rétorsion». Avant même sa publication, la liste a produit des résultats majeurs. En quelques semaines, les places financières connues pour leur strict secret bancaire ont annoncé qu'elles changeaient de politique et accepteraient désormais de coopérer fiscalement. Le 12 mars dernier, le Liechtenstein, à l'origine d'un scandale majeur de fraude fiscale l'an dernier, ainsi qu'andorre ont indiqué qu'ils souhaitaient dorénavant rejoindre la communauté internationale. Quelques jours plus tard, Monaco, également listé comme paradis fiscal non coopératif, les rejoignait. Ce mouvement avait été précédé par les places financières majeures de Hongkong et Singapour. Au sein même de l'ocde, après des années de débat, l'autriche, la Belgique, le Luxembourg et la Suisse ont décidé d'appliquer désormais le standard en matière d'échanges de renseignements. Tous les pays membres de l'ocde partagent ainsi maintenant un système commun d'information, en accord avec le modèle de convention fiscale de l'ocde. D'autres centres financiers ont eux aussi décidé d'appliquer les normes de l'ocde. Hongkong, Macao et Singapour ont informé l'ocde qu'ils adopteront ces normes et prendront cette année des mesures pour les appliquer. Chypre et Malte appliquent ces normes. Bien que certaines juridictions résistent encore, d'autres, comme les Bermudes, les îles Caïman, Guernesey, l'île de Man et Jersey progressent en vue de conventions bilatérales d'échanges de renseignements fiscaux. Une plus grande transparence renforcera le principe d'équité fiscale aussi bien dans les pays développés que dans les pays en développement. Mais c'est à l'ouvrage qu'on juge l'ouvrier. L'OCDE et ses pays partenaires peuvent certes coopérer pour établir des normes et des conventions fiscales types, mais pour qu'il y ait un réel changement les gouvernements devront les appliquer.

Au-delà des mots et des communiqués, il s'agit d'un résultat historique aux conséquences pratiques : dans le monde de demain, les fraudeurs ne pourront plus impunément cacher leurs revenus et leurs patrimoines en abusant du secret bancaire. Les administrations fiscales pourront demander, lorsqu'elles en auront besoin, les informations relatives à leurs résidents, sans se heurter à une loi du silence. 5. CONCLUSION Pour ne pas se retrouver dans quelques années face à une nouvelle bulle spéculative et à une nouvelle crise financière, et pour freiner rapidement la prolifération de la crise actuelle dans la plupart des continents nous croyons qu'il est nécessaire de prendre les mesures suivantes: - Lever le secret bancaire dans tous les pays, que ce soit à la demande des autorités judiciaires ou fiscales ; - Organiser la centralisation des comptes bancaires dans chaque Etat ; - Coopération entre autorités judiciaires et fiscales; - Annulation des mesures fiscales dérogatoires; - Exiger l'identification réelle des véritables bénéficiaires des personnes morales (sociétés), trusts, fondations. Le tout sous le contrôle d'une organisation internationale incontestable qualifiée pour prononcer des sanctions pouvant aller jusqu' à l'exclusion des transactions internationales ; - Les grandes entreprises et banques s engagent à fermer leurs comptes, filiales et holdings situés dans l une des «off-shore» recensées par OCDE ; - Placement des sociétés internationales de compensation et de règlement-livraison de fonds et de titres sous la surveillance permanente d une commission de contrôle mandatée par les institutions internationales (ONU, FMI, Banque mondiale...), dotée de capacités d intervention ; - Encadrer les montages financiers de type LBO en interdisant que la dette d acquisition soit supportée par l entreprise rachetée et en instaurant un plafond sur le niveau d endettement que peut atteindre l acheteur pour acquérir une entreprise ;

- Intégrer des critères extra-financiers dans l évaluation de la performance (emplois créés, brevets déposés, CO2 économisé...). Interdiction des parachutes dorés et autres primes exceptionnelles. Taxer les très grandes fortunes mondiales ; - Créer d'une organisation internationale incontestable qualifiée pour prononcer des sanctions pouvant aller jusqu' à l'exclusion des transactions internationales. Les paradis fiscaux ne sont pas une maladie du système financier international mais constituent un élément essentiel de sa rentabilité. Leur multiplication est une composante de la «dérégulation» du système financier, au même titre que l'informatisation des Bourses, la libre circulation des capitaux, les produits dérivés, etc. C'est une branche de l'arbre à finances sur lequel sont assis les capitalistes et ils ne la scieront pas volontiers, quoi qu'en disent leurs représentants politiques. La question des paradis fiscaux est en réalité secondaire. C'est faux car, au cœur de la crise financière et économique mondiale, il y a une crise de confiance. Des institutions qui comptaient parmi les piliers de notre société sont aujourd'hui remises en cause. Pour restaurer la confiance, les gouvernements doivent agir de façon ferme et coordonnée. Nous avons besoin aussi d'un changement de culture de la part des banques et de plus de transparence dans le système financier. Dans l'immédiat, nous devons démontrer que le coût des mesures anticrise est équitablement partagé. Si nous voulons une économie plus forte, plus saine et plus juste, nous devions nous attaquer aux aspects les plus controversés de la mondialisation, comme les paradis fiscaux. Ceux-ci n'ont pas provoqué la crise, mais l'opacité de leurs conditions de fonctionnement a clairement joué un rôle. Il n'y a pas que les pays riches qui en subissent les effets. Les pays en développement aussi. Cette bataille est loin d'être terminée, mais la communauté internationale est finalement prête à mener une action vigoureuse contre les paradis fiscaux non coopératifs. Si nous pouvons débarrasser le monde des centres financiers dont la prospérité repose sur l'opacité, la non-coopération et une réglementation complaisante, nous aurons accompli un grand pas vers une économie plus juste et plus saine.

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