Le psoriasis est une affection chronique fréquente atteignant



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images Retrouvez toutes les images illustrant ce texte, et bien d autres encore, en haute définition dans la photothèque «Psoriasis» sur www.larevuedupraticien.fr Item 114 PSORIASIS Pr Marie Beylot-Barry Service de dermatologie, hôpital Haut-Lévêque, CHU de Bordeaux, 33604 Pessac, France marie.beylot-barry@chu-bordeaux.fr RR OBJECTIFS DIAGNOSTIQUER un psoriasis. ARGUMENTER l attitude thérapeutique et PLANIFIER le suivi du patient. un rôle pathogénique central avec une dysrégulation chronique de l inflammation impliquant leur activation et leur migration, des cytokines pro-inflammatoires, facteurs de croissance, chemokines (dont le Tumoral necrosis factor-tnf) et molécules d adhésion et de costimulation. Ces anomalies sont à la fois à l origine de l hyperprolifération kératinocytaire, du recrutement d autres cellules inflammatoires et de la stimulation d autres cytokines. Présentation clinique Le psoriasis est une affection chronique fréquente atteignant environ 3 % de la population en France. Il est génétiquement déterminé, et des antécédents familiaux existent dans 30 % des cas. Le psoriasis débute le plus souvent chez l adulte jeune, puis évolue par poussées qui peuvent être induites par le stress et par des facteurs «environnementaux». Pathogénie Plusieurs gènes seraient impliqués dans le psoriasis, et cette variabilité génique peut expliquer son polymorphisme clinique et évolutif. Sa révélation et ses poussées sont favorisées par des facteurs de l environnement, et il est entretenu par une réaction inflammatoire chronique. Les facteurs environnementaux incriminés sont le stress, le climat, des infections, notamment streptococciques, en particulier chez l enfant, des médicaments (bêtabloquants, lithium, inhibiteur de l enzyme de conversion de l angiotensine, interféron) et des traumatismes. L alcool et le tabac ne sont pas des facteurs déclenchants mais plutôt des facteurs de gravité et de résistance au traitement. Au sein des plaques de psoriasis s associent des troubles de la prolifération kératinocytaire et une inflammation dermo-épidermique. Il existe une hyperacanthose et une hyperpapillomatose, reflets du renouvellement anormalement rapide de l épiderme, et une parakératose témoin du trouble de la différenciation. On observe une infiltration de cellules inflammatoires, polynucléaires neutrophiles en particulier, se groupant en micro-abcès sous-cornés (micro-abcès de Munro-Sabouraud) et altérant les membranes kératinocytaires par la libération d enzymes lysosomiales, entretenant ainsi l activation du renouvellement épidermique. Les lymphocytes T présents dans l infiltrat dermique sous-jacent jouent Plusieurs formes cliniques existent selon la localisation, le type et l étendue des lésions. La sévérité du psoriasis est ainsi variable, de même que le retentissement sur le vécu du patient. La lésion élémentaire est une plaque érythémato-squameuse bien limitée, inconstamment prurigineuse. Psoriasis «vulgaire» Le psoriasis se présente classiquement sous forme de plaques sèches, érythémato-squameuses, de taille et de nombre variable, de disposition symétrique. Les zones préférentiellement atteintes sont les coudes et les genoux, la région lombo-sacrée et les faces d extension des membres (fig. 1 et 2). Les lésions de psoriasis peuvent se localiser au niveau de zones traumatisées (grattage, plaies, cicatrices récentes), c est le phénomène de Koebner. Le cuir chevelu est souvent atteint, avec des lésions érythémato - squameuses, prurigineuses dans cette topographie, prédominant à la lisière frontale, derrière les oreilles et s étendant au conduit auditif externe (fig. 3). Il n entraîne pas d alopécie. Les plaques peuvent être très épaisses, formant un «casque» adhérent. Le visage est rarement concerné. Lorsqu il l est, le diagnostic différentiel se pose avec une dermite séborrhéïque à laquelle il peut d ailleurs être associé. Autres formes cliniques L onychopathie psoriasique est relativement fréquente. Elle survient dans tous les types de psoriasis et est quasi constante en cas d arthropathie psoriasique. Il peut s agir de dépressions ponctuées (ongles en «dé à coudre»), d hyperkératose sousunguéale épaisse, ou d onycholyse avec un décollement distal en tache d huile (fig. 4). 20 février 2010 267

L atteinte des paumes et des plantes peut s associer à des plaques dans d autres localisations ou être isolée. Les lésions sont surtout hyperkératosiques, à l origine de fissures douloureuses à la marche pour les plantes. L atteinte palmaire est souvent très invalidante pour la vie personnelle et sociale. Le psoriasis «inversé» : alors que le psoriasis atteint classiquement les zones en relief, le psoriasis «inversé» atteint les grands plis (axillaires, inguinaux, sous-mammaire) mais aussi le nombril, la région périnéale. Il forme alors des plaques rouge vif lisses bien limitées, souvent prises à tort pour une mycose (fig. 5). Lorsque l atteinte des plis est isolée, sans plaques «classiques», le diagnostic de psoriasis peut être difficile. Le gland : alors que le psoriasis respecte habituellement les muqueuses, le gland peut être atteint, soit de manière isolée, soit associée à un psoriasis classique ou s intégrant dans un psoriasis inversé. Formes potentiellement graves Le psoriasis peut être à l origine d une érythrodermie (fig. 6). Il perd alors de sa spécificité clinique, avec une érythrodermie sèche devant laquelle il faut rechercher des antécédents de psoriasis, une atteinte unguéale et un facteur déclenchant (médicament, arrêt brutal d une corticothérapie générale), et éliminer les autres causes d érythrodermie (eczéma, toxidermie, lymphome cutané ). Les complications sont celles de toute érythrodermie (surinfection, trouble de la thermorégulation, anomalies hydroélectrolytiques), et une hospitalisation est souvent nécessaire. Le psoriasis pustuleux correspond à la coalescence de polynucléaires neutrophiles dans le stratum corneum (pustule spongiforme multiloculaire aseptique) sans qu il y ait d origine infectieuse. Il peut être localisé aux paumes et/ou aux plantes, atteindre les extrémités (ce qui correspond à l acropustulose de Hallopeau) avec une atteinte unguéale et osseuse sous-jacente. La forme généralisée de von Zumbusch est beaucoup plus rare et nécessite une hospitalisation. Elle survient de manière aiguë, possiblement déclenchée par des médicaments, se caractérise par des pustules disséminées sur des nappes rouge vif diffuses et s accompagne de signes généraux. À côté de l atteinte cutanée, il est important de rechercher un rhumatisme psoriasique. Ce rhumatisme inflammatoire séronégatif est potentiellement destructeur. Il n y a pas de corrélation avec la sévérité de l atteinte cutanée, et il peut ne s accompagner que de lésions cutanées discrètes, mais il existe volontiers une onychodystrophie. Plusieurs articulations sont atteintes dans la forme périphérique, qui est la plus fréquente, avec une dactylite asymétrique touchant les interphalangiennes distales, une enthésopathie. L atteinte de plus grosses articulations réalise un tableau d oligoarthrite asymétrique. L atteinte centrale, à type de sacro-iléite ou d atteinte vertébrale, est plus rare et peut être pauci- ou asymptomatique, de découverte radiologique. Cette dernière forme s associe à l HLA B27 mais de façon moins fréquente que dans la spondylarthrite ankylosante. Psoriasis de l enfant Deux formes principales peuvent être identifiées : le psoriasis des langes (napkin psoriasis), survenant chez le nourrisson avec les caractéristiques cliniques d un psoriasis inversé, et le psoriasis en gouttes, survenant plutôt chez l adolescent et l enfant. Il est fait de petits éléments de 1 à 10 mm érythémato-squameux, siégeant surtout sur le tronc, parfois le visage. Son évolution est éruptive, et un facteur déclenchant bactérien (infection ORL streptococcique) 2 à 3 semaines avant est discuté. Diagnostic Il est clinique. Aucun examen n est nécessaire pour faire le diagnostic de psoriasis. Une biopsie cutanée n est effectuée qu exceptionnellement, en cas de doute (psoriasis inversé isolé, érythrodermie, même si dans ce dernier cas l histologie perd de sa spécificité). En cas de suspicion d atteinte rhumatologique, un avis est souhaitable pour valider le diagnostic. Des radiographies osseuses peuvent être effectuées à la recherche de réaction périostée et de résorption osseuse distale. Un bilan biologique peut être effectué non pas à visée diagnostique mais dans un but préthérapeutique, si on envisage un traitement systémique, pour guider le choix de celui-ci et rechercher notamment des contre-indications à tel ou tel traitement. Ce bilan peut aussi rechercher un syndrome métabolique, qui apparaît plus fréquent en particulier au cours des psoriasis sévères avec un risque cardiovasculaire plus élevé qui serait favorisé par le processus inflammatoire chronique du psoriasis. Ainsi, outre la recherche de facteurs cardiovasculaires à l interrogatoire et à l examen (mesure de la pression artérielle, surcharge pondérale, périmètre abdominal), on demande principalement un bilan lipidique, hépatique, un hémogramme et, selon le contexte, une hémoglobine glycosylée. Évaluation de la sévérité La sévérité clinique objective du psoriasis peut être «intuitive» mais aussi se fonder sur des échelles de gravité soit rapides et globales comme la surface corporelle atteinte (BSA) évaluée en pourcentage, ou le PGA (physician global assessment), qui va d un état «blanchi» à «sévère», soit plus complexes et plus précises comme le PASI (psoriasis area severity index), qui tient compte de l érythème, de l infiltration, de la desquamation et de la surface atteinte localisation par localisation, aboutissant à un score global. Il est aussi capital de prendre en compte le retentissement du psoriasis sur la qualité de vie. Celui-ci n est pas toujours proportionnel à la sévérité «objective». Il dépend de nombreux facteurs (localisation des lésions, comme les paumes et les plantes où l atteinte est souvent invalidante, vécu de la maladie, vie personnelle et professionnelle, etc.). Plusieurs échelles de qualité de vie 268 20 février 2010

FIGURE 1 Psoriasis vulgaire des genoux. FIGURE 2 Psoriasis vulgaire. FIGURE 3 Psoriasis du cuir chevelu. FIGURE 4 Onychopathie psoriasique. FIGURE 5 Psoriasis inversé. FIGURE 6 Érythrodermie. ont été proposées, comme le DLQI (dermatology life quality index), échelle non spécifique au psoriasis, mais adaptée aux maladies dermatologiques, qui peut être remplie en 5 minutes par le patient. Traitements Traitements disponibles 1. Traitement local S il n est pas toujours suffisant, il est le plus souvent indispensable. Les dermocorticoïdes constituent le traitement local «de référence» du psoriasis. On utilise des dermocorticoïdes forts de niveau III et IV, en crème, pommade ou lotion selon la localisation et le type de lésion. Leur action est rapide, mais la prescription doit tenir compte des effets secondaires habituels (atrophie cutanée, effet rebond à l arrêt), avec une diminution du rythme des applications progressive en ne faisant pas plus d une application par jour au début. L acide salicylique peut être associé, en tant que kératolytique, sous forme d une galénique grasse pour des lésions épaisses des paumes et des plantes par exemple, ou en lotion pour le cuir chevelu. Récemment a été développé un film bioadhésif renfermant du valérate de bétaméthasone et de l'acide hyaluronique (Betesil), intéressant pour des plaques rebelles localisées, ainsi qu un shampoing au clobetasol (Clobex) pour le psoriasis du cuir chevelu. La vitamine D3 locale a enrichi, depuis les années 1990, l arsenal thérapeutique des topiques. Elle permet de ne plus réaliser d étape préalable de décapage par kératolytiques mais surtout de diminuer les applications de dermocorticoïdes sans avoir les effets secondaires de ceux-ci, et permet un traitement d entretien prolongé. Plusieurs galéniques, pommade, crème ou lotion, sont disponibles selon les spécialités (calcipotriol : Daivonex ; tacalcitol : Apsor ; calcitriol : Silkis). Il peut exister des phénomènes irritatifs discrets, et l effet est moins rapide qu avec les dermocorticoïdes, d où l intérêt de les y associer au début pour 20 février 2010 269

un résultat plus rapide avec moins de phénomènes irritatifs. L association d un dermocorticoïde et de calcipotriol est réunie dans un seul produit, le Daivobet pommade, qui peut être utilisé quotidiennement initialement, puis en alternance avec de la vitamine D seule selon des protocoles variables, adaptés au patient. Les traitements réducteurs à base de goudrons freinent le renouvellement cutané. Ils peuvent être d origine végétale comme l huile de cade (utilisée dans des shampoings ou des préparations pour le cuir chevelu), mais dont l odeur peut être gênante pour les patients. Concernant les goudrons d origine minérale, les goudrons de houille ont été supprimés, et il reste seulement l ichtyol, extrait d un schiste bitumeux pour le cuir chevelu et des plaques épaisses. Un rétinoïde local, le tazarotène (Zorac), a été commercialisé avec des résultats intéressants dans les études cliniques, mais son utilisation pratique est limitée par les phénomènes irritatifs, et il ne doit pas être utilisé au cours de la grossesse. Une bonne hydratation cutanée par des émollients est essentielle en association et en relais de ces traitements spécifiques par son action sur la prolifération épidermique excessive. 2. Photothérapie L action bénéfique du soleil est habituelle chez les malades dont le psoriasis s améliore l été. Toutefois, le caractère affichant des lésions limite les expositions solaires naturelles à la plage. La photothérapie consiste en l irradiation par des rayons UVA précédée de la prise de psoralène photosensibilisant (Puvathérapie) ou par UVB à spectre étroit (TL-01). Ces traitements sont réalisés sous forme de cures d une vingtaine de séances sous le contrôle d un dermatologue qui comptabilise précisément les doses administrées en raison du risque carcinogène cutané. Ce traitement est à éviter chez des sujets de phototype clair et est contreindiqué en cas d antécédent de cancer cutané. Un traitement d entretien ne doit pas être réalisé. 3. Traitements systémiques hors biologiques Il en existe trois types, qui s adressent aux psoriasis cutanés modérés à sévères ou associés à une atteinte rhumatologique. Les rétinoïdes : l acitrétine (Soriatane) est le seul rétinoïde systémique disponible en France dans cette indication. Son effet est progressif. Il est souhaitable de le commencer à petites doses (10 mg/j), en augmentant progressivement selon la tolérance (sécheresse cutanéo-muqueuse induite) et l efficacité. Une indication particulière des rétinoïdes est le psoriasis pustuleux où il est alors préférable d utiliser une forte dose. Son effet tératogène limite sa prescription chez la femme (test de grossesse préalable, contraception pendant le traitement et 2 ans après l arrêt), et ses effets secondaires hépatiques et surtout lipidiques font éviter sa prescription en cas d antécédents cardiovasculaires. Il est utilisé soit seul, intéressant alors à de petites doses en entretien, soit en association avec la photothérapie (Re-PUVA). Le méthotrexate, prescrit depuis longtemps dans le psoriasis, reste d actualité dans les psoriasis sévères et en cas de rhumatisme psoriasique. Il est prescrit per os ou par voie sous-cutanée ou intramusculaire une fois par semaine. Il est associé à la prise de Spéciafoldine les jours sans méthotrexate. Sa prescription impose une contraception (pendant le traitement puis 3 [femme] à 5 mois [homme] après son arrêt). La surveillance de la tolérance est hépatique et hématologique. Un bilan est effectué avant traitement, comprenant également une vérification de la fonction rénale car sa toxicité, en particulier hématologique, est majorée en cas d insuffisance rénale. Sous traitement, la surveillance hépatique et hématologique est réalisée au départ de manière hebdomadaire puis mensuelle. À long terme, la surveillance de la tolérance hépatique et du risque de fibrose fait de moins en moins appel à la ponction-biopsie hépatique, acte invasif non dépourvu de risque, mais plutôt à des tests biologiques (Fibrotest) seuls ou combinés à de nouveaux tests morphologiques en cours d évaluation (Fibroscan). Enfin, la toxicité pulmonaire du méthotrexate peut se voir soit de manière aiguë et précoce dans le cadre d une hypersensibilité imposant l arrêt immédiat et définitif du traitement, soit de manière tardive (fibrose pulmonaire), mais cette toxicité apparaît exceptionnelle au cours du psoriasis, à la différence de l expérience rhumatologique. La ciclosporine (Neoral) a constitué un progrès important dans les années 1990 où elle a été proposée dans des psoriasis sévères résistants aux traitements antérieurs avec une action rapide, souvent spectaculaire. Cependant, au long cours, elle induit une altération de la fonction rénale, pouvant s installer à bas bruit, et une hypertension artérielle inconstamment régressive. Pour cette raison, la ciclosporine est surtout prescrite en cures courtes entre 2,5 et 5 mg/kg/j au maximum (dans tous les cas, éviter plus de deux ans de traitement), chez le sujet jeune normotendu, en l absence de néoplasie préexistante (prudence chez les patients ayant reçu des doses importantes de Puvathérapie) et de facteurs de risque cardiovasculaires. Elle peut être prescrite chez des femmes en âge de procréer même sans contraception. Le contrôle de la tolérance du traitement repose sur la surveillance mensuelle de la fonction rénale et de la tension artérielle. 4. Traitements biologiques La meilleure compréhension de la physiopathologie du psoriasis a permis de développer des molécules ciblées. L arrivée de ces «biothérapies» est l occasion pour les dermatologues de réactualiser la prise en charge du psoriasis avec des arbres décisionnels tenant compte du degré de gravité du psoriasis, de son impact sur la qualité de vie et des comorbidités associées. Les traitements actuellement disponibles en France sont dirigés contre le TNF. L infliximab (Remicade) est un anticorps monoclonal partiellement humanisé anti-tnf administré par voie intraveineuse (semaine 0, 2, 6, puis toutes les 8 semaines). Son efficacité, très importante, apparaît dès la 2 e semaine. Cependant, son effet peut à long terme diminuer du fait de l apparition d anticorps anti-infliximab. L étanercerpt (Enbrel) est une protéine de fusion composée d un récepteur au TNF couplé à un fragment d immunoglobuline G humaine. Il est administré par voie sous-cutanée 1 à 2 fois par 270 20 février 2010

Psoriasis POINTS FORTS À RETENIR Le psoriasis est une dermatose chronique fréquente. Il se caractérise par des lésions érythémato-squameuses bien limitées, siégeant dans des zones évocatrices (coudes, genoux, région lombo-sacrée, cuir chevelu, ongles). Le diagnostic est clinique, ne nécessitant pas d examens complémentaires. Des formes graves (pustuleux, érythrodermie, rhumatisme) ou trompeuses (inversé) existent. Le traitement doit s adapter au type de psoriasis, à l étendue des lésions, à la présence d un rhumatisme éventuel associé et au vécu du patient. L objectif du traitement est d améliorer l état du patient en diminuant au maximum acceptable pour le patient mais ne prétend pas «guérir» le patient. Le traitement est le plus souvent local, mais dans les formes étendues ou résistantes d autres traitements peuvent être utilisés : photothérapie, traitements systémiques classiques et biothérapies. Le choix de ces traitements systémiques doit tenir compte des contre-indications et/ou précautions d emploi de chacun d entre eux et de la nécessité d un suivi clinique et biologique. semaine par cures de 6 mois renouvelables. Son efficacité, bien que très significative, est inférieure à celle de l infliximab, mais il s agit d un traitement plus maniable avec moins d effets secondaires, notamment concernant le risque infectieux. L adalimumab (Humira) est un anticorps monoclonal anti-tnf entièrement d origine humaine, administré par voie sous-cutanée tous les 15 jours en continu et dont l efficacité est proche, bien que légèrement inférieure, à celle de l infliximab. Ces «traitements biologiques» sont classés parmi les médicaments d exception, nécessitant des règles de prescription particulières, avec un respect strict de l AMM, une prescription initiale hospitalière et l utilisation d ordonnances particulières. Les prescripteurs doivent parfaitement connaître leurs modalités d utilisation et leurs possibles effets secondaires. Il faut également tenir compte du coût de ces traitements (1 500 euros par mois en moyenne). Un bilan préthérapeutique comprend un interrogatoire à la recherche d antécédents néoplasiques, d infections récurrentes et/ou chroniques, de neuropathie démyélinisante, d insuffisance cardiaque, et un bilan biologique, notamment à la recherche d une tuberculose, doit être réalisé (http://www.cri-net.com). Sous traitement, il n y a pas de bilan biologique obligatoire de surveillance, mais une surveillance clinique est réalisée en étant vigilant vis-à-vis du risque de potentialisation ou de révélation d infections. Il convient aussi d être vigilant chez les patients ayant reçu beaucoup de photothérapie, en raison d un risque de révélation de cancers cutanés, en début de traitement surtout. D autres traitements ciblés sont actuellement en développement (anti-il12/il23 ustekinumab-, anti-tnf pégylé ). 5. Cures thermales Il n existe pas d évaluation claire du bénéfice des cures thermales dans le psoriasis. Cependant, un certain nombre de patients se disent améliorés et satisfaits par cette approche, cet effet étant certainement d origine plurifactorielle (détente psychologique, ateliers de groupe, éducation aux soins locaux, qualité de l eau thermale?). Il faut souligner que le soleil et la mer améliorent la plupart des patients ayant un psoriasis. Stratégie thérapeutique Le choix du traitement dépend du type et de la gravité de l atteinte et du malade lui-même, les effets secondaires des traitements pouvant limiter leur prescription selon le terrain. Le but du traitement n est pas de «guérir» le psoriasis, mais il faut expliquer au malade qu il est le plus souvent possible de réduire considérablement les lésions et d améliorer ainsi sa qualité de vie. Le message doit être objectif et positif pour qu il comprenne sa maladie et soit impliqué dans sa prise en charge sans s enfermer dans un refus de son corps, ce qui peut être un facteur aggravant du psoriasis. Cette explication est essentielle pour l acceptation du traitement, qui est souvent contraignant pour les patients. Une aide peut être apportée par l organisation de groupes de paroles et d ateliers ciblés sur le vécu de la maladie, en coordination avec des associations de malades et l équipe soignante. 1. Psoriasis peu étendus C est l association de vitamine D locale et de dermocorticoïdes, en abandonnant progressivement ces derniers au profit de la vitamine D et/ou d émollients ou en gardant l association uniquement un ou deux jours par semaine. 2. Psoriasis modéré à sévère En première intention, c est l association de soins locaux (vitamine D3, émollients) et de photothérapie, en particulier UVB TL01. En cas d échec, il faut discuter un traitement général (rétinoïdes, méthotrexate, ciclosporine), à choisir selon le terrain. En cas d échec ou de contre-indication à au moins un traitement systémique et à la photothérapie peut être envisagée l utilisation de traitements biologiques. Pour ceux-ci, on tient compte des antécédents (infectieux, néoplasiques, cardiaques et neurologiques) pouvant contre-indiquer ou limiter leur utilisation. 3. Quelques formes particulières Psoriasis pustuleux : l acitrétine en première intention est indiqué. Érythrodermie psoriasique, psoriasis pustuleux : l hospitalisation est nécessaire, il faut rechercher un facteur aggravant médicamenteux et utiliser un traitement général systémique d action rapide. 20 février 2010 271

Psoriasis des plis et du visage : il faut éviter les dermocorticoïdes, utiliser plutôt le calcitriol et lutter contre la macération. Psoriasis de l enfant : la vitamine D locale est utilisée en priorité. La prudence est de mise avec les dermocorticoïdes à la racine des membres en raison du risque de vergetures. Pour les formes profuses ou résistantes, il faut discuter la photothérapie ou les traitements systémiques. Psoriasis unguéal : certains traitements systémiques (méthotrexate, biothérapies) prescrits pour une atteinte cutanée et/ou articulaire peuvent apporter une amélioration. On peut aussi appliquer des dermocorticoïdes forts et réaliser des injections intramatricielles de corticoïdes retard. Rhumatisme psoriasique : la prise en charge est faite en concertation avec le rhumatologue : méthotrexate et si échec, anti-tnf à discuter. Conclusion L actualité du psoriasis est en pleine expansion, avec la meilleure connaissance de la physiopathologie, le développement de traitements ciblés et la description de comorbidités associées aux psoriasis sévères interférant dans la prise en charge et possiblement dans l activité même de la maladie. Il ne faut pas négliger l accompagnement du patient, les explications de sa maladie et des traitements, le patient devant devenir «acteur de son psoriasis» dans son vécu, sa compréhension et la réalisation du traitement. Activité d expertise, interventions orales et investigateur dans essais cliniques pour les laboratoires Wyeth, Abbott, Janssen. Qu est-ce qui peut tomber à l examen? Savoir, face à un cas clinique de patient présentant un psoriasis : argumenter les critères cliniques permettant le diagnostic (type des lésions, siège évocateur ) ; identifier les facteurs pouvant avoir déclenché une poussée ou aggravant le psoriasis ; hiérarchiser les traitements possibles selon le type et la gravité des lésions ; rédiger une ordonnance de prescription d un traitement local ; citer les principales contre-indications, précautions d emploi et modalités de suivi des traitements systémiques classiques (méthotrexate, acitrétine, ciclosporine) et biothérapies (anti-tnf). POUR EN SAVOIR Heaulme M, Calvet F, Michel R. Grandes squames et... peau rouge. Psoriasis. Rev Prat Med Gen 2009;23(832):820. Girard C. Traiter le psoriasis en 2008. Rev Prat Med Gen 2008;22(808):858-60. Pathirana D, Olmeraod AD, Saiag P, et al. European S3 guidelines on the systemic traitement of psoriasis vulgaris. J Eur Acad Dermatol 2009;23;S2:5-70. La ponction du genou Une vidéo de revue praticien 272 20 février 2010