Valeurs et émotions. La relation éthique à autrui



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Transcription:

03/12/2013 PIANTONI Pauline L2 Santé, Société, Humanité Relecteur 4 Pr Pierre LE COZ 10 pages SANTE, SOCIETE, HUMANITE - Valeurs et émotions. La relation éthique à autrui Valeurs et émotions. La relation éthique à autrui Plan A. Le contexte historique et l'émergence des principes éthiques I. Les 4 principes éthiques B. L'influence des émotions dans nos jugement moraux I. La compassion II. La crainte III. L'indignation C. Formaliser les dilemmes moraux I. Exemple dans le domaine de la bioéthique II. Exemple du suicide D. Organiser la discussion I. Modèle de résolution de nos dilemmes moraux pierrre.le-coz@univ-amu.fr A- Le contexte historique et l'émergence des principes éthiques Comment les grands principes de l'éthique ont été élaborés dans les années 70 aux États-Unis? Avec l'établissement du code de Nuremberg en 1947, on pensait que les choses étaient cadrés mais en fait pas du tout. En 1972, on découvre qu'une étude est menée, depuis 40ans, sur des populations noires (des pauvres, des afroaméricains) dans l'état de l Alabama. On a découvert la pénicilline et 15 ans après on a mis au point l'antibiothérapie qui est très très efficace. Les médecins se réjouissent d'avoir un traitement efficace (notamment contre la syphilis) sauf qu'on décide de continuer à observer ce qu'est la syphilis sur des patients privés délibérément de pénicilline (le nom de la maladie dont ils sont atteints leur est caché) on fait appel à des intermédiaires (eux mêmes issues de populations afro-américaines). A partir de la découverte de cet étude contraire à l éthique, on commence à «se mettre autour de la table» pour poser les principes de l'éthique médicale qui sont d'abord posés dans le cadre de la recherche. Une philosophe, Anna Arendt a écrit en 1961, un livre «Eichmann à Jérusalem» : Elle a observé un criminel nazi qui a envoyé des milliers de personnes en camps de concentration et elle observe que contrairement à ce qu'on pouvait croire cet homme n'est pas méchant, cruel, sadique, pervers c'est juste un bon bureaucrate qui obéit à Hitler sans état d âme. 1/10

=> le mal/ la cruauté humaine n'a pas besoin de mobile abjecte, il suffit d'être obéissant, sans état d âme, d'être sans pitié, de ne pas se poser de questions «L'ennui avec Eichmann, c'est précisément qu'il y en avait beaucoup qui lui ressemblaient et qui n'étaient ni pervers, ni sadiques, qui étaient, et sont encore, effroyablement normaux.» D'ailleurs Eichmann dit qu'il n'a rien contre les juifs, qu'il obéissait juste aux ordres et se contentait de savoir si les trains étaient arrivés à l'heure. Anna Arendt est célèbre pour avoir conceptualisé ce phénomène en parlant de la banalité du mal. Finalement ce qui est dangereux c'est la banalité, c'est les chiffres, les statistiques. Si on en revient aux médecins d'alabama, on constate qu'en fait ils sont dans une routine depuis des années et n'éveillent plus aucune émotion car ce qu'il manque à Eichmann ou à ces médecins qui regardent ces populations noires dépérir c'est des émotions en particulier l'indignation et la compassion. Sans l'indignation et la compassion on est dans une sorte d'anesthésie du cœur! Il faut faire attention à ses comportements car nous en tant qu'étudiants on peut s'habituer à voir des choses indignes (et qui nous choque!) qui peu à peu nous sembleront normales comme le fait de voir un patient dénudé sur un brancard dans un couloir d hôpital. Attention à la banalité du mal!!! Il faut garder le pouvoir de s'indigner et le pouvoir de la compassion sur laquelle toutes les religions attirent notre attention. I- Les 4 principes éthiques Le principe d'autonomie le principe de bienfaisance le principe de non malfaisance le principe de justice Historiquement, ils apparaissent à la fin des années 70 après la découverte de cette étude en Alabama, cette étude de la honte qui est une vraie crise sanitaire. D'ailleurs le président Clinton présentera ses excuses au peuple noir pour le racisme et l'affront odieux qui leur a été fait avec ces études. Cette étude était intéressante sur le plan épidémiologique mais non éthique. a- Le principe d'autonomie s'engager à faire participer autrui au processus décisionnel se concrétise par la loyauté Le patient a le droit d'être informé. On doit dire franchement au patient par exemple qu'il entre dans des essais cliniques et qu'il risque d'avoir des désagréments avant de recueillir son consentement. Dans un prochain cours (sur la mort) on se posera la question si le principe d'autonomie peut aussi valoir quand on est mort, sur le devenir de son corps (par exemple si je veux être exposé dans un musée, ai-je le droit de mettre mon cadavre dans une salle d'exposition?) Jusqu'où peut-on respecter l'autonomie? 2/10

b- Le principe de bienfaisance accomplir au profit d'autrui un bien qu'il puisse reconnaître en tant que tel La notion de bien est relative suivant les personnes. Exemple du refus d'héritage de Ludwig Wittgenstein, car il considère l'héritage de son père qui a fait fortune dans la métallurgie, comme un poids et trop de responsabilités qui l'empêcheraient d'inventer sa vie. On se rappellera qu'il faut toujours se demander, quel est le bien selon le patient? Quoi de plus redoutable que quelqu'un qui sait ce qui est bon pour nous? C'est redoutable de se faire imposer le bien. c- Le principe de non malfaisance épargner à autrui des préjudices ou des souffrances qui ne feraient pas sens pour lui Permet d'éviter «l'escalade thérapeutique», l'obstination déraisonnable Comment expliquer que ce principe ne soit pas toujours appliqué? La crainte d'être accusé de commettre une euthanasie, la protection personnelle (Rappel : en France l'euthanasie passive est autorisée) L'habitude : on s aligne sur ce que les générations antérieures faisaient Problème psychologique : quand on est dans une chambre, prendre la décision d'arrêter la ventilation est une décision qui n'est pas anodine c'est une épreuve intérieure et psychologiquement il y a des résistances Les personnes revendiquent l'euthanasie car elles ont peur de l'obstination déraisonnable. d- Le principe de justice traiter à égalité toutes les personnes (égalité) partager entre tous les ressources disponible (équité) Exemple : tous les enfants doivent être accueillis à l'école même s'ils sont handicapés. Le principe de justice ne concerne pas seulement le médecin mais aussi le citoyen. Tout le monde doit avoir accès à la santé, etc. B- L'influence des émotions dans nos jugements moraux Le mot émotion veut dire motricité. L'émotion est une énergie affective qui nous permet de mettre en œuvre les valeurs auxquelles nous sommes attachés. Sans les émotions il n'y a pas d'éthique car les émotions sont révélatrices de nos valeurs. Les émotion ressenties nous font prendre conscience de l'attachement à certaines valeurs. David Hume : l'orateur outré David Hume, un philosophe en 1839 nous donne un exemple. Un orateur décrit un crime abjecte, il s'emporte et Hume dit, imaginons que nous n'ayons pas d'émotions : «Si vous ne sentez ni indignation ni compassion à la vue de ce tableau, en vain lui demanderiez-vous en quoi consiste le crime ou la scélératesse contre laquelle il s élève avec tant de véhémence.» 3/10

L'orateur noircit le tableau et transmet son émotion mais en soit cet acte est indifférent. Une femme qui tue son enfant, c'est triste mais ce ne sont que des faits divers et il y en aura toujours, en faire un titre de journal c'est «abuser», c'est de la complaisance morbide. La complaisance morbide est une sorte de jubilation secrète, une fausse compassion, on a besoin du malheur des autres pour se sentir mieux... Hume nous dit que ce ne sont que des faits objectifs, un homme en a tué un autre... c'est nous qui allons colorer moralement l'événement. Avec notre compassion et notre indignation nous allons dire, c'est mal ou c'est bien. => Si on supprime les émotions les événements deviennent tous objectivement neutres, indifférents. Les émotions sont des messages : tu es indigné donc tu es attaché à la valeur de la dignité de la personne. => Hume nous fait prendre conscience des émotions dans notre jugement de valeur. L'influence du visage : E. Levinas Levinas a découvert que le visage influençait nos attitudes éthiques envers autrui. Tuez un millions de personne est peut être plus simple que de tuer quelqu'un en face à face. Tant que ce sont des numéros sur une liste ça va, on peut bombarder un peuple mais on ne voit pas les visages. Devant un visage on est responsable. «Devant le visage je ne reste pas simplement là à le contempler, je lui réponds. Le dire est une manière de saluer autrui, mais saluer autrui, c'est déjà répondre de lui. Il est difficile de se taire en présence de quelqu'un.» Il y a une force, une puissance du visage qui fait qu'elle inhibe la violence. Nous acceptons les interruptions de grossesses même tardives car nous ne voyons pas le visage du fœtus, pas de son, pas de toucher avec le fœtus... alors qu'une fois né c'est beaucoup plus difficile car on voit sur son visage, «l'interdit de tuer» Même celui qui n'a pas lu la bible sait l'interdit de tuer pourvu qu'il a déjà levé les yeux sur son visage. Certains patients se plaignent que les médecins ne leur disent pas bonjour mais ce n'est pas forcément évident car regarder quelqu'un dans les yeux qui est «défiguré» nous renvoie à nous-même un sentiment d'angoisse. Il est difficile de rencontrer vraiment un visage car il nous fait ressentir des émotions. Il est également difficile de se taire et c'est pour cela que quelques fois on dit n'importe quoi. Par exemple, on se sent obligé de dire bonne année même à un mourant. Levinas a aussi découvert que le visage n'est pas la face, c'est-à-dire que ce n'est pas la sommation d'éléments empirique (nez+ menton+bouche ) mais c'est une présence : «C'est lorsque vous voyez un nez, des yeux, un front, un menton et que vous pouvez les décrire, que vous vous tournez vers autrui comme vers un objet. La meilleure manière de rencontrer autrui, c'est de ne même pas remarquer la couleur de ses yeux» - Cette phrase marque la vocation du médecin au regard de ses patients «la réciproque c'est son affaire» 4/10

- Selon lui l'hospitalité est inconditionnelle, «ne me remercie pas c'est son affaire», nécessite un haut degré de sainteté (je n'ai pas de compte à demander au patient même pas un comportement de bonne volonté). On ne va pas attendre que les hommes soient raisonnables donc on doit les accepter tels qu'il sont. On reconnaît les accents de la philosophie déontologiste du devoir. I. La compassion On est affecté dans la compassion mais imaginons un médecin qui pleure à côté du malade Ce n'est pas forcément ce qu'attend le patient. Il faut que le médecin soit à coté de la rive pour pouvoir lui tendre la perche, il ne faut pas qu'il soit engloutit avec le patient en détresse car il ne sera plus efficace. Il y a une différence à faire entre compassion et contagion. Contagion = mécanisme d'identification à autrui alors que la vraie compassion est la participation à la souffrance d'autrui mais sa souffrance n'est pas la nôtre. Exemple : quelqu'un qui se noie est très angoissé, nous sur la berge on est compatissant, on est angoissé mais ressentons-nous l'angoisse mortelle qu'il ressent? Pour pouvoir lui venir en aide il faudrait ne pas pouvoir ressentir une angoisse aussi élevée que la sienne. La compassion est très reliée à la religion donc on peut préférer l'empathie à la compassion. II- La crainte L'anticipation d'un mal possible Exemple : quelqu'un qui rate la première marche de l'escalier mais se rattrape, en principe il a soudainement un sentiment de crainte qui le fait être plus attentif, il est peu probable qu'il retombe. La crainte de l'accident intervient dans la vigilance. La prudence, la vigilance ne se décide pas, on a besoin de ressentir de la crainte, un fond d'appréhension, plutôt que de la peur qui peut être handicapante, paralysante, elle peut inspirer des comportements qui ne sont pas très adaptés à la situation. La peur est l'appréhention d'un danger imminent. La crainte est une anticipation et c'est l'anticipation des scénarios catastrophes qui nous permet de les éviter. La joie ne nous permet pas d'être vigilant. Le psychiatre Dizanguer parle d'une mélancolique qui avait proposé à son mari une expédition, ils partent, le train déraille et le mari meurt. Elle va voir le psychiatre et lui confie sa mélancolie, «si je n'avais pas proposer, si...» Elle se reproche de ne pas avoir été assez vigilante, de ne pas avoir éprouvé de la crainte. => Culpabilité qui est l'illusion rétrospective, on sait après coup mais on ne pouvait pas savoir, c'était impossible on projette ce que l'on sait maintenant sur le passé. => On ne peut pas décider d'avoir une crainte. => La crainte nous rend service, elle protège le malade. III- L'indignation C'est la perception d'une atteinte à la dignité qui nous révèle la valeur que nous accordons au principe de justice A. CAMUS : «L'indignation sera de tous les temps.» L'indignation est une colère éthique. 5/10

En résumé: Les émotions qui nous révèlent la valeur des principes éthiques : - le respect => principe d'autonomie - la compassion => principe de bienfaisance - la crainte => principe de non malfaisance - l'indignation => principe de justice C- Formaliser les dilemmes moraux Nous avons identifié les principes et les émotions maintenant nous allons nous intéresser aux situations au cours desquelles les principes vont entrer en contradiction. I- Exemples dans le domaine de la bioéthique Exemple de l'implantation posthume de l'embryon : Une femme veuve voulait être implantée avec les spermatozoïdes de son mari décédé. Celui-ci avait congelé des spermatozoïdes dans l'espoir éventuel d'une guérison suite à son cancer des testicules dont le traitement thérapeutique risquait de le rendre stérile. Malheureusement, l'homme est décédé mais sa femme réclame d'être implantée pour que : «l'amour puisse être plus fort que la mort» Le principe de bienfaisance plaide en faveur de la femme par compassion pour le drame qu'elle a vécu. Mais problème d'autonomie, de participation du mari à la décision. Problème de malfaisance pour l'enfant qui sera privé sciemment d'un père et qui pourra entraîner des souffrances psychologiques qui n'ont pas de sens pour lui. => Dilemme éthique La femme est en deuil, a-t-elle une décision complètement libre? Pression des beaux parents qui aimeraient bien avoir un enfant de leur fils décédé? Culpabilité de détruire les embryons? N'est-on-pas malfaisant en l'enfermant dans son passé alors que peut-être on pourrait l'aider à tourner la page et à se tourner vers l'avenir? Le principe de justice nous donne aussi des arguments. La femme va devoir aller travailler, qui va s'occuper de l'enfant? La société engage-t-elle sa responsabilité? Doit-on l'aider pour la prise en charge, des frais de garde, des nouvelles souffrances qu'on va créer (consultation chez un psychiatre pour l'enfant)? => Il n'y a pas de réponse scientifique en éthique on ne peut rien démontrer de façon rationnelle, on ne peut pas se mettre d'accord. Certains vont éprouver de la compassion pour la mère et certains de la crainte pour l'enfant. Exemple : Concevoir un enfant conçu par un autre couple («accueil d'embryon»)? Lorsque les couples conservent des embryons alors que le projet parental n'existe plus (qu'il soit réalisé ou abandonné), ils ont le choix entre l'arrêt de conservation, le don à la recherche, ou le don de ces embryons à un autre couple stérile (accueil d'embryons). Théoriquement c'est généreux pour le couple mais si on y réfléchit, en réalité, si on les donne on se 6/10

retrouve avec des enfants «dans la nature» qui vont peut-être avoir à un moment donné le désir de connaître leurs origines ce qui entraîne un engagement important. S'il y avait une levée de l'anonymat des donneurs gamètes il y aurait probablement une levée de l'anonymat des donneurs d'embryons en même temps. Parfois les parents vont voir l'équipe pour savoir si le transfert d'embryon sur l'autre couple a marché. En réalité ils ont juste envie d'entendre que ça n'a pas marché... Dilemme éthique? Permettre à une femme stérile de porter un enfant? Mais non malfaisance pour le couple donneur? Conflit de valeur? Dilemme soulevée par la transplantation d'organes : Compassion pour les familles éplorées Devoir de solidarité Dans la discussion on amène petit à petit la famille à reconnaître qu'il aurait voulu donner ses organes même s'il ne s'est pas prononcé mais ne pas les laisser faire leur deuil est finalement un problème éthique. 70% des personnes donnent leur organes Principe de justice versus principe d'autonomie : slogan «pour sauver des vies il faut l'avoir dit» Est-on vraiment libre de dire non? celui qui ne veut pas donner, sauver des vies, est-il un criminel indirect? On peut préférer des slogans du type : «pour ou contre, je me prononce» II- Exemple du suicide Cas d'un chômeur qui s'est immolé à Nantes : Imaginons que cet homme soit sauvé, il sera donc un grand brûlé. Doit on sauver un suicidaire? Respect de l'autonomie? Compassion? (c'est un acte de détresse, redonnons lui vie, venons lui en aide) Principe de non malfaisance? Crainte de nuire? (imposer une vie à celui qui n'en veut pas) Si les valeurs auxquelles nous tenons nous inclinent vers des décisions contraires nous ressentons de l'angoisse. L'angoisse nous révèle un conflit entre des valeurs. L'angoisse est un système d'alarme. C'est l'indicateur d'un processus de révision émotionnelle. Le message de l'angoisse est «il faut gagner du temps» Exemple du soignant : Il se retire dans le couloir et réfléchit, il n'y a aucune situation favorable dans l'immédiat, il faut gagner du temps. Exemple celui qui se noie : Il nous angoisse avec sa noyade. D'un côté nous avons de la compassion et nous voulons plonger pour venir à son secours mais cette compassion est révisée par la crainte qui nous dit que nous sommes attachés à notre vie et que nos proches seront très tristes si on décède car cet homme a l'air assez corpulent, il est dans un état de panique et donc peut nous noyer que faut-il faire? Dans la vie clinique, il y a des moments où on se retrouve confronté à des situations comme celle-ci, 7/10

notamment dans les situations d'euthanasie ou de réanimation. Dans les révisions émotionnelles, l'angoisse est bénéfique à la décision si elle est d'intensité faible c'est pourquoi il vaudrait mieux parler de fond d'angoisse car si elle est trop envahissante elle va entraîner de l'agressivité ou m'inviter à fuir. Exemple : Les examens sont mauvais, le médecin doit annoncer une mauvaise nouvelle. La compassion va faire qu'il ne va pas tout dire. La compassion incline à édulcorer, éviter certains termes... On chemine progressivement vers la vérité mais on ne va pas la catapulter directement => mensonge par omission! Mais le danger de la compassion est qu'elle dicte de ne pas dire mais le patient va être désinformé et nourrir de faux espoirs, risques d'aller sur internet (de s'affoler), de revenir => crainte de perdre la confiance du patient (il vaut mieux qu'il l'apprenne par moi plutôt que par internet par exemple) L'angoisse révèle ce conflit, si elle est trop vive elle se traduit par des comportements parfois agressifs (explique pourquoi certains médecins sont agressifs car les patients les angoisses) «Vous avez un cancer des poumons : on vous avait pourtant dit d'arrêter de fumer», «Pourquoi vous n'êtes pas venu avant?» «Si seulement vous aviez fait le dépistage plus tôt» Si l'angoisse est supportable (fond d'angoisse) on va vers la troisième voie la réflexion éthique. Par exemple, je vais prendre l'avis de mes pairs... Quel rapport à l'angoisse? Pour les stoïciens: «s'abstenir et supporter» Sénèque, philosophe stoïcien disait «la vie n'est pas faite pour les âmes délicates» Les compromis sont généralement les meilleures solutions Il faut toujours un mot «humain», éviter trop de compassion relationnel et trop de loyauté mais toujours garder de l'espoir. En politique il faut souvent trancher mais en éthique il est bon de faire des compromis. Exemple de la fin de vie : La compassion : fait que j'augmente les doses d'antalgiques pour que la personne ne souffre pas mais entraîne un fond sédatif qui peut accélérer la mort. Cette situation va entraîner de la crainte qui engendre une angoisse Obstination déraisonnable Sédation Euthanasie 8/10

D- Organiser la discussion SANTE, SOCIETE, HUMANITE - Valeurs et émotions. La relation éthique à autrui 4 principes éthiques, comment les hiérarchiser? I- Modèle de résolution de nos dilemmes moraux 2 manières de raisonner : Kant a- L'argumentation déontologiste (égalitarisme) le repère fondamental est le devoir de respecter la dignité de chaque personne. Kant considère que le mensonge est une atteinte à la dignité de la personne. Exemple de la prostitution : pour les disciples de Kant, il faut l'abolir car il y a une instrumentalisation du corps donc une atteinte de la dignité. Jonas dit «nous devons agir», «il nous faut répondre à la lumière d'une image valable de l'homme et pas seulement de celle en vigueur en ce moment» Mais il y a un dilemme : certains médecins ne sont pas favorables à l'interdiction de la prostitution car ils craignent que les prostituées se cachent et que les problèmes infectieux et sanitaires ne puissent pas être traités. On gagne toujours à avoir de la visibilité. b- L argumentation utilitariste John Stuart Mill «Le plus grand bonheur du plus grand nombre» «L'idéal utilitariste n'est pas le plus grand bonheur de l'agent lui même, mais la plus grande somme de bonheur totalisé» Pour les mères porteuses, pour la prostitution de temps en temps, ça se passe mal mais le résultat est quand même un plus grand bonheur en totalité. Mon idéal n'est pas le bonheur de tous mais la plus grande somme de bonheur totalisé!! Deux types d'utilitarisme : de l'acte et de la règle Si quelqu'un se noie l'utilitariste de l'acte dira : est-ce que cet homme était méchant? = éthique contextuelle ou éthique du «cas par cas». Un utilitariste de la règle pourrait dire, il est mieux de sauver cet homme même s'il est méchant car si on commence à réfléchir à ne sauver que les hommes «bons», il s'en suivra des effets pervers pour la société. En calculant à plus long terme il vaut mieux sauver la personne. Exemple : fait d'actualité, le bijoutier qui à tuer son cambrioleur : L'utilitariste de l'acte dira la suppression de se cambrioleur s'est traduit par un bien collectif. Alors que l'utilitariste de règle dira en calculant bien si on commence à dire que quand on est agressé on peut tuer son cambrioleur il y aurait des effets pervers. 9/10

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