Quelques aspects de l intégration du premier prototype de ligne d ANTARES



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Transcription:

Quelques aspects de l intégration du premier prototype de ligne d ANTARES Stage expérimental, MIP deuxième année Cédric Roux Laboratoire d accueil : Centre de Physique des Particules de Marseille 163, avenue de Luminy Case 907 13288 Marseille cedex 09 Responsable : Fabrice Feinstein CPPM, CNRS/IN2P3 - Univ. Méditerranée, Marseille - France 1 er Juillet 2002-26 Juillet 2002

Remerciements Je tiens à remercier tout particulièrement M. Elie Aslanidès, directeur du CPPM, pour son accueil aussi bien pour ce stage expérimental que pour mes deux TIPE en classes préparatoires. Un grand merci également à Fabrice Feinstein, qui a eu le courage de relire ce rapport de nombreuses fois et pour sa gentillesse, sa patience et sa pédagogie! Et enfin, merci à toute l équipe d ANTARES qui m a reçu les bras ouverts et qui m a beaucoup appris durant ce mois de stage.

Table des matières Introduction 1 1 Le projet ANTARES 2 1.1 Présentation................................... 2 1.2 Principe de détection.............................. 3 1.3 Le détecteur................................... 4 2 L Analogue Ring Sampler 5 2.1 Présentation................................... 5 2.2 Gabarit de discrimination........................... 6 2.3 Les deux modes de traitement du signal................... 6 3 Mesure du bruit électronique 8 3.1 Importance de la mesure du bruit....................... 8 3.2 Dispositif expérimental............................. 9 3.3 Problèmes rencontrés.............................. 9 3.4 Profils obtenus................................. 10 3.5 Histogrammes réalisés............................. 10 3.6 Conclusion.................................... 11 4 Autres contributions apportées au projet ANTARES 11 4.1 LED Beacon................................... 11 4.2 Mission sur le site................................ 12 Conclusion 15 Bibliographie 16

Introduction J ai réalisé mon stage expérimental de fin de première année du MIP au mois de juillet au Centre de Physique des Particules de Marseille (CPPM). J ai connu le CPPM grâce à une conférence donnée au Lycée Thiers en janvier 1999 par Messieurs David Calvet et Stéphane Basa. J y ai réalisé deux T.I.P.E. en classes préparatoires, l un à connotation expérimentale, intitulé "Le Projet ANTARES - Evaluation des pertes le long d une fibre optique", l autre, plus théorique, "Analogies entre oscillations de neutrinos et oscillateurs mécaniques couplés". Le CPPM est un laboratoire du CNRS, comptant une centaine de personnes (12 chercheurs, 24 enseignants-chercheurs, 65 IATOS/ITA, et en moyenne 13 doctorants) réparties en six grands thèmes de recherche : ALEPH, H1, D0, ATLAS, LHCb et ANTARES. C est un laboratoire expérimental où ingénieurs, techniciens et chercheurs travaillent ensemble au quotidien, et interdisciplinaire : mécanique, électronique, informatique, physique des particules. Ce stage s inscrit dans la phase d intégration de la première ligne du détecteur : calibrations diverses sur un banc de test au CPPM. Après avoir présenté le projet ANTARES et le chip Analogue Ring Sampler (ARS), je décrirai mes résultats concernant la mesure du bruit électronique, ainsi que divers aspects des contributions que j ai apportées à l expérience. 1

1 Le projet ANTARES 1.1 Présentation Le projet ANTARES (Astronomy with a N eutrino T elescope and Abyss environmental RES earch) vise à construire un détecteur sous-marin de neutrinos de haute énergie au large de Toulon, à 40 km de la côte et à 2400 m de profondeur. Fig. 1 Le site d ANTARES. L astronomie neutrino permettra d ouvrir une nouvelle fenêtre d observation de l univers complémentaire des observations faites avec des photons. Les neutrinos ne sont sensibles qu à l interaction nucléaire faible, ils interagissent de ce fait très peu avec la matière, et peuvent s échapper de régions très denses et très lointaines comme le cœur des étoiles et parvenir jusqu à nous. De plus, ils sont neutres (donc pas déviés par les champs magnétiques) et stables (ils ne se désintègrent pas en cours de route). Toutes ces caractéristiques en font une particule très intéressante pour sonder l univers lointain. Ces propriétés impliquent cependant certaines difficultés pour les étudier, d où la nécessité de construire un détecteur de grandes dimensions. Les objectifs du projet ANTARES sont multiples[1] : l astronomie et l astrophysique de sources lointaines Des neutrinos de haute énergie seraient produits au cœur des pulsars, des restes de supernovae et noyaux actifs de galaxie, ou lors de sursauts gamma. l observation de l oscillation des neutrinos Les neutrinos, s ils ont une masse non nulle, peuvent changer de saveur : un neutrino électronique peut au cours de sa propagation se transformer en neutrino muonique ou en neutrino tauique 1. Dans l atmosphère, l interaction des rayons cosmiques produit des neutrinos électroniques et muoniques. Observer le rapport de ces deux saveurs détectées dans ANTARES permettrait, comme l a fait 1 Dans le cadre d un TIPE, j avais montré qu il existait une belle analogie entre oscillations de neutrinos et oscillateurs mécaniques couplés. 2

récemment l expérience KEK dans le cadre de Super Kamiokande, de déterminer si les neutrinos oscillent et donc, si ils sont massifs[2]. la recherche de matière noire L énigme de la masse manquante de l univers pourrait être en partie résolue par la présence de neutralinos au centre de corps massifs comme la Terre ou le Soleil. Ces particules pourraient s annihiler entre elles (le neutralino est sa propre anti-particule), donnant ainsi naissance à des neutrinos. La détection de neutrinos provenant du centre de la Terre par ANTARES serait une preuve de leur existence.. 1.2 Principe de détection Le neutrino n étant pas une particule chargée, il est impossible de l observer directement. Il faut donc trouver une méthode indirecte d observation. Le neutrino a une probabilité d interaction très faible. Il peut toutefois interagir avec la matière et donner un lepton chargé (ν i i ou ν i i +,où i est un électron, un muon ou un tau). Si ce lepton chargé a une vitesse supérieure à la vitesse de la lumière dans l eau c/n (où c = 3.10 8 m.s 1 et n est l indice de l eau), il émet un rayonnement lumineux, dit Tcherenkov, qui se propage selon un cône d angle au sommet θ tel que cosθ = 1/βn, ne dépendant que de l indice du milieu dans lequel on se trouve. Dans l eau de mer, θ 43. Dans tout ce qui suit, on prendra β = 1. L angle entre les trajectoires du neutrino incident et du lepton émergent est inférieur à 1 à haute énergie (>TeV). La détection de cette lumière permet de reconstituer les trajectoires du lepton et du neutrino et ainsi de déterminer dans quelle direction de l espace le neutrino détecté a été produit (cf. Figure 2). On ne s intéresse en réalité qu aux neutrinos de type muonique (et par conséquent qu à la lumière Tcherenkov émise par des muons), car : toute particule accélérée rayonne et perd de l énergie en interagissant avec le milieu environnant. La longueur de radiation, notée X 0 est une grandeur caractérisant la perte d énergie par rayonnement. Elle est peu dépendante de l énergie pour un électron et vaut 36 cm dans l eau et 14 cm dans la roche terrestre. Autrement dit, si un électron est créé par interaction d un neutrino électronique dans la roche sous le détecteur ou dans l eau de mer, il aura perdu presque toute son énergie au bout de quelques dizaines de centimètres[3]. Pour que la lumière Tcherenkov émise par un électron soit détectable, il faut donc que cet électron ait été créé à moins de quelques cm des modules optiques, ce qui exclut en particulier toutes les interactions de neutrinos électroniques avec la roche terrestre sous le détecteur, et empêche les électrons de bénéficier de cette immense zone de conversion. Pour les muons en revanche, le parcours augmente avec l énergie et vaut par exemple 2.4 km dans l eau à 1 TeV[4]. Les muons bénéficient donc d une zone de conversion "efficace" bien plus grande, et émettent un rayonnement Tcherenkov sur plusieurs km. les τ se désintègrent spontanément avec une période T = 300 fs. Leur parcours typique vaut γct = E ct où E est l énergie du τ, et mc 2 = 1.8 GeV son énergie m c 2 de masse. A 1 TeV, ce parcours vaut seulement 5 cm! Pour les muons, m c 2 = 106 MeV et T = 2.2 µs, d où une longueur typique d extinction de 60 km à 1 TeV. La désintégration des muons est donc négligeable. La pureté de l eau fait que la lumière émise est très peu atténuée et diffusée, on a donc la 3

possibilité de faire un détecteur de grandes dimensions, avec peu de capteurs très espacés. C est un avantage significatif d ANTARES par rapport à d autres expériences similaires, comme Baïkal par exemple qui doit tenir compte du nombre important d impuretés au fond du lac Baïkal en Russie, ou comme AMANDA qui doit tenir compte de la grande diffusion de la lumière par la glace du pôle Sud. Fig. 2 Le principe de la détection. Au fond de la mer, on peut distinguer : les particules descendantes : ce sont celles qui arrivent d "en haut", c est-àdire qui ont traversé une grande quantité d eau. La mer sert de filtre pour bloquer la majorité de ces particules susceptibles de perturber la détection, notamment les muons descendants, présents au nombre de 10 2 muons.cm 2.s 1 à la surface, contre seulement 10 7 muons.cm 2.s 1 à 2400 mètres de profondeur[5]. les particules ascendantes : ce sont celles qui ont traversé la Terre et qui arrivent d "en bas". Les seules particules ascendantes sont issues de l interaction d un neutrino avec la roche sous le détecteur ou l eau de mer. Le flux de muons issu d une interaction neutrino atmosphérique / matière est seulement de 10 13 muons.cm 2.s 1, soit un million de fois moindre que le flux de muons descendants. Le détecteur ANTARES devra donc faire la différence entre les muons ascendants produits par l interaction des neutrinos d origine astrophysique et descendants qui résultent pour l essentiel de l interaction du rayonnement cosmique dans l atmosphère, et ce avec une efficacité supérieure à 10 6 (une erreur sur un million tolérée). 1.3 Le détecteur Le détecteur sera constitué d une matrice de 900 photomultiplicateurs répartis sur 10 lignes espacées de 60 mètres, installées sur une surface d environ 0.1 km 2 à 2400 mètres de profondeur (cf Figure 3.). Un module optique est constitué d un photomultiplicateur, de l électronique d alimentation et d une cage en mumétal, tous ces éléments étant installés dans des sphères de verre 4

Fig. 3 Le détecteur ANTARES. résistant à la pression (250 bars). Ils se répartissent par groupe de 3 sur des étages espacés de 12 mètres (il y a 30 étages par ligne) et pointent à 45 sous l horizontale, ce qui optimise la détection de la lumière Tcherenkov produite par les muons ascendants (cf Figure 4.). Fig. 4 Modules optiques. Chaque groupe de 3 modules optiques est connecté à un container cylindrique nommé LCM (Local Control Module) contenant l électronique de traitement du signal et de transmission des données à la côte (cf Figure 5.). 2 L Analogue Ring Sampler 2.1 Présentation La direction et l énergie du neutrino incident sont obtenues à partir des temps d arrivée et de l intensité de la lumière Tcherenkov au niveau des modules optiques. Ces mesures sont réalisées par l Analogue Ring Sampler[6], un circuit intégré conçu afin de traiter les signaux issus des photomultiplicateurs en répondant aux besoins spécifiques d ANTARES. Il réalise 5

Fig. 5 Un LCM sur le banc de test du CPPM. le traitement de ces signaux sous forme analogique puis numérise ces données 2 au moyen de deux ADC (Analogue Digital Converter) 8 bits et d un gestionnaire d événements intégrés, afin qu elles puissent être envoyées sur la côte par câble électro-optique. 2.2 Gabarit de discrimination L ARS se déclenche quand l amplitude de la tension d anode du photomultiplicateur passe un seuil (trigger L0). La première tâche de l ARS consiste à séparer les signaux en deux grands types : Simple Photo Electron (SPE) et forme d onde (WF). Les SPE correspondent aux signaux pour lesquel les temps d arrivée et la charge sont mesurées sans ambiguité. Les WF sont des événements plus complexes qui sont échantillonnés à 1 GHz. Cette discrimination permet de diviser par 40 le flux de données et par conséquent les temps morts de l ARS. Trois critères sont utilisés (cf Fig.6) : l amplitude de l impulsion est plus grande que quelques photo-électrons, le temps passé au-dessus du seuil L0 est plus long que le temps nominal, ou le seuil L0 est franchi plus d une fois durant le temps d intégration de la charge. Si l un au moins de ces critères est vérifié, le signal est traité en mode WF. Dans le cas contraire, il est traité en mode SPE. 2.3 Les deux modes de traitement du signal Mode SPE Le mode SPE concerne la plupart des événements et ne retient que deux informations sur le signal : la charge et l instant d arrivée au passage du seuil de déclenchement L0. Ce traitement rapide ne produit qu une faible quantité de données (48 bits). L ARS contient trois fonctions utilisées lors du traitement de signaux de type SPE : Mesure du temps par rapport à une horloge de référence 2 Le détecteur se situe à 40 km de la côte et la transmission des données sous forme analogique est impossible. Lors de mon TIPE "Evaluation des pertes le long d une fibre optique", j avais mesuré des pertes d environ 11 db soit 0.27 db/km pour des signaux analogiques (typiquement, les pertes maximales acceptées sur une fibre de télécommunication sont de 0.2 db/km). 6

Fig. 6 Le gabarit de discrimination SPE/WaveForm. Etiquetage en temps (Time Stamp) : il a pour but de fournir une information numérique de l instant de passage du trigger L0. Il est en fait le résultat des comptages des périodes de l horloge de référence. Convertisseur temps-tension (TVC) qui est un générateur de rampes basé sur l horloge de référence. Il donne l information du temps de passage du trigger L0 à l intérieur d une période de l horloge de référence. Un intégrateur : Il a pour but de fournir la charge des impulsions présentes sur le signal d anode. Cette mesure doit être précise à 10% près pour corriger la différence de temps de franchissement du seuil L0 ente deux signaux d amplitude différente (cf Fig. 7). Une mémoire Pipeline : Elle permet de libérer en quelques centaines de nanosecondes l intégrateur, le TVC et l étiquetage en temps (sans elle, il y aurait des temps morts de plusieurs microsecondes). On utilise en fait 2 ARS par module optique, qui se passent la main afin de diminuer encore les temps morts. Fig. 7 Nécessité d avoir un intégrateur précis à 10 %. 7

Mode WF Le mode "forme d onde" ou WF concerne les signaux qui ne rentrent pas dans le gabarit de discrimination et qui ne sont par conséquent pas de simples photoélectrons. Ces événements plus rares (environ 1% des événements sont des WF 3 ) sont plus intéressants et ne correspondent pas à une forme calibrée. On désire donc garder plus d informations que simplement la charge et l instant de franchissement du seuil L0, notamment le profil du signal d anode. L ARS réalise alors un échantillonage rapide de ces signaux, et produit une quantité beaucoup plus grande de données (2104 bits) comprenant les mêmes informations que pour le mode SPE (charge et instant de passage du seuil L0), plus la forme d onde (profil) des signaux. 3 Mesure du bruit électronique 3.1 Importance de la mesure du bruit Nous avons vu que la résolution temporelle nécessaire était de 0.5 ns. A cause du bruit électronique, le temps de passage du seuil L0 peut varier. Afin de quantifier l incertitude temporelle due au bruit électronique, considérons l exemple concret d un signal d amplitude 50 mv et de temps de montée 4 ns (cette valeur dépend essentiellement du photomultiplicateur utilisé). Le seuil L0 est fixé au quart du signal, à 12.5 V. Voyons l effet d un bruit d amplitude 5 mv. Fig. 8 Exemple de signal reçu par l ARS. En première approximation, on peut approcher la première partie du signal par une droite, de pente 50/4 = 12.5 mv/ns. L instant de passage du seuil peut donc varier à cause du bruit de : = 0.4 ns. 5 mv 12.5 mv/ns Dans cet exemple, l incertitude électronique est de l ordre de l incertitude intrinsèque pour un bruit d environ 10% du signal. La mesure du bruit est donc nécesaire car pour un signal très bruité, c est l incertitude due au bruit qui devient limitante pour la résolution temporelle du détecteur. 3 0.5% des événements sont des empilements de SPE, 0.5% sont dus à l instrument de mesure : le photomultiplicateur peut créer un photon lorsqu un électron vient heurter une dynode et ainsi donner un signal dont la forme ne sera pas celle d un SPE. 8

3.2 Dispositif expérimental Le montage est constitué de : Un générateur d impulsions électriques ou pulsers. Les impulsions sont envoyées avec une fréquence de 2 Hz. Comme il fallait alimenter 3 ARS, j ai réalisé le montage suivant : Fig. 9 Branchements des pulsers. Un LCM c est-à-dire un container cylindrique contenant trois cartes ARS (avec deux ARS sur chacune des cartes), une alimentation "Power Box" de 48 V qui distribue toutes les tensions nécessaires, et l électronique d acquisition et de transmission des données. Des ordinateurs : un au disque dur très rapide (15000 tr/min) qui enregistre les données, un autre qui nous permet de lancer l acquisition et de voir les profils se dessiner au cours du temps. Les ARS sont réglés de telle manière que tous les signaux reçus soient traités en mode WF. J ai donc enregistré les profils temporels donnés par six ARS en réponse à des impulsions électroniques. 3.3 Problèmes rencontrés J ai été confronté aux problèmes suivants : L ARS a besoin d une impulsion pour être déclenché. Le meilleur moment pour réaliser une mesure du bruit est tout la plage avant l impulsion. Chacun des échantillons du profil temporel donne une mesure de bruit ambiant. J ai voulu retarder le déclenchement le plus possible, afin d avoir le plus grand nombre d échantillons possible avant le signal. Cette modification se fait par software, mais je n ai pas eu assez de temps à y consacrer et le seul essai que j ai réalisé à eu pour but d accélérer le déclenchement de l ARS. J ai donc repris les paramètres initiaux et ai alors décidé de comparer bruit avant et après le signal. J ai réalisé ces mesures quelques jours seulement avant la mise à jour du logiciel d acquisition des données. L ancienne version que j ai utilisée fournissait des données 9

corrompues assez vite donc l acquisition sur une longue durée n était pas possible. La nouvelle version a l air de fonctionner beaucoup mieux. 3.4 Profils obtenus Les formes d onde obtenues sont données en annexe 1. Sur l axe des abscisses, une unité correspond à un canal, soit 1.6 ns. Sur l axe des ordonnées, une unité correspond à 2.9 mv. A première vue, on voit que les ARS pairs et impairs ne sont pas équivalents. L impulsion a une amplitude d environ 25 2.9 = 72.5 mv, et le bruit d environ 2 2.9 6 mv. Ces valeurs justifient l importance de cette mesure, compte tenu des ordres de grandeurs données en 3.1. En regardant bien les profils, on a l impression qu il y a une pente négative sur la ligne de base précédent l impulsion. Or le programme réalisant l histogramme du bruit ne tient pas compte d une éventuelle pente sur la ligne de base. J ai donc réalisé des régressions linéaires sur l intervalle [10,70] et ai obtenu une pente, pouvant être positive ou négative de valeur absolue moyenne d environ 10 3 en unités du profil. Sur 50 canaux, l effet de cette pente est d environ 0.5 bin (un bin étant 2.9 mv), soit une contribution à la largeur de la courbe (σ ou RMS) de 0.5 2 = 0.25, soit 0.25 2.9 = 0.73 mv. J ai négligé cet effet, nous verrons a posteriori que cette hypothèse était justifiée. 3.5 Histogrammes réalisés Après avoir tranformé les données pour pouvoir les traiter sur le logiciel Root, j ai analysé le bruit avant et après l impulsion sur les 6 ARS. Les ARS pairs ne contenaient qu un événement WF exploitable contrairement aux ARS impairs qui eux en comptaient 51. Cette différence entre ARS pairs et impairs n est pas encore bien comprise, mais pourrait s expliquer par le fait que les ARS pairs enregistrent également un autre type d événements dits Counting Rate Monitor : les ARS pairs fabriquent un événement dit CRM à chaque fois que le seuil L0 a été franchi un certain nombre fixe de fois. Ces CRM représentent un taux de comptage instantané de chaque photomultiplicateur. Grâce à un programme en C++ écrit par un stagiaire en DEA au CPPM, Cédric Serfon, j ai tracé les histogrammes du bruit, en me limitant sur l axe des abscisses à la zone [10,70] pour le bruit avant l impulsion, et à la zone [90,120] pour le bruit après l impulsion. Les histogrammes réalisés sont donnés en annexe 2 à 13. Commentaires Les histogrammes ont plus belle allure pour les ARS impairs, car la statistique est bien meilleure (51 événements exploités contre 1 pour les ARS pairs). Pour un même ARS, on obtient une même allure de bruit avant et après l impulsion, ce qui est satisfaisant. On a également des résultats comparables d un ARS à l autre. En fittant par une gaussienne pour avoir la largeur de la distribution, on trouve un RMS (σ) de 1.3 en moyenne pour tous les histogrammes, sauf pour certains cas marginaux, tous dans les ARS pairs. Ces cas peuvent tout à fait s expliquer par un manque de statistiques, et ne sont donc pas représentatifs. Ce RMS de 1.3 justifie a posteriori que l on ait négligé la pente apparente, car son effet dans le RMS n était que de 0.25. Ceci permet également de comprendre 10

pourquoi j ai trouvé des pentes positives, d autres négatives : le bruit est tellement important devant une éventuelle pente que la régression linéaire ne donne pas des résultats satisfaisants. 3.6 Conclusion Nous avons donc une impulsion d amplitude environ 25*2.9 = 72.5 mv, et un bruit d amplitude 1.3*2.9=3.8 mv. Ce bruit est faible, et pour un temps de montée de 4 ns, il 3.8 mv correspond à une incertitude temporelle = 0.2 ns. L incertitude due au 72.5 mv/4 ns bruit reste donc faible devant l incertitude intrisèque à l ARS qui est de 0.4 ns. 4 Autres contributions apportées au projet ANTARES 4.1 LED Beacon Introduction Comme les lignes ne sont pas rigides, la position des modules optiques peut varier au cours du temps à cause des courants marins. Deux techniques complémentaires sont employées afin de localiser précisemment chaque module optique. La première s appuie sur une série d inclinomètres et de compas sur la ligne. Le second système utilise une triangulation acoustique, beaucoup plus précise. Afin de faire un étalonnage temporel sur place, des balises LED (LED Beacon) sont placées sur la ligne, et envoyent des signaux lumineux très réguliers qui sont recueillis par les modules optiques. Grâce à ces trois méthodes, les modules optiques peuvent être positionnés et les temps d arrivée de la lumiètre connus avec la précision nécessaire pour reconstruire la trajectoire des muons 4. Travail réalisé Voici une photo de la LED Beacon : Chacune des six faces contient 5 diodes électroluminescentes bleues émettant des "flashes" de fréquence commandée par logiciel. Un photomultiplicateur est également présent dans le dispositif. Deux ingénieurs électroniciens espagnols V. Roca et D. Real sont venus au CPPM durant la semaine du 15 au 19 juillet, et j ai assisté à leurs tests du LED Beacon. Après avoir "nettoyé" (refait quelques soudures, jeté des plastiques de protections à moitié déchirés) et remonté la balise, nous l avons enfermée dans une poubelle noire (cf Fig.10) entourée de scotch noir (afin que le moins de lumière parasite possible ne vienne toucher le photomultiplicateur du LED Beacon). Nous avons réalisé le montage illustré Fig.11. Le but de la manipulation était de montrer que le signal de trigger fourni par le LCM était compatible avec le LED Beacon. Malheureusement, la lecture des données par les ARS fut impossible à cause d un signal parasite à 300 khz, probablement dû à des transformateurs de tension continue / tension continue sur la carte mère du LED Beacon, et à cause d une grande quantité de bruit. 4 Des mesures ont été réalisées en 1996 avec une ligne de test et ont prouvé la faisabilité du projet, notamment en montrant que les deux premiers systèmes de positionnement fonctionnaient. 11

Fig. 10 LED Beacon. Fig. 11 Montage réalisé. Conclusion Cette manipulation a été très intéressante pour moi car elle m a permis de parler anglais pendant plusieurs jours d affilée. Sur le plan physique expérimentale, j ai aidé à monter l expérience et à analyser les données qui se sont révélées inexploitables à cause de ce signal à 300 khz omniprésent. L avenir de cet aspect du projet est de revoir les transformateurs de courant continu / continu, et d ajouter des filtres afin de minimiser le bruit électronique parasite. 4.2 Mission sur le site ANTARES est avant tout un projet expérimental, et si les départements informatique (reconstruction de la trajectoire) et électronique (tests des LCM) du CPPM ne manquent pas de travail, il ne faut pas oublier que le détecteur est censé être au final sous l eau! J ai eu la chance de pouvoir me rendre à deux reprises à la Seyne-sur-Mer, point de départ des missions ANTARES. Le vendredi 5 juillet, j ai assisté à l arrivée du bateau italien Thétis et participé à l assem- 12

blage d une des lignes de tests qui a été déployée le lundi 8 juillet. Le mardi 9 juillet, j ai passé la journée sur le Thétis. Une ligne de mesure de bruit de fond à été sortie de l eau (cf Fig.12). Malheureusement, pour des raisons encore inconnues, le programme d acquisition n a pas démarré, et la carte mémoire immergée ne contenait pas de données... J ai pris des photos d éléments de cette ligne, voir Fig. 13. Fig. 12 Ligne de mesure du bruit de fond optique. 13

FIG. 13 : Quelques photos. 14

Conclusion Ce stage expérimental m a permis d étudier sur le terrain une manipulation de physique des particules (matière qui reste souvent théorique et un peu abstraite). J ai notamment vu que le travail des physiciens au quotidien n est pas de la physique des particules, mais de l électronique à laquelle viennent se greffer de nouveaux problèmes informatiques jour après jour. De nouvelles versions de tous les programmes utilisés sortent plusieurs fois par mois (la plupart de ces programmes sont réalisés pour les besoins spécifiques d ANTARES), amenant leurs améliorations et leurs nouveaux bugs... Enfin, ce stage représentait l un de mes premiers contacts avec les méthodes de la recherche, et s est avéré très enrichissant. 15

Références [1] : Proposal ANTARES du 31 mai 1999. [2] : Bernard Pire, Masse et oscillations de neutrinos, La Science au Présent 2000. [3] : Physical Review D : Particles and Fields, 1 July 1996, Part I : Review of Particle Physics. Fig. 22.8 : an ESG4 simulation of a 30 GeV electron-induced cascade in iron. [4] : Physical Review D : Particles and Fields, 1 July 1996, Part I : Review of Particle Physics. Table 20.2. [5] : Michel Cribier, Michel Spiro, Daniel Vignaud, La Lumière des neutrinos, Ed. Seuil, 1994. [6] : David Lachartre, Fabrice Feinstein, Nico de Botton, Introduction à l ARS1 - version 1.1, 1999. REF : ANTARES - Elec/1999-001. 16