Serge Férat, Composition à la pipe et au verre, c.1917, gouache sur papier, 33 x 22 cm NAISSA N CE D UN E AVAN T-GARD E DU 11 SEPTEMBRE AU 29 OCTOBRE 2016 19 rue Mazarine 75006 Paris 2 rue des Beaux-Arts 75006 Paris
Benoit Sapiro, directeur de la galerie Le Minotaure et Alain Le Gaillard se joignent pour présenter un ensemble d œuvres de Serge Férat, Léopold Survage et François Angiboult, débutant en 1910, s inscrivant en pleine éclosion du cubisme et menant jusqu aux Mamelles de Tirésias, pièce surréaliste de Guillaume Apollinaire, jouée en 1917. Chez la Baronne d Oettingen ces artistes se réunissent, créent, échangent, redonnent vie aux Soirées de Paris. Nous serons heureux de vous montrer parmi cette sélection certaines œuvres majeures et emblématiques cubistes de Férat, les expériences particulièrement avant-gardistes de Survage, dont un Rythme coloré, la complétude du travail de François Angiboult, sous le pseudonyme duquel se cache tout le mystère de la Baronne d Oettingen. François Angiboult, Le Papillon bleu, c.1916-17, huile sur toile
Paris est au début du XXème siècle la capitale mondiale de toutes les avant-gardes artistiques. L appartement qu occupe en 1913 la baronne Hélène d Oettingen, 229 boulevard Raspail, en est un des haut-lieux. À deux pas de là, au 278, son inséparable complice, le comte Jastrebzoff, ou plus exactement Serge Férat, a installé la rédaction des Soirées de Paris, cette revue bientôt mythique qu ils ont sauvée de la faillite en s en portant acquéreurs. Avec Jean Céruse (ou Cérusse 1 ), pseudonyme qui cache Férat et la baronne, Apollinaire s emploie à en rénover le sommaire. Muse tout autant que mécène, Hélène d Oettingen, née Elena Francezna Miontchinska, est non seulement poète et écrivain, mais peintre, non sans référence à son amant Léopold Survage qu elle loge dans un atelier attenant à son appartement. Léopold Survage, Rythme coloré, 1915, huile sur papier, 20,5 x 26 cm 1 Lire : Ces Russes. «Qui est Jean Céruse?» demandait chacun. M. Guillaume Apollinaire se contentait de répondre avec gravité que, l emploi de la céruse devant être interdit à partir du 1 er janvier prochain il a cru bon de prendre soin que le nom tout au moins, de la céruse, ne disparût pas du langage courant. D où l invention de son co-directeur. Mais personne ne voulut admettre cette explication.», peut-on lire dans Paris-Midi, le 15 novembre 1913, page 2.
Adulée, mystérieuse et crainte, la baronne multiplie le pseudonyme signant Roch Grey ses écrits, Léonard Pieux ses poèmes et François Angiboult ses peintures. Férat, Angiboult et Survage, au centre même du Cubisme, du Futurisme et du Dadaïsme, participent passionnément et financièrement aux actions de leur amis, les meneurs les plus farouches de Montparnasse tels que Picasso, Matisse, Léger, Modigliani, Derain, Archipenko et tant d autres en provenance du monde entier. En 1917, Survage inaugure la première exposition des Soirées de Paris et peint le grand portrait de son amour Hélène 2 tandis que Férat, à la galerie Percier, exprime sa passion pour le cirque et le théâtre. «Comme un conte de fées, comme un poème, comme un rêve», écrira Pierre-Henri Roché, les symphonies en bleu, rose et jaunes des peintures de Férat illuminent le paysage artistique de leur captivante et rigoureuse fraicheur. La galerie présentera une sélection d œuvres cubistes et abstraites entre 1910 et 1930 par ces trois pionniers de l art moderne. Figurera également un ensemble d œuvres réalisées par Serge Férat pour les décors et costumes des Mamelles de Tirésias d Apollinaire, montrée en 1917 et qui fut la première pièce surréaliste du XXe siècle. Serge Férat, Les mamelles de Tirésias, le gendarme, 1916-17, gouache à la tempera, 14,5 x 10 cm 2 Peinture conservée au MNAM, Centre Pompidou à Paris
Léopold Survage, Nature morte au compotier, 1919-22, huile sur toile, 60 x 73 cm
Cette exposition sera accompagnée d un catalogue d exposition, préfacé par Sylvie Buisson, et de la publication des ouvrages suivants : JOURNAL D UNE ÉTRANGÈRE TEXTE INTÉGRAL D HÉLÈNE D OETTINGEN, DITE ROCH GREY INTRODUIT ET ANNOTÉ PAR BARBARA MEAZZI SUIVI DE LETTRES DE SERGE FÉRAT TRADUITES ET ANNOTÉES PAR RÉGIS GAYRAUD En 1931, la poétesse Hélène d Œttingen dite Roch Grey achève la rédaction du manuscrit du Journal d une étrangère, inédit jusqu à aujourd hui, et dont la première rédaction remonterait à 1914-1915. Le Journal, transcrit et annoté par Barbara Meazzi, est organisé en trois parties, plus une quatrième restée à l état de brouillon dactylographié : dans la première, il est question de la mobilisation, à Paris, en août 1914 ; la deuxième partie est une rêverie poétique et littéraire, alors que dans la troisième, la protagoniste commente les récits d un «ami infirmier» ; la dernière partie contient des considérations très sombres et négatives sur Nice et la Côte d Azur. En arrière fond du Journal, la vie d Hélène d Œttingen et de son cousin, le peintre cubiste Serge Férat, pendant la Première Guerre mondiale : c est lui l «ami infirmier» qui avait travaillé à l Hôpital italien à Paris, là où avait été recueilli Guillaume Apollinaire en 1916. La publication du Journal d une étrangère est accompagnée des lettres que Serge Férat adresse à Hélène entre 1914 et 1917. Malgré l éloignement géographique et les différences de condition de vie elle le plus souvent sur la Côte d Azur, lui le plus souvent dans l atmosphère lugubre d un hôpital militaire on lit dans les non-dits, ou au contraire dans l exagération des formules devenues rituelles, la connivence de ceux qui sont davantage qu un couple, et davantage aussi que de simples cousins, deux complices liés depuis longtemps par une destinée commune, des goûts communs, une volonté créatrice commune. Apollinaire, Picasso, Irène Lagut, Survage, Reverdy et Nord-Sud, Les Mamelles de Tirésias, Charchoune et bien d autres personnages apparaissent, dans les lettres. Serge et Hélène ont, peut-être sans en être conscients eux-mêmes, mus sûrement par leur amitié pour Apollinaire, choisi la voie la plus moderne, la plus forte, celle qui mènera au dadaïsme et au surréalisme, lesquels paradoxalement, les engloutiront à leur tour. VAN GOGH, LE DOUANIER ROUSSEAU, APOLLINAIRE, MODIGLIANI TEXTE INTÉGRAL DE ROCH GREY, HÉLÈNE D OETTINGEN, dite ANNOTÉ ET INTRODUIT PAR ISABEL VIOLANTE SOUS LE TITRE DE PHOTOGRAPHIES VERBALES A part le tout premier texte sur Rousseau, les articles ici rassemblés datent d après 1919. Ils portent sur des figures disparues, de façon souvent précoce, souvent brutale. Le témoin se charge de la mémoire des faits auxquels il a assisté et transmet un message pour les générations futures : tel était le titre d une rubrique régulière tenue par Roch Grey dans différentes revues. Les pages qu Hélène d Oettingen accumule sur Apollinaire, Rousseau et Modigliani sont bien, au premier titre, des témoignages directs. On peut y venir attiré par la même curiosité qui conduit aux mémoires de Fernande Olivier, pour prendre une autre figure féminine de cette même époque, dont le joli brin de plume porté par un ami journaliste retrace des souvenirs également de première main ; c est elle qui relate la célèbre formule du Douanier Rousseau s adressant à Picasso «Nous sommes les deux plus grands peintres de notre temps, vous dans le genre égyptien, moi dans le genre moderne» 1. Roch Grey met en scène son approche, son enquête, son regard, se focalise sur le détail, puis embrasse toute l œuvre de van Gogh pour en vérifier le réalisme. L écrivaine est aussi une grande collectionneuse d art contemporain, une amie des artistes, une pionnière du dialogue entre les arts. Tout au long de sa vie elle a écrit sur les artistes qu elle a aimés, collectionnés, accompagnés. La plupart de ces textes ont été publiés dans les revues d avant-garde des années 1920, quelques-uns sont restés inédits. Rassemblés pour la première fois par Isabel Violante, il livrent des portraits saisissants du Douanier Rousseau, dont Hélène d Oettingen et Serge Férat furent parmi les premiers collectionneurs, qu elle saisit dans une humanité touchante loin du cliché du dadais naïf ; de Modigliani, épris d absolu, nourri de poésie, éternellement insatisfait ; de Van Gogh, icône du peintre maudit dont elle restitue la maîtrise technique et artistique au service d une vision du monde qui n est en rien empreinte de folie. Ces portraits d artistes sont accompagnés des pages qu Hélène d Oettingen a consacrées à Apollinaire, ami et mentor, gourmet et magicien, qui de sa curiosité et sa mélancolie touche à tous les arts, enchanteur d une époque dont ces livres sont des témoignages inédits et ardents. 1 Fernande Olivier, Picasso et ses amis, Paris, 1933, p. 113.
La Galerie le Minotaure, créée en 2002, est située rue des Beaux-Arts, à l ancienne adresse de la célèbre librairie dont elle a conservé le nom. Son fondateur, Benoit Sapiro, est passionné par les artistes russes et d Europe centrale de la première moitié du XXe siècle. Benoit Sapiro poursuit depuis plus de 20 ans un travail passionné et constant afin de faire mieux connaître ou redécouvrir certains artistes originaires du Russie ou des pays de l Est, de la première moitié du XXe siècle. Par ailleurs, l importance de ses collections lui permet de collaborer régulièrement à des expositions références avec de grands musées tels que les Musées d Etat russes, le musée Pouchkine Contact presse Galerie le Minotaure 2, rue des beaux-arts 75006 Paris du mardi au samedi de 11 à 13h et de 14 à 19h E-mail : sapiro.benoit@wanadoo.fr Tel : 01 43 54 62 93