NICE / Dévoilement de la stèle de la Ville de Nice en hommage aux martyrs de la barbarie et du terrorisme et à Hervé Gourdel NICE / L année 2015 a été cruelle pour la France et pour les Français. Dévoilement de la stèle de la Ville de Nice en hommage aux martyrs de la barbarie et du terrorisme et à Hervé Gourdel Samedi 30 janvier 2016, Colline du Château de Nice Allocution xde Christian ESTROSI
Elle a été encore plus cruelle pour nous, Niçois, et elle a commencé le 23 septembre 2014, par l assassinat d Hervé Gourdel. De cet assassinat, je ne reviendrai pas sur les circonstances atroces, car ce serait faire trop d honneur à ceux qui l ont conçu, précisément pour nous horrifier. Je veux en revanche souligner qu Hervé Gourdel en a été la victime innocente, et non pas le martyr. Une victime, comme Corine et Anne Dechauffour, Niçoises elles aussi, assassinées elles aussi, un an plus tôt, au Kenya, par les mêmes criminels porteurs de la même idéologie barbare, et dont je veux ce matin raviver le souvenir, associé à Hervé et autres victimes. Victimes, oui, et non martyrs. Un martyr est, dans notre tradition chrétienne, quelqu un qui offre sa vie en témoignage de sa foi sans prendre celle des autres. Corine et Anne Dechauffour ne voulaient pas donner leur vie, elles voulaient la vivre dans leur passion pour l Afrique. Hervé Gourdel ne voulait pas donner sa vie, il voulait simplement la vivre dans sa passion, avec ses amis montagnards, avec sa famille. Et il ne voulait pas non plus, a fortiori, prendre celle des autres pour les sacrifier à un Dieu qu ils veulent terrible et vengeur. Hervé Gourdel est la victime innocente par excellence, comme Corine et Anne Dechauffour, comme tous les morts de 2015 ont été des victimes innocentes : les journalistes de Charlie, les policiers, les clients de l Hyper Kacher, les amateurs de rock du Bataclan, les passants, les consommateurs en terrasse des cafés des Xème et XIème arrondissements. Tous innocents. Et les assassins, ceux de Nairobi, ceux du djebel Djurdjura
comme ceux de Paris, de Montrouge, de Saint-Denis, ne sont pas non plus des martyrs. Ils n ont pas porté témoignage de leur foi en offrant leur vie sans prendre celle des autres. Ils ont assouvi leur penchant pour le néant, renié ce que Dieu dit de bon et de beau et de juste, érigé leurs parcours de petites crapules en édifice barbare, comme ces pyramides de têtes humaines que Gengis Khan faisait édifier à l entrée des villes paisibles prises et détruites par ses troupes. 2015 n a pas été l année du martyre. Elle a consacré, d un côté les victimes innocentes, nos frères et soeurs. Et en face elle a démasqué les coupables assassins, les ennemis de tout le genre humain. Alors, parce que nous voulons nous souvenir, toujours, de nos frères et sœurs tombés en victimes, nous avons décidé de leur dédier ce monument, et de leur dédier ici, sur la colline du Château. D ici, de cette colline, on voit les montagnes de ce Mercantour que l esprit d Hervé Gourdel parcourra pour toujours. D ici, de cette colline, on voit l horizon infini de la Méditerranée qui nous unit à ce monde oriental si proche de nous par la géographie et si terriblement balafré par la haine, la guerre et l infamie. Ici, au pied de cette colline se dresse le monument que les Niçois ont voulu pour ne pas oublier leurs frères tombés dans les combats du siècle d acier que fut le 20e siècle. Ici, sur cette colline reposent les souvenirs des premiers Niçois de l histoire, ceux qui ont apporté sur notre rivage la pensée grecque, le droit romain, la chrétienté originelle. Ici, en quelque sorte, se trouvent réunis nos racines, nos sentiments et nos principes, incarnés au fil du temps par des hommes de chair et de sang. C est pour cela que le souvenir d Hervé Gourdel est à sa place, ici, et avec lui celui de toutes les victimes
innocentes, et je remercie Roland MOREAU d avoir si exactement rendu cette réalité dans ce monument. Je veux saluer aussi les agents de la Direction générale adjointe de l Environnement et du développement durable et de la Direction générale adjointe de la Culture, sous la responsabilité de leurs directeurs, MM. AUBEL et SAMBUCCHI, pour le travail qui a permis de nous rassembler autour de ce monument du souvenir. Mais je ne veux pas que ce souvenir s abîme dans l amertume de la mort. A quelques pas d ici, d ordinaire, on entend les cris et les rires de nos enfants, on voit les familles niçoises pique-niquer, on reconnaît les touristes avides d émerveillement, on devine les amoureux échanger leur premier baiser, on les revoit plus tard lorsqu ils viennent immortaliser, le jour de leur mariage, leur bonheur en photo. Jusqu ici monte le bruit de la ville, et le bruit de la vie. C est cette vie que nous devons défendre, aujourd hui, cette vie qu Hervé et tous les autres vivaient simplement, avec joie, avec passion, avec plénitude, cette vie que les assassins veulent nous prendre. Cette vie, nous devons la défendre de toutes nos forces, contre tous ceux qui veulent l anéantir, dans l esprit et dans les corps. Nous devons la défendre par la conviction, par la parole, par l exemple, et aussi par les armes, s il le faut, les armes justes, les armes légitimes qui protègent les victimes contre les assassins, comme nos anciens, ceux du 20ème siècle, l ont fait, ainsi qu en attestent leurs noms gravés, face à la mer. Nous devons la défendre partout où elle est niée, humiliée, menacée, en Orient et ici. En m entendant prononcer ces mots, vous penserez sans doute à la guerre. Car cette colline, avec sa formidable forteresse, fut aussi le lieu où les Niçois défendirent leur liberté, contre tous ceux qui voulurent la leur prendre, et ils furent nombreux, à
commencer par les Turcs. Personne ne veut la guerre, mais quand elle nous est déclarée, il faut la gagner. Et la France la gagnera. C est à ce prix, élevé sans doute, mais indissociable de notre liberté, que la vie triomphera. C est ce que nous devons à nos enfants, pour que toujours, ils jouent ici librement. C est ce que nous devons à Hervé et à toutes les victimes innocentes de la barbarie, pour que toujours, leur souvenir vive utilement.