LES CHEMINS DE LA PUISSANCE : LA CHINE ET LE MONDE DEPUIS 1919

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LES CHEMINS DE LA PUISSANCE : LA CHINE ET LE MONDE DEPUIS 1919 Introduction I/ Une indépendance et un retour sur la scène internationale sur fond de conflits (1919-1949) A/ La division du mouvement nationaliste (1919-1927). B/ La guerre civile et la guerre contre le Japon (1928-1945). C/ Un début de stabilisation : la fin des conflits et la victoire du PCC (1945-1949). II/ L acquisition de la puissance par la révolution (1949-1977) A/ 1949-1962 : De l alignement sur l URSS à la rupture. B/ 1949-1965 : Une politique étrangère originale et efficace pour revenir sur la scène internationale C/ entravée par les politiques utopiques et désastreuses de Mao Zedong. III/ L affirmation de la puissance par l économie (de 1978 à nos jours). A/ Le pari de Deng Xiaoping : «l économie socialiste de marché». B/ La poursuite des réformes et une entrée spectaculaire dans la mondialisation (1989-2002) C/ Depuis 2003, «atelier du monde», la République populaire de Chine est devenue une puissance mondiale. Conclusion. 1

LES CHEMINS DE LA PUISSANCE : LA CHINE ET LE MONDE DEPUIS 1919 «Autrefois, la Chine faisait face au Nord et à l Ouest, et le Pacifique était sa porte arrière. La porte de Jade, non loin de l extrémité de la Grande Muraille au Gansu, était la porte d entrée principale [ ] Aujourd hui, tout cela a changé [ ] Shanghai est l entrée principale de la Chine et la porte de Jade n est plus qu un souvenir poétique.» George Babcock Cressey, 1934. - L histoire de la Chine a été marquée par deux ruptures fortes, qui ont brisé les équilibres structurels d une Chine impériale, continentale et autocentrée sur ses valeurs traditionnelles. Ces deux ruptures datent de l ouverture de la Chine sous la pression des Occidentaux en 1839-1842 et de l installation du régime communiste en 1949. - Elles ont entraîné une modernisation radicale de l espace économique chinois : la première par la concentration des pouvoirs économiques le long du littoral, qui aboutit sous la République à la domination de Shanghai dans l armature urbaine et à l émergence de grandes villes comme Tianjin ; la seconde, par l installation d un système productif et social d inspiration socialiste à l échelle du pays dans les années 1950. - En la matière, la Chine ne s est pas modernisée suivant le mode d assimilation culturelle et technique dont le Japon a fait preuve durant la même période. Il s agit bien ici de ruptures, en ce que l importation de nouveaux modèles a eu lieu dans un contexte d agression politique et militaire. La Chine n a pas eu le choix ni la maîtrise d une intrusion de la modernité, et les puissances occidentale et japonaise se sont progressivement appropriées de larges parts de ce territoire. - Un nationalisme farouche, exigeant le retour à une intégrité territoriale de la Chine, a ainsi parcouru le XX ème siècle et orienté logiquement les choix des dirigeants chinois. La voie de développement suivie entre 1949 et 1978, qui se veut une alternative à l ouverture forcée du colonialisme d hier et qui se met en place sous l influence soviétique dans un contexte de Guerre froide, se fonde sur un rempli et un isolement du pays d autant plus prononcé après la rupture avec l URSS en 1962. - L actuelle phase de l histoire chinoise s inscrit donc dans la longue durée et l on ne peut que souligner les similitudes géographiques de l ouverture contemporaine à celle du XIX ème siècle, privilégiant la façade maritime chinoise. L élément nouveau de l ouverture actuelle tient certainement aux moyens dont elle dispose. Les nouveaux modes de communication, la rapidité et l efficacité des transports de marchandises et de personnes, celles des flux de capitaux et d informations créent une solidarité sans précédent entre la Chine et ses partenaires étrangers dans un contexte de mondialisation, faisant de celle-ci une puissance mondiale aujourd hui... Puissance = Capacité d un Etat à se distinguer des autres Etats par son poids territorial (superficie), démographique et économique, mais aussi par l ensemble des moyens dont il dispose pour s assurer une influence durable à différentes échelles. Raymond Aron, philosophe et sociologue français, la définit comme «la capacité d imposer sa volonté aux autres» ; autrement dit la capacité à influencer. Problématique : Quelles évolutions ont permis à la Chine de passer d une situation de sous-développement économique et de mise sous tutelle politique à une position économique et politique de premier plan? 2

I/ Une indépendance et un retour sur la scène internationale sur fonds de conflits (1919-1949) Question : Quels obstacles ont entravé l émergence de la puissance chinoise jusqu en 1949? A/ La division du mouvement nationaliste (1919-1927). - Le mouvement du «Quatre mai 1919» est un acte fondateur pour la renaissance de la Chine. 1/ Il se caractérise par une prise de conscience nationale, une volonté de moderniser le pays, de le réunir, de réduire la dépendance étrangère. 2/ Indubitablement, les causes immédiates de ce soulèvement se trouvent dans le traité de Versailles et certaines de ses clauses, car si la Chine est entrée en guerre du côté des Alliés (Entente), en 1917, c est d abord pour récupérer le Shandong sous domination allemande. Or, lors de la conférence de la paix, à Paris, en 1919, elle n obtient pas satisfaction et les vainqueurs préfèrent répondre aux revendications territoriales japonaises ; la seule contrepartie étant un prêt nippon octroyé à la Chine 3/ Ces déboires diplomatiques, ressentis comme une humiliation, provoquent manifestations et protestations à Pékin, le 4 mai 1919. Trois mille étudiants se réunissent devant la porte Tian anmen et initient un cortège dans la ville. La répression gouvernementale est brutale (1 mort et 32 arrestations) mais elle ne parvient pas à arrêter le mouvement : des grèves éclatent à Pékin et Shanghai, et elles s intensifient suite à l arrestation de Chen Duxin 1. Désormais, étudiants, ouvriers des grandes villes, bourgeoisie commerçante, industrielle et nationaliste sont mobilisés. - Au total, le mouvement du 4 mai 1919 est fondamental car il marque l entrée de la Chine dans la période contemporaine. Il constitue un tournant car, mouvement idéologique et politique nationaliste, il exige l établissement d une Chine nouvelle sur des valeurs modernes (les slogans sont «Refusons de signer le traité» et «A bas Confucius et compagnie»). - D ailleurs, ce mouvement obtient la démission du gouvernement, le refus de la Chine de signer le traité de Versailles le 28 juin 1919, tandis qu en 1922 sous la pression des Etats-Unis le Japon restitue le Shandong. - Un mouvement du Quatre mai qui donne naissance à deux courants nationalistes unis, puis divisés. 1/ Dans un premier temps, en 1923, le Parti communiste chinois (PCC) et le Guomindang s unissent. Néanmoins, les forces sont déséquilibrées puisque les communistes sont quelques centaines tandis que les nationalistes du Guomindang comptent 50 000 adhérents. - Guomindang (ou Kuomintang) = Parti nationaliste fondé une première fois par Sun Yat-sen en 1912, dissous en 1913 suite à l exil de son dirigeant, et qui renaît le 8 juillet 1920. Son programme repose sur trois principes : 1/ le nationalisme ; 2/ la démocratie, soit une démocratie présidentielle de type étatsunienne, bien que pour l atteindre il faille passer par une phase de dictature militaire et de parti unique ; 3/ le bien-être du peuple, à travers une sorte de socialisme accompagné de plans de développement industriel grandioses. - Parti communiste chinois (PCC) = Parti d obédience marxiste et en contact avec le Komintern, créé en juillet 1921. 2/ L union entre les deux mouvements est en grande partie liée à la politique prônée par l URSS ; laquelle a choisi une tactique de coopération des mouvements nationalistes bourgeois et des partis communistes dans tous les pays colonisés ou 1 Il faut dire que Chen Duxiu est, en quelque sorte, le leader de cette contestation. Issu d une famille de mandarins, il a fait des études supérieures en Chine (en français) et au Japon. En 1915, dans la concession française de Shanghai, quartier où se réfugient ceux qui sont poursuivis par les seigneurs de la guerre, ainsi que la pègre des trafiquants d opium protégée par la police française, il fonde la revue «Nouvelle jeunesse». Dans l éditorial du premier numéro, il affirme qu il faut abandonner la culture traditionnelle chinoise et se moderniser d urgence et en profondeur pour continuer à exister. A ses yeux, il faut rejeter l héritage de Confucius (religion sans transcendance et philosophie du respect des hiérarchies qui inspirait les gouvernements impériaux), se tourner vers la science occidentale, faire confiance à la jeunesse. A ce titre, l université de Pékin (Beida), où Chen Duxiu enseigne les lettres, est le fer de lance de ce mouvement. Les idées marxistes et anarchistes, le darwinisme social (thème de l extinction possible de la race chinoise), ou libérales y pénètrent. 3

dominés. Elle aide Sun Yat-sen à créer une académie militaire dirigée par un jeune officier passé par un stage à Moscou, Jiang Jieshi (Chiang Kai-shek), secondé par un communiste, Zhou Enlai. - Mais, la mort de Sun Yat-sen (12 mars 1925) marque une rupture dans le mouvement et entraîne la division. 1/ Ainsi, après sa disparition se forment une gauche proche des communistes et une droite favorable à la lutte nationaliste sans révolution. De plus, en 1926, en devenant l homme fort du parti nationaliste, Jiang Jieshi décide de prendre ses distances avec les communistes. 2/ Dans un premier temps, Jiang Jieshi mène une campagne victorieuse contre les seigneurs de la guerre dans le nord de la Chine, qui impressionne le Royaume Uni au point que celui-ci restitue la concession du Wuhan (une première depuis les Traités inégaux). Une première unification du pays se réalise alors. Traités inégaux = 3/ Mais un autre objectif est Shanghai, ville où va se nouer le divorce entre nationalistes et communistes. Profitant de l absence de Jiang Jieshi et de ses troupes (dans le nord), les communistes organisent des grèves pour prendre le contrôle de la cité. De retour, le leader nationaliste rassure les étrangers et entrepreneurs, se rapproche de la pègre (triade : la «bande verte»), réprime l insurrection qui s achève par un «bain de sang» (5 000 communistes sont éliminés le 12 avril 1927), et enfin décide de rompre définitivement avec l URSS 2. B/ La guerre civile et la guerre contre le Japon (1928-1945). - Au total, en 1928, le pays est réunifié autour du parti nationaliste (Guomindang), qui devient le parti unique. 1/ Jiang Jieshi établit son gouvernement à Nankin et opère un retour en arrière conservateur qui stoppe le processus de modernisation et tourne le dos à l héritage du mouvement du 4 mai. Il devient le seigneur de la guerre le plus puissant et proclame la fin de la guerre civile le 10 octobre 1928. 2/ Epuré des communistes, le Guomindang devient un parti de militaires, policiers et fonctionnaires, soucieux de leur carrière. 3/ Sur le plan économique. Favorable aux milieux bourgeois et marchands, Jiang Jieshi privilégie l essor des villes et quelques ports chinois connaissent un dynamisme particulier. De la sorte, une bourgeoise d affaires se constitue à Shanghai et Canton (aujourd hui Guangzhou) et pousse à l ouverture capitaliste afin d équiper le pays. La contrepartie est une fiscalité arbitraire imposée aux paysans qui, également, doivent affronter une crise agricole (baisse des prix, hausse du taux d usure) et la famine. - Cependant, ce démarrage économique est rapidement enrayé par les troubles de la fin des années 1920. Jiang Jieshi craignant la montée en puissance du PCC déclenche une nouvelle guerre civile. 1/ Il faut dire que le PCC a fomenté une véritable guérilla communiste qui mène des insurrections dans plusieurs villes (1927). Néanmoins, toutes aboutissent à des échecs et les communistes se retirent dans les territoires de l intérieur, notamment la République soviétique de Jiangxi fondée en 1931 par Mao Zedong dans le sud-est du pays. 2/ Assaillis, pourchassés par des «campagnes d anéantissement» lancées par le Guomindang, ils abandonnent en 1934 le Jiangxi et fuient vers l intérieur du pays puis le nord. C est la «Longue Marche 3»! Elle se déroule de 1934 à 1935 et constitue un parcours héroïque de 12 000 km qui permet à Mao Zedong de prendre la tête du mouvement communiste. De plus, à partir de 1935 et depuis leur nouveau bastion de Yan an, Mao Zedong et les communistes s engagent dans lutte contre le Japon et acquièrent par ce biais une réelle légitimité nationale. - C est que, profitant de ces querelles intestines et du désengagement des Occidentaux suite à la crise économique de 1929, le Japon impérial se lance à la conquête de la Chine. 1/ Cela commence par la Mandchourie. Prétextant un attentat contre une ligne ferroviaire japonaise à Moukden, le 18 septembre 1931 (aujourd hui commémoré comme le «Jour national d humiliation» par la République populaire de Chine) l armée japonaise intervient en Mandchourie, rapidement transformée en Etat satellite en 1932 : le Mandchoukouo. 2 Notons que simultanément le mouvement révolutionnaire qui s était développé dans les campagnes est lui aussi écrasé. 3 «Dix mille kilomètres au cours desquels les communistes franchissent des fleuves puissants et de hautes montagnes, laissant derrière eux ceux qui meurent d épuisement ou de froid, de faim ou de soif [ ]. Une escarmouche quotidienne, une batille véritable toutes les deux semaines : voilà un bilan approximatif de ces trois cent soixante-dix jours de retraite. Et cet autre bilan, plus éloquent encore : quelque 90 000 à 100 000 hommes au départ, 7 à 8 000 hommes à l arrivée» (L. Bianco). 4

2/ Cette agression renoue les liens entre le Guomindang et le PCC et un front commun contre l agresseur émerge. Sous l impulsion du Komintern, qui engage tous les partis communistes à s allier aux partis bourgeois pour lutter contre le fascisme, et également inquiet de la poussée japonaise en Asie orientale, l URSS mise à nouveau sur Jiang Jieshi. Celui-ci suspend alors la guerre contre les communistes (compromis de Xi an) et intègre ces derniers au sein de l armée du Guomindang. 3/ La guerre contre le Japon se poursuit et, à partir de 1937, les régions de la Chine littorale sont occupées au prix d effroyables massacres 4. L armée japonaise, numériquement inférieure (800 000 hommes contre 2 à 3 millions de Chinois) mais motorisée et dotée d une force aérienne, conquiert les grandes villes : Pékin, Shanghai et Nankin, la capitale. 4/ Défaite par les Nippons, la Chine est alors divisée en trois et amputée de ses principales régions économiques et industrielles. On a : La Chine occupée à l est (la Chine utile), avec des gouvernements collaborateurs séduits par le discours panasiatique des Japonais. Cette partie du pays est exploitée par les Japonais. La Chine libre du sud-ouest, où le gouvernement de Jiang Jieshi s est réfugié à Chongqing et pratique une politique attentiste. La corruption y est généralisée tandis que les paysans sont frappés par des taxes, corvées, subissent la famine (on compte 2 à 3 millions de morts). Enfin, l armée mal commandée, ravitaillée et soignée, a recruté 16 millions de conscrits mais les pertes s élèvent à 4 millions et les désertions à 8 millions. La Chine rouge, soit le nord autour de Yan an. Dans cette zone, Mao Zedong lutte contre les Japonais et diffuse sa pensée, soit un marxisme sinisé qui prône une révolution paysanne basée sur la diminution des impôts et une réforme agraire. Cette orientation socio-politique lui apporte le soutien de la paysannerie et, peu à peu, un culte de Mao Zedong se développe dans les campagnes. Cette aide des campagnes, associée au recul japonais, permet aux communistes d élargir leurs bases dès 1943 et de contrôler, en 1945, un espace de 100 millions de personnes doté d une armée de plusieurs millions d hommes. - Inquiets de voir les communistes arriver au pouvoir, les Etats-Unis apportent leur aide à Jiang Jieshi et font figurer la question chinoise à toutes les conférences interalliées : 4 Le massacre commence autour du 4 décembre 1937 lorsque l armée japonaise pénètre dans la zone de Nankin. Il s achève avec l établissement d un Etat fantoche, le 28 mars 1938. Le nombre de victimes est estimé à 200 000 Chinois. Le terme de massacre de Nankin regroupe l ensemble des actes cruels [ ], et destructions, incendies de bâtiments, pillages de richesses, ressources et vivres, violences à l encontre des femmes, massacre de civils, réfugiés et militaires chinois, par l armée japonaise lors de la prise et de l occupation de Nankin, capitale chinoise à l époque, en décembre 1937, au début de la guerre sinojaponaise (1937-1945). «En effraction totale au droit des conflits armés, les survivants faits prisonniers, capitulant ou blessés, étaient massacrés en groupe ou individuellement. Selon le bon vouloir des soldats japonais, beaucoup de jeunes hommes furent tués au motif qu ils pouvaient être des soldats de fuite. [De plus] Si l on en croit les recherches menées par le professeur Lewis S. C. Smythe de l université de Jinglin, les principales victimes des campagnes d épurations étaient des personnes âgées. L armée japonaise en entrant dans la ville a massacré un grand nombre de vieillards qui veillaient sur les quartiers à forte concentration de population du sud de la ville. On compte plus de 28% des hommes et 39% des femmes de plus de 60 ans tués. Toujours selon la même enquête, les hommes représentent 64% des pertes civiles, ce nombre atteignant jusqu à 76% des victimes dans les classes d âge de 30 à 44 ans. [ ] Ce qui se détache le plus des incidents de Nankin c est le grand nombre de viols, souvent en groupe ou accompagné de meurtres. Dès la prise de Nankin le 16 décembre, les cas de viols se multiplient, au point que le comité international de la zone recense plus de mille cas par jour. Même en réévaluant les chiffres à la baisse, on suppose huit mille femmes violées dès les débuts de l occupation. Le viol ne blesse pas seulement le corps des femmes, mais aussi abîme profondément l esprit. Smythe a constaté après les incidents qu une femme violée sur dix s était retrouvée enceinte. Il y a eu de nombreux cas de femmes non-mariées qui se sont suicidées lorsqu elles se sont découvertes enceintes. De même les enfants nés de ces unions ont tous sans exception été tués d une manière ou d une autre, et il n y pas eu d enfants métis. [ ] L armée japonaise à Nankin a pendant une longue durée organisée des incendies et des pillages sans but militaire. On estime à 73% le nombre de bâtiments pillés. Dans les quartiers marchands du centre-ville, les soldats japonais sont venus à de nombreuses reprises, puis équipés de camions ont ensuite procédé à un pillage systématique, avant de mettre le feu à de nombreux endroits. [ ] Dans la campagne autour de Nankin, 40% des habitations ont brûlé, le bétail, les outils agricoles, les réserves de céréales et l ensemble des récoltes ont subi des dégâts considérables. Dans les champs des soldats fauchaient les légumes et donnaient le blé à leurs chevaux. Une grande quantité de céréales, de vivres et de bétail ont été pillés sous prétexte de réquisition ou de ravitaillement.» Kasahara Tokushi, universitaire japonais, Le massacre de Nankin et les mécanismes de sa négation par la classe politique japonaise, Traduction Jourdain R 5

1/ En 1943, aux conférences de Le Caire et Téhéran, Jiang Jieshi reçoit une aide étatsunienne importante et une place au conseil de sécurité de la future ONU. 2/ A Yalta, Staline promet d entrer en guerre contre le Japon trois mois après la capitulation du Reich en Europe et il reconnaît le gouvernement de Jiang Jieshi comme seul interlocuteur. De fait, le surlendemain du bombardement d Hiroshima, le 8 août 1945, l Armée rouge soviétique entre en Mandchourie tandis que Mao Zedong et Jiang Jieshi conviennent de fusionner leurs armées. L épilogue de ce conflit contre le Japon se situe le 15 août 1945, suite à sa capitulation. C/ Un début de stabilisation : la fin des conflits et la victoire du PCC (1945-1949). - Cependant, après 1945 et le retrait japonais, le pays est à nouveau déchiré par l affrontement entre le Guomindang nationaliste, soutenu par les Etats-Unis, et le PCC de Mao Zedong, soutenu par l URSS. 1/ L Armée Populaire de Libération (APL) refoule le Guomindang puis, au début de l année 1949, elle s empare de la Chine du nord tandis que Mao Zedong proclame le 1 er octobre 1949 la République populaire de Chine sur la place Tian anmen 5. 2/ Mieux commandés et plus disciplinés les communistes sont venus à bout des forces nationalistes en trois ans (1946-1949) et ils obligent Jiang Jieshi et ses partisans (2 millions) à s enfuir à Taiwan. Or, c est ce dernier gouvernement (celui de Taïwan) que les Occidentaux reconnaissent comme le gouvernement légitime de la Chine, et c est celui-lui qui conservera son siège au Conseil de sécurité jusqu en 1971. - Globalement, le leader des forces communistes, Mao Zedong, a su mobiliser le sentiment patriotique des populations et des masses paysannes notamment, pour ces dernières, grâce à sa promesse de réforme agraire et au retour des grands propriétaires qui s accompagna de violences. - Toutefois, bien qu il apparaisse comme l héritier et le défenseur des objectifs du Quatre mai 1919, la réalisation de ceux-ci semble chimérique : les conflits ont rendu l économie exsangue, la pauvreté est endémique, la réunification chinoise inachevée, la dépendance envers les équipements étrangers est toujours aussi forte... 5 C est l établissement de la «nouvelle démocratie» définie par Mao Zedong en 1939-1940 : «L étape actuelle de la révolution chinoise est une étape de transition qui se place entre la liquidation de la société coloniale, semi coloniale et féodale, et l édification d une société socialiste ; elle est un nouveau processus révolutionnaire, celui de la nouvelle démocratie [ ]. C est la révolution du front uni de toutes les classes révolutionnaires. La Chine doit nécessairement passer par cette révolution afin d aller plus loin dans son développement et d arriver à la révolution socialiste.» 6

II/ L acquisition de la puissance par la révolution (1949-1977) Question : Comment la Chine communiste parvient-elle à s affirmer à l échelle internationale? Pourquoi cette affirmation reste limitée jusque dans la fin des années 1970? A/ 1949-1962 : De l alignement sur l URSS à la rupture. - Au départ, la République populaire de Chine tente de reproduire le modèle soviétique. 1/ Toute l économie est collectivisée, priorité est donnée à l industrie lourde afin d équiper le pays. Il faut dire qu en 1949 la République populaire de Chine ne produit plus que 75% du riz d avant guerre et que sa production industrielle n est que 55% de celle de 1936. 2/ Sur le plan social, la famille patriarcale est abolie en 1950, les femmes gagnent l égalité juridique 6, tandis que la terreur rouge bat son plein. Elle fait 5 millions de morts et s accompagne d un système de répression important ; les autorités locales doivent identifier au moins une famille d ennemis du peuple par village tandis que le goulag chinois (laogai) est inauguré - Au total, ce développement se fait dans le cadre de plans autoritaires et centralisés. 1/ Des milliers de techniciens soviétiques arrivent pour industrialiser le pays et construire les infrastructures nécessaires au décollage économique (barrages, voies ferrées ), des plans quinquennaux sont mis en place, la collectivisation des terres est accélérée avec la redistribution des grandes propriétés à 300 millions de paysans (45% des terres changent alors de mains), les entreprises sont nationalisées, enfin une constitution proche du modèle soviétique est adoptée. 2/ En définitive, Mao Zedong a choisi de «pencher d un seul côté» et donc de rejoindre le camp soviétique. De facto, la dépendance économique envers les Occidentaux est remplacée par celle envers les Soviétiques et, concrètement, la République populaire de Chine devient un satellite de l URSS. Pourtant, les relations entre les deux pays se dégradent vers la fin des années 1950 - Une prise de distance à l égard de l URSS. 1/ Les dirigeants chinois acceptent mal l idée de la coexistence pacifique, prônée par Nikita Khrouchtchev lors du XX ème congrès du PCUS en 1956, et sa politique de déstalinisation qui critique ouvertement les abus de la période stalinienne et son culte de la personnalité. 2/ Ce dernier aspect est un point d achoppement car Mao Zedong se trouve fragilisé au moment même où il s emploie à développer son propre culte du chef, et ce malaise est accentué par les fortes divisions qui règnent au sein du PCC. C est pourquoi, dans ce contexte, Mao Zedong impose une timide libéralisation : les «cent fleurs» 7. Les «cent fleurs» (1956-1957). 1/ Mao Zedong veut gérer un certain malaise populaire en renouant avec une politique d intéressement et de liberté culturelle. Concrètement, en février 1957, il demande que les bons communistes dénoncent les «mandarins 8 rouges», responsables selon lui des injustices et des difficultés. 2/ Mais le «mouvement des cent fleurs», par son ampleur et l impopularité du régime qu il révèle, inquiète Mao Zedong. Etudiants et ouvriers s en prennent à l existence d un parti unique, et les contestations virent parfois aux troubles dans certaines provinces. 3/ Face à ce qui ressemble à une contestation croissante, la réaction gouvernementale passe par la répression et des purges. Le PCC dénonce alors les «fleurs vénéneuses» et met fin au mouvement. Deng Xiaoping, chef du secrétariat du parti, conduit la répression : plus d un million de Chinois sont sanctionnés, généralement exilés pour une vingtaine d années au fin fond des campagnes. 3/ Enfin, dernier aspect et non des moindres, la République populaire de Chine veut se doter de l arme nucléaire. 6 «Le mariage féodal arbitraire et obligatoire, basé sur la supériorité de l homme sur la femme, et qui ignore les intérêts des enfants, est aboli. Le mariage de la Nouvelle démocratie, basé sur le libre choix des partenaires, la monogamie, les droits égaux pour les deux sexes, la protection des intérêts légaux des femmes et des enfants, doit être mis en pratique.» (Loi sur le mariage, du 1 er mai 1950) 7 D après un discours de Mao Zedong le 2 mai 1956 intitulé «Laissez les cent fleurs s épanouir». 8 Fonctionnaire de l empire chinois. 7

- La rupture avec l URSS. 1/ La politique du «Grand bond en avant» accentue les dissensions entre les deux «champions» du bloc communiste. L adoption d une nouvelle politique économique dans les années 1958-1959 est en partie conditionnée par les tensions croissantes avec Moscou au sujet de la déstalinisation, de la coexistence pacifique et de la stratégie socialiste. Par le «Grand bond en avant» la République populaire de Chine entend accélérer la phase de transition vers le socialisme et prendre la tête des Etats socialistes. 2/ Cette «nouvelle voie» associée à la volonté d obtenir l arme nucléaire pousse l URSS à réagir. Dans un premier temps, elle abroge son traité de coopération nucléaire avec la République populaire de Chine, puis rappelle ses experts en 1960. 3/ La rupture devient officielle en 1962 lorsque des incidents éclatent au Kazakhstan et que Pékin critique ouvertement l aventurisme et la capitulation soviétique lors de la crise de Cuba (1962). 4/ Enfin, la République populaire de Chine fait exploser sa première bombe A en 1964. Cette rupture consommée, Mao Zedong décide de «compter sur ses propres forces» et propose une voie chinoise vers le communisme qu il cherche à diffuser au niveau international B/ 1949-1965 : Une politique étrangère originale et efficace pour revenir sur la scène internationale - Premier périmètre d action : la péninsule coréenne et les marges de l empire chinois. 1/ Durant la guerre de Corée (1950-1953) Mao Zedong envoie 700 000 «volontaires» secourir l armée nord-coréenne, en déroute devant l intervention de l ONU. Notons qu au cours du conflit le général Mac Arthur propose de bombarder les grandes villes chinoises avec l arme atomique il est révoqué par le président Truman et que, suite à l armistice de Pam Mun Jon, l ancrage de la République populaire de Chine sur le modèle soviétique est confirmé. 2/ Sur le plan territorial, la République populaire de Chine reprend le contrôle de certaines provinces : le Tibet est envahi en 1950 ; l URSS rend le Xinjiang en 1949 et ses bases (Port-Arthur) ; en revanche, la faiblesse de sa marine ne permet pas de s emparer de Taïwan soutenue par les Etats-Unis (traité de défense de 1954). - Second périmètre d action : les pays du Tiers-monde. 1/ Cette ouverture vers les pays du Tiers-monde est liée à l action des Etats-Unis qui organisent un embargo contre la République populaire de Chine. 2/ Pour contrer cet isolement, la République populaire de Chine développe une diplomatie en direction des pays du Tiersmonde et n hésite pas à soutenir les forces communistes dans les crises asiatiques du début de la Guerre froide (par exemple lors de la guerre de Corée et de la guerre d Indochine). 3/ Son rapprochement avec les pays du Tiers-monde marque déjà, avant même la crise de 1956 et la scission idéologique avec l URSS, un désir d émancipation et la recherche d une autre voie sur le plan international. En 1955, Pékin, pourtant encore proche de l URSS, participe à la conférence de Bandung qui rassemble les partisans du nonalignement. A cette occasion, la République populaire de Chine se rapproche de l Inde de Nehru et apparaît comme un possible chef de file des peuples du Tiers-monde luttant pour leur indépendance. - La rupture avec le «grand frère» soviétique et le désir de devenir un acteur géopolitique important en Extrême Orient poussent Mao Zedong à vouloir exporter son modèle dans les pays du Tiers-monde. 1/ Critiquant l impérialisme tant étasunien que soviétique, la République populaire de Chine tente de s affirmer comme la figure de proue des pays du Tiers-monde, récemment libérés du colonialisme. Pour ce faire, le modèle maoïste propose une voie originale censée résoudre les problèmes de sous-développement des nations asiatiques et africaines, le tout étant formalisée et diffusée par le «petit livre rouge». Cette doctrine connaît une large diffusion mondiale, notamment dans les milieux contestataires européens où elle exerce une véritable fascination. 2/ Parallèlement, afin d affirmer sa puissance politique, la diplomatie chinoise multiplie les visites officielles dans les pays du Tiers-monde d obédience socialiste (par exemple, la visite du ministre des affaires étrangères Zhou Enlai en Tanzanie en 1965). 3/ Enfin, la coopération économique et militaire est renforcée avec les régimes communistes cambodgien (Khmers rouges), nord-coréen, nord-vietnamien ou albanais. De plus, les autorités chinoises n hésitent pas à attaquer l Inde prosoviétique en 1962. 8

- Au total, la République populaire de Chine obtient son indépendance politique et son rayonnement international grandit. - Néanmoins, malgré le succès idéologique du maoïsme, il s agit d un semi-échec : la rupture avec l URSS l a isolée et privée d alliés puissants. - Or, la situation intérieure s avère de plus en plus préoccupante à cause des décisions économiques catastrophiques du «grand timonier» (Mao Zedong) C/ entravée par les politiques utopiques et désastreuses de Mao Zedong. - 1958-1962 : Le «Grand Bond en avant», un échec économique. 1/ En mai 1958, Mao Zedong lance officiellement le «Grand bond en avant» avec l idée de «dépasser l Angleterre en quinze ans». Sur les bases d une mobilisation générale et d un volontarisme affiché on généralise les communes populaires qui regroupent des villages et qui, désormais, constituent les unités administratives, politiques, sociales et militaires, du pays. 2/ Les paysans sont mobilisés pour des grands travaux, les repas gratuits sont pris en commun et les paysannes jettent même leurs casseroles dans des fourneaux pour fabriquer de l acier qui se révèle vite inutilisable Mais la récolte de 1958 est bonne et on envisage sereinement le passage au communisme dans un avenir proche. 3/ Toutefois le «Grand bond en avant» tourne vite à la catastrophe car les paysans ne peuvent pas travailler à leurs récoltes, qui pourrissent sur pied. Le PCC n osant pas critiquer Mao Zedong, celui-ci poursuit cette politique alors qu elle vire au désastre et à l effondrement de la production (200 millions de tonnes de céréales en 1958 contre 148 millions en 1961). On aboutit à une catastrophe économique mais également humaine puisque 20 millions de personnes, pour une population totale de 650 millions d habitants, meurent de faim entre 1959 et 1961 (on parle des «Trois années noires»). 4/ En 1962 Liu Shaoqi, numéro deux du régime, met fin à cette politique et remplace Mao Zedong à la présidence de la République. Il lance avec Deng Xiaoping une redistribution des terres collectives aux familles qui, en contrepartie, s engagent à livrer une partie de la récolte à l Etat et peuvent disposer du reste (on est assez proche d une des quatre modernisations qui s effectuera en 1978). - Le «Grand bond en avant» est donc une tentative de réforme économique qui se révèle être un désastre complet : l entêtement de Mao Zedong a entièrement désorganisé l économie chinoise et a entraîné des dizaines de millions de morts. - Ecarté par les dirigeants du PCC Mao Zedong revient à la direction des affaires en 1966 grâce à sa «Révolution culturelle» qui, sous prétexte d éliminer les dérives de la bureaucratie chinoise, évince en fait ses rivaux politiques. Là encore, cette initiative se solde par un fiasco qui mène la Chine au bord de la guerre civile - La «Révolution culturelle» (1966-1969). 1/ Lancée en 1965 par Mao Zedong, la Révolution culturelle est d abord une campagne idéologique contre les vieilles coutumes qui influencent le comportement des Chinois 9. Mao Zedong et ses disciples veulent extirper l individualisme, hérité de la tradition, qui menace toute société socialiste et pourrait entraîner un retour du capitalisme. Concrètement, il faut lutter contre l embourgeoisement qui guette les dirigeants du pays (cadres du PCC, techniciens, économistes la dimension politique du projet est perceptible) et s appuyer sur le potentiel révolutionnaire des masses, des jeunes en particulier. 2/ La Révolution culturelle est donc aussi une lutte pour le pouvoir politique au sein du communisme chinois. Elle oppose ceux qui, comme Mao Zedong, accordent la priorité à la conscience politique et à l idéologie et ceux qui, comme Liu Shaoqi (surnommé alors le «Khrouchtchev chinois») et le pragmatique Deng Xiaoping, veulent privilégier le développement économique en faisant au besoin quelques concessions provisoires à la doctrine. 9 «Nous sommes déterminés à liquider complètement toutes les idées anciennes, toute la culture ancienne, toutes les mœurs et habitudes anciennes par lesquelles les classes exploitantes ont empoisonné la conscience populaire pendant des millénaires», Zhou Enlaï, le 18 juin 1966. 9

3/ Dans les faits, la Révolution culturelle débute en novembre 1965 par une attaque des maoïstes contre une pièce écrite par l adjoint au maire de Pékin. Mais, rapidement, cette offensive littéraire devient politique et vise en particulier le maire de Pékin, Peng Zhen (ami de Liu Shaoqi), éliminé en 1966. 4/ Le mouvement dirigé par Mao Zedong s appuie principalement sur la jeunesse universitaire organisée en «gardes rouges», lesquelles mobilisent les masses par des grandes manifestations et l affichage de nombreux dazibao (journaux muraux en gros caractères). Par exemple, en 1966, à l université de Pékin, des dazibao dénoncent les «révisionnistes» qui par la suite sont attaqués par des groupes d étudiants, les «cadres engagés dans la voie de la restauration du capitalisme, les Khrouchtchev chinois et leurs complices». Le tout se traduit par des humiliations, des coups et la mort de milliers de suspects. 5/ Mais, comme lors de la période des «cent fleurs», le mouvement finit par échapper à ses dirigeants. Lorsqu il gagne les centres industriels des affrontements ont lieu entre ouvriers, «gardes rouges», cadres du parti et responsables syndicaux, dans la plus extrême confusion (comme lors des graves événements de Shanghai de décembre 1966 à février 1967). La Révolution culturelle menace de plonger la Chine en pleine anarchie, les partisans ayant à lutter non seulement contre la résistance des «révisionnistes» dans plusieurs provinces mais aussi contre la surenchère des factions rivales d ultra-gauche. 6/ La remise en ordre s effectue grâce à l intervention de l armée de Lin Bao et la création de «Comités révolutionnaires», qui remplacent le pouvoir local à la tête des provinces, des villes et des communes. La victoire définitive de Mao Zedong se concrétise en octobre 1967 par l élimination de Liu Shaoqi, exclu du parti et déchu de son titre de président de la République 10. - Stabilisée, la Révolution culturelle peut laisser la place à une reconstruction du parti sur de nouvelles bases. Les militaires sont désormais représentés en nombre (55% des membres du bureau politique) et le PCC semble dominé par Lin Biao, officiellement désigné comme le dauphin de Mao Zedong. - Néanmoins le bilan de la Révolution culturelle est lourd, comme le reconnaîtront plus tard des dirigeants chinois eux-mêmes : «La Révolution culturelle fut pour le parti et l Etat une catastrophe terrible qui aurait pu être évitée» (Hu Yaobang, secrétaire général du PCC, le 9 avril 1986). Et sans parler de ses répercutions sur la politique extérieure chinoise - Sur le plan international, de l isolement à la consécration internationale. 1/ Pendant la Révolution culturelle (mal perçue ou mal comprise à l étranger, même parmi de nombreux pays amis), la politique extérieure chinoise connaît une véritable éclipse. Dans un contexte international critique, marqué notamment par l escalade étatsunienne au Vietnam, la République populaire de Chine s enferme dans l isolement. Son inaction est presque totale car, par exemple, le soutien apporté au Nord-Vietnamien (Vietminh) est insignifiant au regard de l intervention des «volontaires chinois» dans la guerre de Corée, en 1950. 2/ Cet isolement international s accentue avec : D une part, l explosion de la première bombe H en 1967, qui rappelle au monde que la Chine n a pas renoncé à se doter des moyens militaires les plus modernes. D autre part, en 1969, suite aux graves incidents de frontière le long du fleuve Oussouri qui envenimement encore davantage les rapports sinosoviétiques. 3/ Suite à ces derniers événements une question se pose alors pour les dirigeants chinois : sur quel appui extérieur pourrait compter la Chine en cas de conflit avec l URSS? Or, cette incertitude explique le réveil spectaculaire de la diplomatie chinoise dans les années suivantes. Dans un premier temps, la République populaire de Chine établit des relations officielles avec le Canada, l Italie et la Yougoslavie. Puis, en 1971, elle fait son entrée par la grande porte à l ONU où elle remplace Taïwan comme membre permanent du Conseil de sécurité. C est une étape fondamentale car, malgré les réticences des Etats-Unis qui ont voté contre son admission, le gouvernement de Pékin est donc reconnu comme un des cinq grands de l organisation internationale. 4/ Se multiplient alors les échanges diplomatiques avec la plupart des pays qui, jusqu alors, ne reconnaissaient officiellement que Taïwan : l Iran, la Turquie, le Chili en 1971 ; le Mexique, l Argentine, le Japon, la Nouvelle- Zélande, la RFA en 1972 Les rapports s améliorent même avec les Etats-Unis à partir de 1971. Un match de tennis de table entre équipes étatsunienne et chinoise (ndlr : Forest Gump), suivi d un voyage du secrétaire d Etat H. Kissinger débloque la situation. La «diplomatie du ping-pong» s avère payante et, en 1972, le président étatsunien Nixon effectue une visite en République populaire de Chine, premier pas vers une reconnaissance officielle qui n interviendra qu en 1978. 10 Il mourra en prison en 1969, mais son décès ne sera révélé qu en 1974 ; Liu Shaoqi a été officiellement réhabilité en février 1980. 10

Ainsi, au début des années 1970, la République populaire de Chine obtient une réelle reconnaissance internationale. Puissance régionale, puissance émergente, elle propose une autre vision des relations internationales qui dépasse le cadre bipolaire des années 1950 et 1960 et s appuie sur une «théorie des trois mondes» formulée par Deng Xiaoping à la tribune de l ONU en avril 1974 : les Etats-Unis et l URSS constituant le premier monde, les «zones intermédiaires» (Europe, Japon, Canada) le deuxième, l Asie, l Afrique et l Amérique latine formant un «tiers-monde» dont la Chine aspire à être le leader - Au total, devant ses échecs répétés, au début des années 1970 Mao Zedong laisse le pouvoir à la faction «réaliste» du PCC. Les nouveaux dirigeants opèrent un retournement spectaculaire : en 1972, Zhou Enlai qui décède en janvier 1976 reçoit en visite officielle le président étasunien R. Nixon, au prix d une sérieuse entorse au dogme maoïste. Surtout, ces cadres plus pragmatiques, menés par Deng Xiaoping (au pouvoir de 1978 à 1997), sont conscients de l urgence du développement pour une population qui a doublé en trente ans. Ils décident de délaisser le levier politique pour donner la priorité au développement économique, en favorisant l ouverture et l intégration de la République populaire de Chine au processus de mondialisation. - En 1976, la mort du «grand timonier» laisse les mains libres à cette nouvelle génération de dirigeants chinois. Rétrospectivement, le bilan de la période maoïste s avère bien sombre : le levier politique a échoué à atteindre les objectifs du 4 mai 1919, et si le pays est redevenu une véritable puissance politique régionale, la puissance chinoise reste entravée par l archaïsme de son économie et la pauvreté de sa population... 11

III/ L affirmation de la puissance par l économie (de 1978 à nos jours). Question : Comment le levier économique a-t-il pu imposer la Chine comme une grande puissance? A/ Le pari de Deng Xiaoping : «l économie socialiste de marché». - La mort de Mao Zedong permet aux «réalistes» chinois d augurer un bouleversement complet de la politique économique du pays : l autarcie est abandonnée pour une «économie socialiste de marché». Economie socialiste de marché = Economie où le libéralisme économique se développe au sein d un système politique autoritaire se proclamant toujours communiste. 1/ Inspirées par les «petits dragons» (Taïwan, Corée du Sud, Singapour, Hong Kong) qui ont développé leur économie grâce à la stratégie de l industrialisation par la promotion de l exportation, les autorités chinoises décident d ouvrir une partie de leur territoire aux capitaux étrangers. En effet, la NDIT 11 offre une extraordinaire opportunité au développement économique de la République populaire de Chine : celle-ci dispose d un énorme réservoir de maind œuvre bon marché pour attirer les IDE si les conditions sont réunies (législation attractive, réchauffement des relations sino-étasuniennes depuis 1972). Toutefois, conscients des dangers d une libéralisation économique massive, les responsables communistes encadrent strictement cette ouverture. 2/ Dans un premier temps, Deng Xiaoping met en place des réformes modernisatrices mais, auparavant, il prend soin de placer ses proches aux postes clés : Zhao Ziyang, Premier ministre ; Hu Yaobang, secrétaire général du PCC. Son programme réformateur se concentre dans les Quatre Modernisations mises en œuvre en 1978-1979 : Priorité est accordée à l agriculture. Jusqu en 1984-1985, l accent est surtout mis sur la décollectivisation des campagnes, entraînant la disparition des communes populaires. Le retour à l exploitation familiale et la commercialisation des produits agricoles provoquent une augmentation spectaculaire de la production et des revenus des paysans entre 1979 et 1985. Cette libéralisation des campagnes s étend à l industrie où la planification devient indicative pour des entreprises privées, de petites tailles, qui peuvent donc rechercher le profit. Mais, en 1984, le champ de cette modernisation de l économie s étend considérablement. Dans les villes, la restructuration du pouvoir dans les entreprises (1984) et la généralisation du «système de responsabilité» (1987) transforment le secteur industriel où la concurrence se développe. Certaines entreprises d Etat obtiennent le droit de former des joint-ventures avec des entreprises étrangères et 5 ZES sont inaugurées dans le sud du pays pour gagner des devises, transférer des technologies et «expérimenter les modes de gestion occidentaux». Plus tard cette mesure s étend à 14 villes côtières, puis à 3 régions littorales, en 1988 toutes les villes du littoral sont ouvertes, idem en 1990 pour les villes des régions frontalières (Russie, Asie centrale, Birmanie, Vietnam). Zone économique spéciale (ZES) = Territoire où les entreprises bénéficient de facilités douanières, d impôts et de contraintes allégées par rapport aux normes nationales. La dernière modernisation porte sur le domaine militaire mais dans une moindre mesure car, pour le gouvernement chinois, il s agit de ne pas effrayer les partenaires et d avancer discrètement. - Ainsi, les politiques économiques menées par Deng Xiaoping cherchent d abord à parer à l urgence de la situation alimentaire et agricole du pays et, seulement après, à «réformer et ouvrir» la République populaire de Chine. - Bien qu empreintes de modernisation ces réformes ne doivent surtout pas être opposées aux politiques des trente dernières années du régime car, jamais, les dirigeants n ont voulu faire table rase du système socialiste hérité. Le fait majeur a tenu dans une décentralisation des pouvoirs de décision en matière économique afin de faciliter l intégration de certaines provinces chinoises au système économique mondial. - En définitive, il s est agi essentiellement d effectuer des réajustements économiques et sociaux, dont a été exclue toute modernisation strictement politique : la démocratie réclamée par Wei Jingsheng comme la «cinquième» 11 Nouvelle Division Internationale du Travail. 12

modernisation de la Chine n a pas abouti et a conduit son auteur, pour trahison et activité contre-révolutionnaire, en prison pour 15 ans. - Une nouvelle politique économique qui s accompagne d une ouverture plus large vers l Occident. 1/ Les relations avec l Occident s améliorent rapidement avec : un accord commercial avec la CEE dès 1978 ; un traité de paix et d amitié avec le Japon la même année, suivi d un important accord commercial et financier ; l établissement de relations diplomatiques officielles avec les Etats-Unis en décembre 1978 ; l entrée de la République populaire de Chine au FMI en 1980 De plus, en 1984, un accord sur la rétrocession de Hong Kong est signé avec le Royaume Uni pour entrer en vigueur en 1997, le principe étant «un pays, deux systèmes». 2/ Cette évolution de la diplomatie chinoise s explique également par la persistance de ses mauvaises relations avec l URSS jusqu au début des années 1980, même si depuis 1982 la République populaire de Chine tente de rééquilibrer sa politique extérieure en affirmant sa solidarité avec les pays du Tiers-monde et en reprenant le dialogue avec l URSS en 1984. - Cependant, cette période révèle également l impossible démocratisation de la République populaire de Chine. 1/ La victoire de Deng Xiaoping en 1978 semble annoncer non seulement une grande politique de réforme économique («les Quatre modernisations») mais aussi une libéralisation du pays. Toutefois, cette libéralisation que l on peut assimiler à une «démaoïsation» reste limitée. Certes Liu Shaoqi est réhabilité à titre posthume en 1980, mais le bref «printemps de Pékin» en 1979 au cours duquel le régime semble tolérer une certaine liberté d expression est rapidement éteint. Ainsi, en 1983 est lancée une campagne contre la «pollution spirituelle», suivie en 1985 d une autre campagne sur la «littérature polluante» qui combat les mauvaises influences occidentales. 2/ Parmi ces mauvaises influences diffusées par le «libéralisme bourgeois» figure la démocratie, dont la vieille garde des dirigeants communistes chinois ne veut absolument pas entendre parler. Aussi, lorsqu en 1986 Deng Xiaoping envisage un programme de «réforme des structures politiques», de vives discussions opposent-elles les cadres du PCC, eux-mêmes divisés entre conservateurs et réformistes, à des membres de l intelligentsia communiste comme l astrophysicien Fang Lizhi (le «Sakharov chinois»). 3/ Ces derniers, soutenus par les étudiants, réclament «plus de liberté et de démocratie», ce qui débouche sur d importantes manifestations étudiantes à Shanghai et à Pékin (décembre 1986) et provoque une première crise politique suite au limogeage du secrétaire général du PCC, Hu Yaobang, jugé trop libéral. En définitive, c est l option conservatrice qui l emporte en 1989 alors que, concomitamment, Gorbatchev mène la Glasnot et la Perestroïka en URSS et en Europe de l Est. 4/ Cependant, la mort de Hu Yaobang le 15 avril 1989 provoque de nouvelles manifestations étudiantes en faveur de la libéralisation du régime. La venue de Gorbatchev à Pékin, en mai, amplifie la contestation qui s étend à d autres catégories sociales et à d autres villes chinoises. De plus, mille étudiants commencent une grève de la faim sur la place Tien anmen. 5/ Le 20 mai 1989, Deng Xiaoping proclame la loi martiale. Dans la nuit du 3 au 4 juin 1989 des blindés dégagent brutalement la place Tien anmen à Pékin, haut lieu des manifestations étudiantes (plus d un millier de morts), et une sévère répression frappe le pays et provoque une vague de protestations dans le monde. Enfin, jugé à son tour trop libéral Zhao Ziyang est destitué de son poste de secrétaire général du PCC (il avait succédé à Hu Yaobang), mis en résidence surveillée jusqu à sa mort en 2005, et remplacé par Jiang Zemin. B/ La poursuite des réformes et une entrée spectaculaire dans la mondialisation (1989-2002) - 1989-2002 : Deng Xiaoping et Jiang Zemin poursuivent les avancées sur le plan économique. 1/ La succession de Deng Xiaoping réglée entre 1990 et 1993 au profit de Jiang Zemin, ce dernier poursuit la même politique économique et fait adopter par le parti le principe de «l économie sociale de marché» en 1992. Les réformes appliquées aux ZES sont alors étendues à toutes les régions qui le désirent, les prix sont libérés, un système bancaire moderne est mis en place, les privatisations d entreprises d Etat se multiplient, les entrepreneurs sont accueillis dans le parti à partir de 2001. 2/ La République populaire de Chine connaît alors une croissance économique record : + 10% en moyenne sur la décennie, et même +14% en 1993. Cet enrichissement se répercute sur le niveau de vie des habitants qui augmente nettement et une classe moyenne d une centaine de millions de Chinois fait son apparition et s ouvre aux influences 13