Alexandre PELLATON CREGO (bâtiment 19) alexandre.pellaton@wanadoo.fr THEORIES DE LA FIRME I.A.E Montpellier Master 1 commun Année universitaire 2006/2007
Chapitre 3: LA THEORIE EVOLUTIONNISTE DE LA FIRME Point de départ: redécouverte des travaux de Schumpeter sur l innovation et le progrès technique: Progrès technique = élément central de l évolution du capitalisme L apparition d innovations explique l existence des cycles économiques Freeman («L écologie des populations» d Hannan et Freeman) Nelson et Winter [1982] : An evolutionary theory of Economic Change D autres auteurs: Teece, Dosi
Chapitre 3: LA THEORIE EVOLUTIONNISTE DE LA FIRME Rejet de la vision néo-classique de la firme La firme n est pas réductible à une combinaison technique (K*L) Abandon de la vision de «firme automate» Rejet de la vision contractuelle de la firme (Théorie de l agence, Théorie des coûts de transaction) La firme n est pas une fiction légale, une entité vide Abandon de la vision de la firme comme nœud de contrats
Théorie construite sur des références aux modèles biologiques Les premières intuitions: Alchian: il entend incorporer dans la théorie économique les principes de l évolution biologique et de la sélection naturelle Les firmes ne peuvent qu être guidées par la recherche de règles de conduite permettant leur survie, i.e un niveau de profit suffisant («satisfaisant» «maximum») Friedman: reprend les propositions d Alchian pour refonder les hypothèses néo-classiques «As if»: seules les entreprises qui se comportent «comme si» elles maximisaient survivent Ex: les feuilles d un arbre, en recherchant systématiquement la lumière, se comportent comme si elles cherchaient à maximiser leurs besoins
Les fondements de la théorie évolutionniste: Nelson et Winter: objectif de construire une théorie générale du changement en économie Analogie avec la biologie: ils identifient dans les comportements des agents économiques: Des éléments de permanence ou d hérédité: Gènes «Routines» Un principe de variations ou de mutations: Comportements de «search» des firmes Un mécanisme de sélection: L environnement (le marché) agit comme un filtre qui ne retient que certaines firmes
Chapitre 3: LA THEORIE EVOLUTIONNISTE DE LA FIRME Les 2 hypothèses clés de la théorie évolutionniste: Ultra-individualisme Routines Ultra-individualisme: On procède à partir d une vision de la firme constituée d individus distincts et dotés de caractéristiques cognitives qui leur sont propres Opposition Individualisme vs Holisme
Individualisme (interactionnisme) On part de l individu Firme = somme des individus qui la composent Importance des interactions entre les individus Firme évolutionniste Holisme (structuralisme) On part du «tout» Firme = 1 agent économique Importance des structures Firme néo-classique Existe de part les interactions entre individus (étudiants, profs ) Ex: l Université En sociologie Existe parce qu il y a des bâtiments, salles de cours Max Weber Emile Durkheim
Si la firme = somme des individus qui la composent, comment la considérer comme une entité cohérente dans ses comportements? Routines: Réponse des évolutionnistes: Ce sont les «routines» acquises par les agents au cours de leurs interactions qui permettent la cohérence des décisions Une firme ne survit que si elle dispose en son sein des routines (gènes) nécessaires pour faire face aux changements de son environnement Que sont les routines? L équivalent au niveau de l entreprise des savoir-faire des individus
La firme n est pas assimilée à son propriétaire qui agit selon le principe de maximisation du profit, mais à des individus qui agissent suivant des routines La firme est appréhendée par les évolutionnistes comme une entité dotée de compétences / connaissances individuelles et collectives mémorisées dans des routines, et qui s accroissent par le phénomène d apprentissage Importance du caractère «tacite» des connaissances / compétences / savoir-faire dans la firme
Connaissances individuelles / Connaissance collective (ou «organisationnelle») Tout le monde ne sait pas la même chose (les individus détiennent des connaissances individuelles) Et il existe des connaissances partagées par plusieurs individus à l intérieur de la firme (connaissance collective) «C est cet ensemble de connaissances individuelles, spécifiques ou partagées que l on peut qualifier, sans anthropomorphisme aventureux ou réification hasardeuse, de connaissance organisationnelle» (Reix [1995]) La connaissance organisationnelle, c est bien plus que la somme des connaissances individuelles Interactions entre les individus Mémoire organisationnelle, valeurs, normes, sens commun
Connaissances explicites / Connaissances tacites (ou implicites) Connaissance explicite: éléments tangibles (bases de données, infos, documents), formalisés et matériellement transmissibles d un individu à l autre Polanyi [1969]: «We know more than we can tell» Connaissance tacite: rassemble le «non-dit», à savoir l ensemble des compétences, talents, secrets, tours de mains, détenus par un individu, qui ne sont pas formalisés Ex: Faire du vélo, réussir une mayonnaise, jouer du piano Reix [1995]: «La principale caractéristique de la connaissance tacite réside dans sa difficulté de transmission»
Connaissances explicites / Connaissances tacites (ou implicites) Nonaka: l iceberg de la connaissance Connaissance explicite 20 % Connaissance tacite 80 %
L apprentissage Argyris et Schön: l apprentissage organisationnel Qui apprend? Les individus, mais aussi l organisation Valeurs directrices (programme maître) Stratégies d action Conséquences Apprentissage en simple boucle Apprentissage en double boucle
L apprentissage Apprentissage en simple boucle: Résolution de problèmes routiniers de la part des individus Mode d apprentissage fondé sur la répétition et l imitation, garantissant une certaine stabilité organisationnelle Mode d apprentissage peu novateur qui ne remet pas en cause les cadres de référence de l organisation Apprentissage en double boucle: Interrogation sur les valeurs mêmes qui structurent les cadres de référence de l entreprise Mode d apprentissage fondé sur l expérimentation et la transformation Mode d apprentissage qui favorise la créativité et la mise en place de projets innovants
Les questions soulevées par la théorie évolutionniste: Question centrale: la cohérence de l entreprise? En découle 3 séries de questions: Comment distinguer une firme d une autre? Pourquoi chaque firme dispose d un portefeuille d activités non aléatoires et qui répond à une cohérence interne? Suivant quelles logiques les firmes évoluent et se transforment? Pour répondre à ces questions, les évolutionnistes identifient 4 attributs clés de la firme
Les attributs clés de la firme évolutionniste: Apprentissage et routines Evolution et contrainte de sentier («path dependancy») Sélection et environnements La firme comme compétence foncière
Apprentissage et routines: Apprentissage = Processus par lequel la répétition et l expérimentation font que, au cours du temps, des tâches sont effectuées mieux et plus vite, et de nouvelles opportunités dans les modes opératoires sont sans cesse expérimentés 5 caractéristiques de l apprentissage: L apprentissage est cumulatif Supériorité des connaissances/compétences organisationnelles La connaissance engendrée par l apprentissage est matérialisée dans des routines Routines statiques et routines dynamiques Les routines sont tacites donc non transférables
Apprentissage et routines: Apporte une réponse à la 1ère question: Comment différencier une firme d une autre? 2 firmes se distinguent par leurs savoir-faire, leurs connaissances/compétences organisationnelles, leurs routines
Evolution et contrainte de sentier («path dependancy»): La firme évolue suivant un sentier déterminé La nature même des compétences accumulées au sein de la firme va déterminer les trajectoires où elle va s engager C est à partir du concept de sentier dépendant que les évolutionnistes proposent une théorie de la transformation de la firme Toute firme d une certaine importance dispose d une activité principale et d activités secondaires Dans certaines circonstances, la firme peut-être conduite à développer ses compétences secondaires, de telle sorte qu elles prennent une place de plus en plus importante, jusqu à devenir principales
Evolution et contrainte de sentier («path dependancy»): On dit alors qu il y a un changement de trajectoire, dû à des «opportunités technologiques» Permet de répondre aux 2ème et 3ème questions: Diversité des portefeuilles d activité des firmes? Evolution des firmes? Les firmes peuvent changer de trajectoire si des opportunités technologiques leur permettent de développer des compétences secondaires
Sélection et environnements: La vision néo-classique suppose que l environnement (le marché) a la capacité d éliminer efficacement toute firme ne se comportant pas suivant l hypothèse de maximisation du profit Pour les évolutionnistes, il y a une pluralité des environnements de sélection Explique l existence de trajectoires technologiques différentes selon la structure des marchés, les caractéristiques institutionnelles Ils distinguent 2 types d environnements de sélection: environnements de sélection «lâches» environnements de sélection «étroits»
La firme comme compétence foncière: Compétence foncière = «un ensemble de compétences technologiques différenciées, d actifs complémentaires et de routines qui constituent la base des capacités concurrentielles d une entreprise dans une activité particulière» (Teece [1988]) Cette firme est spécialisée dans Chez X ils sont bons en matière de La compétence foncière d une firme est principalement tacite, et par conséquent non transférable
Les régimes technologiques: (Bouba-Olga p.148) Entrepreneurial Routinier Innovations Logique d accroissement des compétences Nature des connaissances nouvelles Valeur économique attendue Lieu d exploitation Radicales Elargissement Codifiables Fortement incertaine Nouvelles entreprises Incrémentales Approfondissement Tacites Faiblement incertaine Entreprises en place
La pertinence de la Firme évolutionniste dans le contexte économique: Hypercompétition (R. D Aveni) Chronocompétition Coopétition Société du savoir / Société de la connaissance / Société «funky» Connaissance = nouveau facteur de production Gestion des connaissances («Knowledge Management») «La connaissance détenue par une entreprise est une élément majeur de son avantage concurrentiel» (Reix [1995]) Guerre des talents («War of talents»)
La Firme évolutionniste dans le débat MBV / RBV: Resource Based View Vision volontariste de la firme Hamel et Prahalad: les «core competencies» L avantage concurrentiel repose sur les compétences Pour survivre, une entreprise doit développer des compétences distinctives, idiosyncrasiques, rares et créatrices de valeur L entreprise créée elle même son propre marché («break the rules») Market Based View Vision déterministe de la firme Michael Porter: les 5 forces concurrentielles L avantage concurrentiel repose sur le positionnement Pour survivre, une entreprise doit analyser l environnement dans lequel elle évolue et agir en fonction de lui L entreprise s adapte au marché, à son environnement