Sommeil normal et pathologique Ventilation pendant le sommeil Diagnostic différentiel du SAOS Pr Carole Planès Physiologie UFR SMBH Bobigny, UP13 2011
Nous passons environ 25 ans de notre vie à dormir Et pourtant la médecine du sommeil reste mal connue des professionnels de santé!
PLAN Sommeil normal et pathologique : Définition du sommeil et des états de vigilance Principe des enregistrements polysomnographiques Stades de sommeil Macrostructure du sommeil : l hypnogramme Microstructure du sommeil : les microéveils Fonctions du sommeil Modifications de la ventilation pendant le sommeil Diagnostic différentiel du SAOS et de la somnolence diurne excessive Syndrome d insuffisance de sommeil Somnolence d origine médicamenteuse Somnolence liée à un trouble intrinsèque du sommeil : narcolepsie
Introduction Définition du sommeil et des états de vigilance
Comment définir le sommeil? Etat particulier qui se traduit par une suspension périodique, réversible et naturelle de la vie consciente. Phénomène ACTIF Important quantitativement et qualitativement 8h / jour, soit 25 ans dans une vie de 75 ans
Rythme veille sommeil rêve : 3 états de vigilance distincts Eveil Activité corticale intense (désynchronisation corticale) Tonus musculaire élévé Ach, NE, 5-HT, HA Sommeil à ondes lentes GABA Activité corticale synchrone (Ondes lentes) Diminution tonus musculaire Sommeil Paradoxal Ach, Glu, gly Rêve Activité corticale intense (désynchronisation corticale) Atonie musculaire Mouvements oculaires rapides
Structure du sommeil Enregistrements polysomnographiques Les différents stades de sommeil L hypnogramme normal
POLYSOMNOGRAPHIE (PSG) Enregistrement des différentes variables neurophysiologiques permettant l analyse de la macrostructure du sommeil HYPNOGRAMME En général : enregistrement aussi de variables végétatives telle que la respiration, la fréquence cardiaque Durée : 8h d enregistrement nocturne (plus rarement sur 24h)
Variables neurophysiologiques : Au minimum : Electroencéphalogramme (EEG) : au moins 3 dérivations (frontale, centrale, occipitale) Electro-oculogramme (EOG) : mouvements verticaux et horizontaux Electromyogramme (EMG) : tonus musculaire
Variables respiratoires : Estimation du flux aérien nasal et buccal: «lunettes» nasales (nasal prong = capteur de pression) Thermistance buccale Pneumotachographe (masque) Mouvements thoraciques et abdominaux: sangles avec jauges de contrainte, pléthysmographie d inductance) Oxygénation du sang: oxymétrie de pouls Bruits trachéaux: microphone Eventuellement : Effort inspiratoire: pression pleurale (ballonnet oesophagien)
Stades de sommeil EEG EOG EMG Veille (W ou E) - active - Fréquences rapides 14 cycles/s (rythme beta) Rapides (MOR) + clignements - calme (yeux fermés) - Alpha: 8 à 13 c./sec Lents Stade N1 (NonREM 1) -Thêta : 4 à 7 c./sec Lents Stade N2 -Thêta, complexes K, «Spindles» (= fuseaux; 11-16 c./s) absence Stade N3-20% d ondes Delta /époque absence (0.5 à 2 c./sec, amplitude > 75 µv) Stade R (REM) -Thêta et un peu d alpha Rapides Atonie (S. paradoxal, SP) - Ondes en dent de scie (MOR ou REM) + twitch
Veille active Rythme rapide, de faible amplitude Mouvements oculaires, clignements Tonus musculaire élevé
Veille calme Rythme alpha (veille yeux fermés)
Stade N1 (endormissement) Fragmentation du rythme alpha, apparition de rythme théta Mouvements oculaires lents
Stade N1
Stade N2 Théta, spindles (fuseaux, 11-16Hz), complexes K (ondes diphasiques), Pas de mouvements oculaires Tonus musculaire plus faible, mais présent
Stade N3 Ondes lentes delta, de grande amplitude ( 20%) Tonus musculaire plus faible, mais présent
Sommeil paradoxal (REM) Rythme rapide, peu ample Mouvements oculaires rapides (REM), en opposition de phase Tonus musculaire aboli
SP avec twitch Bouffées toniques (Twitches)
Hypnogramme normal Stade N1 : 5% du temps de sommeil total (TTS) Stade N2 : 50% du TTS Stade N3 : ~ 100/110 min / nuit en première partie de nuit Stade REM : 20-25% du TTS, survenant toutes les 90 min, prédominant en fin de nuit (2h à 7h du matin)
Hypnogramme Période totale de sommeil (PTS) Temps total de sommeil (TTS) : PTS (veille intra-sommeil) Cycle 4-6 cycles de 90-110 min Sommeil lent profond (N3) prédomine Sommeil lent léger (N2) et SP prédominent
Hypnogramme anormal Perte de l organisation cyclique, nombreux éveils intrasommeil, fragmentation anormale, déficit en N3 et en SP
Fragmentation du sommeil Veille SP St 1 St 2 Hypnogramme normal St 3-4 Veille St 1 SP St 2 St 3 0 Hypnogramme de SAOS sévère 8 h 0 8 h
Microstructure du sommeil La polysomnographie permet aussi de détecter les microéveils intrasommeil, définis par une accélération du rythme EEG durant 3 à 15 s. Une microfragmentation anormale du sommeil correspond à un : index de microéveils > 10 heure de sommeil
Stade N2 + microéveil
Stade N2 + microéveil
Hypopnées + microéveils
Fonctions du sommeil encore incomplètement connues!
Le sommeil est indispensable au bon fonctionnement du cerveau et à la survie Expérience de privation totale de sommeil chez l homme pendant 11 j Hallucinations, troubles psychiatriques Fièvre Incoordination motrice Privation totale de sommeil chez le rat : Mort de l animal Privation partielle de sommeil chez l homme : Irritabilité Diminution des performances Difficultés de concentration Dépression, fatigue Perte d appétit, troubles gastro-intestinaux Douleurs musculaires, troubles visuels
= repos du cerveau Sommeil lent Réserve énergétique Processus de réparation et de récupération (protéines synaptiques) Processus mnésique : réactivation des traces mnésiques acquises pendant la journée dans l hippocampe (stockage précoce), permettant la sélection des infos à mémoriser et leur stockage définitif au niveau du cortex préfrontal.
Sommeil paradoxal Activité de rêve Processus mnésiques Augmentation dans certaines conditions expérimentales d apprentissage (langues étrangères) Phénomène mémorisation des comportements innés de l espèce (programmation itérative)?
A chacun son sommeil Besoin de sommeil : temps de sommeil qui correspond à l absence de toute envie de dormir dans la journée Influence génétique ~ 7h30-8h30 chez l adulte Petit dormeur : < 6h /j Grand dormeur : > 9h /j Toujours 100 min de SLP (N3)
Sommeil léger Sommeil profond Sommeil paradoxal Toujours 100 min de sommeil profond, que l on soit petit, moyen ou long dormeur
Ventilation et sommeil
La ventilation diminue dès l endormissement Ventilation (L/min) Cessation de l alpha Respirations après la cessation de l alpha Colrain et al, JAP, 1987.
(volume courant)
Modifications de PaCO 2 et PaO 2 au cours du sommeil La PaCO 2 augmente de 3-4 mmhg pendant le sommeil La PaO 2 diminue de 4-6 mmhg, la SaO 2 de 1-2%.
Mécanismes de la diminution de ventilation pendant le sommeil Baisse de la commande centrale (disparition du contrôle comportemental) Diminution de la réponse ventilatoire au stimuli hypercapnique et hypoxique Démasquage d un seuil apnéique au CO 2 Augmentation de la résistance des voies aériennes supérieures (VAS) par diminution de l activité des muscles dilatateurs des VAS.
Contrôle comportemental /Contrôle métabolique de la ventilation
Le contrôle comportemental de la ventilation, largement prépondérant à l éveil, disparaît pendant le sommeil. Le contrôle métabolique seul persiste pendant le sommeil lent
Mécanismes de la diminution de ventilation pendant le sommeil Baisse de la commande centrale (disparition du contrôle comportemental) Diminution de la réponse ventilatoire aux stimuli hypercapnique et hypoxique Démasquage d un seuil apnéique au CO 2 Augmentation de la résistance des voies aériennes supérieures (VAS) par diminution de l activité des muscles dilatateurs des VAS.
Réponse ventilatoire au CO 2 pendant le sommeil. VE (L/min) 20 10 Veille Stade N3 Stade N2 SP D après Douglas, ARRD 1982 30 35 40 45 50 PaCO 2 (mmhg)
Démasquage d un seuil apnéique pendant le sommeil Xie AJRCCM 2002
Risque de ventilation périodique à l endormissement
Instabilité ventilatoire à l endormissement Eveil Stade N1 40 PaCO 2 36 Seuil apnéique
Mécanismes de la diminution de ventilation pendant le sommeil Baisse de la commande centrale (disparition du contrôle comportemental) Diminution de la réponse ventilatoire au stimuli hypercapnique et hypoxique Démasquage d un seuil apnéique au CO 2 Augmentation de la résistance des voies aériennes supérieures (VAS) par diminution de l activité des muscles dilatateurs des VAS.
Résistances des voies aériennnes pendant le sommeil (Nez épiglotte) Hudgel J Appl Physiol, 1984
Modèle des VAS PRESSION NEGATIVE EN INSPIRATION Pendant la veille, les muscles dilatateurs du pharynx se contractent à l inspiration en même temps que le diaphragme pour rigidifier le pharynx et éviter le collapsus inspiratoire dû à la dépression inspiratoire.
Action multidirectionnelle des muscles dilatateurs du pharynx Dempsey JA Physiol Rev 2010
L activité du génioglosse diminue pendant le sommeil, surtout en SP. Le calibre pharyngé diminue pendant le sommeil
Typical recordings of airflow, tracheal pressure, and genioglossal (GG) EMG during wakefulness, NREM sleep, and REM sleep. Augmentation de l activité du diaphragme Diminution de l activité du génioglosse Tuck S A et al. J Appl Physiol 1999;87:444-451 1999 by American Physiological Society
Diagnostic différentiel du SAOS ou pathologies pouvant être associées aux SAOS
Signes cliniques du SAOS Symptômes nocturnes : Symptômes diurnes : - Ronflement sévère - Arrêts respiratoires constatés ou ressentis - Sommeil fragmenté, non réparateur fatigue matinale - Nycturie - Céphalées nocturnes ou matinales - Somnolence diurne excessive (SDE) - Asthénie - Irritabilité, agressivité - Humeur dépressive - Trouble des fonctions cognitives (mémoire, concentration ) - Trouble de la libido
La plainte du patient (ou de ses proches) Comportements anormaux (parasomnies) Troubles moteurs pendant le sommeil Insomnie / Mauvais sommeil (dyssomnie) Hypersomnolence diurne
Echelle de somnolence d Epworth Somonolence diurne excessive (SDE) si score 10 SDE sévère si > 16 SDE majeure si > 20 Score maximal : 24
Principales causes de somnolence diurne excessive Troubles extrinsèques du sommeil : Syndrome d insuffisance de sommeil Somnolence liée aux médicaments Troubles intrinsèques du sommeil : Par exemple : Narcolepsie (syndrome de Gélineau) Troubles du sommeil liés à une pathologie respiratoire du sommeil : Syndrome d apnées obstructives du sommeil
Principales causes de somnolence diurne excessive Troubles extrinsèques du sommeil : Syndrome d insuffisance de sommeil Somnolence liée aux médicaments Souvent associés au SAOS et pouvant aggraver celui-ci S o u v e n t
Syndrome d insuffisance de sommeil = privation partielle de sommeil «Trouble qui se produit chez un individu qui de façon persistante n obtient pas un temps de sommeil nocturne suffisant pour permettre un niveau d éveil normal le jour». L Américain moyen dort ~ 1h de moins aujourd hui qu en 1910 : Energie électrique et lumière artificielle Heures supplémentaires, travail posté, temps de trajet long Enfants en bas âge Etudiants, militaires
Et cela ne s arrange pas Pourcentage de sujets dormant : Heures de sommeil semaine semaine N = 1506 participants, âge moyen ~ 41 ans
Les SIGNES CLINIQUES : Somnolence diurne (AM et début de soirée) Difficulté à se mettre en route le matin des performances diurnes, irritabilité, difficulté de concentration, dépression Souvent prise de stimulants Allongement du temps de sommeil le WE, pendant les vacances
0h00 6h00 12h00 18h00 0h00
Somnolence diurne
Score de performance Tests de performance après privation partielle de sommeil Elevé Faible Jours avec privation de sommeil nocturne TIB : Time In Bed
Somnolence liée au médicaments Difficile à chiffrer, largement sous-estimée Conséquences importantes sur la vie quotidienne : Activités professionnelles Conduite automobile Psychotropes : Anxiolytiques et hypnotiques Neuroleptiques Antidépresseurs Antiépileptiques (phénob., carbamazépine, a. valproïque, phénytoïne) Antihistaminiques H1 (surtout les anciennes molécules) Antalgiques morphiniques et morphinomimétiques Myorelaxants Antimigraineux Progestatifs
Signes cliniques de la narcolepsie «Tétrade narcoleptique» Somnolence diurne excessive (constante, premier signe à apparaître) Attaques de cataplexie (pathognomonique) Halucinations hypnagogiques (à l endormissement) ou hyponopompiques (au réveil) : ~ 2/3 des cas Paralysies du sommeil : ~ 50% des cas
Somnolence diurne Quotidienne mais non permanente Accès de sommeil souvent INCOERCIBLES survenant souvent aux mêmes heures dans la journée, persistant toute la vie Très invalidants (ESS > 16, somnolence diurne sévère) Durée variable selon la situation Toujours restaurateurs d une VIGILANCE NORMALE Parfois associés à des conduites automatiques
AGENDAS DE SOMMEIL
Attaques de cataplexie Brusque relâchement du tonus musculaire sous l influence d une émotion (joie, fou-rire, peur, colère ) Partielle (n affectant que certains muscles) ou globale avec chute Sans endormissement ou perte de connaissance associés Durée variable : qq sec à plusieurs min Fréquence : quelques unes dans la vie ou plusieurs /j Apparition parfois retardée de plusieurs années par rapport à la somnolence, évoluant par phases Parfois très difficiles à retrouver et à confirmer
Chiens en cataplexie
hallucinations hypnagogiques ou hypnopompiques Hallucinations visuelles, auditives, parfois somesthésiques, à l endormissement ou au réveil Souvent menaçantes, effrayantes Pouvant survenir lors des épisodes de sommeil diurne Critiquées par le sujet Souvent transitoires, inconstantes (2/3 des cas)
Paralysies du sommeil Incapacité à mobiliser les membres et la tête au réveil ou à l endormissement (seuls les muscles oculomoteurs et respiratoires fonctionnent) Très angoissantes Non pathognomoniques (peuvent exister chez le sujet sain) Inconstantes (< 50% des cas)
Diagnostic positif Essentiellement CLINIQUE : «Episodes de sommeil diurne récurrents survenant presque tous les jours sur une période d au moins 6 mois et d attaques de cataplexie cliniquement confirmées» Pb des formes atypiques ou incomplètes SANS cataplexie Examens paracliniques : PSG + TILE (le lendemain) Typage HLA DR Dosage de l orexine dans le LCR?
PSG : Sommeil fragmenté par des éveils intra-sommeil Parfois endormissement en SP TILE : Latence moyenne d endormissement < 7 min (svt 2-3 min) Au moins 2 endormissement en SP Typage HLA : Examens paracliniques Marqueur le plus spécifique : HLA DQB1 *0602 Présent chez 85-100% des NL avec cataplexie, 40-60% si pas de cataplexie, mais 22% des témoins Gène de susceptibilité
Hypnogramme de 24h chez un narcoleptique
TILE Témoins Narcoleptiques
Physiopathologie Déficience de la neurotransmission orexinergique (= hypocrétinergique) Très rares cas de mutation du gène de la préprohypocrétine ou des récepteurs à l hypocrétine Mais HYPOCRETINE indétectable dans le LCR de la plupart (90%) des sujets narcoleptiques et cataplectiques Gènes de susceptibilité connus dans le système HLA : processus auto-immun qui détruirait de façon massive et sélective les neurones à hypocrétine?
Systèmes d éveil : rôle de l orexine Pendant la veille, les neurones à orexine (hypocrétine) de l hypothalamus latéral stimulent l ensemble des systèmes ascendants d éveil et augmentent l activité corticale.
Physiopathologie La déficience en orexine induit : Une impossibilité à maintenir l état de vigilance L intrusion pathologique de REM ou de sommeil non-rem à l état de veille Des transitions fréquentes entre des états de sommeil (notamment REM) et de veille