Diriger un groupe d enfants L enseignement de la musique et en particulier la pratique du chant s inscrit dans les disciplines artistiques au même titre que l enseignement du français et des mathématiques, pour chaque cycle. Comment s y prendre? Faut-il des compétences spéciales pour faire chanter un groupe d enfants? Il faut dissocier l enseignant et l élève, c'est-à-dire la fonction pédagogique et l apprentissage lui-même. Et situer l espace dans lequel s inscrit cette pratique. On peut distinguer trois types d espace Espace institutionnel Les effectifs des classes et le nouveau profil des enfants plus habitués à zapper les programmes des écrans qu à exercer une attention continue sur un objet, quel qu il soit : tout cela contribue à dessiner un arrière-plan nouveau où les risques de dérapage de la voix se multiplient. Face à une classe bruyante, il ne sert à rien de vouloir passer par-dessus le bruit en parlant fort. Il faut «débrancher», c'est-à-dire amener les enfants par une minute de silence, un travail écrit, une sortie vers une activité sportive à sortir du brouhaha et protéger votre voix. Espace de la classe D autre part, les conditions acoustiques peuvent aider ou desservir l enseignant : une classe sonore est une classe qui favorise le bruit, le non-respect des consignes et qui rend la tâche de l enseignant extrêmement difficile. Une rumeur, sorte de tapis sonore, remplace le silence nécessaire à la concentration et l écoute, et génère progressivement une fatigue qui disperse l attention. Pour une plus grande disponibilité des enfants, il est opportun de quitter l espace classe pour le chant et d emprunter une salle polyvalente où les enfants pourront s asseoir par terre et apprendre à gérer l espace. Espace personnel Il convient donc de prendre un peu de hauteur pour éviter les pièges dans lesquels le stress, la fatigue et la méconnaissance de la voix peuvent abîmer durablement la capacité à parler et à chanter ; pour amener également les enfants à s approprier leur voix. S approprier sa voix Alors que les comédiens apprennent le métier de la scène à partir de jeux de rôle, de jeux vocaux et de jeux de mise en scène, les enseignants, capitalisent des savoirs sans apprendre à gérer leur voix pour les transmettre. Et il est impossible d explorer sa voix tout seul. Comment faire alors pour apprivoiser sa propre voix, l explorer sans contrainte et la maîtriser dans un espace public. Il est nécessaire de respecter quelques consignes simples.
Jouer avec la voix En effet, plus on joue avec la voix, ( les intonations, c'est-à-dire les variations de hauteur, ce qu on appelle la prosodie et qui concerne l organisation du discours: l articulation, l expression, la vitesse d exécution, ce qu on appelle le tempo en musique, les accélérations et les ralentis, le ton : la dramatisation ou au contraire l espièglerie, l humour) plus on sollicite l attention du public et plus on prend de plaisir dans le contact qu on a avec ce public. Regarder l interlocuteur Ecouter tous les professionnels de la voix parlée: les journalistes, les avocats, les responsables politiques etc comparez-les, ceux qui accrochent le plus ne sont pas ceux qui parlent le plus fort! Soyez attentif à votre voix parlée à tout moment et pas seulement en situation professionnelle. Boire régulièrement et être vigilant dans les milieux trop secs : Les cordes vocales ne supportent pas les milieux trop secs et le froid : il faut donc boire régulièrement et protéger sa voix avec un foulard dès qu il fait froid. N oubliez pas de vous faire plaisir en écoutant des chanteurs et des comédies musicales. Allez à l opéra et regardez des DVD. Pour donner un bon exemple vocal, il faut recevoir de belles interprétations. Amener les enfants à s approprier leur voix Il n est pas possible de faire chanter n importe quoi. Il faut donc distinguer : les critères de choix, la méthodologie de l apprentissage, les moyens nécessaires (support instrumental, exemple vocal, dimension du groupe, acoustique de la salle, position des enfants en demi-cercle), la finalité qui va devenir une motivation pour les enfants: Les critères de choix Il faut pouvoir choisir une chanson que l ensemble des enfants peut apprendre, et qui va leur plaire. Ne pas cibler une chanson difficile qui va écarter certains enfants et souligner des différences d aptitudes. Vérifier que la tessiture n est pas trop aigue, que l ensemble des paroles est adapté au niveau de la classe et facile à mémoriser, que les formules rythmiques restent simples et les intervalles accessibles, et préparer l apprentissage. La préparation de l apprentissage
- Pour faire chanter des enfants, il faut s appuyer sur un bon exemple vocal. Et apprendre la chanson quelque temps auparavant. Et chercher à présenter la chanson de manière attractive pour amener les enfants à avoir une écoute active dès la première séance. - Il faut ensuite faire une petite analyse du texte : s agit-il d un texte poétique, d une chanson ancienne, d une chanson dite à texte, d un jeu de rimes autour de mots clés. Dans tous les cas, il s agit de donner du sens à ce texte et d amener les enfants à construire la phrase autour des mots principaux. - Quel est le rythme de la phrase? Est-il possible de le frapper aisément? - Autour de quelle forme est construite la chanson? Souvent il y a alternance de refrain et de couplets. On peut schématiser à partir de lettres : A, (refrain) B, (couplet), A, C, A, D. Il est nécessaire de mémoriser l ensemble du texte avant de l apprendre aux enfants. - En ce qui concerne la mélodie, y-a-t-il de grands intervalles? Sur quel geste le chant peut s appuyer pour chanter ces intervalles, sur quelles images (si le son est intériorisé, on peut amener les enfants à lancer des fléchettes imaginaires), à partir de quelle représentation visuelle on peut aider les enfants à chanter différentes hauteurs. - Quel tempo choisir? S agit-il d une danse? D une histoire? d une comptine? Le caractère expressif va déterminer le tempo - Un autre élément va intervenir, c est la mesure, c'est-à-dire l appui, comme une sorte d accentuation tous les 2, 3, ou 4 temps et qui va elle aussi donner du caractère à la musique : une marche ou une comptine (à 2 temps), une danse (valse ou menuet, à 3 temps), une histoire (à 4 temps). - Comment préparer la gestique? Donner la note de départ, compter 2, 3, ou 4 temps suivant la mesure, et s entraîner à chanter en donnant le tempo (faire rebondir la main comme au jeu du yo-yo). Préparation corporelle Les bras le long du corps, les jambes légèrement écartées, il s agit de «planter ses racines». Fermer les yeux, repérer les bruits de l intérieur, ceux de l extérieur. Déverrouiller les articulations : s étirer plusieurs fois en baillant, solliciter ensuite le cou et les épaules, laisser tomber la tête en avant en expirant, inspirer en la relevant, tourner la tête en lui faisant faire une rotation, dans un sens puis dans l autre, faire tourner les épaules en avant et en arrière (image du nageur), faire faire une rotation au bassin (hula-hoop), débloquer les genoux, accroupi, debout, secouer une jambe puis l autre comme pour se débarrasser de la boue, jouer avec les poignets en les faisant tourner dans un sens puis dans l autre.
Jeux de rythme sur les différentes parties du corps. Domino des rythmes : on associe deux sonorités différentes : par exemple mains frappées ensemble et doigts cliqués. L intérête est de jouer avec toutes les parties du corps. Préparation vocale Prise de conscience de la respiration : «Tss, Ch, Pitch, Kroutch», les mains sur le ventre. Dans l inspiration, les mains s écartent comme pour gonfler un ballon, dans l expiration, les mains se replacent, le plus lentement possible, l une contre l autre. Quatre images associées chacune à un son et à un geste : - Le vent - Les vagues de la mer - La pluie - Des sirènes de bateau Jouer avec chacun des éléments, les associer de différentes façons «hop, hop, hop» : jouer avec une balle imaginaire. Improviser en faisant un pas en avant une réflexion en partant de «ha-ha» ou «ho-ho» avec un geste. En rond, un son accompagné d un geste, passe de personne en personne. Librement placés dans l espace de la pièce, chacun marche en jouant avec une son doublé d un geste : ce peut être une onomatopée ou un rythme vocalisé ou une imitation instrumentale. En rond, chacun porte un son en veillant à ce que le son ne soit jamais coupé. Un meneur joue avec le volume, la hauteur, l accélération ou le ralentissement. Imaginer deux chemins de sons : «a-o-u-i-u-o-a» et «a-ê-é-i-é-ê-a» Apprentissage d une chanson Ecoute active de la chanson, puis reconstitution des mots importants et du texte au tableau. Mie en place d un parler rythmé avec la mémorisation du texte. Notation au tableau des respirations. Reprise du texte, phrase par phrase, la main sur le ventre, pour ressentir physiquement le rôle de la respiration et la chute de la voix parlée à la fin de la phrase.
Mise en scène de chaque phrase par des volontaires pour donner du sens au texte. Apprentissage global de la mélodie, avec un éclairage particulier sur les grands intervalles et ce qui peut représenter une difficulté dans la diction, reprise phrase par phrase, puis reprise de la chanson en entier. Faire passer un motif accompagné par un geste (jeu du téléphone arabe) pour vérifier qu il n y a pas d erreurs. Proposer à ceux qui le veulent de chanter seuls. Valoriser chacune des interventions et poursuivre jusqu à ce que l interprétation soit satisfaisante pour tout le groupe. Jeux musicaux autour d une chanson Expérimentation du tempo par le rebond des mains sur les genoux. Notation au tableau des pulsations. Partager la classe en deux groupes : un groupe chante en faisant rebondir les mains sur les genoux, un autre chante en frappant le rythme. Et vice-versa. Choix d un mot important qui va jouer le rôle d une percussion et rebondir en accompagnant le tempo. Un groupe chante la mélodie, un autre accompagne en faisant rebondir le mot sur la pulsation. Superposition d un ostinato rythmique basé sur des onomatopées ou une imitation de percussions et de la mélodie. Recherche d un bourdon sonorisé par «bom» sur deux accords : l accord de tonique et l accord de dominante. Deux groupent qui alternent : l un avec l accompagnement de percussions, l autre avec la mélodie. A deux voix : doublement de la mélodie à la tierce. Les moyens nécessaires Un bon exemple vocal Un support instrumental : carillon, flûte ou petit clavier Une salle assez spacieuse, qui permette aux enfants d évoluer dans l espace et de s aligner en demi-cercle. De bonnes conditions acoustiques. Des petits groupes : pas au-delà de 20 enfants