Séance 12 - La réception des médias. Le constructivisme 1. Le contexte Les sciences sociales et humaines se sont développées sur le modèle des sciences de la nature afin de découvrir des lois gouvernant le monde. Un autre courant s est développé, surtout à partir des années 70, qui met l accent sur le fait de comprendre. Il s agit donc d adopter le point de vue de l acteur au sujet de la construction de sa relation avec les médias et le monde. On suppose alors que l être humain peut vivre des expériences uniques, singulières.
2. Le cas des Cultural Studies - les fondations En 1957, Richard Hoggart publie The Uses of Literacy (La culture du pauvre), sur l influence des médias sur la culture populaire. Il conclut à la tendance à la sur-estimation de cette influence. Mais il reste méfiant quant à la tendance à l industrialisation de la culture. Avec Edward P. Thompson et Raymond Williams, ils sont les fondateurs des Cultural Studies, au confluent entre littérature, anthropologie et sociologie. Le Centre for Contemporary Cultural Studies ou CCCS de l Université de Birmingham, est fondé en 1963. Les travaux sont notamment effectués sur la réception médiatique.
3. Les recherches en Cultural Studies Raymond Williams et Edward P. Thompson veulent dépasser les analyses purement économiques de la culture. Mais ils considèrent aussi qu il est impossible d aborder la culture sans parler des rapports de pouvoir d un côté et des stratégies de «changement social» de l autre. Dans une perspective post-marxiste, ils estiment que l histoire repose sur les luttes sociales et qu il importe de travailler sur les pratiques quotidiennes de résistance au système capitaliste. Williams met l accent sur les médias qui jouent un rôle nouveau au sein des sociétés industrielles.
L accent est mis dans les recherches sur l intérêt à : (1) aborder simultanément les pratiques de plusieurs médias, (2) relier cette étude à celle, plus générale, des pratiques culturelles, (3) replacer ces pratiques dans l analyse de la vie quotidienne. Les recherches doivent aussi tenir compte des contextes sociaux et culturels et voir quels sont les liens entre le contexte et les pratiques. Un autre chercheur se joint à l équipe, Stuart Hall. Jamaïcain d origine, il s installe au RU pour se «venger» de la colonisation britannique. Il est l auteur du modèle qui repose sur les notions de «codage» et de «décodage».
Ce modèle propose une analyse de la réception médiatique plurielle mais socialement déterminée. Hall définit trois types de décodages (decoding) : dominant (qui souscrit aux valeurs dominantes), oppositionnel (le cadre de référence est contraire), et négocié (mélange d opposition et d adaptation). Dans les années 80, c est le «tournant ethnographique» avec le développement des enquêtes sur le terrain. Il s agit d opérationaliser les modèles, en travaillant surtout sur la télévision. Voir le travail de David Morley et de Charlotte Brundson sur le magazine d information Nationwide.
4. Des Cultural Studies au paradigme constructiviste L objet de la recherche : la réception des médias. La problématique : Quelles sont la place, le rôle et la signification des pratiques médiatiques dans l ensemble des pratiques culturelles et au-delà dans la vie quotidienne? On ne peut pas négliger les tactiques qui, au quotidien, permettent de résister aux rapports de force dominants, voire de les remettre en cause. Cela peut passer, y compris, par le plaisir. Méthodologie : lecture - interprétation des contenus médiatiques (approche sémiologique) puis emploi de méthodes qualitatives (approche sociologique : entretiens semi-directifs, récits de vie et observations participantes). Le lieu : les Universités essentiellement.
5. Bilan et critiques des Cultural Studies et du paradigme Une remise en cause des théories déterministes sur l impact des médias sur les récepteurs. Une tendance à oublier la dimension économique et les histoires de chaque pays -- à l image du rôle des États -- afin de comprendre les industries culturelles. De plus, cela conduit à relativiser l importance : des stratégies des grandes entreprises, des enjeux géopolitiques de la production informationnelle et culturelle. Finalement, il y a rejet de tout déterminisme et oubli possible de toute détermination sociale. ==> Que devient la dimension critique?
Usages des TIC, modernité et postmodernité 1. Le contexte et les fondations Le développement de médias dits interactifs. Les cas du Minitel en France, d Alex et Telidon, puis de Videoway et d UBI au Canada. Une approche avant tout francophone. Mais qui a les mêmes sources d inspiration que les travaux anglo-saxons sur la réception. Michel de Certeau donne ses lettres de noblesse aux travaux en sociologie sur la vie quotidienne. La remise en cause de l approche de la diffusion des TIC et la complémentarité avec l approche de l innovation des TIC.
2. Les recherches Intérêt pour l introduction des TIC dans la vie sociale. Étude des pratiques du point de vue de l usager. Usages sociaux = modes d utilisation sous la forme d habitudes récurrentes dans la vie quotidienne. Appropriation = étape située entre le moment où se développent les premières utilisations et celui où, stabilisées, elles deviennent alors des usages sociaux. Appropriation personnelle centrée sur l acquisition individuelle de connaissances et de compétences. Appropriation sociale ou collective qui vise à mettre l outil technique au service d un groupe.
Acquisition de connaissances, de savoir-faire sur l interaction avec le système et familiarisation avec les principes de la logique algorithmique. Plusieurs dimensions de manipulation informatique: des premiers apprentissages à la création de logiciels en passant par la maîtrise des logiciels existants et l apprentissage de la programmation. L expression «culture informatique» semble donc ne concerner qu une minorité de personnes autour d une utilisation intensive, de la volonté de maîtriser la technologie et de la participation à des activités de groupes. Voir le logiciel libre et notamment Linux.
3. Deux tendances Deux tendances principales au fil des ans à partir des travaux de de Certeau sur les ruses et tactiques. Quelle est la place des usagers dans le quadrillage de la consommation par l ordre économique dominant? Jacques Perriault a travaillé sur les différences entre les usages prévus et les usages réels. Il conclut que l appropriation est une véritable négociation de l usager à égalité de pouvoir avec le concepteur. Serge Proulx estime que face au poids de l offre, les usagers ne disposent que de ruses. Les possibilités de résistance sont faibles dans un système où les stratégies de marketing et de publicité sont très développées.
4. Les caractéristiques principales des recherches sur les usages des TIC L objet de la recherche : les TIC et plus généralement les technologies interactives. La problématique : Comment se construisent les usages des TIC? Une hypothèse où il y a accord sur l importance du contexte mais opposition selon la position des chercheurs par rapport aux deux tendances. La méthodologie : emploi de méthodes qualitatives (entretiens semi-directifs, récits de vie et observations participantes). Le lieu : Universités et entreprises.
5. Les critiques Une approche qui peut mener à une généralisation abusive à partir d observations? Une approche qui oublie trop les considérations macrosociales? Une approche qui n intègre pas la «plasticité» de certaines TIC?
6. Modernité ou post-modernité? Vers un âge informationnel? Une ère d abondance? La fin des inégalités? Un monde globalisé? La fin de l histoire? Et la pratique de la raison? Bonne fin de session!