Chapitre II L ordre juridictionnel administratif

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Transcription:

Chapitre II L ordre juridictionnel administratif Nous avons vu (dans l introduction générale : sect. II, II) qu il existe deux ordres juridictionnels, cette dualité ayant son origine dans la position subalterne assignée au juge à la Révolution. L explication de cette dualité s explique par les considérations suivantes : - Le juge ne doit pas gêner l action politique. Après la Révolution, il ne peut donc contrôler ni gouvernement ni législateur. Il doit se contenter d imposer le respect de la loi et des règlements. - Dès lors, le juge ne peut pas, également, connaître des actes du gouvernement et donc de son administration. Les mesures prises, par exemple en matière fiscale, ou pour la carrière des agents de l État, etc., ne peuvent pas être contrôlés par le juge. La loi des 16 et 24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III (1795) interdisent aux tribunaux de connaître des actes d'administration (supra, intro.). - Le juge judiciaire s intéressait donc aux litiges qui concernaient les relations entre les particuliers et personnes privées entre eux. En revanche il n y avait pas de juge pour trancher les conflits entres les administrés et l administration, ou encore entre les personnes publiques (not. l État, les collectivités territoriales, ou les établissements publics). - Cette situation autorisait les actes arbitraires. Pour cette raison, des modes de résolution des litiges sont apparues, qui ont conduit progressivement à la création d un ordre juridictionnel administratif parallèle à l ordre juridictionnel judiciaire. La spécificité de l organisation juridictionnelle administrative résulte de son histoire (section I) ; même, si, progressivement, le modèle de l ordre juridictionnel administratif s est rapproché de celui de l ordre juridictionnel judiciaire, avec des niveaux de juridictions similaires (section II). Section I La spécificité de l organisation juridictionnelle administrative Dans un premier temps, la solution retenue pour résoudre les litiges entre l administration et les administrés a consisté à laisser cette compétence à l administration. Celle-ci comportait une hiérarchie. La solution a donc consisté à faire du chef de l État, le juge ultime de l administration. Les litiges ont donc été portés devant le chef de l État. La justice administrative était dite retenue. Mais pour conseiller le chef de l État et en pratique préparer les décisions juridictionnelles rendues au nom du chef de l État, un organe placé auprès de lui a exercé cette fonction : le Conseil d État, qui a eu des fonctions de conseils du chef de l État, en matière juridictionnelle et gouvernementale (not. pour la préparation des projets de loi et de décrets). 1

I La double fonction du Conseil d État Le Conseil d État a également conservé sa double fonction, qui est de juger l administration et de conseiller l administration. Pour cela, le Conseil d État comprend une section du contentieux, qui exerce des fonctions juridictionnelles et 5 sections consultatives, chargées de rendre des avis au gouvernement (et depuis peu au Parlement, pour les propositions de loi) sur les projets de lois 1, d ordonnances et de décrets. Il s agit des sections de l intérieur, des finances, sociale, de l administration, des travaux publics. A cela s ajoute une section du rapport et des études. II Double fonction dénomination Le Conseil d État conservé son appellation de conseil, bien qu il soit devenu une cour supérieure en matière juridictionnelle. De même, les magistrats administratifs restent dénommés conseillers (d État, de cours administratives d appel, ou de tribunaux administratifs). En revanche, certaines dénominations ont dû être modifiées parce qu elles étaient incompréhensibles pour le justiciable. Le commissaire du gouvernement était un magistrat chargé de proposer une solution juridique à la formation de jugement. Il intervenait en toute indépendance et n était pas soumis au gouvernement. Mais la dénomination de cette fonction pouvait donner à penser que le magistrat était soumis au gouvernement et qu il n était donc pas impartial dans le cadre d un recours contre l État. Pour cette raison, un décret du 7 janv. 2009 lui a substitué la dénomination de rapporteur public. De même, la dénomination des juridictions administratives de première instance a changé. Lors de leur création en 1800, elles étaient intitulées «conseils de préfecture». Depuis 1953, les juridictions administratives de première instance s intitulent tribunaux administratifs. III La création du droit administratif par le Conseil d État C est le Conseil d État qui a proposé des règles pour résoudre les litiges entre les administrés et l administration. Le droit administratif est avant tout formé des grands arrêts de la jurisprudence administrative (v. l ouvrage intitulé GAJA aux éd. Dalloz : 1 ère éd., 1956 ; 18 e éd. 2011). Cette situation peut paraître étonnante en droit français, qui est avant tout de tradition écrite. Mais elle s est imposée pour deux raisons parce que, au XIX e siècle, en l absence de droit administratif, le Conseil d État a dû inventer des règles pour trancher les litiges. Ces règles ne pouvaient pas être celles du droit commun, et notamment du code civil, parce que l administration a des missions et prérogatives que n ont pas les particuliers. Par exemple, un propriétaire doit respecter la propriété d autrui, ou respecter les contrats qu il a signés avec une entreprise. Au contraire, l administration, qui défend l intérêt général, peut être conduit à exproprier des propriétaires pour réaliser des opérations d intérêt général (ex. pour le futur contournement est de l agglomération rouennaise), ou à modifier un contrat administratif (ex. celles des clauses de circulations des transports en commun, en raison de la neutralisation du pont Mathilde 1 Les projets de loi sont élaborés par le gouvernement. Les propositions de loi sont rédigées par les parlementaires. 2

à Rouen). L administration agit pour le service public ou la défense de l ordre public. Les règles qui encadrent son action ne peuvent être les mêmes que celles qui régissent les particuliers entre eux. Le Conseil d État l a toujours admis et le législateur a laissé ce juge développer sa jurisprudence en ce sens. Le législateur est également intervenu, ces dernières années, en droit administratif. Mais les lois adoptées l ont souvent été à la demande du Conseil d État pour obtenir davantage de pouvoirs. Par exemple, le juge administratif rencontrait des difficultés pour imposer ses décisions parce qu il n avait pas le droit de dicter à l administration sa façon d agir. Lorsqu il annulait un acte administratif, par exemple un décret, il n avait pas à obliger le premier ministre à prendre un décret ayant un certain contenu. Le premier ministre était libre de choisir le contenu du nouveau décret. Mais, dans le passé, l autorité administrative avait tendance à ne pas prendre de nouvelle mesure, ou à adopter un texte qui n était pas légal. Pour cette raison, le législateur a donné un pouvoir d injonction au juge administratif. La loi du 8 février 1995, notamment, a étendu le pouvoir (ordre de faire ou de ne pas faire) d injonction et d astreinte aux tribunaux administratifs et aux cours administratives d appel. Elle a également permis à la juridiction de statuer sur le fond et, immédiatement, dans le même arrêt, d adresser une injonction à l autorité administrative pour qu elle agisse dans un certain sens, en prévoyant une astreinte en cas d inexécution (art. L. 911-1 à 911-3, code de justice administrative). Section II Les trois niveaux de juridiction L ordre juridictionnel administratif a trois niveaux, similaires à ceux de l ordre judiciaire : - le tribunal administratif, en première instance ( I) - la cour administrative d appel, en appel ( II) - le Conseil d État, essentiellement en cassation ( III) I Le tribunal administratif Il connaît de tous les litiges qui intéressent les rapports entre l administration et les administrés ou les personnes publiques entre elles. Certains litiges restent de la compétence du Conseil d État (pendant longtemps, la répartition des compétences était inversée). C est le cas, par exemple, de la légalité des décrets, ou des décisions prises par les organismes collégiaux nationaux (ex. jury de concours national), qui ne sont pas examinés par le tribunal administratif, mais directement par le Conseil d État. Le tribunal administratif juge en premier ressort. Ses décisions sont appelées des jugements. Elles ont autorités de chose jugée (80 % de ses décisions ne sont pas frappées d appel). Deux observations rapides : la procédure devant le juge administratif est essentiellement écrite. Elle se fait sous forme d échange de mémoires, même si les parties sont appelées à s exprimer à l audience (sans y être 3

obligées). comme toute juridiction dont le contentieux est abondant, le tribunal est divisé en chambres (quatre au TA de Rouen) spécialisées par matière. Chaque chambre comprend un président, deux conseillers, un rapporteur public, un greffier de chambre (+ des agents de greffe et souvent un assistant de justice). II La cour administrative d appel Crées en 1987, la cour administrative d appel (CAA) connaît des litiges en appel des jugements des tribunaux administratifs. La CAA rend des arrêts. Elle juge de nouveau l affaire, en vertu du principe du double degré de juridiction. Elle se prononce sur les jugements rendus par les tribunaux administratifs, s intéressant tant au droit qu aux faits. Sa compétence est générale à l égard des jugements des TA (art. L. 321-1, code de justice administrative), même si certaines affaires ne pas sont jugées en appel parce qu ils sont de moindre importance. Les TA connaissent en premier et dernier ressort certains litiges (les demandes d indemnités inférieures à 10 000 ). De même, certaines affaires sont jugées en appel par le Conseil d État (art. L 321-1 et 2, code de justice administrative). Ainsi, le Conseil d État est-il compétent «pour statuer sur les appels formés contre les jugements des tribunaux administratifs rendus sur les recours sur renvoi de l'autorité judiciaire ainsi que sur les litiges relatifs aux élections municipales et cantonales» (art. 321-1, code de justice administrative). Deux observations sur l organisation et la composition : 1/ Les CAA sont organisées en chambres. Par exemple, la très importante CAA de Paris comprend 10 chambres. Les affaires sont réparties par matières entre les chambres (v. http://paris.couradministrative-appel.fr/organisation/ ). Chaque chambre a un président, un président assesseur, des rapporteurs et un rapporteur public. 2/ Les magistrats de la CAA font partie du corps des conseillers des CAA et TA. Mais la CAA est présidée par un conseiller d État. 3/ Le ressort territorial des CAA est très large. Elles sont peu nombreuses (Paris, Bordeaux, Douai, Lyon, Marseille, Nancy, Nantes, Versailles). III Le Conseil d État Nous avons déjà présenté cette institution. V. supra, section I. Rappelons, simplement, que le Conseil d État n est plus qu un juge de cassation, même s il a conservé des compétences en premier ressort. Il juge la légalité des règlements nationaux, des décisions des organismes collégiaux comme celles des autorités administratives indépendantes. Le Conseil d État détermine l état du droit applicable. Il fait la jurisprudence et, comme nous l avons, il crée le droit administratif par sa jurisprudence. Observation : le Conseil d État siège au Palais Royal (v. Power-Point). 4

Il existe deux ordres de juridiction : judiciaire et administratif. L articulation entre ces deux ordres suppose que les compétences soient clairement réparties entre eux. Le justiciable doit être assuré que son litige sera examiné par un juge parce que l un des deux ordres acceptera de connaître de son litige. Il faut éviter, également, que les deux ordres de juridiction se déclarent compétents et rendent des décisions contradictoires. Pour ces raisons, une juridiction doit arbitrer les contestations entre les ordres juridictionnels : il s agit du tribunal des conflits. Section III Le tribunal des conflits La compétence du tribunal des conflits est limitée à la résolution des conflits entre ordres juridictionnels ( II). Cette mission l oblige, néanmoins, à justifier la compétence du juge administratif, par opposition à celle du juge judiciaire et donc, pour cela, à définir le droit administratif ( III). Pour parvenir à réaliser sa mission, il faut que les deux ordres juridictionnels acceptent ses décisions. Pour cette raison, le législateur a prévu que cette juridiction comprenait des magistrats des deux ordres ( I). I Une juridiction paritaire Le Tribunal des conflits est composé de 4 conseillers d État et 4 conseillers de la Cour de cassation (désignés pour 3 ans renouvelables). Le nombre doit être impair pour départager les magistrats si nécessaire. Pour cette raison, le ministre de la Justice, Garde des Sceaux, est président de droit. Mais celui-ci intervient très rarement, les magistrats prenant soin de parvenir à un compromis. En pratique, la présidence est assurée par le vice-président. Le tribunal des conflits se réunit au Conseil d État (au Palais Royal). II Une compétence limitée à la résolution des conflits entre ordres juridictionnels Le tribunal des conflits ne forme pas un troisième ordre juridictionnel. Il n intervient qu en cas de conflit qui est préjudiciable aux justiciables, ou lorsque l administration a le sentiment que le juge judiciaire méconnaît la compétence du juge administratif. Le tribunal des conflits est saisi : - lorsque l'administration, par l intermédiaire du préfet, conteste la compétence du juge judiciaire saisi d un litige (acte de contestation dénommé : déclinatoire de compétence). - lorsqu un juge judiciaire ou administratif se déclare incompétent et que l on va vers un conflit négatif : risque qu aucun juge ne se déclare compétent pour connaître de l affaire. - lorsque les deux juges judiciaire ou administratif se considèrent compétents : hypothèse du conflit positif. 5

- lorsque le Conseil d'état ou la Cour de cassation sont saisis d'un litige qui présente «une question de compétence soulevant une difficulté sérieuse et mettant en jeu la séparation des autorités administratives et judiciaires». III Le tribunal des conflits intervient dans la définition du droit administratif Le tribunal des conflits est obligé de définir le droit administratif pour justifier l incompétence du juge judiciaire au bénéfice du juge judiciaire (cette question sera traitée de façon exhaustive en cours de droit administratif de deuxième année). Le droit administratif est, en effet, un droit d exception dans le sens où l on considère que l administration ne peut pas être jugé comme un particulier. Les arrêts du tribunal des conflits font, en effet, partie des grands arrêts de la jurisprudence administrative. Arrêt Blanco. La spécificité du jugement des actes de l administratif a, ainsi, été établie par le tribunal des conflits, un an après sa recréation (créé en 1848, puis supprimé, et recréé par la loi du 24 mai 1872), avec le célèbre arrêt Blanco du 8 février 1873. Dans cet arrêt, le tribunal des conflits affirme que la responsabilité de la puissance publique n est pas la même que celle des particuliers. Elle n'est «ni générale ni absolue» (ex. accident avec une voiture d un particulier qui n a pas respecté un feu rouge avec un véhicule prioritaire). Elle est régie par des règles spéciales parce que l administration accomplit une mission de service public. Seules les juridictions administratives sont compétentes pour apprécier la responsabilité de l administration. Par la suite, le tribunal des conflits a dû régulièrement éclaircir cette position. Il a expliqué, par exemple, que tous les services publics ne relèvent pas de la compétence du juge administratif. C est le cas des services publics à caractère industriel et commercial, dont les litiges avec les clients ou avec les salariés relèvent de la compétence du juge judiciaire (TC 22 janv. 1921, Société commerciale de l'ouest africain). De même, toute faute commise par un fonctionnaire n engage pas la responsabilité de l administration et/ou n est pas jugée par le juge judiciaire. Dans un arrêt du 30 juillet 1873, Pelletier, le tribunal des conflits explique que les fautes de service (ex. perte d un dossier) relèvent de la compétence du juge administratif alors que les fautes personnelles (ex. infractions pénales) de la compétence du juge judiciaire. Etc. La jurisprudence du tribunal des conflits a joué un rôle très important dans la définition du droit administratif. Pour autant, il faut souligner que le tribunal des conflits rend une dizaine de décision par an. La cour suprême en matière administrative reste donc le Conseil d État, qui joue le rôle essentiel dans la définition du droit administratif. 6

Chapitre II L ordre juridictionnel administratif... 1 Section I La spécificité de l organisation juridictionnelle administrative... 1 I La double fonction du Conseil d État... 2 II Double fonction dénomination... 2 III La création du droit administratif par le Conseil d État... 2 Section II Les trois niveaux de juridiction... 3 I Le tribunal administratif... 3 II La cour administrative d appel... 4 III Le Conseil d État... 4 Section III Le tribunal des conflits... 5 I Une juridiction paritaire... 5 II Une compétence limitée à la résolution des conflits entre ordres juridictionnels... 5 III Le tribunal des conflits intervient dans la définition du droit administratif... 6 7