6 novembre 2014 Les jeunes et l alimentation Catherine Pinet-Fernandes
Introduction Manger n est pas qu un acte biologique, mais aussi psychologique, social et culturel. C est donc un acte complexe à appréhender. Qui plus est, les comportements alimentaires restent mouvants dans notre société contemporaine où l abondance alimentaire règne. Les jeunes se situent d ailleurs souvent au cœur de ces évolutions. Dans les lycées, le défi de la restauration scolaire est donc de proposer des repas à des élèves aux caractéristiques sociales et culturelles très diverses. Mais, quels liens les jeunes entretiennent-ils avec l alimentation en général et la restauration scolaire en particulier?
SOMMAIRE I. Les comportements alimentaires des jeunes II. Les jeunes et la restauration scolaire
II. Les comportements alimentaires des jeunes Un rapport à l alimentation qui évolue - Les jeunes sont généralement les premiers à adopter de nouveaux comportements alimentaires. - Les évolutions de l alimentation : * Une infantilisation du goût. * Une standardisation de l alimentation. * Accroissement de la variété alimentaire : recherche de nouvelles expériences.
II. Les comportements alimentaires des jeunes L alimentation, un espace d expérimentation de nouveaux goûts L adolescence est une période d intégration de nouveaux aliments au répertoire alimentaire : - Les aliments forts en goût. - Les aliments «adultes». - Une différence nette entre filles et garçons.
II. Les comportements alimentaires des jeunes L alimentation, des espaces de liberté admis dans la famille - Une certaine individualisation des repas. - Certains produits bénéficient d une possibilité de choix individuel : * Fruits. * Produits laitiers. - Certaines prises alimentaires également : petit déjeuner, goûter, grignotage. - La chambre : territoire de grignotage.
II. Les comportements alimentaires des jeunes Les différences garçons / filles * Des préférences alimentaires particulières : - Les garçons : la viande. - Les filles : les fruits. - Le cas particulier des légumes. * Qu est-ce qu un «bon repas»? - Les filles : variété culinaire + convives présents. - Les garçons : nourriture + quantité. * Des profils de consommation comparables.
II. Les comportements alimentaires des jeunes Des différences de comportements en fonction du niveau social - Une approche différente de la santé : prévention / réparation. - Une survalorisation du plaisir dans les milieux sociaux populaires : - Un plaisir surtout associés aux produits de l industrie agro-alimentaire. - Ex : la gestion de consommation de soda. - Une valorisation des fruits et légumes dans les milieux sociaux favorisés : * aliments sains. * aliments ayant un effet sur la satiété. * aliments proches de la nature. - Le cas de l alimentation bio. => Une prévalence de l obésité supérieure dans les milieux populaires.
II. Les comportements alimentaires des jeunes Les jeunes et la viande : certains dégoûts prononcés - Viandes et dégoûts alimentaires. - Des viandes qui deviennent tabous : le lapin, le cheval. - Les adolescents sont plutôt dans une logique de sarcophagie que de zoophagie. - Le cas particulier du halal : * Une consommation respectée à domicile. * Une conception du halal variable en restauration scolaire. * Une conception parfois mise de côté lors de repas à l extérieur avec les pairs. zoophagie sarcophagie
II. Les comportements alimentaires des jeunes Les jeunes et le sucre : une relation ambiguë - Dans les médias : produits et thèmes très évoqués oralement et visuellement. - Thème dominant associé au sucre : le plaisir. - Une image santé ambiguë : Prise de poids / Energie. - Le sucre caché : boisson, ketchup et nectar.
II. Les comportements alimentaires des jeunes Les jeunes apprécient les produits laitiers - Discours nutritionnel positif : la croissance, la santé, les alicaments. - Le produit laitier, un produit plaisir. - La catégorie «Produits laitiers» chez les jeunes. - Le produit laitier, un aliment de l enfance, voire un «aliment-doudou». «Quand je me retrouve seule et que je déprime un peu. J adore me faire un bol de chocolat chaud. Ca me rappelle quand j étais petite.» Sophie, 16 ans.
II. Les comportements alimentaires des jeunes Les jeunes et l équilibre alimentaire : - La plupart des jeunes pensent manger équilibré. - Les adolescents évoquent surtout cette thématique à partir de 17 ans. - La place du plaisir dans l alimentation. - Les adolescents et le discours nutritionnel : discours, comportements et publicités. - Un discours nutritionnel légitimé par l expérience. - Les malentendus liés au lait, au sucre et au gras. «Pour moi, le kebab, c est bon et c est un repas équilibré, même si tu viens manger ici tous les jours.» Florient, 16 ans.
II. Les comportements alimentaires des jeunes Les adolescents ont de véritables préoccupations pondérales - L importance du corps chez l adolescent : * Un corps qui se montre. * Des critères physiques de plus en plus restreints. * Une culpabilisation de plus en plus accentuée, dans les médias. - Une préoccupation pondérale de plus en plus précoce. * 47 % des adolescentes s'estiment trop grosses (IPSOS 2012). * Pas forcément des régimes mais des restrictions alimentaires. * Une inquiétude liée aux changements pubertaires. * La gastroanomie. * L orthorexie.
III. Les jeunes et la restauration scolaire Le restaurant scolaire : un taux de fréquentation plutôt élevé - En Rhône-Alpes, 69% des lycéens fréquentent la restauration scolaire. - Le taux de fréquentation varie en fonction : * de l offre alimentaire dans l environnement du collège. * de la distance domicilecollège.
III. Les jeunes et la restauration scolaire De la «cantine» à la restauration scolaire - Tout est mis en œuvre pour transformer l ancienne «cantine» en restauration scolaire : * Choix des produits * Attention à l équilibre alimentaire * Un cadre de plus en plus agréable. * Une possibilité de choix de menu. - Même si * Dans 3 établissements sur 4, le temps de repas se situe entre 15 et 30 mn (Données nationales, AFSSA, 2008). * Dans 64% des établissements de l Education Nationale, le temps d attente est de près de 10 mn. Contraintes : les emplois du temps, un nombre d élèves important à servir en un temps limité.
III. Les jeunes et la restauration scolaire La «cantine», lieu de transgressions alimentaires - Les transgressions de l équilibre alimentaire : En restauration scolaire, les repas des lycéens sont moins équilibrés que ceux des élèves de primaire => transgression aux normes éducatives parentales et institutionnelles. - Les transgressions du système classificatoire alimentaire. Ex : sandwich géant, les mélanges de saveurs. - Les transgressions comportementales. Ex : jet de pépins de raisin, etc. => L objectif est de se valoriser auprès des pairs. «Evidemment qu on ne fait pas ça chez soi!.» Mathieu, 14 ans.
III. Les jeunes et la restauration scolaire La «cantine», un lieu de sociabilité La «cantine», un lieu de sociabilité : - Temps d attente, - Choix des mets : certains mets consommés à domicile ne le sont pas en restauration scolaire en lien avec la pression des pairs. - Choix de la table où déjeuner : * Le choix de la place est stratégique : avec sa classe d âge, avec ses ami(e)s. * Un choix de place qui reste très stable. «Pour l ambiance, je préfère la cantine parce qu il y a des beaux gosses et mes copines aussi.» Maïtena, 15 ans.
III. Les jeunes et la restauration scolaire La «cantine», aussi un lieu de revendication Un lieu de revendication : - La pause méridienne, un exutoire entre les cours. - La «cantine» est mise à distance : * Représentant l institution scolaire. * Représentant le monde des adultes. => plus de critiques, des attitudes plus revendicatrices accompagnées parfois par un rejet de la «nourriture». Le discours des parents peut parfois accentuer ce phénomène : - Cristallisation depuis quelques années sur la «malbouffe». - Dès le primaire, la restauration scolaire est souvent décriée : l enfant ne mange pas => Rassurant d un point de vue narcissique. - Les souvenirs de la «cantine» de leurs années collège et lycée ne sont pas toujours valorisants. Des jugements de valeur liés aux repas plus nuancés quand les élèves sont en terminale.
III. Les jeunes et la restauration scolaire L importance des déchets alimentaires La restauration collective scolaire des collèges et lycées enregistre les plus gros volumes de pertes et gaspillages alimentaires : 179/200g/pers/repas (Moyenne nationale, 2011). Causes? - L entrée dans l adolescence. - Une moindre qualité gustative associée aux aliments. - Néophobie : difficulté à intégrer un nouvel aliment. - Le non-impact du prix du plat. - Un éventuel manque de temps pour manger.
III. Les jeunes et la restauration scolaire Les accompagnements préférés des jeunes LES FECULENTS : Pommes de terre (frites +++) Pâtes Riz Semoule Blé ALIMENTS COMPENSATOIRES : Le pain + gâteaux / pâtisseries. LES LEGUMES : Haricots verts Petits pois
III. Les jeunes et la restauration scolaire Favoriser la consommation de légumes : des pistes Le buffet de crudités -Une possibilité de choix appréciée -Une manière de se servir moins formelle Les crudités façon «dips» : -Une possibilité de choix appréciée -Une manière de manger ludique Les soupes, gratins et purées -Une texture plus homogène, facile à manger -Un goût plus neutre
III. Les jeunes et la restauration scolaire Comment valoriser les repas auprès des jeunes? - La présentation des aliments, des assiettes : importance des sens chez les jeunes, de l esthétique des aliments. - Montrer que les repas servis sont adaptés aux jeunes et à leur mode de vie : self-services, buffet de crudités, etc. - Proposer un cadre agréable : possibilités de manger en petits groupes, menu du jour à l entrée. - L importance de la présence des cuisiniers et des employés de la restauration pour éviter de proposer une nourriture trop «anonyme» en Communiquant sur les mets préparés. Relevant les impressions des élèves.
Conclusion L alimentation des jeunes est globalement similaire à celle des adultes, c est-à dire à celle de leurs parents. Les adolescents doivent gérer la connaissance des normes diététiques, leur faim et leur liberté à choisir ce qu ils mangent : ils sont tiraillés entre le «bon à manger» et le «bien à manger». Le contexte de la restauration scolaire n est toutefois pas neutre et entraine des modifications de comportements alimentaires en lien avec le caractère institutionnel et scolaire du lieu, mais aussi et surtout avec la pression des pairs.