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ÉRYTHROCYTES 1. Morphologie du globule rouge Le globule rouge, encore appelé hématie ou érythrocyte est la cellule sanguine la plus abondante. Elle est ainsi appelée à cause de la couleur rouge-rosée qu'elle prend à la coloration de May Grunwald Giemsa (MGG), au microscope optique. Cette coloration est due à son contenu en hémoglobine. L'hémoglobine transporte l'oxygène, capté lors de la respiration alvéolaire, vers les tissus de l'organisme. 1.1. Morphologie au microscope optique : le globule rouge adulte normal Le globule rouge, cellule mature de la lignée érythrocytaire, a la forme d'une lentille biconcave. Son diamètre est de 7 µm. C'est une cellule anucléée. Elle prend une coloration rose vif au MGG, avec en son centre, une zone plus claire, appelée centre clair. 1.2.1. La membrane du globule rouge Elle comporte : la membrane cytoplasmique et le cytosquelette membranaire. La membrane cytoplasmique: sa structure est celle d'une membrane cellulaire classique, elle est constituée d'une bicouche lipidique où s'intercalent des protéines. Certaines protéines sont des transporteurs d'ions, d'autres sont des récepteurs membranaires. Une partie de ces protéines est porteuse des fonctions antigéniques du globule rouge et des groupes sanguins érythrocytaires (ABO, Rhésus, etc...). Le cytosquelette érythrocytaire (ou squelette membranaire) : il est responsable des propriétés mécaniques du globule rouge. Il est formé d'un réseau de protéines qui tapissent la face interne de la membrane cytoplasmique du globule rouge. Le principal constituant protéique de ce réseau est la spectrine (Fig.2). vue de face glycophorines A, B, et C vue de profil Fig 1 : globule rouge vu de face et de profil La forme particulière du globule rouge lui permet : - d'avoir une plus grande surface par rapport à son volume que la forme sphérique, ce qui favorise les échanges d'oxygène. - d'avoir une plus grande déformabilité que la forme sphérique, plus rigide. Ceci permet le passage du globule rouge dans la microcirculation, et en particulier dans les pores des sinus de la rate qui n'ont que 0,5 à 2,5 µm de diamètre. La forme et la taille des globules rouges sont à l'état normal très homogènes et toute variation traduit une anomalie cellulaire. 1.2. Structure infra microscopique des hématies Le globule rouge est souvent comparé à un "sac" contenant de l'hémoglobine et les molécules énergétiques indispensables à sa survie. Sa structure se décompose schématiquement en trois éléments : la membrane, les enzymes, et l'hémoglobine. bicouche lipidique (Ankyrine) 2.1 3 3 3 1 spectrine 4.2 2 2 4. 1 5(actine) Fig 2 : Schéma de la structure de la membrane érythrocytaire * En pathologie : Les anomalies des protéines du cytosquelette membranaire sont responsables d'anomalies de forme des globules rouges. Par exemple : sphérocytose héréditaire ou elliptocytose héréditaire. Elles entraînent généralement une anémie avec hémolyse des globules rouges (anémie hémolytique chronique). 1.2.2. Les enzymes érythrocytaires Le globule rouge est une cellule dont les besoins énergétiques sont faibles. Le rôle des enzymes est d'assurer les fonctions vitales du globule rouge : - apport d'énergie: destiné à maintenir la forme biconcave du globule rouge, ainsi que les échanges transmembranaires. 1 2.1 4.2 P Aguilar-Martinez 1 Faculté de Médecine Montpellier - Nîmes

- lutte contre les agents oxydants. Deux voies principales permettent d'obtenir de l'énergie à partir du glucose (Fig. 3) : ADP ATP NAD NADH Glucose Glucose 6 Phosphate G6P Voie principale Triose phosphate Pyruvate Lactate Pyruvate kinase G6PD Shunt des pentoses NADP NADPH Fig.3 : Schéma simplifié de la glycolyse érythrocytaire - La voie principale : glycolyse anaérobie (voie d Embden-Meyerhof) Plusieurs enzymes interviennent en cascade dans cette voie glycolytique qui transforme une molécule de glucose en pyruvate. Les molécules énergétiques générées par cette voie sont l'atp et le NADH. * En pathologie : Le déficit en l'une de ces enzymes peut être responsable d'une anémie hémolytique héréditaire. La plupart de ces déficits sont rares. Le plus fréquent est le déficit en pyruvate kinase dont la transmission est autosomique récessive. - La voie accessoire : glycolyse aérobie (cycle ou shunt des pentoses phosphates). Cette voie qui représente seulement 10 % de la glycolyse totale, se greffe sur la voie précédente. Elle régénère du NADPH (co-enzyme qui permet de lutter contre les agents oxydants). * En pathologie : L'un des enzymes de cette voie, la glucose 6-phosphate déshydrogénase (G6PD) est responsable d'un déficit enzymatique fréquent dans certaines populations (méditerranéenne, d'afrique noire). Elle entraîne une anémie hémolytique aiguë, plus ou moins grave. Celle-ci est généralement provoquée par la prise de certains médicaments ou par l'absorption de fèves (favisme). Ce déficit a une transmission récessive liée à l'x. 1.2.3. L'hémoglobine (Hb) Elle est le principal constituant du globule rouge. Fonction : l'hb est responsable du transport de l'oxygène et du gaz carbonique, et des échanges gazeux au niveau des tissus et du poumon. Structure : l'hb est une protéine, c'est un hétérotétramère formé de 4 chaînes de globine et de 4 molécules d'hème (Fig.4) : o L'hème est une protoporphyrine de type IX. Il comporte un atome de fer divalent 2+ (fer ferreux). L'une des valences de ce fer se fixe à la globine. L'autre valence fixe l'oxygène dans la forme oxygénée (oxyhémoglobine). o La globine est la partie protéique de l'hb. Chaque molécule d'hb est formée de 4 chaînes de globine : 2 chaînes de type α, et 2 chaînes de type non-alpha (ou β). La structure des chaînes de globine α ou ß est très similaire. Par exemple, la structure de la chaîne bêta-globine qui entre dans la composition de l'hb adulte majoritaire, l'hba, est la suivante : - structure primaire de la chaîne de β-globine : succession de 146 acides aminés - structure secondaire hélicoïdale (la chaîne forme une hélice) - structure tertiaire : l'hélice se compacte, prend une forme globulaire, ménageant en son centre une cavité, la poche de l'hème (lieu de fixation de l'hème et du fer). - structure quaternaire de l'hba (Fig 4). On notera : HbA (α2 β2), ce qui indique que l'hba comporte 2 chaînes alpha et 2 chaînes bêta. liaison α / β α β globine β (2-3 - DPG) Liaison α/α α hème Fig.4 : Schéma de la molécule d hémoglobine Au centre de la molécule d'hémoglobine se trouve une molécule de 2-3 DPG (2-3 diphosphoglycérate). Cette molécule de liaison assure le passage de la forme oxygénée à la forme désoxygénée, et donc la libération de l'oxygène Evolution des hémoglobines : La composition des hémoglobines n'est pas la même chez l'embryon, le fœtus ou le nouveau-né, et l'adulte. - Chez l'embryon il existe des types particuliers d'hémoglobines qui ne sont pas retrouvées chez l'adulte. - Chez le fœtus et le nouveau-né on trouve l'hb fœtale (HbF (α2 γ2)). Cette Hb est majoritaire à la naissance (80 % environ). Son taux décroît au cours de la première année de vie, durant laquelle elle est remplacée progressivement par l'hba. Au-delà de la première année elle n'est présente qu'à l'état de traces (moins de 1%). P Aguilar-Martinez 2 Faculté de Médecine Montpellier - Nîmes

A partir de 1 à 2 ans, la répartition des différentes hémoglobines est la même que celle de l'adulte : l'hb majoritaire est l'hba. Elle représente plus de 97 % de l'hémoglobine totale. Il existe une fraction minoritaire, l'hba2 (α2 δ2) <3,5%. * En pathologie: L'hémoglobine fœtale peut persister au-delà de l'âge d un an dans certaines circonstances: - Les thalassémies - La Persistance Héréditaire d'hémoglobine Fœtale (PHHF) qui ne s'accompagne, le plus souvent d'aucun signe clinique ou hématologique. Synthèse des chaînes de globine Les chaînes de globine normales : Ce sont des protéines dont la synthèse dépend de gènes regroupés en deux familles de gènes : les gènes de type α (chromosome 16) et les gènes de type β (chromosome 11). Tous les gènes de globine ont une structure très homologue (Fig.5). Ils dérivent d'un gène ancestral qui s'est dupliqué et a évolué au cours des millénaires. 11 16 β Fig. 5a.- famille des gènes bêta globine α gène embryonnaire gènes fœtaux gènes adultes ε γ Α γ G δ β 5' 3' Laboratoire d hém atologie, C HU de M ontpellier intron 1 intron 2 5' 3' exon 1 Fig.5b.- famille des gène alpha globine exon 2 exon 3 ζ ψζψα1ψα2 α2 α1 θ1 5' 3' pseudogènes Gène embryonnaire Laboratoire d hématologie, CHU de Montpellier Gènes adulte Les maladies de l'hémoglobine : Les gènes de globine peuvent être le siège d'anomalies moléculaires. On distingue deux grands groupes d'anomalies : - Les anomalies quantitatives de la synthèse des chaînes de globine, ce sont les thalassémies, - Les anomalies qualitatives de l'hémoglobine où la protéine codée a une structure anormale. 2. Les étapes de la vie du globule rouge Le globule rouge mature circule dans les vaisseaux sanguins. Il traverse les poumons où il fixe l'oxygène sur l'hb qui devient l'oxyhémoglobine, et libère le CO2. Il traverse les capillaires des différents organes où l'hb libère l'oxygène (désoxyhémoglobine) et se charge en CO2 (carboxyhémoglobine). Le globule rouge naît et vit son "enfance" dans la moelle osseuse : c'est l'érythropoïèse. Après une durée de vie moyenne de 120 jours dans la circulation sanguine, le globule rouge vieilli est détruit, c'est l'érythrolyse ou hémolyse physiologique. 2.1. L'érythropoïèse 2.1.1. Définition C'est l'ensemble des phénomènes conduisant à la formation des globules rouges. 2.1.2. Siège de l'érythropoïèse Il varie en fonction de l'âge : - Chez l'embryon l'érythropoïèse a lieu dans la rate à partir de 3 mois de vie intra-utérine. A partir du 5ème mois (stade foetal) l érythropoïèse se situe dans la moelle osseuse. - Chez l'enfant la moelle de tous les os est le siège d'une érythropoïèse. Elle subit une involution adipeuse de la moelle rouge vers la moelle jaune au niveau des os longs. - Chez l'adulte l'érythropoïèse s'effectue dans la moelle osseuse des os plats et courts, essentiellement les os de la tête, du tronc et de la partie proximale des membres. 2.1.3. La lignée érythrocytaire Les précurseurs médullaires du globule rouge sont les érythroblastes. Dans la moelle osseuse normale ils représentent environ 20% des cellules nucléées. Leur différenciation dure en moyenne 7 jours. Evolution de la lignée érythroblastique (Fig.6). Elle se caractérise par une diminution progressive de la taille des cellules après chaque mitose. Le noyau se condense au cours des divisions cellulaires successives, il devient ensuite picnotique et est expulsé. Le cytoplasme, très basophile chez les cellules jeunes, devient acidophile au fur et à mesure de la synthèse de l'hb et de la disparition des ribosomes. La cellule souche orientée vers la lignée érythroïde est dénommée BFU-E (burst forming unit). Ses caractéristiques sont développées dans le chapitre hématopoïèse. Elle évolue vers les CFU-E (colony forming unit) qui, sous l'effet d'une hormone, l'érythropoïétine, vont se différencier et se diviser pour donner naissance au proérythroblaste. - Le proérythroblaste est une cellule de grande taille au noyau rond et au cytoplasme très basophile. P Aguilar-Martinez 3 Faculté de Médecine Montpellier - Nîmes

- Les divisions successives vont conduire à l'érythroblaste basophile (au cytoplasme bleu au MGG), à l'érythroblaste polychromatophile (cytoplasme gris verdâtre), et à l érythroblaste acidophile (cytoplasme rose). Ces cellules contiennent encore un noyau qui va être expulsé en bloc ou fragmenté et est phagocyté par les macrophages. Elles donnent alors naissance au réticulocyte dont la maturation va conduire au globule rouge mature ou érythrocyte. 1 ProEB Laboratoire d hématologie, CHU de Montpellier Fig 6: La lignée érythroblastique 2 EB basophiles 4 EB polychromatophiles 8 EBP 16 EB ac 16 rétic (GR) Le réticulocyte est un globule rouge jeune venant d'être formé par la moelle osseuse et contenant encore un peu d'arn. Il a la morphologie du globule rouge adulte avec cependant un volume un peu plus grand. Il ne comporte pas de noyau. Le réticulocyte vit environ 24 heures dans la moelle, puis il en sort par diapédèse grâce à des mouvements pseudopodiques, et passe dans le sang où il poursuit sa maturation. En 24 heures environ le réticulocyte perd l'arn qu'il contient et se transforme alors en un globule rouge adulte. 2.2. Eléments indispensables à l érythropoïèse L'évolution de la lignée érythroblastique comporte : - des divisions cellulaires au cours desquelles un précurseur érythroblastique, après 4 mitoses, donne naissance à 16 globules rouges. Ces divisions nécessitent donc la synthèse d'adn. - une maturation cytoplasmique avec spécialisation extrême. Les cellules érythroblastiques synthétisent de grandes quantités d'hémoglobine, puis éliminent progressivement tous les organites, noyaux, ribosomes, mitochondries. Le globule rouge adulte ne contient plus que de l'hémoglobine et les enzymes nécessaires au maintien de sa structure. 2.2.1. Les éléments nécessaires à la synthèse de l'adn Ce sont d'une part les acides nucléiques, et d'autre part des vitamines: la vitamine B 12 et les folates. Elles agissent sur les mitoses de toutes les cellules mais particulièrement sur celles des érythroblastes. La vitamine B12 (cobalamine) Origine : elle est apportée par des aliments d'origine animale : viande, lait, œufs et non par les végétaux. Elle est très répandue et abondante de telle sorte que la carence d'apport est rare, sauf chez les végétariens stricts. Les besoins sont de quelques µg (2-5 µg/jour) Absorption : elle se fait par l'iléon distal. Elle nécessite un facteur synthétisé par les cellules gastriques : le facteur intrinsèque (FI). Le FI et la vitamine B12 (vit B12) forment un complexe qui est absorbé, mais seule la vit B12 passe dans le sang. En pathologie: Il existe une maladie rare, caractérisée par une atrophie de la muqueuse gastrique qui entraîne un déficit de sécrétion du FI. Elle a pour conséquence l'absence d'absorption de la vit B12, responsable de l'anémie de Biermer. Transport : la vit B12 se fixe sur des globulines les transcobalamines. Certaines sont sécrétées par les cellules granuleuses. Ceci explique que l'augmentation des granuleux s'accompagne d'une augmentation de la vit B12. Ce phénomène s'observe principalement dans le cadre des leucémies myéloïdes chroniques (LMC) où les globules blancs sont très augmentés. Stockage de la vit B12 : il est hépatique (2-5 mg). Les réserves peuvent assurer les besoins pendant 3 à 4 ans. Ceci explique qu'après une gastrectomie totale supprimant la sécrétion de facteur intrinsèque, une anémie ne survienne, en l'absence d'apport thérapeutique de vit B12, qu'après ce délai. Elimination : elle est très faible et s'effectue à parties égales dans les selles et les urines. Les folates Sous ce nom on désigne différents dérivés de l'acide folique. Origine : elle est alimentaire, les folates étant présents dans les végétaux frais et certains aliments d'origine animale. Besoins quotidiens : 100 à 200 µg Absorption : s'effectue au niveau du duodénum et du jéjunum proximal. Transport : il se fait par liaison à diverses protéines sériques. Stockage : il est hépatique. Mais les réserves P Aguilar-Martinez 4 Faculté de Médecine Montpellier - Nîmes

sont relativement faibles (5 à 15 mg) et ne couvrent les besoins que pour 3-4 mois. Rôle de la vit B 12 et des folates Ils interviennent dans la synthèse de l'adn. Leur point d'impact est différent, de telle sorte que les deux sont indispensables. Leur carence entraîne une érythropoïèse anormale, ou dysérythropoïèse, caractérisée par des érythroblastes dystrophiques, les mégaloblastes. Le nombre des mitoses est diminué. Ils donnent naissance à des globules rouges plus gros que normalement, les macrocytes, et en trop petite quantité, d où l'anémie dite mégaloblastique. Par ailleurs la vit B12 agit aussi sur le système nerveux. Sa carence peut entraîner une sclérose combinée de la moelle épinière par démyélinisation. Les antimétabolites anti-foliques, utilisées en thérapeutique cytostatique (chimiothérapie), agissent en interférant avec l'action des folates. 2.2.2. Les éléments nécessaires à la synthèse de l'hb Les acides aminés sont nécessaires à la synthèse des chaînes de globine. Une carence protéique entraîne une anémie. Les vitamines. La vitamine B6 ou pyridoxine intervient dans la synthèse de l'hème. En son absence il y a anémie par insuffisance de l'hémoglobinosynthèse avec augmentation des sidéroblastes (anémie sidéroblastique). Le défaut d'apport n'existe pas, mais il peut y avoir des carences par antagonisme de certains médicaments avec la vitamine. La vitamine C intervient dans le métabolisme du fer (absorption digestive). Le fer est un élément essentiel nécessaire à toutes les cellules. C'est le plus abondant des métaux de l'organisme. Il entre dans la composition de l'hème. Une carence en fer est donc responsable d'un défaut de synthèse de l'hb. Elle entraîne une anémie dite hypochrome (les globules rouges sont peu colorés parce qu'ils contiennent peu d'hémoglobine), sidéropénique (par manque de fer). Dans cette anémie les globules rouges sont petits car les divisions sont normales (ADN normal) mais le cytoplasme est pauvre en hémoglobine. C'est la cause d anémie la plus fréquente. Métabolisme du fer - Apports: le fer est apporté par l'alimentation (aliments protéiques, certains légumes secs ). Les besoins en fer sont faibles, ils sont destinés à compenser les pertes physiologiques. Ils sont par 24 heures de : - 1 mg chez l'homme adulte et le nourrisson - 2 mg chez la femme pour compenser les pertes dues à la menstruation - 3 mg chez la femme enceinte (pour synthétiser l'hémoglobine du fœtus) C'est pourquoi les anémies par manque de fer sont assez fréquentes chez la femme et le nourrisson. Le fer est recyclé en permanence. Il est libéré à la mort des globules rouges, récupéré par les macrophages et réutilisé. Ceci explique que les hémorragies chroniques entraînent une anémie par perte de fer. - Stockage : Il existe dans l'organisme un stock de fer important constitué par : - le fer fonctionnel contenu dans des protéines et enzymes: Hb, myoglobine, enzymes héminiques, enzymes non héminiques. - le fer de stockage: contenu dans des protéines, ferritine, hémosidérine. Le fer est présent dans de nombreuses cellules, globule rouge, macrophage. Il est également stocké dans une catégorie particulière d'érythroblastes les sidéroblastes. - Transport : la protéine de transport sérique du fer est la transferrine (sidérophilline). 2.3. Régulation de l érythropoïèse Cette régulation est hormonale. L'hormone essentielle est l'érythropoïétine Origine : sa synthèse est surtout rénale. Une faible partie est synthétisée dans d autres organes, en particulier, le foie. Mode d'action : la synthèse de l'érythropoïétine est stimulée par l'hypoxie rénale qui peut être due à une anémie ou à toute autre cause diminuant la teneur en oxygène de l'hb. L'érythropoïétine stimule in vitro la différenciation des cellules souches érythropoïétiques et la synthèse de l'hb. En pathologie : dans le cadre des polyglobulies : Elles sont définies par une augmentation de la masse totale de l'hb, liée à une augmentation de l'érythropoïèse avec accroissement du nombre des globules rouges. On distingue : les polyglobulies secondaires dues à une augmentation de la sécrétion d'érythropoïétine par hypoxie (insuffisance respiratoire chronique), par cancer hormono-sécrétant; et les polyglobulies primitives, où l'érythropoïétine est normale. Ces dernières correspondent à une maladie de la cellule souche qui se multiplie exagérément échappant aux mécanismes régulateurs normaux, suite à des mutations clônales du gène JAK2 (mutation V617F). dans les anémies : l'érythropoïétine est élevée, sauf dans l'anémie de l'insuffisance rénale où elle est diminuée (car c'est la cause de l'anémie). L'anémie des insuffisants rénaux bénéficie actuellement de traitements par l'érythropoïétine recombinante. En conclusion, la régulation de l'érythropoïèse est un P Aguilar-Martinez 5 Faculté de Médecine Montpellier - Nîmes

phénomène extrêmement important : l'érythropoïèse est capable de s'adapter, elle peut augmenter jusqu'à 7 à 8 fois pour compenser les pertes, en particulier après une hémorragie, ou après destruction importante par hémolyse. 2.4. Vieillissement et mort du globule rouge : érythrolyse ou hémolyse physiologique 2.4.1. La durée de vie des globules rouges La durée de vie moyenne des globules rouges est de 120 jours. Elle peut être estimée à l'aide de méthodes isotopiques (voir chapitre IV). 2.4.2. Le vieillissement des globules rouges Il intervient progressivement au cours de la vie des hématies par perte du contenu enzymatique et altérations membranaires. 2.4.3. L'érythrolyse (hémolyse physiologique) Les hématies arrivées au terme de leur vie sont porteuses d'anomalies de structure et morphologiques. Elles sont phagocytées dans le système réticuloendothélial. Le siège principal de la destruction érythrocytaire est la moelle osseuse (50% des hématies y sont détruites par le système des phagocytes mononucléés). Le reste est détruit dans le foie et la rate. L'hémolyse physiologique est extra-vasculaire (intra-tissulaire), ce qui signifie que l'hémoglobine n'est pas libérée dans les vaisseaux. Les globules rouges sont phagocytés par les macrophages : - les acides aminés de la globine sont récupérés par l'organisme. - le fer est stocké dans les macrophages, puis réutilisé. - le reste de l'hème, après perte du fer, est transformé en bilirubine libre; liée à l'albumine elle passe dans le sang puis est transformée par le foie en bilirubine conjuguée et éliminée dans les selles sous forme de stercobilinogène (Fig.7) Normalement le taux de bilirubine totale sérique est de 10 µmol/l, formé presque uniquement de bilirubine libre et de traces de bilirubine conjuguée. Foie Intestin Hémolyse physiologique Bilirubine non conjuguée Bili conjuguée Voie biliaire Hém ogl obine Hème Bil iverdine Sa ng Bilirubine Bilirubine non conjuguée + albumine Réabsorption Urobiline Stercobilinogène Fig.7 : Mécanismes de l hémolyse extra-vasculaire Macrophage Globine r Rein En pathologie. L'hémolyse physiologique peut être augmentée par des processus pathologiques. On parle d'hyper-hémolyse. Il y a deux éventualités selon que l'hémolyse est extra-vasculaire, comme l'hémolyse physiologique, ou bien intra-vasculaire. - L'hémolyse est extra-vasculaire. Le catabolisme de l'hémoglobine suit les voies normales, mais il est exagéré. Ceci entraîne une augmentation de la bilirubine libre responsable d'un ictère hémolytique. La bilirubine conjuguée sérique reste habituellement normale. Le stercobilinogène fécal augmente. - L'hémolyse est intra-vasculaire. Ce mécanisme est plus rare. Il se produit lorsque les globules rouges sont lysés directement dans les vaisseaux. On retrouve les mêmes anomalies que dans l'hémolyse extra-vasculaire puisque le catabolisme de l'hb est augmenté, avec en plus : - une hémoglobinémie plasmatique (le plasma est rosé après centrifugation). - une hémoglobinurie (présence d'hémoglobine dans les urines). - un effondrement du taux de l'haptoglobine sérique : En effet l'hb libérée se fixe sur l'haptoglobine, protéine sérique, formant un complexe qui ne peut en raison de sa taille passer dans les urines. Si l'hémolyse est importante toute l'haptoglobine est saturée. Il reste alors de l Hb libre dans le plasma et celle-ci passe dans les urines (hémoglobinurie). Le seuil à partir duquel l Hb passe la barrière rénale est ainsi directement fonction de la capacité de fixation de l Hb sur l haptoglobine. Par ailleurs, il y a effondrement de l'haptoglobinémie parce que l'haptoglobine est catabolisée avec l'hb qu elle a fixée. NB : Une diminution de l'haptoglobine peut également se voir dans les hémolyses extravasculaires importantes, mais elle est moins constante. P Aguilar-Martinez 6 Faculté de Médecine Montpellier - Nîmes