L ordre nazi : exploitation et extermination



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C h a p i t r e 1 4 L ordre nazi : exploitation et extermination Point du programme Ce chapitre porte sur l occupation de l Europe pendant la Seconde Guerre mondiale et l instauration d un ordre nouveau fondé sur une conception raciale de l humanité, voulue par les nazis. Les instructions officielles précisent que l accent sera mis sur la politique nazie d extermination : l univers concentrationnaire et l extermination systématique des Juifs et des Tziganes. Logique du chapitre L extermination des Juifs et des Tziganes étant le point central de cette question du programme, le chapitre est conçu pour en comprendre les origines, le mécanisme et la spécificité : - L introduction montre d emblée que le nouvel ordre européen repose sur une vision raciale. Pour autant les nazis adaptent leur politique en fonction des circonstances. - La première leçon détaille l organisation de cet ordre nouveau, pour montrer qu elle est au service de l effort de guerre allemand. - La deuxième leçon décrit les étapes de l extermination. Les trois pages de documents qui l accompagnent permettent de comprendre l engrenage qui mène à la mort de masse. - Le dossier «Quelles images pour le génocide?» insiste sur la difficulté à montrer le génocide dont les Allemands ont pris soin de cacher la réalité et de détruire les traces. Il permet également de faire réfléchir les élèves sur le statut très particulier des images du génocide dont le mésusage est courant et dangereux. - La troisième leçon montre les différentes attitudes des Européens (État ou individus) face à l occupant nazi. - La première étude de documents est consacrée au camp d extermination d Auschwitz autour du thème de la mort industrielle. - La seconde étude de documents porte sur les visages de la collaboration. - Le chapitre se clôt sur deux épreuves courtes de type bac : un commentaire de la carte de la résistance en Europe et un sujet de composition de type tableau qui permet de couvrir l ensemble du chapitre. Bibliographie Raul Hilberg, La Destruction des Juifs d Europe,Seuil, 1992. François Bédarida (dir.), La Politique nazie d extermination, IHTP/Albin Michel, 1989. Christopher R. Browning, Des hommes ordinaires,belles Lettres, 1994. Christopher R. Browning, Politique nazie, travailleurs juifs, bourreaux allemands, Belles Lettres, 2002. Jean-Pierre Azéma, François Bédarida, 1938-1948, les années de tourmente. Dictionnaire critique, Flammarion, 1995. Yves Durand, Le Nouvel Ordre européen nazi,complexe, 1990. Henri Michel, La Guerre de l ombre, Grasset, 1970. Marc Ferro, Questions sur la II e Guerre mondiale,casterman, 1993. Point historiographique L essentiel du débat historiographique sur l Europe sous domination allemande porte essentiellement sur la «Solution finale». Des années 1970 au début des années 1980, la controverse a opposé intentionnalistes et fonctionnalistes. Les fonctionnalistes ont obligé les historiens à envisager une part d improvisation et à revoir leur vision hitlero-centrée du fonctionnement du régime nazi en s intéressant notamment aux exécutants grâce à l étude de nouvelles sources. La ligne de séparation entre les deux écoles est finalement devenue poreuse. L ordre nazi : exploitation et extermination 19 du professeur

L hitlérisme n est pas tout le nazisme, la dynamique du régime fait que la criminalité à grande échelle devient une modalité de son fonctionnement qui se diffuse dans les corps qui y participent sans pour autant s identifier systématiquement au pouvoir hitlérien. Ch. Browning évoque un schéma triangulaire pour décrire le fonctionnement du régime nazi : des ordres vagues exigeant une compréhension intuitive pouvant varier avec l esprit d initiative local qui a une marge de manœuvre, transformé ensuite en ligne politique générale qui finit toujours par l emporter, même si c est à des rythmes différents. Les années 1980 sont ensuite marquées par un débat sur l année 1941 : Richard Breitman place la décision de la «Solution finale» début 1941 dans le cadre de la préparation du plan Barbarossa ; tandis que Ph. Burrin la situe à la fin de l année dans un contexte de frustration issue de l échec d une victoire éclair sur le front russe et de l entrée en guerre des États-Unis ; Ch. R. Browning la situe à l automne dans l euphorie des premiers succès en URSS. Ce qui est en jeu c est donc le poids du contexte ou du plan déterminé idéologiquement (même s il y a interaction entre les deux). Le débat actuel porte toujours sur l année 1941 pour savoir quelle date décisive retenir, et donc quel est le poids d Hitler dans la décision définitive. p. 300-301 Établir un ordre nouveau en Europe par l assassinat de masse p. 302-303 INTRODUCTION L ordre nouveau La confrontation des deux images met en évidence les deux faces de l ordre nazi en Europe. Document page 300 : La photographie veut souligner que l ordre règne dans la nouvelle Europe nazie «pacifiée». Elle montre aussi l utilisation de la propagande par les nazis. Document page 301 : ces photographies proviennent du Service de l identité (Erkennungsdienst) d Auschwitz qui employait une douzaine de déportés choisis pour leur compétence dans ce domaine. Ce sont des portraits signalétiques pris entre fin 1940 et 1945 au moment de l incorporation des déportés. Seules les 39 000 photographies prises à Auschwitz ont échappé à la destruction par les Allemands euxmêmes des archives des camps d extermination. Elles ne concernent que les déportés qui n étaient pas exterminés immédiatement à leur arrivée, ceux dirigés vers le camp de concentration (Auschwitz étant un camp mixte). La photographie signifie symboliquement un sursis, mais dans leur majorité ces déportés sont malgré tout morts en déportation. Le visage du déporté est toujours accompagné de son matricule, du nom du camp (KL pour Konzentrationslager Auschwitz) et de son statut : «Jude» pour Juif, «Pol» pour politique, «Z» pour Tzigane, «Aso» pour asocial. La lettre «R» signifie «russe». Seuls ont pu être identifiés à partir de ces photographies : Maks Königsberg, mort en juin 1942, Michael Mozalkow, Noachim Leiman, mort en mai 1942 et Maria Smialek, transféré à Ravensbrück en janvier 1945. Ces photographies montrent qui étaient déportés à Auschwitz au nom de la hiérarchie des races (Juifs, Tziganes et Slaves) et le processus de déshumanisation (cheveux rasés, matricule, uniformes rayés). Auschwitz y apparaît comme le centre principal du système concentrationnaire nazi où arrivent des déportés de toute l Europe, et où sont assassinés un million de Juifs. 20 1 L Europe en 1942 Cette carte montre la diversité des statuts dans l Europe sous domination allemande. On distingue : - les régions annexées au nom de leur appartenance à la race aryenne. - les pays alliés, mais en réalité satellites car ils n ont que peu d autonomie en matière militaire et diplomatique : la Roumanie, la Hongrie et la Bulgarie ont conservé leurs institutions, mais l ambassadeur du Reich y joue le rôle de protecteur. - les pays vassalisés, c est-à-dire ceux qui, occupés ou non, ont conservé des gouvernements souverains et un semblant d autonomie, mais qui ont mis en place une collaboration d État comme la France, la Croatie de Pavelic ou la Serbie de Nedic que l on appelait le «Pétain serbe». Monseigneur Tiso proclame l indépendance de l État slovaque en mars 1939 et le place sous protection du Reich ; la Bohême-Moravie est soumise à une double autorité, celle d un protecteur (Heydrich) et celle du président tchèque jusqu en 1942 (Emil Hacha). Un gouvernement militaire dirigé par le général Isolakoglov crée l État grec le 30 avril 1940 après le départ en exil du roi. - les pays occupés sous administration civile allemande comme la Norvège où le pouvoir est confié à un Reichkommissar. - les pays occupés sous administration militaire allemande (Kommandantur) comme la Belgique. - les colonies de l Est doivent servir de réserve foncière («espace vital») et sont placées sous l autorité du Gauleiter Franck. Le Gouvernement général de Pologne doit, une fois les Juifs déportés, accueillir les populations allemandes rapatriées des pays baltes. 2 Quel statut pour la Norvège? Les Allemands ont lancé une attaque combinée contre le Danemark (occupé sans combat) et la Norvège, le 9 avril 1940, qui capitule après le rembarquement des troupes françaises à Narvik (7 juin). Le texte montre que les Allemands tentent de s assurer l appui des forces traditionnelles pour alléger le coût

d une occupation en hommes et réduire la résistance possible de la population. Il illustre donc à la fois le fait que les Allemands négocient avec des peuples considérés comme apparentés à la race aryenne, mais aussi le pragmatisme des autorités allemandes. Le Nasjonal Samling de Quisling défend des thèses proches du nazisme. Dans La Russie et nous, parue en 1930, Quisling oppose la barbarie bolchevique à la supériorité de la race nordique. Son parti n a cependant que 30 000 adhérents en 1933 et une audience faible. Après maintes tractations avec d anciens ministres ou notables d Oslo, l exil du roi crée un vide politique qui empêche tout compromis. La solution d un Conseil d État qui ne comprend que deux ministres du Nasjonal Samling n est finalement qu une demi-satisfaction pour l armée allemande, ce qui explique que la Norvège soit placée sous administration allemande (le Reichkommissar Terboven). Cela pourrait apparaître en contradiction avec la vision raciale des nazis. Les Allemands ont d ailleurs tiré les leçons de cette expérience norvégienne quand ils négocient avec le gouvernement de Pétain en juin 1940, conscients que la personnalité du Maréchal peut rallier l opinion publique, contrairement à celle de Quisling en Norvège. 3 La vision allemande de l Europe de l Est Heinrich Himmler, chef de la SS depuis sa création, dirige le RSHA (Reichsicherheitshauptamt ou Office central de la sécurité du Reich), créé le 27 septembre 1939 qui regroupe la Gestapo (qui conserve cependant une certaine autonomie), la police de maintien de l ordre (Ordnungspolizei) et la police criminelle. Il concentre donc, avec son adjoint Heydrich, toutes les forces de répression et de persécution durant la guerre. Il devient ministre de l Intérieur en 1943. Questions Doc. 1 1. Les pays annexés le sont au nom de principes raciaux. Hitler prétend réunir les populations germanophones considérées comme aryennes. Doc. 1 et 2 2. Le Danemark garde son propre gouvernement (vassalisation) ; la Norvège également, mais elle est placée sous administration civile allemande. 3. Les Allemands cherchent avant tout à éviter tout désordre dans la population, le «calme» comme le dit le représentant du ministère des Affaires Étrangères. Cela suppose de pouvoir s appuyer sur un gouvernement qui a un semblant de légalité, qui puisse rassurer la population. 4. D après la réaction du maréchal Keitel, on voit que la préoccupation des Allemands est de pouvoir se dispenser d une force d occupation militaire en Norvège, car de nombreux effectifs sont nécessaires à la poursuite de la guerre. Doc. 1 et 3 5. Les territoires tchèques et russes sont directement administrés par les Allemands. 6. Pour Himmler, les Slaves sont considérés comme une race inférieure à celle des Aryens/Allemands. Ils sont donc voués à travailler comme esclaves pour la «race supérieure». Le sort de ces «Untermenschen» lui est indifférent. 7. Cela explique que ces territoires n aient pas leur propre gouvernement et soient administrés directement par l Allemagne puisqu ils sont considérés comme les «esclaves» du Reich par Himmler. Synthèse 8. Dans l ensemble, les pays occupés de l ouest de l Europe sont placés sous administration militaire ou deviennent des vassaux du Reich en conservant leur propre gouvernement. Tous les territoires de l Est (hormis les alliés du Reich) sont administrés par les autorités allemandes. 9. Cette différence de traitement correspond à la vision raciale qu Hitler et les nazis ont de l Europe : les peuples germaniques constituent la race des «maîtres» et les régions germanophones sont annexées au Reich. Les Scandinaves, les Hollandais et les Flamands ou les Latins sont associés ou tolérés dans la nouvelle Europe et ont des statuts plus souples que les territoires de l Est inévitablement administrés par un Reichkommissar, puisque les populations slaves sont considérées comme les «esclaves» au service de la race aryenne. Cependant, on voit que l organisation de l ordre nouveau en Europe ne répond pas toujours exactement à cette hiérarchie raciale et doit s adapter : les Allemands s appuient sur des Alliés parfois slaves, des considérations stratégiques expliquent l administration militaire de la Belgique ou du nord de la France. Par ailleurs, la vassalisation des pays «associés» au Reich ne peut se faire (en France ou au Danemark) que dans la mesure où les Allemands peuvent y trouver un interlocuteur, c est-à-dire un gouvernement crédible qui accepte la collaboration, comme avec le gouvernement de Vichy. p. 304-305 1 L Europe asser vie au Reich En 1942, une bonne partie de l Europe est sous domination allemande. Le Reich veut imposer un ordre nouveau en s appuyant sur une conception raciale. Les nazis peuvent s appuyer sur la collaboration d État (doc. 2, 3 et 4) et encouragent la collaboration individuelle (doc. 1), en s appuyant sur la lutte contre le bolchevisme. Au total, l occupation allemande se résume à un immense pillage des ressources (doc. 5 et 8) et à une exploitation de la main-d œuvre (doc. 6 et 7). 1 L Allemagne justifie sa domination 1. Il s agit d une affiche de recrutement allemande pour l unité des Waffen SS belge, éditée en Belgique en 1943. Elle émane de la Germanische Leitstelle, rattachée à la SS, chargée du recrutement. La Belgique envahie au printemps 1940, est occupée et administrée par l armée allemande. Mais en 1943, la L ordre nazi : exploitation et extermination 21 du professeur

situation militaire s est modifiée et l avancée allemande en URSS a été stoppée à Stalingrad. La propagande reprend donc une place très importante pour compenser les défaites. Le discours lui-même se transforme. Le thème de l ordre nouveau est remplacé par celui de la défense de l Europe menacée par la barbarie asiatique (à ce titre, on peut comparer cette affiche à celle de la page 297). 2. Dans un contexte militaire difficile, les Allemands cherchent à recruter dans la Waffen SS de nouveaux combattants pour le front de l Est et en appellent au volontariat dans les pays occupés. Dirigée par Himmler, la Waffen SS se distingue de la Wehrmacht. Son combat est guidé par des considérations idéologiques et raciales. Elle s engage sur tous les fronts sans s intégrer pour autant à l armée régulière. En 1945, les 38 divisions SS regroupent 900 000 hommes dont 200 000 non Allemands. 3. Le dragon symbolise ici la barbarie asiatique qui menace l Europe. Il porte autour du cou deux médailles : l étoile rouge frappée du marteau et de la faucille, emblème de l URSS et l étoile de David, symbole du judaïsme. L association entre judaïsme et communisme n est pas nouvelle et permet de stigmatiser à la fois le Juif et le Slave, le «sous-homme» et le communiste. Au moment où les défaites s accumulent, le thème du complot judéo-bolchevique, qui expliquerait ces revers, est exacerbé. 4. Le dragon, transpercé par les deux lettres SS, agonise non sans avoir dévoré ses ennemis avec cruauté (tête de mort). La silhouette du soldat à l arrière plan s apprête à lancer une grenade avec derrière lui un paysage en ruines, celui d une ville russe en flammes (les dômes). 5. Les Allemands se présentent comme le rempart contre le communisme qui, allié au judaïsme, risque d envahir l Europe. Ils justifient ainsi l occupation de l Europe par des motifs politiques et raciaux (lutte contre le communiste, le Slave et le Juif). L épouvantail bolchevique est utilisé par les services de Goebbels pour resserrer les rangs des Européens derrière l Allemagne. Il appelle cela «la force par la peur». 2 La collaboration d État vue par Laval C est un extrait d un discours radiodiffusé du 21 avril 1942 de Pierre Laval, chef du gouvernement de Vichy, ramené au pouvoir par les Allemands, le 18 avril 1942. Celui-ci va intensifier la politique de collaboration d État initiée après la rencontre de Montoire entre Pétain et Hitler (octobre 1940). 3 La collaboration vue par les Allemands Il s agit d une directive donnée lors d une conférence sur le ravitaillement organisée par Hermann Göring, maréchal du Reich, chef suprême de l économie de guerre, envoyée aux responsables allemands des pays occupés le 6 août 1942. À cette date, la population allemande connaît elle aussi les restrictions liées à la guerre totale et les pays vaincus doivent augmenter le contingent des denrées alimentaires envoyé en Allemagne. Ce texte illustre la radicalisation de l occupation en 1942. La même année Sauckel, responsable des travailleurs étrangers, 22 exige de Laval une augmentation du nombre d ouvriers que la France doit fournir. 1. Pour Laval, la politique de collaboration se justifie par la nécessité pour la France de trouver une place dans le nouvel ordre européen voulu par Hitler. À cela s ajoute la volonté des autorités de Vichy de soutenir l effort de guerre allemand contre le communisme alors que l opération Barbarossa a été lancée un an auparavant (juin 1941). On pourra se référer dans le chapitre 15, au discours du même Laval «souhaitant la victoire de l Allemagne» pour arrêter le bolchevisme. Le chef du gouvernement français envisage néanmoins cette collaboration dans une relation d égalité avec l Allemagne. 2. Pour Goering, la collaboration est un instrument qui doit faciliter le pillage des ressources des pays occupés. Il insiste d ailleurs sur la nécessité d obtenir le maximum des usines françaises, menaçant les Français de leur faire subir le même traitement que celui réservé aux Russes. 3. Théoriquement, les Allemands adaptent leur politique en fonction du statut du pays occupé. Les populations slaves de l Est, jugées inférieures subissent les pires traitements. À l ouest, les Allemands cherchent davantage la collaboration des «races intermédiaires» (ex. : les Français). En réalité, le Reich s enfonçant dans la guerre totale, adopte une politique de razzia systématique. 4 S associer au Grand Reich Il s agit d une photographie de la légion des volontaires norvégiens prêtant serment (ici le salut nazi) devant Quisling et les autorités SS. Vidkun Quisling (dont le nom est devenu synonyme de traître dans son pays), a fondé le parti pronazi Nasjonal Samling en 1933. Il profite de l invasion de la Norvège en avril 1940 et de l exil du roi Haakon en Grande-Bretagne pour s emparer du pouvoir. Mais les Allemands le désavouent en le remplaçant par un Reichskommissar. Cependant en septembre 1940, de nombreux membres du NS entrent au gouvernement. Quisling en prend la tête en 1942. Il va alors mettre en place une propagande très active. En écho aux théories raciales hitlériennes, Quisling exalte la pureté de la race norvégienne et justifie la collaboration avec les «frères de race» allemands. Il en appelle à la constitution d unités armées pour combattre le bolchevisme dont le régiment Nordland (voir doc. 3 p. 318). Cette photographie illustre à la fois la collaboration d État et l appel à la collaboration individuelle par le volontariat. 5 L économie européenne au service de l Allemagne 1, 2 et 3. Il s agit d une affiche de propagande rédigée en français qui présente le nouvel ordre européen. La Grande Allemagne, au centre, voit converger vers elle toutes les routes qui permettent d acheminer des produits venus de tous les pays européens : blé de Hongrie, beurre danois, fer de Lorraine, charbon polonais, bois norvégien Conformément au pacte

colonial des nazis, l Europe doit fournir les matières premières et l Allemagne se réserve l industrie lourde et contrôle la technique et la recherche scientifique. Les populations des pays occupés subissent des rationnements drastiques. À l ouest, les produits dirigés vers le Reich sont achetés mais à des prix fixés par lui et avec un mark surévalué de 20 %. À l est, il s agit plus simplement de pillage. 6 La polonisation Cette allocution du 3 octobre 1939 du Gauleiter Franck illustre le sort extrêmement rigoureux réservé à la Pologne et à ses habitants. Elle est prononcée au lendemain de la conquête du pays (envahi le 1 er septembre, entièrement contrôlé en un mois) et annonce la mise en coupe réglée de la Pologne. Cette politique modélisée en Pologne prendra le nom de polonisation. (On pourra lire avec intérêt le récit qu en fait Malaparte dans Kaputt). Les Polonais n ont pas le droit de posséder des biens immobiliers, de recevoir une instruction au-dessus du primaire, de se grouper en association, de fréquenter des lieux de culture. Les territoires soviétiques conquis plus tard subiront le même sort. 1. Lors de la conquête, la Pologne est démembrée. La partie ouest occupée par les Allemands est rattachée au Reich sous forme de «colonie» : le Gouvernement général de Pologne dirigé par le Gauleiter Franck. L est de la Pologne est annexé par l URSS conformément aux clauses secrètes du pacte germano-soviétique. 2. La Pologne est une réserve de main-d œuvre («travailleurs envoyés en Allemagne [ ] qui deviendront des esclaves»). Elle doit également fournir ses produits agricoles et industriels. 7 Le STO Le STO est généralisé à toute l Europe à partir de 1943. Il réquisitionne une main-d œuvre bon marché, employée sur place (Mur de l Atlantique) ou envoyée en Allemagne. 8 Le pillage des œuvres d art L occupation de l Europe a été l occasion pour les nazis du pillage d un grand nombre d œuvres d art. Goering, amateur d art, fut d ailleurs l un des principaux bénéficiaires de ces vols. Les musées, les galeries et les collections privées sont dévalisés. Beaucoup furent retrouvées après la guerre comme ici dans les mines de Merkers. p. 308-309 2 La barbarie nazie Les nazis ont mis en place une politique qui vise à l asservissement des Slaves (doc. 1), et à débarrasser l Europe des races «impures» (doc. 2). On peut distinguer dans cette politique plusieurs étapes : recensement et ghetto (doc. 3, 4, 5), extermination d abord par les Einsatzgruppen (doc. 7 et 8), puis dans les camps de la mort (doc. 9, 10 et 11). 1 L antisémitisme hitlérien Les prisonniers ne subissent pas tous le même sort. Les Occidentaux sont relativement correctement traités (stalags). En revanche, les prisonniers de guerre soviétiques sont traités avec brutalité. Les Allemands peuvent se réfugier derrière le fait que l URSS n a pas signé la convention de Genève qui protège les prisonniers de guerre. Les prisonniers soviétiques sont réduits à la famine et subissent des pertes effroyables : 3,3 millions de morts dans les camps de prisonniers sur 5,2 millions de capturés. Les SS traquent particulièrement les commissaires politiques et les fonctionnaires communistes qui sont automatiquement fusillés. Le traitement réservé aux prisonniers 2 soviétiques Texte extrait de Mein Kampf. Pour la présentation, voir chapitre 11. 3 Stigmatiser les Juifs Le gouvernement français a édicté de sa propre initiative deux statuts des Juifs (3 octobre 1940, avant l entrevue de Montoire, et 2 juin 1941) qui leur interdisent toute une série de professions (notamment dans la fonction publique). L Institut d Étude des Questions Juives, dirigé par le capitaine Sézille et fondé en mai 1941, accompagne cette politique d une active propagande antisémite. Il organise l exposition Le Juif et la France, en septembre 1941. On retrouve dans cette affiche à la fois le thème du comploteur qui assassine dans l ombre la civilisation européenne, mais aussi les fantasmes traditionnels qui nourrissent l antisémitisme : le Juif assassin d enfants, etc. 1. Il s agit d une affiche éditée par l Institut d Études des Questions Juives, à Paris. C est donc un document de propagande, non pas allemand, mais français. 2. Les Juifs y sont accusés d être des assassins. Hitler compare dans son texte les Juifs à un parasite. Cette conception pseudo-scientifique des races humaines (darwinisme social appliqué aux races) implique dans la logique hitlérienne qu il faut débarrasser l Europe des Juifs. Si on rapproche cette affiche du texte d Hitler, il faut voir dans le terme «assassin» une image qui fait du peuple juif le responsable de la décadence, du déclin de la civilisation européenne. 3. Le port obligatoire de l étoile jaune en zone occupée le 29 mai 1942. La création des ghettos 4 et 5 et Une rue du ghetto de Varsovie Dès début septembre, Hitler fixe un objectif à long terme : l arrestation des élites juives et la déportation hors de la zone annexée du reste de la communauté juive. Dans ce cadre, plusieurs plans successifs, toujours approuvés par Hitler, sont ébauchés ou mis en place. Dès septembre Heydrich propose le regroupement dans les ghettos avant une déportation ultérieure évoquée dans la première phrase. Mi-septembre, L ordre nazi : exploitation et extermination 23 du professeur

Himmler propose de déporter à l est de la Vistule tous les Juifs dans le Gouvernement général qui est désigné comme une Judenreservat (une réserve pour les Juifs), tandis que l ouest de la Pologne sera peuplé d Allemands. Il s agit d un plan général que reprend ici Heydrich qui doit concerner 7,5 millions de Juifs, mais aussi les Tziganes. En 1940, Himmler songe un temps à la possibilité de déporter tous les Juifs d Europe à Madagascar. Face, entre autres, à la réticence de Frank pour qui le Gouvernement général n a pas la capacité d accueillir tous les Juifs d Europe, et aux pressions de Goering qui estime que l effort de guerre nécessite de conserver un volant de main-d œuvre forcée, ces plans de déportations n aboutissent pas : les ghettos persistent et un nombre grandissant de Juifs polonais s y entassent subissant des conditions de vie de plus en plus difficiles (sous-nutrition, épidémies ). Cette situation résulte du fait que pour les autorités allemandes, les ghettos doivent s auto-suffire et ne rien coûter au Reich. La population des ghettos est d ailleurs louée aux entreprises qui travaillent pour l armée (le salaire d un Juif correspond à 80 % de celui d un Polonais) suivant deux types d organisation. À Lodz, la main-d œuvre travaille hors du ghetto dans des usines contrôlées par la Wehrmacht ; à Varsovie, la main-d œuvre est employée par des petites ou moyennes entreprises qui viennent s installer dans le ghetto. La gestion du ghetto est confiée à un Judenrat qui se charge de la répartition de la main-d œuvre. Cependant, dans l esprit d Hitler, Himmler ou Heydrich, les ghettos ne sont qu une solution provisoire. En 1942, dès que la «Solution finale» est décidée, ils sont systématiquement détruits. Les ghettos correspondent donc à une période (1939-1941) que l historien Ch. Browning qualifie de «purification ethnique». 1. La décision de créer des ghettos est prise dès le début de la guerre, à l issue de la conquête de la Pologne. 2. Ces instructions visent les Juifs et les Tziganes polonais, mais aussi tous ceux du Reich, c est-à-dire d Allemagne et des régions annexées (Autriche, Bohême ). 3. Le ghetto a pour fonction de mettre les Juifs à l écart de la population européenne. Il s agit d une forme de purification raciale du Reich et de la Pologne. Les ghettos sont considérés d emblée comme provisoire : ils permettent aussi dans l esprit d Heydrich de regrouper les Juifs et les Tziganes avant une déportation ultérieure qui est déjà décidée mais dont les modalités restent floues en 1939. 6 Le génocide juif en Europe Cette carte présente le génocide juif en Europe. Elle permet de localiser les ghettos et distingue les six camps d extermination installés sur le sol polonais, des camps de concentration. Elle montre également le rayon d action des Einsatzgruppen. Les victimes sont représentées en fonction de leur pays d origine. On notera l importance des victimes polonaises (3 millions) et soviétiques et celles des pays d Europe orientale. Certains pays européens ont tenté de résister à la politique d extermination (Italie, Bulgarie, Danemark et Finlande). 24 Les Einsatzgruppen et 7 et 8 La brutalisation des bourreaux Quatre Einsatzgruppen regroupant 3 000 hommes sont formés au printemps 1941 et participent à la «Solution finale» dans tous les territoires conquis sur l URSS. Ils regroupent des membres issus de la gestapo, de petites unités de Waffen-SS et des bataillons de l Ordnungspolizei. Les témoignages cités ici sont ceux de membres de l Ordnungspolizei qui a joué un rôle important dans la «Solution finale». Ils présentent la particularité de concerner des réservistes enrôlés lors de la création de nouveaux bataillons en 1941 sur le front de l Est, ou des policiers de carrière nécessaires à leur encadrement. Le document 7 provient d une source unique : les interrogatoires judiciaires de 125 membres du 101 e bataillon conduits dans les années 1960 par le tribunal d Hambourg, avec bien sûr les oublis, les déformations et surtout le refoulement que cela suppose. Le document 8 est extrait de la correspondance d un de ces «hommes ordinaires» qui deviennent de 1941 à 1943 des bourreaux, mais un témoignage sur le vif celui-là. Cependant, on insistera sur le fait que le major du 105 e bataillon ne raconte pas tout à sa femme («ce n est pas la peine d y penser, cela ne sert à rien» lui écrit-il dans une de ses lettres), et qu il omet toujours de parler de sa propre participation aux exécutions. Ces textes ont fait l objet d une étude détaillée de la part de Ch. R. Browning pour étudier le comportement de ces «bourreaux ordinaires». Il en conclut que les Allemands ordinaires enrôlés dans les Einsatzgruppen, ne partent pas imbus d idéaux nationaux-socialistes, mais se transforment en tueurs une fois plongés dans l action (surtout s ils sont déracinés comme ce major de Brême). Dans ce processus, un noyau réduit de zélateurs antisémites (dont ne font pas partis les deux cas choisis) joue un rôle disproportionné dans la brutalisation. Ces témoignages permettent de comprendre aussi comment la «Solution finale» a été rendue possible : les soldats/policiers ne voient pas le visage de leurs victimes (ils tirent à la mitrailleuses ou dans la nuque) et sont régulièrement relevés de leur poste. Tous les témoins racontent d ailleurs qu aucun des quelques soldats qui ont refusé de participer aux exécutions n a jamais été inquiété par ses supérieurs. Il y a là un processus de déshumanisation des victimes (doc. 7) et de brutalisation des bourreaux (doc. 8). 1. Ce sont des groupes de soldats qui suivent la progression de l armée allemande en territoire soviétique (Biélorussie, Russie, Ukraine, mais aussi États baltes). Les exécutions commises par les Einsatzgruppen s étalent sur un peu moins de deux ans, du début de l opération Barbarossa à 1943 (à cette date l extermination s est intensifiée et les camps d extermination ont pris le relais des exécutions en masse). 2. Les Juifs sont d abord regroupés et doivent se déshabiller. Il s agit là de déshumaniser les victimes avant de les assassiner. Les Juifs sont amenés directement dans les fosses. Des pelotons d exécution fusillent à la mitrailleuse avec une organisation très «rationnelle». On voit dans le récit du témoin que cette organisation aboutit à une cadence d une infernale efficacité.

3. L auteur des lettres change de ton au fur et à mesure de sa correspondance avec sa femme. Il éprouve d abord une certaine compassion pour les Juifs qu il côtoie ; puis de l indifférence, et enfin, s agissant de l exécution des Soviétiques, il finit par se vanter de la brutalité de ses troupes. Cette évolution, et notamment l indifférence qui permet le crime de masse, est rendue possible par l organisation même des exécutions : éviter aux «bourreaux» d avoir le temps de penser et plus encore de voir les visages de leurs victimes. Le premier témoin avoue d ailleurs avoir un souvenir assez flou qui ne s explique sans doute pas seulement par l oubli. fallu attendre le 6 avril 1945 et la découverte du camp de Buchenwald par les Américains pour que ces derniers organisent des campagnes photographiques et invitent des journalistes à se rendre sur place. À cette date, on ne fait pas encore la distinction entre camp de concentration et camp d extermination. Cette photographie montre des cadavres décharnés abandonnés dans le block 11. On ne sait pas grand chose de ces victimes : il s agit des cadavres abandonnés dans la précipitation du départ. Les SS avaient pris soin de détruire tous les baraquements, les chambres à gaz, les fours crématoires et de brûler le maximum de corps. 9 Heydrich expose la «Solution finale» Le texte de la conférence de Wansee renvoie à la question de la prise de décision de la «Solution finale». Tous les historiens parlent plutôt d un processus d accumulation de décisions (sur le terrain et au sommet, Hitler jouant toujours le rôle déterminant bien sûr), et s accordent à peu près sur les principales étapes : dans les premières semaines de l invasion de l URSS, les Allemands n envisagent que la liquidation des adultes masculins alors que la liquidation totale des Juifs d URSS (y compris les femmes et les enfants) ne devient générale que fin juillet 1941 (au niveau local). Dans cette accumulation de décisions, certains historiens comme Burrin ou Gerlach situent la décision déterminante en décembre 1941 (après l entrée en guerre des USA et devant les premiers piétinements sur le front russe) ; d autres comme Browning penchent pour une prise de décision dès septembre dans l euphorie des victoires en URSS. Si la conférence de Wansee n a lieu que le 20 janvier c est peut-être pour avoir le temps de préparer les modalités de la dissimulation de la «Solution finale». Une accélération de l extermination est sensible durant l été 1942. Étaient présents à cette conférence Heydrich, Eichmann du RHSA, Meyer du ministère des Territoires occupés, Stuckart du ministère de l Intérieur, et les représentants des autres ministères. Le plan prévoyait la déportation des 11 millions de Juifs recensés dans toute l Europe. 10 La sélection Primo Levi est né à Turin en 1919. Il est arrêté comme résistant en décembre 1943 par la Milice fasciste, mais c est en tant que Juif qu il est déporté à Auschwitz en janvier 1944. Il survit car il arrive à un moment où le Reich a un besoin croissant de main-d œuvre. Quand les nazis font évacuer 30 à 35 000 déportés d Auschwitz, Primo Levi malade, est abandonné avec quelques milliers d autres détenus dans le camp. Ils sont libérés par les Soviétiques le 27 janvier 1945. Son premier récit, Si c est un homme est publié en Italie en 1957. Il se donne la mort en 1987. 11 La mort de masse Auschwitz est le deuxième camp d extermination libéré par l Armée rouge après Majdanek (23 juillet 1944), seul camp non détruit par les SS. Ce document fait partie d un ensemble de photographies prises dans les semaines qui suivent la libération par des commissions d enquête russes et polonaises. Aucune photographie n a été publiée immédiatement. Il a 12 Le bilan du génocide Ces chiffres sont extraits de R. Hilberg, La Destruction des Juifs d Europe. Il s agit d estimations réalisées à partir des recensements d avant-guerre. Ils sont probablement sous-estimés car l auteur n a pas eu accès aux archives soviétiques. En complément du document 6, on peut préciser les chiffres de victimes pour certains pays : les 3 millions pour la Pologne représentent 90 % des Juifs polonais, en URSS, le nombre de victimes dépasse 700 000 ; viennent ensuite la Roumanie (270 000), la Tchécoslovaquie (260 000), la Hongrie (180 000), la Lituanie (130 000), l Allemagne (120 000), les Pays-Bas (100 000). En France et en Italie, le nombre de victimes représente 25 % de la population juive d avant-guerre. 1. D après Heydrich, les Juifs sont déportés à l est pour servir de main-d œuvre. Il prévoit une sélection naturelle qui permettra de se débarrasser du plus grand nombre. La dernière phrase ne laisse aucune ambiguïté sur le projet d extermination totale des Juifs. Cependant, il n utilise jamais de termes évoquant l assassinat. Tout le vocabulaire lié à la «Solution finale» est codé dans un souci de dissimulation. 2. Les Juifs d Europe sont acheminés vers les camps de la mort dans des wagons à bestiaux. Ils voyagent dans des conditions effroyables. À leur arrivée, ils sont séparés en deux groupes sans plus d explication. P. Levi ne comprend que plus tard que le tri consiste à sélectionner les valides, qui pourront être utiles au Reich (dirigés vers la Buna) des femmes, des enfants et des vieillards envoyés directement dans la chambre à gaz. Les trois quarts du convoi de P. Levi ont été immédiatement exterminés. 3. Il s agit d une photographie prise par S. Mucha après la libération du camp par les Soviétiques. Vraisemblablement, les morts sont des Juifs abandonnés après la fuite des SS du camp et recouverts de couvertures par les Russes. Les cadavres décharnés témoignent de la volonté d extermination de tous les détenus : absence de nourriture, épidémies pour ceux qui ne sont pas gazés immédiatement. Cette photographie souligne également la difficulté de représenter le génocide. Il n existe que de très rares images de l extermination en elle-même. 4. Le génocide a fait plus de 5 millions de victimes dont la moitié dans les camps d extermination où les Allemands ont inventé la mort industrielle. Auschwitz reste l exemple emblématique de l extermination (il est aujourd hui un lieu de mémoire) qui fit 1 million de L ordre nazi : exploitation et extermination 25 du professeur

victimes tuées dans les chambres à gaz et dont les corps furent brûlés. 26 p. 312-313 DOSSIER Quelles images pour lire le génocide? Ce dossier a été conçu pour faire réfléchir les élèves sur le statut d une image. L enjeu en est d autant plus important quand il s agit du génocide dont il n existe aucune image. Les négationnistes jouent d ailleurs de cette absence pour remettre en cause l existence même de l extermination. On sait bien en réalité que les SS ont détruit toutes les preuves du génocide et interdisaient toute intrusion d appareil photographique dans les camps de la mort. Des pancartes étaient érigées aux abords des camps : «Défense d entrer! On sera tiré sans avertissement préalable! Défense de photographier!» On peut citer aussi la circulaire de Rudolf Hoess : «J indique une fois encore qu il est interdit de photographier dans les environs du camp. Je punirai très sévèrement ceux qui ne se conformeront pas à cette ordonnance.» (2 février 1943). Face à cette lacune, on a longtemps mal utilisé les photographies : dans Nuit et Brouillard, Resnais illustre l extermination par les célèbres images de charnier et de corps poussés par les pelleteuses qui ont été prises en fait au camp de concentration de Bergen Belsen. Ce mésusage est encore fréquent. Le travail sur les photographies de l entrée de Birkenau permet de montrer aux élèves comment certaines images ont pu combler ce vide dans la mémoire collective et devenir ainsi des «images métonymiques» (G. Didi Huberman). Questions Doc. 1 à 4 1. Cette photographie a été prise après la libération du camp d Auschwitz par l Armée rouge. Elle fait partie d un ensemble de photographies prises par une commission d enquête russo-polonaise pour attester des crimes nazis. 2. Le camp d Auschwitz se trouve, comme les cinq autres camps d extermination, dans le Gouvernement général de Pologne. 3. On voit ici la rampe où arrivaient les convois de déportés avec au loin la porte d entrée de Birkenau. C est à cet endroit que s effectuait la sélection entre les valides, dirigés vers le camp de concentration, et les «inaptes» immédiatement gazés. Les SS ont évacué le camp et détruit toutes les preuves de l extermination. Des gamelles ont été abandonnées sur les voies, témoins de cette évacuation rapide. 4. On voit ici deux photographies (il y en avait au total quatre) prises clandestinement par des membres des Sonderkommandos c est-à-dire les Juifs chargés du traitement des corps après l extermination. Elles étaient accompagnées d un message rédigé par deux détenus. Ces documents témoignent de la volonté des déportés de témoigner de l atrocité de l extermination. 5. Ces photographies sont mal cadrées et floues ce qui atteste de leur caractère clandestin. Le photographe s est d ailleurs caché à l intérieur de la chambre à gaz (d où l espoir noir autour de la scène). 6. La 1 re photographie montre des femmes nues avant leur entrée dans la chambre à gaz. La 2 de montre des membres de Sonderkommandos en train de brûler les corps sortis de la chambre à gaz. Ils sont brûlés en plein air ce qui prouve que la «cadence» de l extermination est telle que les fours crématoires ne suffisent plus. 7. Le meurtre dans les chambres à gaz en lui-même n est pas photographié pour des raisons évidentes : les chambres à gaz sont des espaces clos et aveugles. Il eut été impossible pour un membre des Sonderkommandos de réaliser une photographie du moment où les déportés sont asphyxiés. 8. Ces photographies témoignent malgré tout de l extermination par ce qu elles suggèrent : la chambre à gaz et la mort industrielle. Synthèse Il ne reste rien des installations d extermination d Auschwitz. Le document 1 symbolise le génocide : la rampe de Birkenau est le lieu de la sélection entre les morts et les vivants en sursis. C est aussi la première image du camp qu ont eu les déportés (cf. texte de Primo Levi p. 311) et les libérateurs. La photographie de l entrée du camp est encore maintenant utilisée en ce sens comme l atteste celle en couleur. p. 314-315 3 Collaborer ou résister Face à l occupant, deux positions s affrontent, la collaboration (doc. 1, 2) ou la résistance (doc. 3, 4, 5), même si la majorité des Européens est attentiste. 1 Travailleurs volontaires hollandais La guerre d usure oblige les Allemands à faire appel à une main-d œuvre de plus en plus nombreuse pour leurs usines. Les travailleurs de l Est, insuffisants, sont bientôt rejoints par des volontaires de l Ouest (particulièrement nombreux en Hollande) soucieux de fuir le chômage et les conditions de vie difficiles. À partir de 1943, l instauration du STO permet une réquisition des travailleurs de toute l Europe. 2 Résistances en Yougoslavie 1. Il s agit d un télégramme envoyé par le Premier ministre britannique Churchill au président des États-Unis, Roosevelt, le 23 octobre 1943. À cette date, les Italiens ont capitulé et les Alliés vont intensifier leur soutien à la résistance yougoslave grâce au contrôle des aérodromes en Italie.

2. Le relief montagneux et compartimenté de la Yougoslavie a favorisé l action de la résistance en Yougoslavie. Elle y est divisée entre les monarchistes dirigés par le colonel Mihailovic et les communistes commandés par Tito. Les deux groupes se combattent. Tito grâce à son efficacité gagne la confiance des Britanniques. Il dirige sur le terrain des actions de guérilla et organise ses hommes en «brigades prolétariennes». En Grèce, les résistants sont également divisés entre communistes (l Elas) et non communistes (l Edes). 3. La Grande-Bretagne joue un rôle primordial dans le soutien à la résistance. Elle a établi des liaisons avec l Europe occupée par le biais de SOE (Special Operations Executive). Paradoxalement, en Yougoslavie, les Britanniques décident de soutenir la résistance communiste. Les premiers agents britanniques (les «missions») sont parvenus à joindre Tito en avril 1943. Par ce biais, les partisans recevront mitrailleuses, mines et bombes. En Grèce, accessible à partir du Caire, 80 missions sont organisées entre 1941 et 1944 (armements et ravitaillement). 3 La Rose Blanche La résistance en Allemagne émerge avec difficulté, mais atteint les hautes sphères de l État et de l armée surtout vers la fin de la guerre. Elle est hétérogène. Hans et Sophie Scholl, étudiants à l université de Munich, ont animé le groupe de résistance chrétien de la Rose Blanche. Ils sont arrêtés et décapités en février 1943. Leur premier tract est diffusé en juin 1942. Ils en appellent à la résistance passive de leurs compatriotes au nom de valeurs humanistes et chrétiennes tout comme certains ecclésiastiques comme l un des chefs de l Église protestante Paul Gerhard Braune. Un autre mouvement de résistance allemande fut l Orchestre Rouge, qui regroupait des communistes. Les leaders (Harro Schulze-Boysen et Arvid Harnack) furent arrêtés en 1942. La conspiration du 20 juillet 1944 regroupe des officiers supérieurs (von Stauffenberg, Canaris ), des aristocrates et des sociaux-démocrates. Elle vise à la fois à l élimination de Hitler et au remplacement du régime pour entamer des négociations avec les Alliés. 4 L action des partisans en URSS Cette photographie illustre la guerre menée par les partisans en URSS, avant-garde et auxiliaires de l Armée rouge, dans le cadre de la grande guerre patriotique lancée par Staline. La guérilla est facilitée par la mobilité du front et par le fait que l armée et la police allemandes ne peuvent entièrement contrôler les vastes espaces conquis. Les partisans organisés en groupes locaux largement autonomes peuvent alors agir par des attentats, des sabotages et des embuscades. Ils reçoivent des cours par la radio. Question Ici, il s agit du sabotage d une voie ferrée. Ces actions ne peuvent anéantir l ennemi, mais visent à le démoraliser par des attaques surprises, à tisser des complicités avec les civils. 5 La lutte contre les terroristes Cette photographie représente une exécution d otages près de Belgrade en 1942. Les Allemands utilisaient souvent ce genre de représailles après des attentats perpétrés par la résistance qui est toujours présentée comme «terroriste». p. 316-317 VERS LE BAC Étude de documents : Auschwitz, la mort industrielle 1. Présentation des documents 1. Les documents 1 et 5 sont des reconstitutions faites par les historiens du camp et du réseau de chemin de fer qui y mène. La reconstitution de la géographie du camp est nécessaire car celui-ci a été détruit par les Allemands avant de l abandonner devant l avancée des troupes soviétiques. Le plan nous est connu cependant avec précision grâce à des photographies aériennes prises lors de vols de reconnaissance de l armée américaine en juin 1944 et retrouvées à la fin des années 1970. Les aviateurs, cherchant avant tout à localiser des usines IG Farben proches, n ont pas identifié ces bâtiments comme ceux d un camp. Le plan ne montre ici que l un des trois camps du complexe d Auschwitz. 2. Les documents 2 et 4 sont des témoignages qui se complètent puisque le premier est celui du commandant du camp d Auschwitz, le second celui d un des rares rescapés. Dans le premier, le ton de l auteur est neutre, signe d une volonté de se présenter comme un exécutant, un «gestionnaire» et non celui qui a décidé de la «Solution finale». Il est également révélateur de la façon dont a fonctionné le crime de masse dans l Europe nazie : une séparation des tâches qui se réduisent à des aspects «techniques», ce qui permet aux exécutants de ressentir une moindre culpabilité. Le témoignage de Gilbert Michlin est un témoignage de l intérieur du camp, sur son fonctionnement et la vie au quotidien des déportés, un témoignage d autant plus important qu il n y a quasiment pas d images d Auschwitz. Il est écrit 56 ans après les faits, pour témoigner à un moment où les rescapés sont de plus en plus rares ce qui peut expliquer aussi son souci d analyse et même un certain recul, et une pudeur en même temps, sur des événements dramatiques puisque ses parents sont morts à Auschwitz. 3. Le Canada est l entrepôt où les Sonderkommandos effectuaient le tri des effets personnels des Juifs gazés. Il se situe au fond du camp non loin des crématoires et des chambres à gaz. Cette photographie illustre à la fois la mort de masse que l on ne peut qu évoquer en l absence de photographies (les Allemands ont brûlé les corps pour dissimuler l extermination), et le versant économique de l industrie de la mort dans les camps puisque ces effets étaient recyclés par l industrie allemande. du professeur L ordre nazi : exploitation et extermination 27

2. Sélection et classement des informations Le principal camp Une organisation industrielle Un processus d extermination d Europe de la mort de déshumanisation Doc. 1 Le camp est un complexe Organisation rationnelle du plan gigantesque : on y distingue du camp : la voie de chemin plusieurs dizaines de de fer amène les déportés au baraquements qui abritent les centre de la place où s effectue Sonderkommandos et ceux qui le tri : les «inaptes» étant étaient jugés aptes à servir de immédiatement amenés dans main-d œuvre, les 4 crématoires les chambres à gaz au fond associés à des chambres à gaz. de cette aire de tri. (En 1944 on y a gazé jusqu à 12 000 personnes par jour.) Doc. 2 Le camp d Auschwitz est le plus Souci d efficacité de R. Hoess Les victimes sont considérées vaste et celui qui fit le plus qui a adopté le Zyklon B plutôt par R. Hoess avant tout comme grand nombre de victimes que l oxyde de carbone (généré des chiffres dans son souci (1 000 000 de morts) puisque par des moteurs de camions comptable d efficacité. Hoess lui-même explique que au départ) pour augmenter (Les gardiens des camps les chambres à gaz y étaient la «productivité» de son camp. parlaient de «stück» beaucoup plus vastes que Organisation méthodique = «morceaux») dans les autres camps. de la récupération de l or pour financer les importations du Reich nécessaires à l effort de guerre. Doc. 3 Vaste opération de récupération Alors que les corps des victimes de tout ce qui peut servir sont brûlés, les vêtements et l effort de guerre allemand : autres effets constituent chaussures, textiles la seule trace de leur existence. Ces hangars occupent une place importante dans le camp et supposent une main-d œuvre importante constituée de Juifs sélectionnés à leur arrivée. Doc. 4 Hiérarchie très stricte, Le déporté est d abord humilié : «habilement pensée» dit déshabillé en plein air quelles l auteur. Elle garantit l ordre que soient les conditions. dans le camp, et entraîne aussi Le costume rayé, le fait de raser des violences extrêmes envers entièrement les détenus, les détenus : on voit que les SS de les tatouer participent à leur n ont presque aucun contact déshumanisation, les nazis avec les déportés et ont choisi ne considérant pas les Juifs des prisonniers de droit comme des êtres humains. commun comme chef de block qui se laissent aller à toutes les exactions. Doc. 5 Des déportés de tous les pays Pour assurer la déportation à occupés et des États vassaux Auschwitz, c est tout le réseau ou satellites sont déportés à ferré de l Europe occupé qui est Auschwitz (dont l emplacement mis à contribution (Eichmann a d ailleurs été choisi pour la était chargé de l organisation proximité d un nœud ferroviaire de ces convois). important). Les convois les plus nombreux proviennent de Pologne (1942-1943), des territoires russes, des Pays-bas, de Belgique, de France surtout à l ouest et de Hongrie (les Hongrois constituent la dernière grande vague de déportation). 28

p. 318-319 VERS LE BAC Étude de documents : Les visages de la collaboration 1. Présentation des documents Le document 1 est une carte qui rappelle les formes de collaboration en Europe. Les documents 2 et 3 évoquent la collaboration militaire avec l Allemagne. Dans les deux cas, cette collaboration prend la forme d un engagement dans la Waffen SS pour aller combattre le bolchevisme sur le front russe. Le document 2 est extrait d une correspondance d un Français datée du 1 er mars 1943, engagé dans la Légion des Volontaires Français contre le bolchevisme puis dans la Waffen SS. Il évoque ici les raisons de son engagement et fait apparaître son adhésion à la politique de collaboration voulue par le maréchal Pétain. Le document 3 est une affiche de propagande rédigée en norvégien. Elle souligne le rapprochement «logique» entre les deux races nordiques que sont les Allemands et les Norvégiens. Le document 5 est également une affiche de propagande. Elle émane des autorités françaises et cherche à encourager le départ de travailleurs français vers l Allemagne en échange de prisonniers et ce, dans le cadre de la Relève instaurée en 1942 par le gouvernement de Vichy, qui prévoit le retour d un prisonnier français contre le départ de trois travailleurs. Le document 4 est extrait d un rapport des résultats obtenus par les Einsatzgruppen en Lituanie pour la période juillet-décembre 1941, avant la «mise en marche» des premiers camps d extermination. Il montre de quelle manière et avec quelle ampleur, certains Lituaniens ont participé au génocide juif voulu par les nazis. C est un document d archive extrait du catalogue de l exposition réalisée à Berlin en 1993, Topography of Terror. Au début de l année 1943, l hégémonie nazie en Europe atteint son apogée. Depuis juin 1941 et l opération Barbarossa, les Allemands sont largement entrés en territoire soviétique. Ils sont néanmoins stoppés à Stalingrad depuis l automne 1942 et les difficultés rencontrées sur le front russe les amènent à faire appel aux volontaires des pays occupés ou alliés. Par ailleurs, la conquête des territoires russes s est accompagnée d une politique d extermination systématique des populations juives, opérée par des commandos spéciaux, les Einsatzgruppen, bien avant la mise en place des camps d extermination. 2. Sélection et classement des informations Les organisateurs de la collaboration Les acteurs de la collaboration Les formes de la collaboration Doc. 1 Appel au volontariat Collaboration idéologique : États vassaux envoyant adhésion à des partis politiques des troupes pro-nazis - Collaboration militaire : adhésion aux Waffen SS ou à des mouvements paramilitaires Doc. 2 Un jeune Français volontaire : Collaboration idéologique : foi collaboration individuelle dans l Europe nouvelle voulue par les nazis, dans la Révolution nationale de Pétain, la collaboration dirigée par Laval, anticommunisme, anglophobie Collaboration militaire : LVF puis Waffen SS Doc. 3 Cette affiche émane Appel au volontariat : Collaboration militaire (Waffen des autorités locales. collaboration individuelle SS) contre le bolchevisme Alliance naturelle entre peuples nordiques soulignée par le slogan (légion nordique) et l image (défense de la culture nordique : le drakar) Doc. 4 Les SS qui sont en charge Des Lituaniens sortis de prison Participation active à de la politique d extermination. et les autorités civiles qui l extermination des Juifs La Lituanie est englobée soutiennent l action (femmes et enfants compris) dans l Ostland et administrée des Einsatzgruppen. et assassinats des opposants par les Allemands. communistes. Total: près de 100 000 personnes assassinées en 6 mois dont une majorité de Juifs. Doc. 5 Affiche de propagande Appel au volontariat des Collaboration économique : émanant du gouvernement Français dans le cadre le travailleur à gauche en bleu de Vichy qui instaure la Relève de la collaboration d État. de travail part en Allemagne en 1942. pour permettre le retour du Extraits du discours de Laval soldat, à droite. du professeur L ordre nazi = exploitation et extermination 29

p. 320 VERS LE BAC Commentaire de document : La résistance en Europe (carte) 1. Cette carte représente les principaux foyers de résistance en Europe et les formes d actions. Elle couvre toute la période d occupation jusqu aux libérations. La résistance voit ses rangs grandir à partir de l année 1942 surtout à l est après l invasion de l URSS. 2. On distingue : - les maquis, armées clandestines ravitaillées en armes par les Alliés - les sabotages organisés par les réseaux - les filières d évasion vers la Grande-Bretagne via l Espagne ou vers la Suède. Elles concernent des résistants ou des Juifs. - Les insurrections liées à la Libération (Paris, Varsovie) et celles des ghettos au moment de leur liquidation. 3. À l est (Pologne, URSS et Yougoslavie), la résistance s organise en véritables armées parallèles qui contrôlent des régions entières et utilisent la guérilla. À l ouest, les maquis sont plus limités et organisent des actions de sabotages ponctuelles. 4. À l est, les partisans sont en lien avec Moscou qui coordonne leur action et leur entraînement. À l ouest, les réseaux reçoivent des armes parachutées par les Britanniques et le soutien des SOE. Les contacts entre résistance extérieure et intérieure se font par la radio et par les filières d évasion. 5. Suivant les pays, la Résistance a joué un rôle plus ou moins déterminant dans la libération. En Yougoslavie, les partisans de Tito libèrent seuls le territoire. En Pologne, l insurrection de Varsovie est écrasée par les Allemands avant l entrée des chars soviétiques. En France, les soulèvements se font en parallèle aux débarquements. Composition : L Europe hitlérienne en 1942 I. L ordre nouveau nazi La guerre et l occupation de l Europe sont pour Hitler l occasion de réorganiser l Europe suivant une conception raciale. 1. la théorie nazie détermine le statut des pays occupés dans le nouvel ordre européen. - Les Allemands, races des seigneurs sont réunis dans le Grand Reich voué à dominer l Europe. - Les Méditerranéens sont considérés comme une «race» cousine, des «peuples femelles» voués à l agriculture (c est le sort réservé en principe à la France). - Soumission et mépris pour les «sous-hommes» : Slaves, Russes, Polonais. - Élimination des Juifs, Tziganes et homosexuels. 2. En 1942, Hitler s attache surtout à : - L abaissement des Slaves : l espace vital doit se réaliser à leurs dépens ; la polonisation vise à y éliminer les élites (massacre des cadres communistes, brutalité envers les 2 millions de prisonniers russes ), déplacer les populations pour la colonisation, exploitation brutale de la main-d œuvre, enrôlement pour les basses œuvres de la déportation des Juifs. - La solution finale pour les Juifs (conférence de Wansee). II. L Europe sous la botte allemande doit concourir à l effort de guerre Dans la pratique, les contraintes stratégiques et la priorité donnée à l effort de guerre l emportent. 1. Le statut des pays dépend également des objectifs militaires allemands : - Les pays du littoral de la mer du Nord ou de l Atlantique sont occupés militairement pour les défendre contre les Alliés. - Des pays vassalisés comme la France : la collaboration d État permet à Hitler de dégager des troupes d occupation pour la poursuite de la guerre. - Des alliés dociles : Hongrie, Bulgarie et Italie. 2. Le pillage économique de l Europe - En 1942, rationalisation de la production, répartition de la contribution en matières premières (charbon et produits agricoles français par exemple). - Collaboration des industriels ou réquisition des usines à l est. - Un lourd tribut financier. 3. La mobilisation massive de la main-d oeuvre Devant le manque de main-d oeuvre en Allemagne (les hommes sont au front), et le coût des chômeurs volontaires (Français ou Belges), les Allemands ont deux attitudes : réquisition brutale à l est et utilisation des prisonniers, ou mise en place du STO (septembre 1942). III. La réaction des Européens En fait, en 1942, la majorité des Européens, à l image des Français, sont attentistes. La collaboration est minoritaire, mais la Résistance aussi. Au cours de l année, la situation évolue cependant vers une radicalisation. 1. Les collaborateurs : - Par idéologie, les collaborationnistes. - Par intérêt : les industriels. - La collaboration d État. 2. La masse des attentistes : - Après deux années de guerre et du fait du rationnement, se nourrir et se vêtir sont des priorités quotidiennes. - L oppression nazie (Gestapo) sème la terreur - L opinion publique s éloigne des gouvernements qui collaborent à la déportation. 3. Les résistances - En Europe de l Ouest elle s organise (en réseaux) et s unifie avec, par exemple, l envoi de Jean Moulin en France (janvier 1942). Surtout, les effectifs s accroissent à la fin de l année avec les jeunes qui veulent échapper au STO. - En Europe centrale ou orientale, où l occupation est encore plus brutale, elle va jusqu à l organisation militaire (200 000 partisans en Ukraine et en Biélorussie, Partisans de Tito en Yougoslavie ). - Des divergences politiques apparaissent. 30