4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/1 Cour de cassation de Belgique Arrêt N F.14.0128.F CABINET MÉDICAL DU DOCTEUR Y. D., société civile ayant adopté la forme de la société privée à responsabilité limitée, demanderesse en cassation, représentée par Maître Simone Nudelholc, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Bruxelles, boulevard de l Empereur, 3, où il est fait élection de domicile, contre ÉTAT BELGE, représenté par le ministre des Finances, dont le cabinet est établi à Bruxelles, rue de la Loi, 12, défendeur en cassation,
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/2 représenté par Maître François T Kint, avocat à la Cour de cassation, dont le cabinet est établi à Charleroi, rue de l Athénée, 9, où il est fait élection de domicile. I. La procédure devant la Cour Le pourvoi en cassation est dirigé contre l arrêt rendu le 9 septembre 2013 par la cour d appel de Liège. Le 31 juillet 2015, le premier avocat général André Henkes a déposé des conclusions au greffe. Le conseiller Marie-Claire Ernotte a fait rapport et le premier avocat général André Henkes a été entendu en ses conclusions. II. Le moyen de cassation La demanderesse présente un moyen libellé dans les termes suivants : Dispositions légales violées - articles 10 et 11 de la Constitution ; - articles 2, 1315, 1349 et 1353 du Code civil ; - articles 6 et 870 du Code judiciaire ; - article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu il était en vigueur après sa modification par la loi du 15 mars 1999 et avant sa modification par la loi-programme du 20 juillet 2006, tel qu il était en vigueur après sa modification par la loi-programme du 20 juillet 2006 et avant sa modification par la loi du 19 mai 2010, tel qu il était en vigueur après sa
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/3 modification par la loi du 19 mai 2010 et avant sa modification par la loi du 17 juin 2013 et tel qu il est en vigueur depuis sa modification par la loi du 17 juin 2013 ; - principe général du droit de la séparation des pouvoirs, (tel qu il s induit notamment des articles 33, spécialement alinéa 2, 36, 40, 109, 144 et 145 de la Constitution et 6 du Code judiciaire) ; - principe général du droit de la non-rétroactivité des lois, consacré par l article 2 du Code civil. Décisions et motifs critiqués Par confirmation du jugement du premier juge du 3 juin 2010, l arrêt attaqué déclare non recevables la réclamation et le recours judiciaire introduits par la demanderesse contre un enrôlement à l impôt des sociétés relatif à l exercice 2000 établi à sa charge sous l article 814002401 du rôle formé pour la commune de... L arrêt attaqué fonde cette décision notamment sur les motifs suivants : «En l espèce, la réclamation de la (demanderesse) a été introduite le 26 juin 2003 (...) alors que la cotisation litigieuse porte la date d envoi du 20 novembre 2001(...). La (demanderesse) soutient n avoir pris connaissance de l avertissement-extrait de rôle litigieux que lors d une rencontre au bureau de recette de Namur 4 en date du 22 mai 2003. L avertissement-extrait de rôle porte la date d envoi du 20 novembre 2001 et a été régulièrement adressé au siège de la (demanderesse) à (...). Cet avertissement-extrait de rôle n a du reste pas fait retour et il peut être présumé, sauf preuve contraire, qu il a bien été envoyé à la date mentionnée.
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/4 On peut lire à cet égard que le délai prévu à l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 dans lequel la réclamation doit être présentée, sous peine de déchéance, prend cours à partir du jour suivant l envoi effectif de l avertissement-extrait de rôle, lorsque cet envoi est régulier ; que, sauf preuve contraire, cette date est la date figurant sur l avertissement-extrait de rôle comme étant celle de l envoi ; que la simple allégation du redevable suivant laquelle l avertissement-extrait de rôle n a pas été envoyé ne peut avoir pour effet que l administration qui soutient avoir effectué l envoi de ce document à l adresse exacte du redevable et dans les formes requises soit tenue d apporter en outre la preuve de ce que l envoi a effectivement eu lieu (Cass., 15 juin 2001, F.J.F., 2002, n 2002-26). La (demanderesse) ne produit aucun élément permettant de rapporter la preuve contraire. Le délai pour introduire une réclamation court à partir de la date à laquelle la lettre, portant l avertissement-extrait de rôle ou l avis de cotisation à la connaissance du destinataire par courrier ordinaire, est présumée avoir été présentée à ce destinataire et non à partir de la date à laquelle la lettre a été confiée aux services de la poste (cf. Cass., 12 novembre 2009, F.08.0049.N) et cette présentation d un pli simple peut être présumée avoir été réalisée le jour où le destinataire a pu, en toute vraisemblance, en avoir connaissance, soit le troisième jour ouvrable qui suit celui où l avis d imposition ou l avertissement-extrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire (cf. Cour constitutionnelle, arrêt n 162/2007 du 19 décembre 2007), de sorte que le délai de trois mois prévu à l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 dans une application conforme à l arrêt de la Cour constitutionnelle commence à courir depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où l avis d imposition ou l avertissement-extrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire. Cette preuve contraire n est nullement rapportée par la (demanderesse) et le report du point de départ du délai de réclamation est sans incidence en l espèce dès lors que la réclamation a été introduite plus de 19 mois après l envoi de l avertissement-extrait de rôle (...). Il s ensuit que la réclamation de
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/5 la (demanderesse) est tardive et l irrecevabilité de la réclamation entraîne l irrecevabilité de l action de la (demanderesse)». Griefs Première branche 1. Dans sa version applicable à l époque des faits litigieux, l article 371 CIR était rédigé dans les termes suivants : «Les réclamations doivent être motivées et introduites, sous peine de déchéance, dans un délai de trois mois à partir de la date d envoi de l avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation ou de l avis de cotisation ou de celle de la perception des impôts perçus autrement que par rôle». Par son arrêt 162/2007 du 19 décembre 2007, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que «l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu il dispose que le délai de recours court à partir de la date d envoi figurant sur l avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation». C est seulement par la loi du 19 mai 2010 (publiée au Moniteur du 28 mai 2010 et ne contenant aucune disposition relative à son entrée en vigueur) que le législateur a remédié à l inconstitutionnalité entachant l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, en modifiant le point de départ du délai de réclamation (qui avait été porté à six mois par la loi-programme du 20 juillet 2006). Tel que modifié par la loi précitée du 19 mai 2010, l article 371 dispose : «Les réclamations doivent être motivées et introduites, sous peine de déchéance, dans un délai de six mois à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d envoi de l avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation, telle qu elle figure sur l avertissement-extrait de rôle, ou qui suit
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/6 la date de l avis de cotisation ou de la perception des impôts perçus autrement que par rôle». 2. Lorsque la Cour constitutionnelle a annulé une disposition légale ou lorsque, statuant sur question préjudicielle, elle a jugé une disposition légale contraire à la loi fondamentale, la nature et le contenu de la norme contrôlée déterminent le pouvoir du juge. Si le juge peut et doit, dans certains cas, mettre fin à l inconstitutionnalité en suppléant au vice de la norme contrôlée, de manière à la rendre conforme à la Constitution, une telle réparation judiciaire n est possible que si, ce faisant, le juge ne se substitue pas au législateur. Lorsque l inconstitutionnalité résulte d une lacune initiale de la loi, ou lorsqu une lacune apparaît à la suite de la décision de la Cour constitutionnelle, en raison de l impossibilité de donner effet à la norme annulée ou jugée contraire à la Constitution, le juge ne peut remédier à la situation si la lacune est telle qu elle exige l instauration d une règle nouvelle qui devrait faire l objet d une réévaluation par le législateur ou qui requerrait une modification d une ou de plusieurs dispositions légales. Outre les hypothèses visées à l alinéa précédent, le juge est encore impuissant à combler la lacune de la loi lorsqu une règle constitutionnelle particulière consacre un principe de légalité renforcé, tel l article 14 (légalité des incriminations, des peines et des poursuites) et l article 170 (légalité de l impôt). Enfin, le juge ne peut, sous le prétexte de remédier à une lacune législative, créer un délai de déchéance ou de forclusion d un droit ou d un recours judiciaire ou administratif si ce délai n est pas prévu par la loi. Le juge ne peut davantage fixer le point de départ d un tel délai si ce point de départ n est pas prévu par la loi. Les limites ainsi posées au pouvoir du juge de remédier aux lacunes et aux vices de la loi sont une conséquence du principe de la séparation des pouvoirs. Le principe général du droit de la séparation des pouvoirs s induit de plusieurs articles de la Constitution, en particulier des articles 33, spécialement alinéa 2 («Les pouvoirs (...) sont exercés de la manière établie par la Constitution»), 36 et 40 (qui distinguent nettement les pouvoirs législatif fédéral et judiciaire), 109 (qui reconnaît au Roi seul le pouvoir de promulguer les lois), 144 et 145 (qui définissent les attributions du pouvoir
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/7 judiciaire). Il est consacré en outre par l article 6 du Code judicaire, qui interdit aux juges de prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. En ce qui concerne les réclamations antérieures à l entrée en vigueur de la loi du 19 mai 2010, l inconstitutionnalité de l ancien article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 a créé une lacune à laquelle il ne peut être remédié par le pouvoir judiciaire. Le juge ne peut appliquer la règle inconstitutionnelle selon laquelle le délai court à partir de la date d envoi de l avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation ou de l avis de cotisation. Appliquer ce délai reviendrait à donner effet à une disposition légale jugée contraire aux articles 10 et 11 de la Constitution. Néanmoins, il n appartient pas au juge de substituer de sa propre initiative une autre date de prise de cours à la date qui était prévue par la règle légale qu il lui est interdit d appliquer. En vertu du principe de la séparation des pouvoirs et des règles rappelées ci-avant il n est pas permis au juge de créer un délai de déchéance ou de forclusion d un droit ou d un recours judiciaire ou administratif lorsque ce délai n est pas prévu par la loi. Cette impossibilité de création d un délai de déchéance ou de forclusion par le pouvoir judiciaire vaut a fortiori en matière d impôts sur le revenu, où domine le principe constitutionnel fondamental de la légalité de l impôt, résultant de l article 171 de la Constitution. Le juge ne peut davantage, en application des mêmes principes, fixer la date de prise de cours d un délai de déchéance ou de forclusion lorsque celle-ci n est pas prévue par une règle légale conforme à la Constitution. En l espèce, il ressort des constatations des juges du fond 1) que la réclamation litigieuse concernait l exercice d imposition 2000, 2) que l avertissement-extrait de rôle portait la date du 20 novembre 2001 et 3) que la réclamation a été introduite le 26 juin 2003. Le délai de déchéance prévu par l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, dans son texte en vigueur tant à la date portée sur l avertissement-extrait de rôle (le 20 novembre 2001) qu à la date d introduction de la réclamation (le 26 juin 2003) n a pu prendre cours faute d une date de prise de cours fixée par une
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/8 disposition légale conforme à la Constitution. À tout le moins, ce délai n a pu prendre cours avant l entrée en vigueur, le 7 juin 2010, du nouvel article 371 modifié par la loi du 19 mai 2010. En déclarant tardifs, pour les motifs cités au présent moyen, la réclamation et le recours de la demanderesse, tout en constatant que la réclamation avait été introduite le 26 juin 2003 (soit avant l entrée en vigueur, le 7 juin 2010, de la loi du 19 mai 2010), l arrêt attaqué a violé le principe de la séparation des pouvoirs et le principe, découlant du premier, selon lequel le pouvoir judiciaire ne peut suppléer à la lacune créée par la contrariété aux principes constitutionnels d égalité et de non-discrimination d une règle légale prévoyant la prise de cours d un délai de déchéance ou de forclusion en matière d impôts, tel le délai prévu par l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 (violation des articles 10 et 11 de la Constitution, du principe général du droit de la séparation des pouvoirs et de l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu il était en vigueur dans les diverses versions visées en tête du moyen et, pour autant que de besoin, violation de toutes les autres dispositions constitutionnelles et légales visées en tête du moyen, à l exception des articles 2, 1315, 1349 et 1353 du Code civil et 870 du Code judiciaire et du principe général du droit de la non-rétroactivité de la loi). À tout le moins, l arrêt attaqué a illégalement appliqué le délai de déchéance prévu par l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, en faisant courir ce délai à partir d une date qui n est pas celle prévue par l article précité, tel qu il doit se lire à la suite de l arrêt 162/2007 de la Cour constitutionnelle du 19 décembre 2007 (violation des articles 10 et 11 de la Constitution, du principe général du droit de la séparation des pouvoirs et de l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu il était en vigueur dans les diverses versions visées en tête du moyen et, pour autant que de besoin, violation de toutes les autres dispositions constitutionnelles et légales visées en tête du moyen, à l exception des articles 2, 1315, 1349 et 1353 du Code civil et 870 du Code judiciaire et du principe général du droit de la nonrétroactivité de la loi ).
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/9 Deuxième branche (à titre subsidiaire) Selon l article 6 du Code judiciaire, les juges ne peuvent prononcer par voie de disposition générale et réglementaire sur les causes qui leur sont soumises. Selon l article 1349 du Code civil, les présomptions sont des conséquences que la loi ou le magistrat tire d un fait connu à un fait inconnu. Si les présomptions qui ne sont point établies par la loi sont abandonnées aux lumières et à la prudence du magistrat (art. 1353 du Code civil), celui-ci ne peut se fonder que sur les circonstances concrètes de l espèce et ne peut prévoir qu en toute circonstance, l écoulement d un certain délai depuis l envoi d un acte déterminé fait présumer la prise de connaissance de cet acte par son destinataire. En fondant sa décision sur semblable motif, le juge ne se fonde pas sur une présomption de l homme conforme à l article 1353 précité du Code civil mais édicte une règle de portée générale, en violation de l article 6 du Code judiciaire. Il ressort des articles 870 du Code judiciaire et 1315 du Code civil, relatifs à la charge de la preuve, que celui qui invoque une prétention doit apporter la preuve des éléments qui justifient celle-ci. En vertu de ce principe, c est à celui qui invoque la tardiveté d un recours qu il incombe d établir la date de l évènement qui a fait courir le délai de déchéance ou de forclusion de ce recours. En particulier, lorsque l administration fiscale invoque la déchéance du droit de réclamation pour expiration du délai prévu par l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 (tel qu applicable à la date du 20 novembre 2001 portée sur l avertissement-extrait de rôle et à la date du 26 juin 2003, jour de la réclamation litigieuse), il lui appartient d établir la date à laquelle le contribuable a effectivement pris connaissance de l avertissement-extrait de rôle ou, à tout le moins, la date à laquelle cet
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/10 avertissement-extrait de rôle a été remis au domicile du contribuable. L administration peut faire cette preuve en se fondant sur des présomptions de l homme au sens de l article 1353 du Code civil mais ne peut en revanche se fonder sur une présomption générale et abstraite non prévue par la loi. En l espèce, l arrêt attaqué constate que l avertissement-extrait de rôle n a pas fait retour et qu il peut être présumé qu il a bien été envoyé à la date présumée du 20 novembre 2001. L arrêt décide en outre, en se fondant sur une jurisprudence antérieure à l arrêt précité 162/2007 de la Cour constitutionnelle du 19 décembre 2007, que l administration ne doit pas prouver que l envoi a bien eu lieu le jour mentionné sur l avertissement-extrait de rôle. L arrêt constate que la demanderesse soutient «n avoir pris connaissance de l avertissement-extrait de rôle litigieux que lors d une rencontre au bureau de recette de Namur 4 en date du 22 mai 2003». L arrêt attaqué ne constate pas que le défendeur a démontré in concreto, par des éléments propres à l espèce, la fausseté de l allégation précitée de la demanderesse mais pose en principe «que le délai de trois mois prévu à l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 dans une application conforme à l arrêt de la Cour constitutionnelle commence à courir depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où l avis d imposition ou l avertissementextrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire» et décide que «cette preuve contraire n est nullement rapportée» par la demanderesse. En fondant sa décision sur les motifs précités, l arrêt attaqué viole la notion légale de présomption de l homme (laquelle suppose que le juge se fonde sur les éléments concrets de l espèce) (violation des articles 1349 et 1353 du Code civil) et s est immiscé dans les attributions du législateur en se fondant sur une présomption générale et abstraite non prévue par la loi (violation des articles 1349 et 1353 du Code civil, de l article 6 du Code judiciaire, du principe général du droit de la séparation des pouvoirs et, pour autant que de besoin, violation de toutes les dispositions constitutionnelles visées en tête du moyen).
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/11 L arrêt attaqué viole en outre les règles légales relatives à la charge de la preuve en dispensant le défendeur, qui invoquait la déchéance du droit de réclamation en raison de l expiration du délai prévu par l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 (tel qu applicable à la date du 20 novembre 2001 portée sur l avertissement-extrait de rôle et à la date du 26 juin 2003, jour de la réclamation litigieuse), de la charge de prouver l évènement qui faisait courir ce délai, soit la date de prise de connaissance effective ou, à tout le moins, la date de réception de l avertissement-extrait de rôle par le contribuable (violation des articles 1315 du Code civil, 870 du Code judicaire et 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, tel qu il était en vigueur après sa modification par la loi du 15 mars 1999 et avant sa modification par la loiprogramme du 20 juillet 2006 et, pour autant que de besoin, violation dudit article 371 tel qu il était en vigueur dans les autres versions visées en tête du moyen). Troisième branche La loi du 19 mai 2010 a été publiée au Moniteur du 28 mai 2010 et est entrée en vigueur le 7 juin 2010. L arrêt attaqué constate 1) que la réclamation litigieuse concernait l exercice d imposition 2000, 2) que l avertissement-extrait de rôle portait la date du 20 novembre 2001 et 3) que la réclamation a été introduite le 26 juin 2003. Dès lors, si l arrêt doit par impossible se comprendre comme ayant appliqué à l espèce l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 tel qu il est issu de la loi du 19 mai 2010, il a violé l article 2 du Code civil et le principe général du droit de la non-rétroactivité de la loi. III. La décision de la Cour Quant à la première branche :
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/12 En vertu de l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992, dans sa version applicable au litige, les réclamations contre des impôts perçus par rôle doivent être introduites, sous peine de déchéance, dans un délai de trois mois à partir de la date d envoi de l avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation ou de l avis de cotisation. Par l arrêt n 162/2007 du 19 décembre 2007, la Cour constitutionnelle a dit pour droit que l article 371 précité viole les articles 10 et 11 de la Constitution en ce qu il dispose que le délai de réclamation court à partir de la date d envoi figurant sur l avertissement-extrait de rôle mentionnant le délai de réclamation. Si le juge est tenu de remédier dans la mesure du possible à toute lacune de la loi dont la Cour constitutionnelle a constaté l inconstitutionnalité, ou à celle qui résulte de ce qu une disposition de la loi est jugée inconstitutionnelle, il ne peut suppléer à cette insuffisance que dans le cadre des dispositions légales existantes. Seule une intervention du législateur permettrait, par le choix d une date de prise de cours du délai de réclamation qui soit compatible avec les articles 10 et 11 de la Constitution, de remédier à la lacune qui résulte de l inconstitutionnalité constatée. La loi du 19 mai 2010 qui a modifié l article 371 du Code des impôts sur les revenus 1992 en prévoyant que le délai de réclamation prend cours à compter du troisième jour ouvrable qui suit la date d envoi de l avertissementextrait de rôle, telle qu elle figure sur ledit avertissement-extrait de rôle, est entrée en vigueur le 7 juin 2010. L arrêt constate que, «alors que la cotisation litigieuse porte la date d envoi du 20 novembre 2001» et est relative à l exercice d imposition 2000, «la réclamation de [la demanderesse] a été introduite le 26 juin 2003». Il considère que «le délai pour introduire une réclamation court à partir de la date à laquelle la lettre, portant l avertissement-extrait de rôle ou l avis de cotisation à la connaissance du destinataire par courrier ordinaire, est présumée avoir été présentée à ce destinataire [ ] et cette présentation d un pli simple peut être présumée avoir été réalisée le jour où le destinataire a pu, en toute
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/13 vraisemblance, en avoir connaissance, soit le troisième jour ouvrable qui suit celui où l avis d imposition ou l avertissement-extrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire [ ], de sorte que le délai de trois mois prévu à l article 371 [précité] dans une application conforme à l arrêt de la Cour constitutionnelle commence à courir depuis le troisième jour ouvrable qui suit celui où l avis d imposition ou l avertissement-extrait de rôle a été remis aux services de la poste, sauf preuve contraire du destinataire», laquelle n est en l espèce pas rapportée. L arrêt, qui, sur la base de ces considérations, décide que «la réclamation de [la demanderesse] est tardive», viole l article 371 précité. Dans cette mesure, le moyen, en cette branche, est fondé. Par ces motifs, La Cour cassé ; Casse l arrêt attaqué ; Ordonne que mention du présent arrêt sera faite en marge de l arrêt fond ; Réserve les dépens pour qu il soit statué sur ceux-ci par le juge du Renvoie la cause devant la cour d appel de Bruxelles. Ainsi jugé par la Cour de cassation, première chambre, à Bruxelles, où siégeaient le président de section Albert Fettweis, les conseillers Didier Batselé, Martine Regout, Marie-Claire Ernotte et Sabine Geubel, et prononcé en audience publique du quatre septembre deux mille quinze par le président de section Albert Fettweis, en présence du premier avocat général André Henkes, avec l assistance du greffier Patricia De Wadripont.
4 SEPTEMBRE 2015 F.14.0128.F/14 P. De Wadripont S. Geubel M.-Cl. Ernotte M. Regout D. Batselé A. Fettweis