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Délibération n 2011-2 du 3 janvier 2011 Emploi public Mutation Origine 1000 points - Recommandations Le réclamant, professeur de lycée professionnel, a saisi la haute autorité du rejet de sa demande de mutation au sein de l académie de la Réunion. Ce rejet est fondé sur une note de service prévoyant une majoration de points pour les mutations au profit des «originaires» ou des «natifs», ou dont le conjoint ou les ascendants directs (père ou mère) sont «originaires» ou «natifs» du DOM demandé. Le réclamant estime que le rejet de sa demande de mutation et les conditions d attribution des 1000 points sont discriminatoires car le seul fait de ne pas être né à la Réunion lui ôterait la qualité «d originaire» ou de «natif» de ce département, alors que le département de la Réunion correspond au centre de ses intérêts matériels et moraux. L enquête menée par la Halde permet de retenir que ces dispositions sont impératives et que c est en méconnaissance de l article 1er de la Constitution de 1958, du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, et de l article 6 de loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, que de telles dispositions ont été édictées par le Ministre de l éducation nationale, et que la demande de mutation du réclamant a été rejetée.ce dernier a donc été victime d une discrimination prohibée à raison de son origine. Ainsi, le Collège recommande de réexaminer son dossier en vue de son affectation à la Réunion. Il recommande également au Ministre de l éducation nationale de modifier les dispositions relatives à l affectation en DOM, renouvelées chaque année, contenues dans sa note de service relative au mouvement national à gestion déconcentrée des personnels enseignant du second degré et des personnels d éducation et d orientation, ainsi que dans tout autre texte relatif au mouvement des personnels de l éducation, afin de remplacer l expression «d agents natifs» par celle d agents dont le «centre des intérêts matériels et moraux» se situe dans le DOM sollicité. Enfin, il décide de transmettre cette délibération pour information, notamment, au Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l Etat. Le Collège : Vu la Constitution du 4 octobre 1958 et son préambule ; Vu loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, notamment son article 6 ; Vu la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'etat, notamment son article 60 ; Vu la loi n 2004-1486 du 30 décembre 2004 portant création de la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité, notamment son article 11 ; Vu la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, notamment ses article 2 et 4 ; Vu le décret n 2005-215 du 4 mars 2005 relatif à la haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité, notamment son article 9. 1

Sur proposition du Président : La haute autorité de lutte contre les discriminations et pour l égalité a été saisie le 11 avril 2008, par M. A, professeur de lycée professionnel en mathématiques-sciences physiques, titulaire depuis le 1 er septembre 2008, d une réclamation portant, en dernier lieu, sur le rejet de sa demande de mutation au titre de la rentrée scolaire 2010, au sein de l académie de la Réunion, opposé par le Ministre de l éducation nationale, dans le cadre du mouvement interacadémique. Ainsi, l extrait individuel de l arrêté collectif ministériel n 873 du 30 mars 2010, prévoit qu à compter du 1 er septembre 2010 il est affecté à Versailles. M. A avait initialement saisi la haute autorité du refus d affectation et de mutation au sein de l académie de la Réunion, aux titres des rentrées scolaires 2008 et 2009. Il a toutefois obtenu deux affectations provisoires à la Réunion, pour les rentrées 2008 et 2009. Il n a cependant, pas obtenu d affectation provisoire à la Réunion au titre de la rentrée 2010. C est pourquoi il a sollicité sa mise en disponibilité (congé sans solde), ce qui lui a été accordé par arrêté du 17 juin 2010 du recteur de l académie de Versailles. Le refus contesté est lié à l absence d attribution des 1000 points initialement accordés aux seuls «originaires» et, en dernier état, aux seuls «natifs» ou aux personnes dont le conjoint ou les ascendants directs (père ou mère) sont «originaires» ou «natifs» du département d outre-mer (DOM) demandé (Guadeloupe, Guyane, Martinique et Réunion). Le réclamant estime que le rejet de sa demande de mutation et les conditions d attribution des 1000 points sont discriminatoires car le seul fait de ne pas être né à la Réunion lui ôterait la qualité «d originaire» ou de «natif» de ce département, alors que le département de la Réunion correspond au centre de ses intérêts matériels et moraux. En effet, M. A est né à Madagascar, mais il est arrivé à la Réunion à l âge de 2 ans, en 1981, avec ses parents. Il y vit depuis 1981 sans interruption. Il y a effectué tout son parcours scolaire, depuis la maternelle jusqu à l université. Toute sa famille habite la Réunion depuis trois décennies et notamment ses parents âgés de 70 ans et 85 ans. De même, il a été agent contractuel à l université de la Réunion entre 2004 et 2007, puis professeur stagiaire dans un lycée professionnel en tant que professeur stagiaire, d août 2007 à août 2008. Par courriers des 23 septembre et 23 octobre 2008 et du 17 septembre 2010, une enquête a été menée par la haute autorité auprès du recteur de l académie de la Réunion et du Ministre de l éducation nationale. Le Ministre de l éducation nationale y a répondu par courrier reçu le 8 décembre 2008. Afin de justifier les dispositions de la note et de la décision critiquées, il avance les arguments suivants : - les dispositions de la note de service attaquée favorisent l affectation à la Réunion d agents qui y ont des attaches particulièrement fortes et le barème prévu ne lie pas l administration ; - l article 60 de la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 modifiée portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l Etat qui définit les priorités en matière de mutation n est pas applicable à une première affectation lors de la titularisation, ce qui était le cas de l intéressé en 2008. 2

Le barème appliqué était prévu, en ce qui concerne la rentrée 2010, par l annexe I, III. 2 de la note de service n 2009-158 du 28 octobre 2009 relative au mouvement national à gestion déconcentrée des personnels enseignants du second degré et des personnels d éducation et d orientation, du Ministre de l éducation nationale, renouvelée chaque année. Le Conseil d Etat a considéré qu une note de service énonçant «notamment des critères précis à prendre en compte pour le classement des demandes de mutation, assortis d un barème de points à appliquer, ainsi que des règles permettant de départager des candidats en cas d égalité de barème ;; [prévoyant] en outre, que certains agents peuvent bénéficier de bonifications de points de barème ;; ( ) présente ainsi un caractère impératif ;; qu elle est donc, contrairement à ce que soutient le ministre de l éducation nationale, un acte susceptible d être contesté devant le juge de l excès de pouvoir» (CE, 25 janvier 2006, Syndicat des agrégés de l enseignement supérieur et autres, n 275857, 275858, 276149). C est ainsi, que dans un courrier du 15 avril 2010 adressé par le Ministre de l éducation nationale à l intéressé, il est précisé, que «pour l année 2010, l affectation des enseignants est déterminée conformément aux dispositions de la note de service n 2009-158 du 28 octobre 2009 ( ), en tenant compte d une part, des priorités légales définies par l article 60 de la loi n 84-16 du 11 janvier 1984 et des capacités d accueil déterminées dans chaque discipline, pour chaque académie, d autre part. ( ) Je vous invite à renouveler votre demande lors du mouvement 2011 après avoir ( ) pris connaissance de la note de service relative aux mutations des personnels du second degré, qui sera publiée à l automne 2010 et en fixera les règles et les procédures.». Concernant ensuite, les dispositions de l article 60 de la loi du 11 janvier 1984, elles définissent, de manière limitative, les priorités en matière de mutation. S il est vrai, que comme le rappelle l administration, de telles dispositions ne sont pas applicables à une première affectation lors de la titularisation, ce qui était le cas de l intéressé en 2008, elles s appliquent à la situation de M. A quant à ses demandes de mutation interacadémiques au titre des rentrées 2009 et 2010. Or, contrairement aux prévisions de l article 60 de la loi du 11 janvier 1984, le lieu de naissance et l origine de M. A ont été pris en compte dans le cadre, notamment, de sa dernière demande de mutation, alors que tout fonctionnaire a droit à ce qu une telle demande ne soit pas écartée pour un motif discriminatoire fondé sur l origine. Ainsi, l article 1er de la Constitution de 1958 dispose que «La France ( ) assure l'égalité devant la loi de tous les citoyens sans distinction d'origine, de race ( )», et le 5 ème alinéa du Préambule de la Constitution du 27 octobre 1946, auquel renvoie le Préambule de la Constitution prévoit, que «nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi, en raison de ses origines ( )». L article 6 de loi n 83-634 du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires prévoit notamment, qu «( ) aucune distinction, directe ou indirecte, ne peut être faite entre les fonctionnaires en raison de leur ( ) origine ( )». En outre, la loi n 2008-496 du 27 mai 2008 portant diverses dispositions d'adaptation au droit communautaire dans le domaine de la lutte contre les discriminations, dispose en son article 2, que : «2 Toute discrimination directe ou indirecte fondée sur ( ) l'appartenance ou la non-appartenance, vraie ou 3

supposée, à une ethnie ou une race ( ) est interdite en matière (...) d'emploi ( ) de travail ( ), ainsi que de conditions de travail.». Le Conseil d Etat s est déjà prononcé sur la discrimination résultant des bonifications accordées en fonction de l origine géographique dans le cadre des mutations. Il a, par exemple, estimé que les dispositions d une circulaire du ministre des PTT donnant priorité, pour occuper les emplois devenus vacants dans chaque département d outre-mer, aux agents exerçant hors du département s ils en étaient originaires ou si leur conjoint en était originaire, instituaient des discriminations illégales non justifiées dans l intérêt du service, par des circonstances exceptionnelles ou par une différence dans les conditions d exercice de leurs fonctions par les agents concernés (CE, 21 octobre 1988, Secrétaire d Etat auprès du ministre des P. et T. c/ Mme CAPRO-PLACIDE, n 75623). De même, lacour administrative d appel de Paris (CAA) a considéré :«( ) s agissant des emplois vacants situés dans les départements d outre-mer ( ), que l administration a introduit dans l examen des demandes de mutation ( ) une discrimination fondée sur l origine géographique des agents en accordant une priorité à ceux d entre eux qui étaient originaires du département de l emploi à pourvoir ;; qu ainsi, l administration a adopté un principe contraire à l égalité de traitement à laquelle ont droit les fonctionnaires d un même corps, sans que ce principe puisse être justifié par des circonstances exceptionnelles ou des différences dans les conditions d exercice des fonctions» (CAA de Paris, 19 novembre 1998, Garde des Sceaux, Ministre de la justice, n 97PA03634, 98PA01842). Il ressort ainsi de la jurisprudence administrative que le principe de non-discrimination peut être tenu en échec que si des circonstances exceptionnelles l exigent dans l intérêt du service ou s il existe une différence dans les conditions d exercice de leurs fonctions par les agents concernés. Ces exceptions étant appréciées strictement. Or, en l espèce, de telles exceptions jurisprudentielles ne permettent pas de justifier la distinction mise en place, selon que l agent est originaire ou natif d un DOM. S il est vrai qu il incombe aux autorités administratives compétentes de mettre en place un système de gestion permettant de départager des candidats à une mutation dans un DOM notamment, de telles autorités ne peuvent fonder ce système que sur des éléments objectifs, tenant, par exemple, au centre des intérêts matériels et moraux des agents. Dans sa décision n 2004-490 DC du 12 février 2004, intervenue dans le cadre de l examen du projet de loi organique portant statut d autonomie de la Polynésie française, qui est un territoire d outre-mer (TOM), et qui relève, à ce titre, de l article 74 de la Constitution, le Conseil Constitutionnel a déclaré les dispositions d un article du projet de loi relatif au transfert de biens fonciers qui instituait un traitement plus favorable du seul fait de la naissance de l acquéreur ou de celle de l un de ses parents en Polynésie française, comme contraire à la Constitution. Ainsi, toute conception de la notion de «population» faisant intervenir des caractéristiques ethniques serait contraire aux articles 1 er et 3 de la Constitution et l article 6 de la Déclaration de 1789, sans trouver à se fonder dans la notion de population mentionnée à l article 74 de la Constitution. L expression de «population d une collectivité d outre-mer» combinée avec 4

l article 1 er de la Constitution et l article 6 de la Déclaration de 1789, ne peut être comprise comme se référant à l origine (naissance ou naissance d un parent), mais à la résidence. En l espèce, la modification sémantique intervenue, passant de l utilisation du terme «originaire» à celui de «natif», ne fait que renforcer le caractère discriminatoire des dispositions contestées. Le terme de natif se rapprochant davantage du lieu de naissance. Or, dans des délibérations du 1 er septembre 2008 (notamment n 2008-136-146 et 147) relatives à des refus d affectation définitive, principalement à la Réunion, de fonctionnaires de la police nationale actifs dans le département, discriminatoires en raison de leur origine, le Collège de la haute autorité avait recommandé la suppression du terme «originaire» de l arrêté du 20 octobre 1995 contesté, afin de lui substituer la notion de «centre des intérêts matériels et moraux». De même, il convient de relever que les notes de services précitées prévoient s agissant des v ux pour Mayotte, que :«Les enseignants pouvant justifier de leur centre des intérêts matériels et moraux (CIMM) et exprimant en v u de rang 1 Mayotte se verront attribuer, sur ce v u, une bonification de 600 points.». En outre, même si les statistiques demandées faisant ressortir le lieu de naissance des agents affectés à la Réunion n ont pas été communiquées à la haute autorité, la réponse du Ministre de l éducation nationale et la situation de M. A laissent apparaître que, derrière les termes «originaires» ou «natifs», c est le lieu de naissance des agents qui est principalement retenu, alors qu un tel critère ne peut être légalement appliqué. Par conséquent, le centre des intérêts matériels et moraux de M. A est à la Réunion, mais pour autant, il n a pas pu bénéficier des 1000 points. Sur ce point, il est important de souligner qu une circulaire du Ministre du travail, de la solidarité et de la fonction publique du 23 juillet 2010, relative à la mise en uvre des mesures transversales retenues par le Conseil interministériel de l outre-mer pour favoriser l émergence d une fonction publique plus représentative du bassin de vie qu elle administre, prévoit notamment que devra être favorisé le maintien sur place des fonctionnaires «dont le centre des intérêts moraux et matériels est localisé dans un département d outre-mer». La notion, plus objective, de «centre des intérêts matériels et moraux» est composée de manière non cumulative, d un ensemble d éléments, qui témoignent notamment de l évolution de la vie d un agent, sans prépondérance des éléments à caractère immuable, tel que le lieu de naissance (par exemple : circulaire B7 n 2129 du 3 janvier 2007 relative aux conditions d attribution des congés bonifiés aux agents des trois fonctions publique). En effet, des éléments objectifs, tels que sa résidence habituelle, l existence de biens fonciers situés sur le lieu de sa résidence habituelle dont l agent est propriétaire ou locataire, ou le domicile de ses père et mère ou à défaut de ses parents les plus proches, doivent prévaloir dans l appréciation de cette notion. Il résulte de tout ce qui précède, que les justifications apportées à la haute autorité dans le cadre de l enquête sont insuffisantes pour écarter la présomption de discrimination résultant de la note de service ministérielle instituant une bonification de 1000 points au profit des «natifs» des DOM, et du rejet de la dernière demande de mutation et d affectation de M. A. 5

M. A apparaît donc avoir été victime d une discrimination prohibée à raison de son origine, en lien avec son lieu de naissance. Le Collège : Recommande au Ministre de l éducation nationale, de la jeunesse et de la vie associative de réexaminer le dossier de M. A en vue de son affectation à la Réunion. Recommande également au Ministre de l éducation nationale de modifier les dispositions relatives à l affectation en DOM, renouvelées chaque année, contenues dans sa note de service relative au mouvement national à gestion déconcentrée des personnels enseignants du second degré et des personnels d éducation et d orientation, ainsi que dans tout autre texte relatif au mouvement des personnels de l éducation nationale, afin de remplacer l expression «d agents natifs» par celle d agents dont le «centre des intérêts matériels et moraux» se situe dans le DOM sollicité, telle que précédemment définie. Devra être informé des mesures prises conformément à ses recommandations, dans un délai de quatre mois, à compter de la notification de la présente délibération. Enfin, il décide de transmettre sa délibération pour information, au Premier Ministre, au Ministre du budget, des comptes publics, de la fonction publique et de la réforme de l Etat, au Ministre de l intérieur, de l outre-mer, des collectivités territoriales et de l immigration, ainsi qu au Délégué général à l outre-mer. Le Président Eric MOLINIÉ 6